Chapitre 85 : Vide
Forêt, quelques minutes avant la nouvelle lune
« Non s'il te plaît Gwenny ! Me laisse pas ! Je sais que je ne te mérite pas, mais je t'aime à en mourir ! J'aime notre enfant tout autant que toi ! »
« Alors prouve-le. », la défia Guenièvre. « Éjecte cet Incubus de toi, qu'on puisse enfin le détruire et construire notre avenir ensemble, toi, moi et notre enfant. »
Sa belle serra la mâchoire et ferma très fort les yeux. Son corps se mit progressivement à trembler, et Zhongli et Phoenix prirent le parti de dégager Guenièvre assez doucement pour ne pas interrompre le combat intérieur que semblait mener leur adversaire. Eilin et Mazikeen se livraient probablement une joute plus que violente, mais les dernières paroles de la Reine semblèrent avoir eu suffisamment d'effet, car les Archons sentaient l'aura de l'Archon de la Liberté revenir de plus en plus.
Finalement, elle s'écroula au sol, son apparence de Succubus s'évapora pour la laisser dans sa tenue de chevalière. A côté d'elle, une silhouette sombre commençait à prendre forme et poussait déjà des hurlements de rage.
« Vite Natasha ! », la pressa Phoenix.
L'Archon de l'Amour grogna mais leva rapidement les mains au ciel et se concentra pour nourrir ses pouvoirs de tout l'amour qui circulait en ce monde. Les cinq autres Archons et Guenièvre tendirent la main et se concentrèrent à leur tour pour lui fournir le plus d'amour possible car, avec suffisamment de puissance de cette nature, Natasha pourrait effacer l'Incubus qui reprenait une forme solide comme Aurore avait anéanti Morrigan.
« Natasha, si tu veux libérer ta magie, c'est maintenant où jamais ! », s'inquiéta Nahida alors que l'Incubus venait tout juste de retrouver son propre corps.
« Amour du Monde ! », proclama Natasha en réponse, tendant les mains vers le démon.
Un rayon de lumière rosée d'une puissance phénoménale vint s'écraser sur l'Incubus, éblouissant tellement les Archons qu'ils durent fermer les yeux pendant de très longues minutes. Lorsqu'ils purent enfin les ouvrir, la clairière était vide de toute trace démoniaque. Seul un léger fumet à l'emplacement de l'Incubus permettait d'attester qu'il avait été là et qu'il était désormais parfaitement désintégré.
« Tu as réussi... », murmura Nahida, incrédule. « Natasha, tu as réussi ! »
« Nous avons réussi. », corrigea la divinité de la glace. « L'amour des Archons pour le monde surpasse de loin tout l'amour que la plupart des mortels peuvent ressentir dans leur vie. Je n'aurais jamais réussi sans vous, et nous n'aurions pas réussi sans Guenièvre. »
La Reine ne répondit pas, s'étant précipitée sur Aurore dès que la situation l'avait permis. Nahida vint ausculter son amie et eut un sourire soulagé.
« Tout est physiquement dans l'ordre ! », annonça-t-elle.
« C'est déjà ça. », émit Ei. « Et sa magie ? »
« Maintenant que l'Incubus a été détruit, ils sont de retour, et plus puissants que jamais. », analysa Nahida grâce à sa magie. « Ceci étant dit, Aurore pourrait ne jamais pouvoir les utiliser à nouveau. »
« Pourquoi cela ? », s'inquiéta Guenièvre.
« Elle doit réussir à se pardonner, et retrouver confiance en elle désormais. », dit sombrement l'Archon de la Sagesse. « Ce sont les choses les plus compliquées, surtout pour elle. Elle a mis de longs mois avant de se pardonner, lorsque Morgane et Morgause ont prit le contrôle de Camelot, et elle était maîtresse de ses actes à l'époque. Elle va nécessairement perdre confiance en elle, que ce soit en tant que personne ou en tant que divinité. Elle a failli à ses devoirs et a trahi les personnes et les objectifs pour lesquels elle s'est toujours battue. La pente sera longue et difficile à remonter. »
« Je serai là pour elle ! », promit Guenièvre.
« Ramenons-la à Camelot maintenant. », décida Stella. « Dans seulement quelques heures, la bataille de Camlann aura lieu, on doit pouvoir se reposer. »
« Et je dois faire à Aurore un bilan complet, pour être sûre qu'il n'y ait pas de graves dégâts sur son corps, son esprit et son âme. C'est la première fois qu'un dieu arrive à se libérer de l'emprise d'un démon, il ne faut pas prendre de risque. », affirma Nahida.
« Raison de plus. », convint Zhongli. « Plus vite on sera à Camelot, plus vite tu pourrais lui faire ce bilan et plus vite Stella et toi pourrez vous reposer pour la bataille de Camlann. »
« Je vais nous y emmener. », fit Phoenix. « Accrochez-vous. »
L'Archon de la Paix leva les mains et, dans un écran de flammes, le petit groupe disparut de la clairière. Rien n'était encore terminé, mais les choses étaient tout de même en bonne voie.
Aurore était de nouveau elle-même, et sauve.
Royaume de Camelot, cité, château, appartements d'Arthur et Guenièvre, plus tard
« Dans les cachots ?! », s'indigna Guenièvre. « Comment peux-tu la mettre aux cachots ?! »
« Guenièvre, c'est une traître, d'accord ?! », répondit Arthur, agacé. « Je n'ai pas le temps de m'occuper de cette affaire maintenant, alors Aurore restera dans les cachots jusqu'à ce que je revienne de la bataille de Camlann ! »
« Ce n'est pas elle qui a trahi Camelot ! »
« Elle a trahi Guenièvre, contre son gré, je te l'accorde, mais elle a trahi tout de même ! Je dois pouvoir réfléchir à tête reposée quant à ce que je vais faire ! Et là, je ne peux pas, parce que la plus grande bataille de ma vie aura lieu dans une poignée d'heures ! Je suis soulagé que vous ayez réussi à la ramener, mais elle a failli à ses devoirs Guenièvre. Elle devait te protéger, elle devait défendre Camelot. Non seulement elle a aidé Mordred à s'enfuir et à rejoindre Morgane, mettant ainsi Camelot en danger, mais elle t'a mise en danger en te forçant à l'affronter avec les Archons. »
« Elle ne le voulait pas ! »
« Et ce sera pris en compte le moment venu, je te le promets. Mais je ne peux pas prendre une décision maintenant, dans la hâte, le stress, l'angoisse et la colère. Ce ne serait pas juste pour elle. Elle ne voudrait pas que je prenne ce genre de décisions en étant en proie à mes émotions. »
« D'accord, mais les cachots Arthur ! Tu aurais pu la faire enfermer dans ses appartements ! »
« Ce serait dire au peuple de Camelot que j'accepte la trahison venant de ceux que j'aime, et que je ne la punis pas lorsqu'elle vient d'eux. Ce serait envoyer l'image d'un mauvais Roi. Écoute Guenièvre, je sais que tu te sens offensée pour elle, je sais que tu l'aimes, mais je ne reviendrai pas sur ma décision tant que je n'aurai pas eu le temps d'y réfléchir sérieusement à tête reposée. Ceci dit, je ne t'empêcherai pas d'aller la voir, rassure-toi. Si tu as peur qu'elle se sente seule, ou si tu penses qu'il vaut mieux ne pas la laisser avec ses idées noires pour le moment, va lui tenir compagnie. Mais tu sais très bien qu'elle m'en voudrait si je m'occupais de son cas maintenant, plutôt que de me concentrer sur la bataille à venir. »
« ... tu as raison sur ce point-là. », soupira Guenièvre.
« Ne t'en fais pas. Garde en tête que cela fait longtemps qu'Aurore nous avait averti du jour où elle se retournerait contre nous. Nous étions prévenus tous les deux, et j'ai bon espoir de pouvoir utiliser cela de façon positive lorsque viendra le moment de m'occuper de son cas. En attendant, prends soin d'elle pour Merl et moi. »
« Je le ferai. Quant à vous deux, revenez en vie. »
« Nous nous y efforcerons. »
Royaume de Camelot, cité, château, cachots, au petit matin
Dans sa cellule, Aurore entendit sans le noter le son de multiples sabots annonçant le départ d'Arthur et ses troupes. Elle ne savait pas ce que cela signifiait, mais elle n'en avait plus grand-chose à faire désormais. De toute façon, cela faisait un bon moment qu'elle n'entendait plus rien à moyenne ou grande échelle, ses pouvoirs l'avaient abandonnée et n'étaient pas revenus malgré qu'elle ait éjecté l'Incubus d'elle.
Elle se sentait vide désormais. Elle ne sentait plus la magie en elle, et le vent l'avait délaissée, lui son compagnon de toujours. Probablement avait-il jugé qu'elle n'était plus digne d'en être la divinité. Après tout, elle avait toujours douté d'en être digne, surtout au début. Depuis, elle l'avait accepté et le revendiquait fièrement, s'efforçant d'être la meilleure divinité possible, mais le doute ne l'avait jamais quittée. Et voilà que les événements prouvaient son incompétence.
Aurore savait qu'elle avait tout perdu désormais. Peut-être qu'Arthur et Guenièvre lui pardonneraient personnellement, mais jamais ils ne pourraient le faire officiellement, en tant que Souverains de Camelot. Quant à Merlin, elle l'avait traité tellement méchamment ces derniers temps qu'elle ne doutait pas une seule seconde qu'elle l'avait perdu. Il n'était même pas venu la voir une seule fois depuis son retour à Camelot, contrairement à Arthur qui était venu la voir un peu avant de partir pour s'enquérir brièvement de son état.
En perdant face à ce maudit Incubus, elle avait perdu ce qui comptait plus que tout à ses yeux : sa famille, le vent, et sa maison. Comme pour mieux appuyer sa déchéance, son armure lui avait été entièrement retirée, ainsi que sa cape rouge, ne lui laissant ainsi plus que les vêtements qu'elle portait sous le métal.
Aurore soupira. Peut-être Arthur serait-il clément et ne ferait que l'exiler. Elle pourrait alors retourner à Ealdor. Sans le vent, ses voyages seraient très compliqués et cela faisait trop longtemps qu'elle ne vivait plus à la dure, elle ne pourrait pas se réhabituer à vadrouiller aux quatre coins d'Albion. Elle n'avait plus aucun avenir mais, au moins, à Ealdor, elle aurait un toit sur la tête. Boréalis n'était même pas une option : une Princesse ayant perdu ses pouvoirs n'irait probablement pas bien loin au royaume de la magie.
Machinalement, elle posa ses mains sur son ventre, plat. Au point où elle en était, où tout était perdu, elle aurait certainement mis fin à ses jours, elle avait ce qu'il fallait pour pouvoir se pendre de manière sommaire, mais la seule chose qui l'en empêchait était la graine de vie en elle, qui pourrait s'épanouir pleinement. Elle espérait seulement que la perte de ses pouvoirs n'affecterait pas la grossesse, même si elle savait qu'un bébé de dieu nécessitait beaucoup de magie pour se développer correctement. De toute façon, cet enfant n'était pas la préoccupation actuelle, mais il était devenu sa raison de rester en vie. Elle ferait en sorte de l'élever convenablement, et avec ses deux parents dans la limite du possible.
« Redresse-toi Aurore, ce n'est pas la fière chevalière que je connais qui est devant moi. »
Aurore redressa la tête, et vit l'esprit de Lancelot, adossé contre la pierre.
« Lancelot ? Stella t'a demandé de me surveiller ? »
« Non, je suis venu de mon plein gré. Tu as bien grandi, mine de rien. », remarqua l'ancien chevalier. « Cependant, je ne t'ai jamais vu aussi... vide. »
« ... il y a de quoi. J'ai tout perdu. Je n'ai plus aucun avenir, que ce soit à Camelot ou à Boréalis. »
« Tout ce qui a été perdu peut être retrouvé. »
« Pas dans mon cas. J'ai toujours su que je n'étais pas digne de prendre la suite de Venti, mais j'aurais aimé ne pas en avoir la confirmation de cette façon. »
« Tu sais Aurore, j'ai beaucoup appris sur la magie depuis que je suis un esprit. Pour qu'elle fonctionne, celui qui la manie doit avoir confiance, en lui et en la magie. Tu n'entends plus le vent, tu ne sens plus tes pouvoirs, parce ta confiance en toi et en ta magie s'est évaporée. »
« Lancelot, on a frôlé la catastrophe cosmique à cause de moi. »
« A cause de cet Incubus. »
« C'est du pareil au même. J'aurais dû avoir la force de continuer à le repousser. »
« C'était inévitable. »
« Mais on peut changer son destin, et je n'ai pas cherché à changer le mien. J'ai accepté de faire le mal d'une certaine façon. »
« Aurore, les dieux ne sont pas si différents des humains, et tu es encore une toute jeune déesse. C'est déjà exceptionnelle que tu dois de nouveau toi-même désormais, et libérée de ce démon. Tout le monde fait des erreurs, le principal c'est d'y remédier. »
Aurore eut un léger sourire, triste et pâle.
« Lirou m'a dit cela, une fois. Il y a longtemps. »
« Sincèrement, cela devrait être ton mantra, après la Liberté. »
« Peut-être... mais il n'y a rien à remédier. J'ai trahi Camelot, Arthur va au mieux m'exiler, au pire me condamner à mort, et il a les armes nécessaires pour le faire. La seule chose qui me retient de mettre fin à ma vie, c'est mon enfant, qui pourrait malgré tout très bien être mort depuis le temps vu qu'il a besoin de magie pour rester viable et bien se développer. Cela fait une éternité que je n'en ai plus maintenant, depuis même avant que je ne sombre. »
Lancelot ne répondit pas, se rendant bien compte que des paroles ne suffiraient pas pour aider la chevalière à se remettre en selle.
« Je pense que tu devrais te montrer plus indulgente avec toi-même Aurore. Tu es trop dure. »
« C'est ainsi que j'ai survécu jusqu'à présent, en m'imposant un code d'honneur et de vie drastique. »
« Peut-être serait-il temps pour toi de t'accorder un peu de Liberté, avant de songer à l'offrir de nouveau aux autres... »
Sur ces derniers mots, Lancelot s'évapora, ayant une idée en tête. Il devait faire quelques préparatifs, mais il espérait de tout cœur que cela redonnerait confiance à Aurore. Elle avait passé toute sa vie à se battre pour les autres, il était désormais temps que quelqu'un se batte pour elle, et c'était un honneur pour lui de le faire.
Seulement, il avait besoin d'aide...
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