Chapitre 19
Mes mains appuient doucement sur les touches de mon piano. Elles virevoltent. Et je suis concentrée sur les sons qui sortent de mon instrument. Cependant, j'entends quand même Quinn rentrer. Elle referme la porte d'entrée brusquement et mes mains s'immobilisent au-dessus du clavier. La tête blonde de ma petite amie apparaît et elle ne semble pas réellement de bonne humeur.
— Thala et votre mère ? demandé-je avec douceur en me levant.
Elle acquiesce en soupirant.
— J'en ai marre, m'avoue-t-elle, irritée.
Je me rapproche d'elle, déposant un léger baiser sur ses lèvres roses.
— Je sais.
Je connais parfaitement la situation. Cela fait exactement deux semaines que les vacances sont finies et que nous retournons au lycée. Les cours se passent relativement bien et nous avons retrouvé une routine. Mais ce semblant de normalité s'arrête là. Car les Ravens continuent activement à traquer Antoine, Neave et Jenna. Et ils sont souvent fatigués quand ils arrivent au lycée, ayant passés la nuit dehors. Pourtant, malgré leur épuisement, il faut retrouver les trois fugitifs. Je suis inquiète que Quinn et sa famille les cherchent car nous savons maintenant de quoi ils sont capables, mais je le suis plus encore de savoir les trois Forget dans la nature. En fait, je suis terrifiée. De plus, je n'aime pas rester en arrière. Je passe parfois mes soirées avec Lumia. On ne peut pas réellement dire que c'est le grand amour entre elle et moi, mais nous nous tolérons. Nous sommes capables de parler tranquillement.
Ce qui n'est certainement pas le cas de Thala et sa mère. Depuis l'enlèvement de la brune, elles ne peuvent pas se supporter. Elles ne se parlent pas. Elles s'ignorent et même si Lumia a essayé de faire des efforts, elle a rapidement abandonné. Thala ne veut pas lui parler. Et je ne sais pas réellement pourquoi. Après tout, même si Lumia est parfois difficile à vivre, elle semble aimer sa fille. Je reste dans le flou total puisque Quinn ne veut pas m'en parler et je ne veux pas la forcer. Cependant, cette tension entre la mère et la fille commence à peser sur toute la famille. Et ma petite-amie s'agace de plus en plus facilement. Elle vient donc se réfugier chez moi. Pas que je sois mécontente de la voir, mais j'aimerais franchement que ce soit pour autre chose.
Mes lèvres rencontrent alors de nouveau les siennes, essayant de lui faire oublier pendant quelques instants ses problèmes familiaux.
Kaleb s'assoit doucement sur le lit de Thala, sur leur lit en fait parce qu'il habite chez les Ravens depuis déjà quelques semaines. Il a vu sa mère il y a quelques jours, mais il ne se sent pas prêt à rentrer chez lui. Parce qu'il sait que son père lui en veut encore. Ils devront certainement parler prochainement.
Sa main vient lentement caresser le bras de Thala. Cette dernière relève la tête en sentant les doigts de Kaleb la chatouiller et croise son regard translucide.
— Vous ne pouvez pas continuer comme ça, lui déclare-t-il sans attendre.
Il sait que son approche parait trop brusque, mais il commence à saturer. Thala ne fait aucun effort et même si le jeune homme n'a aucune envie de se disputer avec elle, la brune doit comprendre que la famille ne peut pas continuer comme ça.
Thala va de mieux en mieux chaque joue. Sa famille est très présente pour elle. Olivia et son sourire. Nathan et son calme. Son père et sa patience. Kaleb. Le couple a d'ailleurs été à un concert il y a quelques jours et ils en ont grandement profité. C'était un moment d'égarement. Ils étaient seuls et ça leur a fait du bien de sortir. Parce que les Ravens restent tous nerveux. Ils ne savent toujours pas où sont les frères et la soeur de Kaleb. La tension ne redescend pas. Et ce concert leur a permis de décompresser un peu. Un moment où ils n'étaient que tous les deux. Un moment où ils auraient pu penser être un couple normal. Un moment où ils auraient pu oublier qu'ils n'étaient pas humains. Cela leur a aussi permis de s'éloigner de la maison. Et surtout de Lumia parce que la mère de Thala reste un problème qui n'arrive pas à se résoudre. Bien que celle-ci essaie de se rapprocher de sa fille, cette dernière n'arrive pas à lui parler et reste insensible aux efforts de sa mère. Parce que la brune est trop fière pour reconnaitre ses erreurs. Parce qu'elle est trop fière pour avouer ses torts. Parce qu'elle comprend enfin ce qu'a vécu sa mère et qu'elle s'en veut terriblement de l'avoir jugé par le passé.
Il y a quelques années, elle avait reproché à sa mère d'avoir eu cet accident. Son accident ou son enlèvement comme il faudrait le nommer en fait. Il y a quelques années, sa mère a vécu la même chose qu'elle. Thala ne connaît pas exactement la personne qui a commandité l'enlèvement de sa mère et le pourquoi. Ses parents n'ont jamais voulu leur expliquer ce qui s'était exactement passé. Elle sait simplement que sa mère a mis des semaines à s'en remettre. Elle les a laissés Nathan et elle alors que le plus jeune était sérieusement malade. Thala se remémore ces horribles semaines. Son petit frère malade dont elle devait s'occuper avec Logan, alors que son père veillait sur leur mère. Elle se souvient des yeux vides de sa mère alors qu'elle se remettait de ses blessures et qu'elle faisait le deuil d'une partie d'elle.
Thala n'avait jamais connu sa mère biologique et quand Lumia était rentrée dans leur vie, ça avait était une bénédiction pour la jeune femme. Elle avait enfin trouvé sa figure maternelle. Mais après « son accident », Lumia avait mis une certaine distance entre elles deux. À son âge, Thala lui en avait d'autant plus voulu. Aujourd'hui, elle peut concevoir l'attitude de sa mère. Et elle a du mal à le reconnaître. Pendant des années, Thala a reproché à sa mère son comportement alors que maintenant elle comprend. Mais malheureusement, la jeune femme est trop fière pour le reconnaître devant sa mère.
— Thala ?
La jeune femme sort de ses pensées et remarque la mine inquiète de Kaleb.
— À quoi pensais-tu ?
— A ma mère, lui avoue-t-elle, la gorge serrée.
Elle baisse les yeux alors que la main de Kaleb vient frôler sa joue.
— Vous devez parler.
— Non ! réplique-t-elle sèchement.
— Thala...
— Ça suffit Kaleb ! Je ne veux pas lui parler !
La jeune femme chasse la main de son petit ami et se lève du lit, agacée. Elle en a marre qu'on lui dise quoi faire. Elle en a marre qu'on la surveille constamment.
— Quand est-ce que vous allez comprendre que je ne veux pas ! grogne-t-elle en se retournant vers le jeune homme.
Ce dernier se lève lentement du lit et croise les yeux de la brune qui le foudroient. Le jeune homme est une personne assez calme et patient d'habitude, mais Thala commence à l'énerver. Il n'arrive pas à la raisonner. Il ne sait plus quoi faire pour qu'elle comprenne que sa famille commence lentement, mais sûrement à se déchirer.
— Et toi ?! Quand est-ce que tu vas comprendre que ton comportement est puéril ?
— Moi ? Je suis puérile ? demande-t-elle, choquée.
Kaleb ne veut pas se disputer avec elle et encore moins lui faire du mal, sauf qu'il ne sait plus comment réagir avec elle.
— Oui ! Ta mère essaie de faire des efforts et tu la rejettes alors qu'elle ne sait pas pourquoi. Personne ne le sait. Je peux concevoir que ta mère et toi ayez une relation tendue, mais putain Thala, ça en devient invivable ! Logan et Cassiopée préfèrent rester dans leur appartement. Ta mère travaille beaucoup trop. Cette situation fait même fuir Quinn. Et Olivia en perd parfois son sourire !
Thala écoute la réplique de Kaleb, abasourdie. Elle se sent coupable et son regard se pose sur le sol. Elle se sent un peu honteuse car elle sait que son comportement est parfois excessif. Mais ce n'est pas uniquement de sa faute. Elle a l'impression que tout le monde la blâme, Olivia ce matin, Quinn tout à l'heure et maintenant Kaleb. Et elle commence à en avoir assez. Elle veut bien reconnaître ses torts, mais il y a des limites. Pourtant, elle ne veut pas s'énerver contre Kaleb parce qu'elle sait que la dispute prendra trop d'ampleur si elle le fait. Elle voit très bien que Kaleb a atteint son seuil de patience. Alors elle préfère se taire. Elle se détourne de lui, évitant son regard glacial. Kaleb, voyant la réaction de la brune, soupire une nouvelle fois. Il a l'impression de parler dans le vide et ça l'exaspère. Il sort donc de la chambre, laissant Thala culpabiliser en silence.
L'anniversaire d'Olivia était cette semaine et nous le fêtons donc ce week-end. La jeune femme semble encore plus excitée que d'habitude. C'en est fatigant, mais on ne peut réellement lui dire quelque chose étant donné que c'est son anniversaire. Et je crois qu'elle en profite un peu. Enfin, je suppose que je peux la supporter. Et puis, la bonne humeur d'Olivia est assez contagieuse. Alors que je conduis pour aller chez les Ravens, je regarde brièvement Quinn qui est assise à côté de moi et lui demande sérieusement.
— Mais comment vous faites pour la supporter tous les jours ?
Quinn éclate de rire.
— Faut juste respecter certaines règles, m'explique-t-elle au bout de quelques secondes, un peu calmée. Un, ne jamais dire non à Olivia, parce qu'elle finit toujours par avoir ce qu'elle veut de toute façon. Deux, ne jamais lui mentir ou lui cacher quelque chose, parce qu'elle finit toujours par tout savoir. Et trois ne jamais la mettre en colère.
Mon rire se mêle au sien. Je me promets alors de respecter ses trois règles. Je ne pense pas que ça va être facile, mais de toute façon, quoique je fasse, c'est la jeune rousse qui gagnera toujours. Nous arrivons alors rapidement devant la maison familiale. Olivia nous accueille dans une jolie robe bleue. À peine, suis-je descendue que la jeune femme se précipite vers moi et me traine derrière elle. Je lance rapidement les clés de ma voiture à Quinn pour qu'elle la verrouille, croisant son sourire moqueur. Je lui lance un regard noir avant qu'Olivia ne réclame mon attention. Cette jeune femme a un débit de parole impressionnant et bien que je préfère le calme la plupart du temps, Olivia ne m'énervera jamais, du moins pas énormément. Oui, Olivia est une personne trop curieuse, trop excitée, trop bavarde et sûrement trop autoritaire. Sauf que ses yeux verts arrivent toujours à nous charmer. Son sourire arrive toujours à nous faire oublier que nous sommes parfois en colère contre elle. Olivia est une personne vivante, peut-être trop pour certains. Mais sa joie nous réchauffe et je ne sais pas si je pourrais me passer de ça un jour. Et si, par malheur, Quinn et moi venions à nous séparer un jour, Olivia restera toujours une petite sœur.
La jeune femme a été gâtée par sa famille. La plupart de ses cadeaux sont des vêtements et des livres. Mais avec Olivia, peut-on s'attendre à autre chose ? Elle semble d'ailleurs extrêmement ravie de la veste bordeaux qu'elle a reçue. J'ai d'ailleurs participé à son achat. Et je suis contente que ça lui plaise. De toute façon, il ne faut pas grand-chose à cette jeune rousse pour être heureuse. Nous passons une agréable journée et nous oublions quelque peu nos autres problèmes, même si je remarque que Paul jette souvent des regards à sa femme et à Thala, comme pour les surveiller. Mais il n'y a aucun débordement et je suis certaine qu'Olivia en est d'autant plus contente.
La semaine d'après, les recherches pour trouver Antoine, Neave et Jenna sont ralenties puisque notre semaine de bac blanc à Quinn, Thala, Kaleb et moi, commence lundi prochain. Paul préfère donc laisser ses deux filles réviser. J'aide Quinn à réviser vu que je n'ai aucune difficulté avec le programme. Après tout, je dois bien avoir des centaines d'années et ce ne sont pas les matières enseignées dans un lycée humain qui me posent des problèmes. Quinn me trouve parfois trop stricte, mais elle arrive à bien travailler. Bien sûr, nous nous accordons souvent des pauses. Je suis trop faible pour lui résister. Pourtant, dans l'ensembles cette semaine se passe bien et le temps s'écoule rapidement.
Kaleb converse tranquillement avec Nathan. Olivia est en pleine discussion avec Cassiopée et Einin, tout comme Quinn et leur père. Thala finit de mettre les assiettes sales dans le lave-vaisselle quand elle croise alors le regard bleuté de sa mère. Elle se fige alors que Lumia n'esquisse aucun geste. La jeune femme ne l'a même sentie approcher et elle se fustige mentalement pour ce manque d'attention. Elle n'a pas envie de parler à sa mère. Elle voudrait la fuir, mais sa mère ne lui laisse pas l'occasion de s'échapper. Thala est bloquée dans la cuisine avec elle.
— Qu'est-ce que tu veux ?
— Ne me parle pas sur ce ton, gronde Lumia.
La brune fusille du regard sa mère avant d'attraper les couverts et de les placer eux aussi dans le lave-vaisselle.
— Tu m'as assez fuie, reprend Lumia.
— Je ne trouve pas.
La mère de famille soupire, irritée. Elle n'a jamais su parler à Thala. Cependant, elle ne doit pas s'énerver ou Thala se braquera encore plus.
— Ça suffit Thala ! J'en ai marre d'essayer de faire des efforts.
— Alors arrête ! rage la plus jeune en attrapant les derniers couverts.
Une main attrape son poignet avant qu'elle ne les prenne. Thala relève la tête vers sa mère, agacée.
— Quel âge as-tu pour te comporter ainsi ? s'interroge Lumia, exaspérée par le comportement de sa fille.
Celle-ci ne répond pas et dégage brusquement son poignet. Lumia la lâche.
— J'ai été patiente assez patiente Thala, se résigne soudain la plus âgée. Alors si tu ne veux pas faire d'efforts, je pense que je vais abandonner.
Lumia ne lâche pas facilement prise. C'est une personne hautaine, froide et franchement têtue. Mais aujourd'hui, elle en a marre. Elle sait que sa fille lui en a voulu par le passé et qu'elles ne se sont jamais entendues depuis « son accident ». Sauf qu'elle ne comprend plus sa fille et elle ne veut plus lutter contre du vent. Alors si c'est le vœu de sa fille, elle la laissera tranquille. Elle a essayé et elle a échoué. La communication entre Thala et elle est rompue, et elle ne peut rien y faire puisque sa fille ne veut pas arranger les choses.
Thala relève alors la tête et lance un regard étonné à sa mère dont les yeux bleus sont posés sur les restes du gâteau d'anniversaire de Kaleb, qu'elle a confectionné. Oui, sa mère a fait un gâteau pour Kaleb, pour son petit ami, pour un Forget. Et la jeune femme se sent encore plus coupable. Durant ces dernières semaines, elle a reporté sa colère et sa frustration sur sa mère. Elle en a assez d'avoir sa famille sur le dos. Elle en a assez qu'on la surveille, qu'on la pense si fragile. Oui, elle l'est plus qu'avant son enlèvement, mais elle reste forte. Elle ne veut plus qu'on la considère comme faite en cristal. De plus, elle est désespérée qu'on ne retrouve pas Antoine, Neave et Jenna. Elle voudrait leur faire payer ce qu'ils lui ont fait. Même si paradoxalement, elle reste encore marquée par ce qu'elle a subi. Ses nuits sont parfois loin d'être paisibles. Heureusement, il n'y a que Kaleb qui y assiste.
Cependant, Lumia n'y est pour rien dans tout ça. Ce n'est pas de sa faute. Pourtant, dans le fond, Thala a voulu se venger de sa mère. Cette dernière a failli les abandonner il y a quelques années et la brune est en train de lui faire payer. Soudain, elle se rend compte que tout ceci est injuste.
Lumia soupire doucement. Elle n'arrivera à rien. La discussion reste stérile. Les deux femmes n'arrivent pas à discuter réellement et Lumia ne veut pas continuer comme ça. Elle se détourne de sa fille, lui tournant le dos pour rejoindre le salon. Thala suit sa mère des yeux avant de réaliser qu'elle ne peut pas la laisser partir. Elle ne peut plus.
— Maman !
Lumia se fige dans l'encadrement de la porte, se demandant si elle a bien entendu ou si c'est le fruit de son imagination.
— Maman, répète Thala plus doucement.
Lumia se retourne alors lentement pour faire face à sa fille qui la dévisage. La mère esquisse un sourire, rassurée. Ça fait tellement longtemps qu'elle n'a pas entendu ce mot dans la bouche de Thala.
— Je suis désolée, murmure la jeune fille. Pour ces dernières semaines.
Son regard évite celui de sa mère. Celle-ci s'avance alors vers sa fille.
— Je sais Thala, dit Lumia sur le même ton. Mais ne refais plus jamais ça.
La rousse ne montre presque jamais ses sentiments. Elle se contente de quelques sourires à ses enfants et réserve sa tendresse à son mari. Sa fille se contente d'acquiescer, restant silencieuse.
— Je te dois aussi des excuses, déclare alors Lumia.
Elle voit sa fille s'étonner de ses paroles.
— Je sais que j'ai commis des erreurs il y a quelques années et que notre relation ne sera jamais parfaite à cause de ça. Mais maintenant, tu peux aussi un peu comprendre comment je me suis sentie. Je ne te demande pas d'oublier mes erreurs, mais je ne veux plus jamais que tu m'ignores comme tu l'as fait ces dernières semaines.
Nous pouvons enfin souffler. La semaine stressante est enfin finie. Pour nous détendre, nous allons au cinéma ce vendredi soir. Nathan et Olivia sont restés avec leurs parents alors que Logan et Cassiopée nous ont rejoints puisque que la jeune femme ne travaille pas. Bien que nous ne nous entendions pas vraiment, je suis ravie de sortir avec eux. Je discute tranquillement avec Quinn, tout en faisant la queue pour acheter nos places, quand Kaleb nous interrompt.
— Maria voudrait te parler, m'explique-t-il.
Je suis surprise quelques secondes avant qu'un sourire s'installe sur mon visage. Je suis contente de parler avec Maria. Celle-ci nous donne souvent des nouvelles et nous sommes toujours soulagés d'apprendre qu'elle va de mieux en mieux. Je lâche donc la main de Quinn et attrape le téléphone de Kaleb.
— Hey ! Comment tu vas ?
— Bien et toi ? me répond-elle.
— Mieux depuis quelques heures.
J'entends son rire à travers le portable.
— Ça s'est bien passé ? me questionne-t-elle, curieuse.
— Oui, très bien, et toi ?
Depuis environ deux semaines, Maria est retournée au lycée. Enfin, elle habite toujours chez Mia, mais elle avait demandé à ses parents de l'inscrire au lycée situé à côté de chez Mia. Bien sûr, tout cela s'est fait par l'intermédiaire de Kaleb parce que Maria refuse toujours tout contact avec ses parents. Et ça se comprend parfaitement. Carline a fini par abdiquer et a inscrit Maria sans trop de problèmes dans ce nouveau lycée. Je pense que ça fait du bien à la soeur de Kaleb. Elle sort et voit du monde. Elle se fait de nouveaux amis. Elle recommence à s'ouvrir aux autres. Alors, après de nombreuses démarches de la part de Carline et Jackson, Maria a aussi pu passer les épreuves.
— Je pense que je ne m'en suis pas trop sortie. Ça devrait aller.
— Mais oui, ça va le faire.
Nous discutons encore quelques minutes puis nous raccrochons. On ne peut pas dire que je sois très proche de Maria. Mais je suppose que je peux la considérer comme Olivia, comme une petite sœur. Je m'inquiète pour elle, à l'instar de Kaleb. Nous savons que Maria sait se défendre, même si elle reste fragile. Nous savons aussi que Mia la protègera. Cependant je ne peux m'empêcher de penser à ce qui se passera si Antoine la retrouve. Maria reste en danger tant que nous ne retrouvons pas les trois Forget. Et ça me préoccupe. Je sens alors la main de Quinn frôler ma joue.
— Tu t'inquiètes pour Maria n'est-ce pas ? me demande-t-elle.
J'acquiesce, ne pouvant lui mentir. Je suis surprise qu'elle remarque mon angoisse. Quinn me serre contre elle.
— Elle ira bien, essaie-t-elle de me rassurer.
— Pas tant que vous ne les aurez pas retrouvés.
— Et on va y arriver.
Elle essaie de paraître sûre d'elle, mais je sais qu'elle est dans le même état que moi. Elle est angoissée par le futur.
— Mais oublie ça ce soir, me demande-t-elle.
Je lui souris avant de redonner son téléphone à Kaleb et de rentrer dans la salle.
Jenna soupire. Antoine et Neave sont encore en retard et ça l'agace fortement. Elle est déjà tellement en colère contre eux. À cause des bêtises des deux frères, ils doivent se cacher. Et la brune déteste ça. Ils changent de ville toutes les semaines. Ils n'ont pas même le temps de se reposer et de s'habituer qu'ils doivent déjà repartir. Jenna a essayé de convaincre les jumeaux de rester un peu plus longtemps cette fois. Mais comme d'habitude, ils n'ont pas voulu écouter. Ils vivent donc comme des nomades et Jenna ne supporte pas ça. Dormir à la belle étoile, ce n'est pas réellement pour elle. Même si ça fait quelques semaines maintenant que son style de vie a changé, elle déteste toujours autant son nouveau quotidien.
Un bruit se fait entendre et Jenna se fige. Elle tend l'oreille et se détend quand elle entend les voix des jumeaux. Elle en devient paranoïaque et c'est franchement désagréable. Ils sont toujours à l'affût, prêt à attaquer au moindre bruit suspect. Elle se détache de l'arbre contre lequel elle est adossée et vient à la rencontre des jumeaux. Neave lui sourit pour essayer de la calmer.
— Désolé pour le retard beauté, lui lance-t-il avec un air charmeur.
Jenna a un reniflement dédaigneux avant de leur tourner le dos. Elle entend le ricanement moqueur d'Antoine et le grognement discret de Neave. La jeune femme en a assez de les attendre et se concentre alors quelques secondes avant de se transformer. La louve couleur terre se tourne vers les jumeaux et attend impatiemment qu'ils la rejoignent, ce qu'ils font dans la minute suivante. Puis, les trois loups s'enfoncent dans la forêt, partant à la recherche d'une nouvelle ville.
Une heure plus tard, ils font une pause. Ils s'avancent jusqu'à une petite source où ils se désaltèrent tranquillement. Les rayons lunaires se reflètent dans l'eau claire qui coule entre les rochers. Soudain, ces reflets sont masqués par une ombre. Jenna relève brusquement la tête et croise un regard lupin qui n'appartient ni à Antoine, ni à Neave. Elle se recule alors que la panique commence à la gagner. Qui est ce loup ? Qui est cet humain ? Elle sait parfaitement que ce n'est pas un vrai loup, mais un loup-garou comme elle, grâce à son odeur. De plus, elle sait aussi qu'elle ne l'a jamais croisé. Elle n'a jamais vu ces yeux vert pâle. Les yeux d'Olivia Ravens n'ont pas cette teinte-ci. Jenna recule encore plus alors que le loup en face d'elle dévoile ses crocs. La louve se met à chercher Neave et Antoine des yeux. Elle les aperçoit à quelques foulées d'elle. Cependant, le loup qui lui fait face ne semble pas seul. D'autres loups et louves viennent le rejoindre alors que la peur s'infiltre de plus en plus en Jenna. Elle sent les jumeaux bouger et venir près d'elle, lentement. Le loup en face d'elle s'avance alors. Il commence à traverser la petite rivière. Neave se place rapidement devant elle, faisant barrage. Antoine se place aux côtés de son frère. Malheureusement, les trois Forget savent bien qu'ils n'ont aucune chance si ces loups les attaquent. Trois contre neuf. Ils n'ont aucune chance. Cependant, ils ne peuvent pas fuir. Ils ne prendraient pas le risque de se retrouver dos aux autres loups. Ça serait trop risqué. Ainsi, ils ne bougent pas et attendent.
Et une idée s'insinue alors dans l'esprit d'Antoine. Et si ces loups pouvaient les aider ? Certes, il existe peu de familles de lycanthropes et encore moins risquerait leur vie paisible pour mener une guerre contre une autre famille qu'ils ne connaissent pas. Pourtant, Antoine ne voit aucune autre solution. Ils ne sont pas sur leur territoire et ils ne sont que trois. Se battre ne les mènerait à rien. Ils ne s'en sortiraient sûrement pas vivants. Son jumeau émet un grognement en direction du plus gros loup qui se trouve maintenant sur la même rive qu'eux. Neave protège Jenna. Il ne laissera personne s'en prendre à elle. Quinn Ravens lui a déjà fait assez de mal ! Neave s'est d'ailleurs promis un jour de lui faire payer même s'il a déjà commencé en s'en prenant à cette chère Thala.
L'autre loup noir ne semble pas ravi du grognement de Neave. De quel droit ce jeune loup lui grogne-t-il dessus ? Il traverse son territoire sans en avoir l'autorisation et il ose lui grogner dessus. Et il n'apprécie pas réellement ceci. Mais avant qu'il ne fasse le moindre mouvement, Antoine se transforme en humain. Celui-ci voit très bien que le loup noir est prêt à attaquer.
— Nous ne cherchons pas à nous battre ! s'exclame-t-il en fixant le loup en face de lui.
— Il fallait peut-être y penser avant de franchir nos frontières sans notre autorisation, lui explique une voix froide et féminine.
Antoine cherche la propriétaire de cette voix et son regard croise deux yeux noirs comme le charbon. Cette femme aux longs cheveux aussi noirs que ses yeux doit avoir l'âge de sa mère. Elle le fixe, semblant attendre une réponse. Antoine déglutit lentement. Il n'a que rarement peur. Mais le regard de cette femme le met mal à l'aise. Il a l'impression de voir les yeux de son père, bien que ces derniers soient d'un bleu clair. Mais il y a cette froideur, cette fermeté similaire. Et son père est une des seules personnes à savoir le faire obéir. Il essaie donc de ne pas paraître trop irrespectueux. Sa vie ainsi que celle de son jumeau et de Jenna sont en jeu.
— Nous ne savions pas que ce territoire vous appartenait.
— N'avez-vous pas senti nos odeurs ? demande la femme, toujours aussi hostile.
Neave se transforme alors rapidement pour lui répondre, sachant très bien que son frère n'est pas aussi calme qu'il y parait. Les questions de la femme vont rapidement agacer Antoine et ce n'est pas le moment de faire une erreur.
— Cela fait des semaines que nous sommes en fuite. Alors nous ne sommes pas réellement concentrés sur les territoires que nous traversons, mais plutôt sur ceux qui nous poursuive.
La femme brune hausse un sourcil.
— En fuite ? Vraiment ?
La louve en face d'eux semble perplexe et les jumeaux se contentent d'acquiescer.
— Nous sommes réellement désolés d'avoir... commence Neave.
— Qui vous poursuit ? le coupe la femme.
Les deux frères échangent un regard. Doivent-ils lui dire ? Et si les Ravens avaient déjà contacté cette famille ? Cependant, si c'était le cas, les loups les auraient reconnus et ne leur parleraient pas. Ils les auraient tout de suite attaqués. Et puis, la situation peut-elle être pire ? Neave hausse des épaules en fixant son frère. Antoine reporte son attention sur la femme.
— Une autre famille de loups, les Ravens.
Les yeux de la femme s'écarquillent de stupeur. Elle ne connaît que deux Ravens. Devant l'air ébahi de la femme, Antoine veut donner plus d'explications, mais elle ne lui en laisse pas le temps.
— Paul et Lumia Ravens font-ils partis de cette famille ?
Jenna grogne en réponse et un sourire commence à étirer les lèvres de la femme.
— Ce sont le père et la mère, ajoute Neave.
Le sourire de la femme se fait plus grand. Son regard se pose alors sur le loup noir, celui qui est le plus proche des trois Forget.
— Ça faisait tellement longtemps que je n'avais pas entendu ces noms, lance-t-elle.
Ses yeux noirs se posent de nouveau sur les deux jeunes hommes en face d'elle.
— Il se pourrait que ça soit votre jour de chance, leur confie-t-elle alors avant de rire doucement.
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J'espère que ce chapitre vous a plu. Thala et sa mère ont enfin eu une discussion, même si ça ne résout pas tout. Et qui sont les nouveaux loups ?
Merci beaucoup pour les votes ! Je suis ravie de voir que cette histoire est lue.
A +
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