Chapitre 1

Je ne sais pas où je suis. Je suis couchée sur un sol dur mais humide. Je bouge lentement et difficilement mes doigts qui effleurent le sol. La terre est recouverte d'herbe. Je ne sais pas quel jour il est. Est-ce le matin ? Ou bien sommes-nous le soir ? Où ai-je atterri ? J'ouvre doucement les yeux mais la lumière du soleil m'aveugle. Je referme donc brusquement les yeux. Nous sommes en journée et non en pleine nuit. Je mets quelques minutes à m'habituer à la forte lumière. J'arrive enfin à ouvrir complètement les yeux. Mais où suis-je ? J'essaie de bouger un peu et étouffe un gémissement. La douleur est intense. Et je ne peux pas dire exactement où j'ai mal. Tout mon corps semble souffrir. Je mets encore quelques minutes pour me retrouver en position assise. Mais je grimace rapidement alors que mes yeux me piquent. Les larmes menacent de couler alors la douleur, qui part principalement de mon dos, me traverse de toute part. Mes mains, pleines de terre, quittent le sol pour venir tâter délicatement mon dos.
Il n'y a plus rien. Aucun membre. Aucune aile. C'est juste vide comme s'il n'y avait jamais eu quelque chose. Et je ne peux pas y croire. Je réussis à passer une de mes mains sous mon tee-shirt, malgré la douleur et mes muscles tendus, et je tâte ma peau. Ma main effleure les deux fentes où mes ailes auraient dû être. Cela me fait mal. C'est atroce. Autant la perte de mes ailes que la douleur. Je ressors ma main. Mes yeux se posent sur mes doigts qui sont couverts de sang. De mon sang. Un cri d'effarement s'échappe de mes lèvres. Et je me souviens donc de ce qu'on m'a fait. Mes ailes m'ont été arrachées. Je ne crois pas avoir ressenti une douleur aussi horrible que celle qu'il m'a été infligée quand on m'arrachait les ailes.

L'eau salée déborde de mes yeux et les larmes coulent sur mes joues pâles. Perdre mes ailes a été la pire chose que j'ai endurée. Je ne volerai plus jamais. Jamais plus je ne me sentirai libre. Jamais plus je ne sentirai le vent fouetter mon visage pendant que je vole. Sans mes ailes, je suis attachée à la terre. Je suis piégée. Je vais devoir vivre ici pour toujours. En aurai-je le courage ? Je ne sais pas si je pourrai vivre éternellement sur cette planète, accrochée au sol en me déplaçant grâce à mes jambes et avec mes ailes. C'est la pire punition que je pouvais recevoir. Mes larmes m'aveuglent mais j'arrive quand même à constater que je me trouve dans une forêt. Et au loin, j'entends une route. Au moins, je n'ai pas perdu mon ouïe sur-développée. Mais j'aurais préféré perdre cela que mes ailes.

Je ne sais pas combien de temps j'ai été inconsciente, ni depuis combien de temps je suis sur Terre. Peut-être depuis un jour, deux jours voir même une semaine. Je ne peux pas m'en rendre compte. Mais au bout d'une semaine, mon dos n'aurait-il pas cicatrisé ? Peut-être ai-je perdu cette faculté ? Celle de guérir facilement et rapidement. Ou alors, je ne suis là que depuis quelques heures. Mais de toute façon, je sais parfaitement que les deux cicatrices mettront du temps à se refermer et je serai marquée à jamais. Je vais errer sur cette terre pour toujours. Pour toujours, je serai un ange déchu. C'est le prix à payer pour avoir fauté, pour ne pas avoir respecté les lois.
Les larmes coulent toujours et j'ai du mal à respirer. Ma respiration est saccadée. Je renifle disgracieusement. Je n'ai pas de mouchoir sur moi. En même temps, ai-je quelque chose ? 

Mes doigts tremblent, comme le reste de mon corps. Etre assise me fait mal et m'épuise. Mais je ne sais pas où aller. Je dois me soigner, me laver et manger. Mais je n'ai pas d'argent. Sur Terre, je ne suis rien. Je n'ai même pas d'identité. Chez moi, enfin chez les anges, nous n'avons qu'un prénom. Je suis Einin. Mais je n'ai pas de nom de famille. Je n'ai même pas de date de naissance. Les anges sont éternels alors pourquoi auraient-ils besoin de savoir leur âge ? Mais sur cette planète, que ferais-je sans identité ? Les humains diraient que j'ai perdu la mémoire. Cependant, personne ne me croirait si je disais que je me suis réveillée toute seule dans une forêt. Est-ce l'asile qui m'attend ? Suis-je condamnée à être enfermé ? L'avenir me terrifie. 

Mais je dois me reprendre car je n'avancerai à rien en me lamentant. Je me suis connue plus courageuse. Cependant, aujourd'hui, j'ai l'impression d'avoir tout perdu. Mes ailes, mon courage, ma joie, mon monde tout entier. Comment vais-je pouvoir m'en reconstruire un sur cette maudite Terre ? Je ne suis pas d'ici... Mais je vais devoir m'y habituer car la Terre est ma prison maintenant et je n'ai aucune chance d'y échapper. Mais peut-être puis-je rendre cela plus facile ? Mais par où commencer ? Il faudrait déjà que j'arrive à me lever. Heureusement, il y a un arbre à ma portée. Mon dos me fait extrêmement mal. Sensation de brûlure, picotement, étirement...
Je n'arrête pas de pleurer ce qui me rend d'autant plus faible. Je ne sais pas si je vais tenir sur mes jambes. Je m'appuie donc à l'arbre et essaie de me relever. Mes jambes tremblent tellement et je remarque alors que mes pieds sont nus. Nous ne portons pas de chaussures là d'où je viens, comme nous volons la plupart de temps.

Je ne sais rien de cet endroit. Je suis juste en pleine forêt à quelques centaines de mètres d'une route. Ma main tremblante vient essuyer mes joues et mes yeux. Je vois mieux. Seulement, je sais que les larmes ne sont pas loin de revenir. Je m'accroche alors à l'arbre, dans l'espoir de ne pas tomber car j'ai du mal à rester debout. Je détaille alors ce que je porte. Un tee-shirt blanc, tout simple avec un pantalon de la même couleur et pas de chaussure. Cependant, le blanc de mes vêtements n'est plus aussi immaculé qu'il a dû l'être. Il y a des traces de terre, de boue même et de sang. Je soupire en mesurant que je n'arriverai jamais à m'en sortir. Je remarque alors que mon pantalon a des poches. Je fouille et trouve par miracle un bout de papier sur lequel est écrit quelque chose.

A un kilomètre vers le nord, tu trouveras une maison.
G

G comme Gabriel, c'est certain. Je me demande s'il est vraiment sincère. Pourquoi m'aiderait-il ? Car après tout, je suis un ange déchu maintenant. Cependant, Gabriel ne m'a jamais menti alors j'essaie de lui faire confiance. Mais pourrai-je marcher des kilomètres, en espérant que je n'ai pas perdu le sens de l'orientation ? Mais heureusement, comme pour l'ouïe, je ne semble pas avoir perdu cette faculté. Mais j'arrive à peine à marcher. Je n'arrive même pas à faire quelques pas sans trébucher et dois m'appuyer contre des arbres, tellement mon dos me fait mal. Je ne sais pas combien de temps, je mettrai à atteindre la maison, si elle existe...

J'ai mis des heures avant d'apercevoir la petite maison. La nuit est tombée sur la Terre. Mais je vois quand même. Pas aussi bien qu'avant mais je peux marcher dans le noir sans avoir à tâter le sol pour voir où je marche. Je me suis quand même coupée les pieds puisque je n'ai pas de chaussures. C'est une délivrance quand je vois la maison se dessiner devant mes yeux. Gabriel ne m'a pas menti. Je souris mais les larmes coulent quand même. Je suis soulagée. J'ai encore un peu de force et avance jusque la porte. Je suis prête à m'effondrer sur place, de douleur surtout. La maison est blanche. Elle est construite sur deux étages. Je me demande comment Gabriel a fait pour avoir cette maison. Et surtout à qui elle appartient. Je monte les trois marches et ouvre la porte d'entrée qui n'est pas fermée. Et alors, j'entre dans la maison.

Tout est d'une propreté impeccable. Je ne pense pas que cette maison a été habitée récemment cependant je ne vois aucune trace de poussière. Je ferme la porte et observe la grande pièce où je me trouve. A ma gauche, je trouve un grand canapé avec une télé au mur. Des étagères de disques et de DVD sont disposées de part et d'autre de la télé. A ma droite, se trouve une pièce où les murs sont tous en verre. Un piano trône au milieu de la pièce. J'esquisse un sourire. Je joue du piano. Cependant, vais-je rester ici ? Au fond à droite, se trouve la cuisine avec un îlot centrale, bien équipée. L'escalier est à gauche mais je n'ai pour l'instant pas la force de monter. Au fond, il y a une grande baie vitrée qui donne sur une terrasse et un jardin où j'aperçois une piscine, je crois. Et au milieu de cette grande pièce, il y a une grande table en verre. Un paquet est posé dessus. Est-ce pour moi ? Je le pense sinon pourquoi Gabriel m'aurait-il guidé vers cette maison. Je m'approche lentement de la table. Les plaies de mon dos me font vraiment souffrir et je ne sais pas si je peux rester éveillé encore longtemps. Je m'effondre sur une chaise en soupirant de bien-être. La position n'est pas si confortable et la douleur ne se calme pas. Mais je suis mieux assisse que debout. Je prends alors le paquet qui est réellement pour moi puisqu'il y a mon nom dessus et je reconnais aussi l'écriture de Gabriel. Pourquoi a-t-il pris autant de risques pour m'aider moi, un ange déchu ? C'est une question qui restera sans réponse puisque je ne reverrai plus jamais Gabriel.

Einin,
Je ne vais pas revenir sur ta punition mais je pense que tu aurais besoin d'une petite aide. Je ne vais pas être désolé pour ce qu'il t'arrive mais je ne voudrais pas que tu meures. Dans ce paquet, tu découvriras tout ce dont tu as besoin pour vivre sur Terre.
G

Les larmes recommencent à couler alors que je comprends réellement que je vais passer le reste de ma vie sur Terre. Mais un poids s'envole de mes frêles épaules. Gabriel va m'aider. Il va m'aider...

J'attrape les premières feuilles. Mes mains sont sales mais je n'y fais pas attention. J'essuie mes larmes et commence à lire les papiers. Il y a un acte de propriété à mon nom. Cette maison est donc à moi. Je retiens difficilement d'autres larmes. J'ai un toit. Je vais vivre ici. Un fin sourire se dessine sur mes lèvres. Je sais où je vais habiter. D'autres papiers concernent une voiture. J'ai même un permis de conduire bien que je ne sache pas conduire. Mais je suppose que je vais rapidement apprendre. Il doit sûrement avoir un garage dans la maison parce que je n'ai pas vu de voiture à l'extérieur. Je visiterai après. Je trouve aussi une inscription pour un lycée et découvre enfin le nom de la ville où je suis, Roseville. Si je suis inscrite au lycée, ça veut dire que je vais devoir côtoyer les humains tous les jours, des adolescents en plus. Je soupire. Je vais devoir suivre des cours, écouter des professeurs alors que je suis sûrement plus intelligente qu'eux. Je lis en détails l'inscription. Je serais donc en terminal scientifique. J'espère que ce lycée n'est pas petit, sinon je vais me faire remarquer. J'essuie de nouveau mes larmes avant de continuer à explorer le paquet qui contient encore des papiers. Il y a une carte d'identité. Je suis donc Einin Pearl et j'ai 18 ans. Je suis né un 24 juin et je mesure un mètre soixante-dix. Je repose ma carte d'identité avant de tirer un des derniers papiers du paquet. C'est un calendrier. Un jour est entouré, aujourd'hui. Nous sommes donc déjà en août. Je me réjouis de savoir quel jour nous sommes. Je me sens un peu moins perdue. Le dernier papier est un message de Gabriel.

Fais soigner ton dos. Il ne te posera pas de questions.
G

Un numéro de téléphone est inscrit en dessous. Mais comment veut-il que je contacte ce médecin ? Je trouve rapidement ma réponse quand je remarque une boite dans le paquet. C'est un portable. Je ne me suis jamais servi de ce genre de technologie mais j'ai passé assez de temps à observer les humains pour savoir comment cet engin fonctionne. Je parviens donc facilement à appeler le médecin. J'essaie de me présenter et de lui expliquer ce qu'il m'arrive mais il me coupe la parole en me demande si j'appelle grâce à Gabriel. Je suis étonnée de sa question mais lui répond que oui. Il me demande alors mon adresse puis me dit qu'il arrive rapidement sans me poser d'autres questions. Son comportement me parait étrange mais il a peut-être l'habitude de traiter des cas comme moi. Cependant, je sais que les anges déchus sont rares. Enfin rare ne veut pas dire impossible.


Il arrive une dizaine de minutes plus tard alors que je suis toujours sur ma chaise. Je l'entends se garer. Je me lève avec difficulté alors qu'il sonne, et vais lui ouvrir. Je remarque qu'il y a une autre faculté que je n'ai pas perdu. Je peux reconnaître les humains. Et cet homme n'en est pas un. Cependant cette faculté a perdu de la puissance car je ne peux pas dire à quelle nature il appartient. Son regard froid m'analyse. Je dois être dans un état pitoyable. Sale et pleine de sang.

— Gabriel devrait arrêter de me prendre pour son médecin personnel, soupire-t-il.

Je ne réponds rien et le laisse entrer. Il ne semble pas content d'être ici mais je ne l'ai pas forcé à venir. Même si je suis vraiment soulagée qu'il soit là. Je n'aurais sûrement pas survécu s'il n'était pas venu.

— Il va falloir que tu te laves avant que je puisse te soigner, me dit-il alors.

Je suis surprise mais je devine aisément que la terre et le sang ne vont pas l'aider à me soigner. J'acquiesce donc en silence. Cependant comment vais-je monter les escaliers puisque la salle de bain doit être à l'étage même si je n'ai pas encore visité la maison en entier. Mais je peux à peine tenir debout. Alors comment veut-il que je monte à l'étage ? Et prendre une douche aussi ?  

— Je ne pourrai pas monter sans aide, lui soufflé-je d'une voix faible.

Ça fait des jours que je n'ai pas parlé et ma gorge me fait mal. Ses yeux me scannent encore quelques instants. Mais il se résigne et vient m'aider. La montée des escaliers ne se fait pas sans douleur. J'essaie cependant de retenir les gémissements de douleur qui veulent sortir de ma bouche. Mes dents mordent ma lèvre inférieure pour les contenir. Nous mettons plusieurs minutes à atteindre l'étage. Il cherche alors la salle de bain et je me laisse guider. La pièce est spacieuse et moderne. Tout est propre comme si le ménage venait d'être fait alors que la maison ne doit pas être habitée. Mais je ne me préoccupe pas plus que ça des meubles. Il me laisse seule et me dit qu'il m'attend dehors. Je me déshabille avant de rentrer dans la douche. L'eau brûlante détend mes muscles mais ne convient pas aux plaies que j'ai dans le dos. Je geins de douleur. La maison est bien équipée, il y a même du gel douche qui n'est pas ouvert. Je me lave difficilement. Je n'ai pas le courage de me laver les cheveux. Lever les mains me demande trop d'effort. Ma chevelure doit être un paquet de nœuds mais je n'ai pas le courage de m'en occuper. Ça attendra demain. Enfin, si j'arrive à bouger. Je sens alors mes yeux se remplir de larmes qui se mêlent à l'eau qui coule. Putain, j'ai mal !

Après quelques minutes, je suis lavée et je sors de la douche en grelottant. J'ai perdu cette chaleur habituelle car les anges n'ont normalement jamais froid. Mais je suis un ange déchu. J'aurai dû savoir que je ne serais plus aussi puissante qu'avant. Ma vue a déjà baissé et je ne guéris plus aussi rapidement. Je m'enveloppe dans un peignoir blanc qui est accroché à un des murs et laisse mes cheveux mouiller le vêtement. Puis, je ressors rapidement de la salle de bain. Il faut que je me fasse soigner. Le médecin dont je ne connais pas le nom m'attend à l'extérieur de la pièce. Et sans que j'ai besoin de demander, il m'aide de nouveau à marcher. Il trouve rapidement la chambre. Il me fait asseoir sur le lit.

— Je reviens.

J'acquiesce. Il réapparaît quelques instants plus tard avec un pantalon de pyjama et un tee-shirt. Il me tend le pantalon.

— Mets-le puis allonge toi, je vais chercher ma trousse.

Et c'est toujours avec cet air glacial qu'il me laisse seule. Je soupire de désespoir. Je n'ai qu'une envie, m'étendre dans le lit et m'endormir. Mais mon dos doit être soigné pour qu'il puisse cicatriser correctement. Je retire donc le peignoir et enfile le pantalon, non sans quelques douleurs. Puis, je m'allonge sur le lit, le dos non couvert. Il revient alors. Il pose ses affaires par terre et s'assoit sur le lit. Il ne pose aucune question alors qu'il observe mon dos. Je sens ses doigts froids se poser sur mon dos et je glapis de douleur alors que mes yeux se ferment. Il examine mes blessures avec douceur, ce qui contraste avec son attitude hostile. 

— Ça va faire mal, me prévient-il.

Je ne sais pas ce qu'il applique sur les plaies mais il a raison. Cependant ce n'est pas aussi douloureux que le moment où on m'a arraché mes ailes. Donc j'arrive à ne pas crier. Mais je laisse échapper quelques gémissements. Je ne sais pas depuis combien de temps il me soigne quand il applique alors deux grands pansements sur les plaies.

— As-tu mal autre part ? Demande-t-il.

J'aimerais lui dire que j'ai mal partout mais je me retiens.

— Aux pieds, me contenté-je de lui répondre.

Il se lève et examine mes pieds. Il n'y a pas grand-chose à faire sur eux. Après tout, ce sont juste des coupures. Le médecin se contente donc de désinfecter avant de revenir vers moi.

— Je reviendrai demain. 

J'acquiesce alors qu'il range ses affaires. Je n'ai même pas la force de le remercier, ni d'enfiler le tee-shirt. Il me lance un dernier regard avant de refermer doucement la porte de la chambre. Je soupire d'aise même si la douleur est toujours présente. Le médecin est parti et je suis seule. La porte d'entrée doit être ouverte mais je ne m'en soucie même pas alors que je m'endors. De toute façon, qui connait cette maison ?


Ce sont les rayons du soleil qui me réveillent. La nuit a été courte mais je suis moins épuisée qu'hier. La douleur est moins présente mais j'ai toujours mal. De toute façon, je ne m'attends pas à ce qu'elle disparaisse avant quelques semaines. Mais c'est plus supportable et je suppose que je vais pouvoir me lever, même si c'est avec difficulté. Après quelques minutes, j'arrive m'asseoir sur le lit. J'attrape le tee-shirt que le médecin m'avait apporté et l'enfile en grimaçant de douleur.

Je décide ensuite de visiter la maison avec un peu plus d'attention qu'hier soir. Je sors de la chambre. Mes pieds sont toujours douloureux mais c'est tolérable. Il y a cinq portes à l'étage. J'en connais déjà deux. Il y a la chambre où j'ai dormi et la salle de bain. J'ouvre la porte à ma gauche et découvre une deuxième chambre. Simple et plus petite que l'autre, elle sert sûrement de chambre d'ami. La porte à côté de celle de la salle de bain donne sur un énorme dressing. Je referme rapidement la porte. J'aurais le temps de l'explorer plus tard. Je n'en vois pas l'utilité pour l'instant. Et face aux escaliers, se trouve la dernière porte. Je pousse la porte et m'avance dans ce qui semble être un bureau. J'y trouve alors un ordinateur ainsi qu'une grande bibliothèque. Un mot est collé sur l'ordinateur.

Tu en auras certainement besoin. 

Je me demande toujours pourquoi il m'aide. Je ne prends pas la peine d'ouvrir l'ordinateur. J'aurais le temps de le faire plus tard. Et je n'en ai pas l'utilité pour l'instant. Je décide de descendre. Hier, je n'ai pas fait très attention à la décoration. Mais tout semble fonctionnel, moderne mais quand même chaleureux. Je pourrais me sentir bien dans cette maison, même si je ne l'ai pas choisi. Je redescends donc en bas. Je remarque alors que j'ai laissé des traces de boue. Je vais devoir nettoyer mais je n'en ai pas le courage pour l'instant. Je me sens encore trop faible pour faire du ménage. Je n'ai déjà pas envie de m'occuper de mes cheveux...

La cuisine est bien agencée avec l'ilot central et les quelques tabourets. Je ne sais pas bien cuisiner mais je suppose que je vais devoir rapidement apprendre. Mais bon, ça ne devrait pas être compliqué. Je dois alors avouer que j'ai un peu faim. Je fouille dans les placards et le frigo, en essayant de me familiariser avec le mobilier. Je trouve peu de nourriture mais c'est suffisant pour quelques jours. Je suppose que je vais devoir aller faire des courses. Et je vais être dans l'obligation de prendre la voiture et donc de conduire. Il va sûrement falloir faire quelques essais mais j'ai assez observé les humains pour avoir quelques bases, en espérant que ça suffise.

J'ai passé le reste de la journée dans le canapé, à regarder la télévision. Et c'est tout nouveau pour moi puisque les anges ne possèdent pas ce genre de choses. Et trouver quelque chose d'intéressant à regarder a été compliqué mais j'ai finalement trouvé. J'ai donc attendu patiemment la venue du médecin, en espérant que mon dos ait un peu cicatrisé. Je sais parfaitement que je perdue une grande partie de cette capacité. Je ne guéris plus aussi rapidement mais j'espère quand même que je guéris plus vite que les humains. Parce que je n'ai pas envie de rester aussi faible pendant des jours. Je ne supporterais pas de devoir dormir sur le ventre encore longtemps. Et j'aimerais pouvoir bouger, surtout si je dois sortir. Je n'aime pas rester enfermé alors que je dois visiter la ville et commencer à me faire à cette nouvelle vie, même si je ne l'accepte pas encore.


L'homme est aussi froid que la veille, avec son air peu amical. Je ne sais pas comment il peut être médecin alors qu'il ne semble pas apprécier de faire ça. Ou alors, il est comme ça juste avec moi. Mais bon, il a accepté de me soigner, alors je me tais et le laisse entrer. Il me dit que mon dos commence à cicatriser bien que ce soit lentement et que la douleur soit toujours présente. Elle est quand même plus supportable qu'hier.

— Tu peux dire merci à ton ancienne nature, me lance-t-il en rangeant ses affaires.

J'encaisse sa remarque en silence, ne voulant pas m'attarder sur le fait que je ne suis plus un ange parce que penser à ça me fait aussi souffrir. Ce n'est pas que physique. Mon ancienne vie va me manquer. Horriblement. Le médecin me donne un nouveau rendez-vous pour le lendemain et me quitte sans rien ajouter. Et après avoir mangé quelque chose, je vais directement me coucher. Je suis épuisée et m'endors rapidement.


Une semaine passe doucement. Je me remets lentement de mes blessures mais après quelques jours, je peux enfin rester debout plusieurs heures. Hier, le médecin m'a dit que c'était la dernière fois que nous nous voyons. Il ne peut plus rien faire pour moi. Et j'ai été soulagée quand je l'ai entendu. Mon dos ne mérite plus de soin. Il a assez cicatrisé et seul le temps aura un effet maintenant. Je vais donc pouvoir aller faire des courses. D'ailleurs, pendant ces quelques jours, j'ai essayé de conduire. Le premier jour a été catastrophique mais ça va mieux maintenant. J'ai appris à conduire en un temps record et je suppose que je dois ça à mon ancienne nature.

C'est quand même un peu nerveuse que je sors pour la première fois de chez moi, ou du moins que je vais en ville. Roseville est une commune assez petite. Mais il y a quand même assez de commerces pour assurer une parfaite autonomie aux habitants. Nous n'avons pas besoin d'aller jusqu'à la prochaine ville pour trouver ce qu'on veut. Mais j'aurais peut-être préféré habiter une plus grande ville où je serais passée plus inaperçue. Parce que les gens vont vite se rendre compte qu'il y a une nouvelle habitante en ville. Je gare ma voiture, avec quelques difficultés. Mais je suppose que je peux quand même être fière de ne pas avoir provoquer d'accidents jusque là. J'attrape mon sac où j'ai mis les clés de ma nouvelle maison, mon portable et un portefeuille, que j'ai trouvé dans le dressing, avec une carte de crédit et mon permis de conduire. Je ne sais cependant pas combien il y a sur le compte bancaire qui est à ma disposition. Mais je ne m'en soucis pas pour l'instant. De toute façon, il doit y avoir assez pour que je vive confortablement. Je me demande alors si tous les anges déchus ont le même traitement de faveur. Soins, maison, argent... Mais cette question restera sans réponse puisque personne ne peut me donner la réponse.
Je descends alors de ma voiture et imite les humains en entrant dans le petit supermarché. Comme eux, je prends un panier pour y déposer mes achats. Je mets longtemps à me repérer dans ce magasin que je ne connais pas. Je suis un peu perdue et ne sais pas trop quoi acheter. Je sens que mes courses vont durer plus longtemps que celles des humains.


Alors que je suis au rayon des produits laitiers, essayant de me repérer parmi toutes les marques de yaourts, une jeune femme rousse me rentre dedans. Je sens alors qu'elle n'est pas humaine. Je me tourne vers elle. Elle a de grands yeux noirs et des taches de rousseur sur tout le visage. Elle doit avoir à peu près mon âge. Elle baisse alors les yeux et murmure un vague désolé, avant que j'ai pu parler.

— Maria !

Nous sursautons toutes les deux. Ses yeux noirs se posent sur un jeune homme brun, aussi peu humain qu'elle, qui semble contrarié, en colère même. Je remarque alors la peur dans les yeux de la dite Maria alors qu'elle se retourne. Et je dois avouer que face au regard haineux du jeune homme – même le médecin ne semblait pas aussi hostile – je ne suis pas fière non plus. Pourtant, j'ai combattu des hommes plus grands, forts et armés que lui. Mais aujourd'hui, je suis humaine. Certes, immortelle mais humaine. Je suis plus vulnérable qu'avant et je sais que je ne pourrais pas arrêter cet homme s'il essayait de me faire du mal. Je suis faible et je déteste ça. La vérité est difficile à admettre... La jeune femme, Maria, semble minuscule à côté de lui. Elle ne me regarde pas et détale vers lui. Elle est effrayée alors qu'il l'empoigne par le bras. Je voudrais faire quelque chose mais je reste figée. Je me demande ce qu'il est pour elle. Mais vu comment il la regarde et la tient, ils doivent être en couple.

— Je t'avais dit de m'attendre ! râle-t-il.

— Mais Antoine ça va plus vite à deux, essaie-t-elle de se défendre.

— Maria, grogne-t-il.

— Je suis désolée...

Ils s'en vont mais je vois Antoine me foudroyer du regard. Sait-il que je ne suis pas humaine ? Ou en tout cas, que je ne l'étais pas ? D'ailleurs, est-ce le hasard que je sois tombée dans une ville où il y a des créatures surnaturelles ? J'espère qu'ils ne m'approcheront pas ou me demanderont de quitter la ville. Je suis déjà assez perdue. Et je ne veux pas de problème.
Je finis mes achats et rentre vite à la maison. Je mange un peu avant de tester le piano qui se trouve dans la maison.


Je me réveille en sursautant. La sueur coule de mon front. J'ai fait un cauchemar mais c'était un peu confus. Je repensais au moment où mes ailes ont été arrachées mais il y avait Maria et Antoine. Tout ça se mélangeait. Je reprends doucement mon souffle avant de me lever pour aller me rafraîchir. J'ai besoin d'une douche. Je me déshabille tout en m'observant dans le miroir. Mon visage fait peur. Ma peau paraît plus pâle que d'habitude et je trouve la couleur de mes yeux fade alors qu'ils brillent normalement. Le vert paraît plus terne. Il n'est plus aussi éclatant. Et sous mes yeux, des cernes violets se sont installés et ne semblent pas vouloir repartir. Je me retourne et grâce à un deuxième miroir, j'ai une parfaite vue sur mon dos. Je déteste le voir maintenant. Je détourne rapidement les yeux et entre dans la douche. Je déteste ces deux cicatrices. Elles me rappellent tant mon ancienne vie que j'ai perdue. Et je me demande si je vais pouvoir survivre à cette nouvelle vie.

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 Voici le premier chapitre d'une histoire que j'ai écrit il y a déjà quelques années. Même si j'ai grandi depuis que j'ai écris cette histoire, je vous la livre sans la retoucher ou la réécrire. J'espère qu'elle vous plaira. 

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