Contrairement à vendredi soir, Quinn a pensé à prendre des affaires puisque pour mon plus grand plaisir, elle reste dormir. C'est donc ensemble que nous allons au lycée le lendemain matin. Nous prenons sa voiture.

— Les Forget sont-ils au courant ? demandé-je alors que Quinn conduit.

— Thala a dû mettre Kaleb au courant, m'informe-t-elle. Mais les autres, je suppose que non, pour l'instant. Par contre, toute la famille sera au courant avant ce soir, vu qu'on va nous voir au lycée.

— On ne se cache pas donc ?

Elle détourne les yeux de la route pour me fixer.

— Pourquoi cette question ? s'étonne-t-elle.

— Regarde la route s'il te plaît, l'imploré-je.

Bien que je conduise maintenant mieux qu'au début de ma vie sur Terre, je ne suis toujours pas rassurée quand je prends la voiture. Quinn semble trouver ça drôle. Et avant qu'elle ne dise quelque chose, je réponds à sa question.

— On ne devrait pas être ensemble même si ton père est d'accord. De plus, ça risque de poser des problèmes avec les Forget.

Je repense alors à Antoine et à Neave. Je frissonne. Quinn s'aperçoit de mon malaise et me prend la main quelques secondes.

— De toute façon, cela ne peut pas rester éternellement secret. Et puis, mon père saura gérer les Forget.

J'acquiesce, en espérant qu'elle ait raison. Sinon, je sais très bien que le conflit entre les deux familles pourrait dégénérer. Et je ne veux pas ça. Etre sur Terre est ma punition. Je suis censée vivre comme une humaine ou alors, vivre en marge d'eux. Mais je n'aurais jamais dû rencontrer ses deux familles de loup-garou. Je ne veux pas provoquer de conflits qui pourraient être meurtriers.

— Einin ?

Quinn me scrute, les sourcils froncés. Je remarque alors que la voiture est garée sur le parking du lycée. Mon regard cherche rapidement Thala, Olivia et Nathan, puis les Forget.

— Ne t'inquiète pas, s'il te plaît, me demande-t-elle.

Je plonge mon regard dans le sien.

— Je ne supporterai pas provoquer une guerre.

— Einin... soupire-t-elle.

— Ecoute Quinn, j'ai déjà assez fait de mal et j'ai trop souffert par le passé, je ne veux pas que ça recommence.

— Ça n'arrivera pas, m'affirme-t-elle avec un semblant de sourire auquel je ne peux répondre.

Je m'inquiète réellement et je ne peux pas faire semblant. Je ne sais pas comment notre histoire va finir. Mais j'aime croire que tout ira bien.

— J'espère.

Elle serre ma main, essayant sûrement de me réconforter et de me convaincre que tout ira bien. Mais même son toucher ne m'apaise pas. J'ai confiance en notre couple, en elle, mais j'ai peur des autres. Je ne peux pas m'empêcher de penser que ça va finir mal et je n'arrive pas à contrôler l'anxiété que je ressens. Je devrais me laisser aller et voir comment notre histoire évolue, mais mon sentiment de peur refait toujours surface. Peur de souffrir et de faire souffrir.

— Aie confiance en nous, me demande-t-elle. Et l'avenir te convaincra.

J'acquiesce et décide de laisser mes réflexions pour plus tard, quand je serai seule. Pour l'instant, je dois profiter de Quinn et de l'instant présent. Celle-ci descend de la voiture et j'en fais de même. Et peut-être a-t-elle raison... je ne dois pas avoir peur d'aimer.

Nous avançons donc toutes les deux vers ses sœurs et son frère, son bras autour de ma taille, comme un serpent enroulerait une proie. Elle ne me lâchera pas. Cela semble si naturel pour elle alors que je suis toujours tendue. Quinn ne dit rien et se contente de resserrer son étreinte. Olivia nous sourit quand nous arrivons près d'eux.

— C'est pas trop tôt ! s'exclame-t-elle.

Quinn lève les yeux au ciel alors que je souris au comportement joyeux de la rousse.

— Maintenant que vous êtes ensemble, je vais pouvoir te parler plus librement, s'enthousiasme-t-elle.

Je ne peux que sourire face à la gaieté transmise par Olivia. J'aime beaucoup cette jeune femme qui ne perd que rarement son sourire. Elle est toujours positive et n'abandonne jamais. Elle nous communique sa joie et ça me rassure de savoir que dans ce monde, certaines personnes comme elle existent encore. Ces personnes qui ne se laissent jamais abattre et qui nous motivent. La jeune rousse m'attrape le bras et je me laisse faire. Elle m'entraîne dans le lycée, tout en parlant. Je me concentre sur son sourire éclatant et oublie, pour quelques instants, mes problèmes.

Le terrain choisi est neutre. Un simple restaurant aux bordures de la ville. Peu de clients et c'est donc assez discret pour que les parents des deux familles puissent se rencontrer. Paul et Lumia arrivent les premiers et s'installent calmement à une table isolée. Jackson et Carline les rejoignent une dizaine de minutes plus tard.

Pour les autres clients, ils ressemblent à deux couples d'amis. Pourtant ils sont loin d'être amis. Ils se détestent cordialement et les deux familles sont au bord de la guerre. Malgré ça, ils se retrouvent tous les quatre et aucun d'eux n'a l'intention de recourir à la violence durant ce déjeuner. Cependant, la tension est palpable. Ils se dévisagent mutuellement et même le serveur le sent. Le pauvre garçon a peur de les interrompre. Cependant il sait très bien qu'il va devoir aller prendre leur commande et que, de toute façon, le duel entre les deux couples durera tout le repas. Après tout, le serveur les connaît bien. Certes, ces quatre personnes ne se réunissent pas souvent mais quand ils le font, ils viennent toujours dans ce restaurant et demandent toujours la même table. Alors, le serveur a l'habitude de la tension électrique qu'il y a entre les deux couples. Evidemment, les autres clients ne remarquent rien mais avec le temps, le garçon a bien compris que ces quatre personnes n'étaient pas amis... Et c'est sous le regard compatissant de l'autre serveuse qu'il va à la rencontre des deux couples.

— Bonjour. Vous avez choisi ? demande-t-il, en mordant sa lèvre inférieure, nerveux.

Les deux couples se tournent vers le garçon comme une seule personne. Le pauvre serveur évite de les regarder dans les yeux, incapable de soutenir leurs regards. Il baisse les yeux et attend que les quatre clients aient commandé. Ceux-ci se débarrassent vite de leur commande. Le jeune homme note rapidement avant de fuir.

— Pourquoi cette entrevue ? s'interroge Jackson, ennuyé.

Paul et Lumia se regardent. Ils savent très bien qu'ils doivent choisir leurs mots pour ne pas que ça dégénère.

— Nous avons découvert ce qu'est Einin Pearl, annonce Lumia.

Les deux autres sont étonnés, mais curieux. En fait, ils sont ravis de cette nouvelle. Ils vont enfin pouvoir juger de la dangerosité de cette jeune femme.

— C'est un ange déchu, leur apprend Paul.

Cette fois-ci, la surprise et la peur se mélangent. Ils ne s'attendaient réellement pas à ce qu'elle soit un ange et encore moins un ange déchu. Les anges ne descendent pas souvent sur Terre et de toute façon, les deux espèces, les anges et les loups-garous, ne s'apprécient pas plus que ça. Mais un ange déchu. C'est encore plus rare.

— Devons-nous la craindre ? s'enquiert Carline.

Paul regarde furtivement sa femme. Elle ne dit rien, mais Paul sait qu'elle n'est pas si calme. Elle aura du mal à accepter la relation de Quinn et Einin. Et Paul sait que, pour l'instant, elle ne fait pas confiance à la jeune femme. Cependant Lumia se tait, n'ayant apparemment pas l'intention d'intervenir, car elle ne serait alors pas d'accord avec son mari. Et de plus, si elle semait le doute quant au danger que représente Einin, certains membres de sa famille n'apprécieraient pas. Alors, Lumia se tait et laisse son mari parler.

— Je ne crois pas. Elle n'a pas l'air menaçante. Et puis elle sait déjà depuis quelque temps ce que nous sommes et aurait pu, dès lors, nous attaquer.

Jackson et Carline ne sont pas convaincus. Ils ne savent rien de la jeune femme et connaissent très peu de choses sur les anges déchus. Cependant, ils n'ont pas le temps de faire part de leurs doutes, que Paul reprend la parole.

— Ecoutez, vous ne pouvez pas l'attaquer, leur déclare-t-il fermement.

— Et pourquoi ? réplique froidement Jackson. Après tout, même si tu penses qu'elle n'est pas dangereuse, l'est-elle vraiment ?

— Vous ne pouvez pas parce qu'elle sort avec Quinn, lâche alors Lumia, blasée.

En face d'elle, le couple est en état de choc.

— Pardon ?! s'étrangle Jackson

Paul lance un regard noir à sa femme. Pourquoi a-t-elle lâché l'information comme ça ? Il sait qu'elle est encore en colère qu'il ait donné son accord à Quinn sans lui en parler. Oui, elle est rancunière, mais elle ne peut pas leur annoncer comme ça. Lâcher la bombe comme si c'était seulement une quelque chose de banal.

Jackson et Carline observent le couple en face d'eux, tout en entamant leur assiette que le serveur vient de déposer devant eux. Dans leur famille, ils n'auraient jamais permis ça. Leurs enfants n'auraient jamais désobéi. Pour eux, cela prouve une fois de plus, que Paul n'est pas fait pour être alpha. Il n'est même pas capable de contrôler ses enfants, alors qu'un père humain saurait le faire. Jackson regarde avec dégoût l'homme en face de lui alors que Carline scrute Lumia qui reste impassible. La blonde ne comprend pas comment Lumia fait pour rester si imperturbable, puisqu'elle-même est furieuse. Paul et elle avaient un accord. Ils devaient surveiller Einin, mais ne pas s'en approcher. Et si une des deux familles découvrait ce qu'elle était, il fallait prévenir l'autre famille. Certes, les Ravens le font maintenant, mais Carline juge que c'est un peu tard. Ainsi, Paul n'a pas respecté l'accord et a même autorisé une de ses filles à fréquenter cette fille. Cette violation pourrait constituer un motif de conflit. Et cela fait longtemps qu'ils en cherchent un.

— Je croyais que l'accord était clair Paul ? demande Carline, un sourire mauvais étirant ses fines lèvres.

La main de Paul, qui tient une fourchette, s'arrête alors que le regard de sa femme se fige. Lumia sait très bien ce que sous-entend Carline et elle n'aime pas ça. Une guerre n'est jamais la bienvenue, qu'importe la période. Elle signifierait combats, blessures et même morts. Et Lumia ne peut même pas se transformer. Elle serait obligée de rester à l'écart, en regardant sa famille se battre sans pouvoir les aider. Et elle déteste l'impuissance. Paul, comme sa femme, sent la menace. Cependant, il espère que Jackson arrivera à raisonner sa femme. 

— Tu ne voudrais pas que ça se finisse comme ça Carline, déclare-t-il froidement avant d'avaler la nourriture.

Celle-ci ne dit rien. Elle a un avis particulier sur la question cependant elle n'est pas sûre que son mari approuve. Cependant, Jackson la surprend, en étant d'accord avec elle.

— Tu as transgressé un accord, tu t'attendais à quoi ? réplique Jackson en reposant violemment son verre sur la table.

Paul essaie de rester calme même s'il est déstabilisé. Bien entendu, les deux familles se détestent et ont été en guerre, il y a longtemps. Mais il est nerveux de savoir Jackson et Carline d'accord.

— Tu devrais apprendre à contrôler tes enfants, ajoute Carline.

Paul lance un regard glacé au couple. Il s'apprête à parler quand ils entendent tous les trois un ricanement. Ils se tournent vers Lumia qui pose alors ses couverts avant d'observer Carline.

— Tu es tellement bien placée pour parler de ça, fait observer Lumia, ironique.

Les yeux de Carline s'assombrissent. Tous savent de quoi parle la rousse, Maria et Antoine. Lumia et Paul ne devraient pas être au courant de ça. Cependant, c'est tellement évident. La tristesse de Maria, les blessures sur son corps et son comportement face à Antoine. 

— Ça ne te regarde pas Lumia ! grogne Carline.

— Alors ne te mêle pas de ça non plus ! réplique Lumia, nullement impressionnée.

— C'est un ange déchu ! s'énerve la blonde.

— Et alors, elle ne nous fera pas de mal, ne serait-ce que par respect pour Quinn.

— A vous. Ce qui vous donne un avantage sur nous.

— Mais tu crois qu'on a fait exprès ?! s'agace Lumia. Tu crois que j'aime que Quinn soit avec elle ?

Carline ne dit rien, mais elle bout intérieurement. Paul espère vraiment que sa femme a fini parce que Carline ne va pas tarder à exploser. Et ils sont dans un restaurant rempli d'humains. Ce n'est pas le moment de provoquer un loup-garou. Malheureusement, Lumia, après une dernière bouchée de nourriture, ajoute quelque chose qu'il va regretter.

— Sauf que contrairement à toi, j'aime ma fille et je me soucie de son bonheur.

Carline est choquée que Lumia ait pu dire cela à haute voix. Comment a-t-elle pu oser ?! C'en est trop pour la femme qui souhaite faire ravaler ses paroles à la rousse. Cependant, Jackson la retient de justesse. Même si lui aussi a des envies similaires à celles de sa femme, il y a trop d'humains autour. Si une guerre doit avoir lieu, cela doit rester entre les deux familles. Ça ne doit pas affecter les humains qui vivent ici. Jackson attrape la main de sa femme et se lève avec elle.

— Tu regretteras tes paroles Lumia, déclare-t-il trop calmement, avant d'entraîner Carline vers la sortie.

Paul les suit des yeux avant de les poser sur sa femme. Celle-ci soutient son regard.

— Tu penses la même chose, dit-elle simplement.

— Ce n'est pas pour ça que tu devais le dire ! rage Paul. 

Lumia lance un regard noir à son mari avant de se lever.

— Si les Forget n'acceptent pas la vérité, c'est leur problème, déclare-t-elle avant de partir, laissant Paul payer l'addition de ce désastre.

M'afficher au lycée avec Quinn est étrange. J'aurais peut-être voulu que cela reste un peu plus longtemps secret. Je n'ai jamais été amoureuse. Et je suis encore un peu confuse d'éprouver des sentiments pour Quinn. Je ne sais pas comment gérer ce que je ressens et je dois en plus faire face aux autres. Certes, la plupart des humains ne font pas attention à nous ou se moquent de notre couple. Certains nous regardent avec mépris. Je suppose qu'ils n'approuvent pas que deux femmes soient ensemble. Je ne les comprends pas. Je ne vois pas en quoi ça les dérange en fait. Cependant je ne m'en préoccupe pas plus que ça même si leurs regards m'agacent fortement. Et ensuite, il y a les Forget. Ils ne sont pas nombreux au lycée, mais le regard d'Abby me fait froid dans le dos. Heureusement, qu'Antoine n'est pas venu chercher Maria ce soir parce que je ne sais pas si j'aurais supporté de le voir sans craquer. Je déteste avoir peur, mais je dois avouer que je me sens vulnérable face à lui. Il y a encore quelques mois, je l'aurais battu sans problème cependant je ressemble trop à une humaine maintenant. Et je n'aime pas ça...
Alors que nous sortons de notre dernier cours de la journée, Olivia nous rejoint, visiblement pressée.

— Papa appelé, dit-elle à Quinn et Thala. Il nous demande de rentrer rapidement.

Les trois sœurs échangent un regard.

— Il a dit pourquoi ? demande Thala.

La rousse secoue négativement la tête et repart rapidement suivi de Thala. Je me tourne vers Quinn qui semble soudain soucieuse.

— Qu'est-ce qu'il y a ? l'interrogé-je doucement.

— Les réunions de familles ne sont jamais de bon augure, me répond-t-elle.

Son regard violet s'assombrit un peu. Je pose ma main sur sa joue.

— Vas-y et si tu veux, tu pourras me rejoindre après, je lui souris.

Ses yeux me scrutent et même s'il est petit, un sourire naît sur son visage.

— Attends-moi pour manger, me demande-t-elle.

J'acquiesce puis effleure ses lèvres. Elle entoure ma taille et me rapproche d'elle. Ses lèvres se posent plus franchement sur les miennes pour un baiser qui nous laisse haletantes. Elle me sourit plus franchement. Je suis soulagée de la voir comme ça. Elle me relâche et me tend alors ses clés de voiture.

— Je viendrai en me transformant, m'indique-t-elle.

J'acquiesce et elle se dépêche de rejoindre sa famille.

L'atmosphère est pesante chez les Ravens. Lumia est assise sur un fauteuil alors que Paul est adossé à une commode, à l'autre bout de sa femme. Logan et Cassiopée sont assis dans le canapé. Les quatre lycéens rentrent alors et remarquent tout de suite la tension qui règne. Leurs parents se fusillent mutuellement du regard. Logan et Cassiopée ne semblent pas savoir ce qu'ils se passent et sont apparemment soulagés de les voir arriver. Leurs parents ne détournent pas leur regard et continuent de se fixer, même s'ils les ont entendus.

— Asseyez-vous, ordonne Paul.

Ils s'empressent d'obéir. Olivia et Nathan rejoignent le canapé alors que Thala s'installe dans le deuxième fauteuil. Quinn se retrouve assise sur un des accoudoirs du fauteuil de Thala. Paul se déplace pour faire face à toute sa famille, rompant son échange de regard avec sa femme. Celle-ci détourne le regard, le posant sur un mur. Elle semble toujours si indifférente alors l'énervement est lisible sur le visage de son mari. Paul ne sait pas par où commencer. Il va devoir annoncer à ses enfants que leur famille est proche de la guerre, ce qui implique qu'ils vont devoir être sur leurs gardes tout le temps. Il va aussi devoir leur dire qu'il faudra sûrement surveiller Einin puisqu'elle représente un danger pour les Forget. Ces derniers vont aussi vouloir se venger des mots de Lumia et tous les moyens sont bons. Paul soupire alors que ses enfants commencent à s'impatienter. Tous se demandent ce qu'il y a d'aussi important.

— Votre mère et moi avons déjeuné avec Jackson et Carline aujourd'hui.

— Pourquoi je m'en doutais ? marmonne Thala alors que Cassiopée et Olivia émettent un « quoi » sonore.

Quinn est d'accord avec Thala. Les deux jeunes femmes savaient très bien que leurs parents devaient informer les Forget sur Einin même si Quinn désapprouvait fortement. On ne savait pas comment le couple réagirait. Et en regardant la mine de leur père, le déjeuner s'est mal passé. Paul les fait taire d'un geste de la main.

— Nous nous devions de les informer sur Einin, explique Paul en posant son regard noir sur Quinn. Et leur dire qu'elle n'est pas dangereuse.

— Et tu croyais qu'ils allaient te faire confiance ? rétorque Thala moqueuse.

Paul grogne.

— Si ta mère n'était pas intervenue, ça se serait bien passé, s'énerve-t-il.

Lumia détourne brusquement son regard et le pose sur son mari.

— Ne me mêle pas à ça, siffle-t-elle, irritée.

Paul lui lance un regard signifiant « tu es sérieuse ? » tout en croisant les bras sur son torse.
Lumia ne dit rien et reporte son attention sur le mur. Paul fixe encore sa femme quelques secondes avant de reposer son regard sur ses enfants. Il réglera le problème avec sa femme plus tard. Pour l'instant, il doit informer ses enfants de ce qui les attend.

— Les Forget sont partis furieux et je suppose que ce repas peut être considéré comme une déclaration de guerre.

L'angoisse s'installe alors dans les yeux de tous. Mais dans ceux de Thala, l'angoisse est beaucoup plus grande. Elle pense à Kaleb. Que vont-ils faire ? Elle refuse de prendre part à ce conflit sachant qu'elle va devoir se battre contre lui. Et s'il était blessé par quelqu'un de sa famille. De quel côté serait-elle ? Est-ce que son amour pour Kaleb est assez fort pour s'opposer à son père ? Elle doit le voir. Elle doit lui parler.

— Il va falloir que vous fassiez attention à vous. Au lycée, au travail ou à la fac, leur demande-t-il nerveusement.

Il a peur pour ses enfants. Il ne pourrait pas supporter que l'un d'eux meure.

— Quinn, fait aussi attention à Einin. Les Forget voudront sûrement s'en prendre à elle.

Celle-ci acquiesce, bien consciente que les Forget feront tout pour leur faire du mal. Seulement, elle ne laissera jamais ça arriver. Ils ne toucheront à aucun cheveu d'Einin.

Le son du piano résonne dans toute la maison quand j'entends Quinn se glisser à l'intérieur. J'avais laissé la baie vitrée entrouverte pour elle. Elle me rejoint et je remarque tout de suite que quelque chose ne va pas. Elle semble inquiète et je suis soudain nerveuse. J'ai rarement vu Quinn aussi soucieuse. Que s'est-il passé chez elle ? Mes mains se stoppent sur les touches alors que Quinn s'arrête dans l'embrasure de la porte. Je me lève et m'approche d'elle. Sa tête est baissée et son regard violet fixe le sol. Ma main se pose sous son menton et elle relève la tête. Je fronce les sourcils face à toute l'angoisse que je lis dans son regard. Elle semble tellement troublée.

— Quinn ?

Ma voix n'est qu'un murmure à peine audible. Elle ne me répond pas, mais ses bras m'attirent contre elle. Je passe les miens autour de son cou alors qu'elle m'enlace fortement.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? chuchoté-je à son oreille.

Elle ne dit toujours rien, mais je le sens embrasser doucement mon cou. Sauf que je ne la laisse pas continuer et essaie de m'écarter doucement. J'ai besoin de savoir ce qui la met dans cet état. Pourquoi semble-t-elle si perturbée ? Cependant, elle ne semble pas de mon avis et me retient contre elle.

— Quinn !

Je pose mes mains sur ses épaules pour m'éloigner d'elle. Ses mains se crispent sur ma taille alors que ses yeux me fixent. Elle ne me laisse alors pas le temps de parler.

— J'ai besoin de toi, me supplie-t-elle.

— Mais je suis là.

Elle secoue la tête.

— J'ai besoin de plus, me dit-elle avant de m'embrasser.

Et face à son ton implorant, je ne peux que me laisser faire.

Thala court rapidement dans les bois, impatiente de retrouver Kaleb. Elle n'a pas mis longtemps à l'appeler après la réunion de famille. Elle a vite compris que les parents de Kaleb avaient aussi mis leurs enfants au courant. Le ton grave de Kaleb l'a alerté. Ils avaient besoin de se parler. Elle doit l'embrasser. C'est vital. Elle doit voir qu'il va bien. Comme Quinn, elle doit le voir pour se rassurer. Elle arrive rapidement à leur point de rendez-vous. Kaleb est déjà là et Thala remarque tout de suite l'angoisse dans son regard translucide. Le plus souvent, le jeune homme est maître de ses émotions. Et il craque seulement lorsque deux personnes sont en danger. Maria et Thala. Celle-ci se jette dans ses bras et il l'enlace fermement. Ils restent quelques minutes comme ça, le silence de la forêt régnant autour d'eux. Ils ont du mal à se séparer. Ils ont besoin de se toucher. Ils s'assoient dans l'herbe, mais restent en contact, leurs mains solidement enlacées. Kaleb laisse Thala commencer. Il la connaît et sait qu'elle est trop impatiente pour attendre.

— Je suppose que tu sais que nos parents se sont vus aujourd'hui, déclare Thala, soudainement plus maussade.

Kaleb acquiesce. Ses parents étaient furieux quand il était rentré du lycée. Il ne sait pas s'il les avait déjà vus aussi enragés. Et malheureusement quand ils leur avaient raconté leur déjeuner, ils n'étaient pas les seuls à vouloir cette guerre. Antoine, Neave et Jenna s'étaient rangés de leur côté. 

— Je ne sais pas si c'était une bonne idée, dit sombrement Thala.

— Définitivement pas, acquiesce Kaleb.

— C'était une déclaration de guerre, n'est-ce pas ? demande la jeune femme, le regard perdu dans la forêt.

Kaleb n'a pas besoin de confirmer cela. Elle sait pertinemment ce que les paroles de Jackson voulaient dire. Kaleb l'observe attentivement. Elle semble si désemparée face à la situation qui le dépasse aussi. Jamais il n'aurait pensé que la situation dégénèrerait autant. Une guerre... Il ne veut pas penser à ce qu'il va arriver. Se battre contre Thala. Ne pas la savoir en sécurité. Savoir qu'Antoine va la menacer, car il est certain que s'il ne participe pas à ce conflit, Antoine s'en prendra d'abord à Maria puis à Thala. Kaleb est déchiré. Il ne peut pas mettre Maria en danger en protégeant Thala, mais pourra-t-il vivre en sachant que la femme qu'il aime peut mourir à chaque instant.

Kaleb enlève sa main droite de celle de Thala et la pose sur la joue dorée de celle-ci. La jeune femme plonge son regard dans le sien. Ils ne savent pas quelle est meilleure solution pour eux deux. Il n'y en a aucune. Ils ne peuvent pas vivre l'un sans l'autre, donc se séparer est impensable. Pourtant, pourront-ils encore se voir ?

— Qu'allons-nous faire ? demande Thala.

— Je ne sais pas, répond Kaleb.

— On ne peut pas rompre !

Kaleb ne répond rien. Jamais il ne pourrait se séparer de Thala, pourtant cela semble une des meilleures options qu'ils aient. Trop de gens savent déjà qu'ils sont en couple.

— N'y penses même pas Kaleb, lui ordonne la jeune femme, visiblement contrariée.

La main de Kaleb retombe sur l'herbe fraîche.

— Je ne veux pas qu'Antoine s'en prenne à toi ! réplique-t-il, désemparé.

Le regard de Thala s'adoucit. Sa main enlace celle du jeune homme.

— Je suis assez forte. Donc ne pense plus jamais à ça, le supplie-t-elle.

Le regard translucide de Kaleb fuit celui noir de Thala.

— Tu pourrais nous rejoindre, soumet la jeune femme.

Kaleb soupire. Lui aussi a pensé à cette option, mais pour plusieurs raisons, c'est impossible.

— Thala... souffle-t-il.

Celle-ci fronce les sourcils. Kaleb semble si résigné.

— Ai-je tort de penser que tu ne vas rien faire ? demande-t-elle, agacée.

— Et que veux-tu que je fasse ?! s'énerve-t-il à son tour. Ton père serait totalement contre le fait que je vous rejoigne et t'interdirait de me voir. De plus, je ne peux pas abandonner Maria...

— Et si on trouvait un moyen de la protéger ?

Thala essaie réellement de convaincre Kaleb. Elle ne pourra jamais s'impliquer dans ce conflit si Kaleb est dans le camp adverse. Elle besoin qu'il soit d'accord avec elle. Cependant, le jeune homme n'est pas facilement influençable.

— C'est impossible, dit-il en secouant la tête. Il faudrait que tes parents nous aident et je ne pense pas qu'ils le feront Thala, ils ont déjà assez de problèmes avec ma famille.

Thala dégage ses mains de celles de Kaleb et se lève brusquement. Elle ne peut pas croire qu'il ne va rien faire. Il va laisser leurs deux familles s'entretuer. Il va devoir la combattre elle et il est résigné à le faire. Elle lui en veut de si facilement abandonner.

— Putain, tu m'énerves ! Je n'ai pas envie de voir ma famille se battre contre la tienne. Je n'ai pas envie de me battre contre toi ! Et si tu étais blessé, ou pire ?! Tu crois que je pourrais vivre sans toi ?! 

Kaleb se lève. Il pense exactement la même chose qu'elle. Mais c'est trop dangereux de vouloir éloigner Maria d'Antoine. Et même s'ils y arriveraient, la vengeance d'Antoine serait plus terrible que tout. Thala serait encore plus en danger. Et Kaleb ne peut accepter ça.
Il essaie de s'approcher de la jeune femme, mais elle recule.

— Tu as peut-être raison, dit-elle d'une voix brisée par la peine. Il vaut mieux que ça se finisse là.

C'est fini. Elle abandonne même si elle se brise le cœur. Elle ne peut pas continuer. Oui, elle ne peut pas vivre sans Kaleb, mais c'est mieux que de vivre un amour interdit dans cette situation. Ils se feraient trop de mal...
Une larme coule sur sa joue. Elle l'efface rapidement avant de s'enfoncer dans les bois, laissant Kaleb seul. Le jeune homme a le cœur qui saigne. Cependant il préfère que Thala le déteste plutôt qu'elle soit blessée dans le futur. Il préfère sacrifier leur amour que la vie de la jeune femme.

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Voila pour le chapitre 11. On en est déjà à la moitié de l'histoire. J'espère que vous avez apprécié. Ce chapitre marque un tournant avec le déjeuner. Alors, comment trouvez-vous Lumia ? Et le côté drama à la fin ? Désolée pour Kaleb et Thala mais c'était nécessaire. N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez. Merci pour les votes !

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