Chapitre 8 : Alliée ou ennemie ?
Royaume d'Odin, forteresse abandonnée de Morgause, quelques temps plus tard
« Aurore, je dois m'absenter quelques temps. Je compte sur toi pour continuer à t'entraîner avec sérieux. »
L'adolescente hocha la tête aux paroles de Morgause. Celle-ci salua son élève avant de s'en aller. Lorsque le vent lui assura que la Grande Prêtresse était belle en bien partie et qu'elle était loin, Aurore s'empressa de quitter l'aile de la forteresse qu'elle avait à sa disposition. Morgause avait bien précisé qu'elle ne pouvait circuler dans le reste de la forteresse.
Maintenant qu'elle était seule, Aurore allait se faire un plaisir de découvrir ses plans. Elle voulait savoir pourquoi Morgause l'avait prise sous son aile alors qu'elle semblait être plus ennuyée qu'autre chose par elle.
Elle commença d'abord par descendre dans la grotte dans laquelle la Grande Prêtresse se retirait à la fin de ses entraînements. Il s'agissait en réalité d'une ancienne salle de la forteresse, en ruines et envahie par les lianes et les feuilles. Il semblait y avoir une sorte d'autel au centre de la pièce, avec beaucoup de bougies.
« Voyons voir si j'en suis capable... »
Aurore ferma les yeux et se concentra pour rassembler une grande puissance magique, plus qu'elle ne l'avait jamais fait jusqu'alors.
« Observe le monde de la magie et libère-le. Magie élémentaire qui façonne le monde, répond à mon appel. Je suis la maîtresse des vents ! Que s'ouvre le monde intangible et qu'il me révèle la vérité cachée en ces lieux ! »
Cependant, sa magie ne répondit pas à son incantation. Aurore soupira et rouvrit les yeux, mettant une main sur sa hanche.
« J'imagine que je ne maîtrise pas encore assez de puissance pour cela... tant pis, faisons à l'ancienne. »
Après une bonne heure à chercher, elle finit par trouver un gros cristal blanc.
« Je doute que des cristaux se forment dans le coin... », marmonna Aurore en l'examinant. « Hm ? »
Elle écouta attentivement le vent lui parler de la compétence de scrutation, permettant d'avoir des visions passées, présentes ou même futures sur des surfaces réfléchissantes telles que l'eau ou le cristal.
« Mais pourquoi Morgause aurait-elle besoin de voir dans le temps ? La quasi-totalité des magiciens prennent la vie comme elle vient... », réfléchit Aurore. « Seuls ceux cherchant à nuire aux autres pourraient éventuellement avoir besoin de voir le présent ou le futur, pour espionner leurs cibles et anticiper leurs actions... après qui en a Morgause ? »
Aurore fit quelques mouvements de poignet au-dessus du cristal.
« Révèle ! »
Encore une fois, sa magie ne réagit pas. Elle commanda alors au vent de fouiller le reste de la forteresse et de lui rapporter n'importe quelle information, pourvue qu'elle puisse la mettre sur la piste.
Après quelques minutes, le vent vint lui faire son rapport, mais en vain. Morgause ne conservait aucun écrit en ce lieu, ni même quoi que ce soit permettant de deviner ses intentions. Et le vent, contrairement à l'eau et à la terre, n'était pas un élément qui retenait les informations bien longtemps au même endroit, bien au contraire.
« Hm... peut-être se méfie-t-elle de moi, mais probablement pas assez pour protéger magiquement les endroits de la forteresse auxquels je ne suis pas censée accéder. Ce n'est pas comme si j'avais une puissance magique exploitable considérable, de toute manière, je n'ai fait aucun progrès depuis la libération de Guenièvre. », songea Aurore.
A court d'options, elle se contenta de demander au vent de lui rapporter toute information et/ou parole liée à Morgause, puis se retira dans la clairière entourant la forteresse pour continuer à s'entraîner.
Elle s'assit en tailleur au sol, joignit ses deux mains sur sa cuisse gauche puis traça avec son bras droit un cercle au-dessus de sa tête. Ses yeux s'illuminèrent et de petite sphères de vent, dix très exactement, apparurent au cours du mouvement, dont une dans chacune de ses mains, qui reposait chacune sur une cuisse. Elle ferma les yeux et se mit à méditer, afin d'augmenter son endurance et la puissance magique qu'elle pouvait exploiter. D'après Morgause, c'était un exercice qui pouvait s'avérer très utile aux jeunes magiciens qui apprenaient à contrôler leur magie. Et, elle avait beau se méfier de la Grande Prêtresse, cette dernière disait vrai en ce qui concernait la magie...
Après quelques jours, Morgause revint à la forteresse.
« Comment était ton voyage Morgause ? »
« Comme je l'espérais, je te remercie. As-tu fait des progrès ? »
« Pas vraiment, mais je m'y efforce. »
« Je me doute. Et si tu prenais quelques jours de vacances ? Je pense que cela te fera du bien, il est important de faire des pauses quand on apprend la magie. »
« Je peux vraiment ? », s'étonna Aurore. « Je croyais que je devais me concentrer sur mon entraînement. »
« Cela ne sert à rien de t'entraîner avec acharnement si cela n'a aucun effet. Prends quelques jours, va où ton cœur te guide et reviens l'esprit aéré et disposé à apprendre. Tu pourrais aller à Helva, c'est l'une des seules villes où on peut pratiquer la magie librement. C'est dans ce royaume, celui du Roi Odin, mais je ne m'en fais pas pour toi : tes aptitudes avec une épée et la maîtrise rudimentaire que tu as acquis de ta magie sont plus que suffisantes pour que tu n'ais pas à te soucier des hommes d'Odin. »
« Helva ? Je n'en ai jamais entendu parler. », émit Aurore.
« C'est donc l'occasion. Tu es comme le vent Aurore : une âme qui apprend au gré de ses voyages. Tous tes voyages t'apportent la sagesse et l'expérience de la vie, deux choses qui t'aideront à maîtriser et à utiliser la magie à bon escient. »
« ... dans ce cas, je vais entamer un autre voyage. Helva est seulement à quelques heures à cheval, donc je serai toujours en mesure de revenir en cas d'urgence. Ceci dit, il va me falloir des provisions. Hm... je partirai demain, le temps de tout préparer. »
Morgause hocha la tête et la laissa préparer son voyage. Elle alla dans sa grotte.
« Cette enfant est tellement prévisible ! Elle aime tellement voyager qu'elle ne se demande pas un seul instant pourquoi je lui propose de partir quelques jours... », marmonna Morgause pour elle-même.
« Je me disais aussi que cette proposition de voyage était soudaine et était en désaccord avec sa volonté que je m'entraîne le plus possible... ceci dit, je suis contrainte d'y aller. Si je me rétracte, elle va se demander pourquoi et je n'ai jamais été très douée pour inventer des mensonges de toutes pièces... j'espère que tout ira bien, mais j'ai un mauvais pressentiment... », pensa Aurore, qui était allée dans la cuisine préparer des vivres.
Tout en continuant ses préparatifs, elle réfléchit au moyen le plus efficace de découvrir ce que Morgause tramait. Ce fut lorsqu'elle sortit de la forteresse pour cueillir des plantes qu'elle eut une illumination.
Ainsi, le lendemain, elle monta sur Moonlight, son sac de voyage sur le dos. Elle salua Morgause, qui la regardait partir depuis le perron de la forteresse, puis s'éloigna au pas vers le passage menant à la cascade. Lorsqu'elle entendit que Morgause était de nouveau dans la forteresse, Aurore fit s'arrêter et se tourner sa jument puis tendit une main.
« Surveille Morgause sans te faire détecter et stocke les informations jusqu'à mon retour. »
Ses yeux se parèrent des couleurs de l'aurore et une douce onde turquoise se répandit dans la clairière. Satisfaite, Aurore reprit sa route.
« Je suis curieuse de voir à quoi ressemble une ville où la magie est pratiquée librement... ce doit être extraordinaire ! Pour une fois, cela aurait été bien de faire ce voyage avec Lirou... », murmura Aurore pour elle-même.
Moonlight hennit doucement pour la réconforter, amenant sa cavalière à lui donner quelques caresses sur l'encolure.
« Ne t'inquiètes pas, la solitude est le fidèle compagnon de tout voyageur. Allons-y ! Plus vite on y sera, et plus j'aurai de choses à raconter à Lirou ! »
Royaume d'Odin, forêt
Elles passèrent sous la cascade puis traversèrent le lac afin de rejoindre la berge. Tranquillement, elles s'engagèrent dans la forêt, guidées par le vent afin d'éviter les hommes d'Odin.
Il leur fallut bien plus quelques heures pour atteindre Helva, mais ce fut parce qu'Aurore ne chercha pas à faire accélérer sa monture. Elles firent leur route au pas et arrivèrent à destination à la nuit tombée.
Royaume d'Odin, entrée d'Helva
« Je te propose de camper cette nuit, Moonlight. Nous nous chercherons une auberge demain matin. »
Sa jument hocha la tête et Aurore s'empressa de faire un feu de camp, pour se réchauffer et manger un peu. Elle donna des pommes à son cheval puis le laissa brouter.
Après avoir mangé, elle resta un moment auprès du feu. Avec un sourire, elle bougea doucement la main.
« Dragon. »
Un doux vent se leva et vint récupérer une petite flamme dans le feu, avant de former avec celle-ci un dragon, qui s'anima.
« Je commence à comprendre pourquoi Lirou aimait tant utiliser ses pouvoirs, quand nous étions plus jeunes... », murmura Aurore en bougeant la main, amenant le dragon de feu à se mouvoir différemment. « C'est amusant de voir avec quelle facilité le monde peut se modifier selon notre volonté... Lirou. »
Le dragon disparut dans les flammes, laissant la place au portrait solaire de son aîné. A nouveau, elle remua les doigts et le Merlin de feu fit danser des casseroles au-dessus de sa tête. Aurore sourit de nostalgie, son frère ayant autrefois l'habitude de faire cela pour l'amuser avant qu'ils n'aillent se coucher. Quand elle était petite, les tours de magie de son frère étaient incroyables à ses yeux. Ils l'étaient toujours, d'ailleurs, même si elle ne le regardait plus user de magie avec ses yeux d'enfant.
Après un moment à s'amuser avec ses pouvoirs, tel que Merlin lui avait avoué le faire parfois, Aurore décida d'aller se coucher. Elle se prépara un coin douillet, dit bonne nuit à sa jument, puis éteignit le feu par magie. Il était temps pour elle de dormir.
Royaume d'Odin, Helva, le lendemain
« Wow... », murmura Aurore.
Les rues d'Helva étaient animées, malgré que le soleil s'était levé seulement une heure auparavant. De nombreux objets se mouvaient tous seuls, et avaient une voie de circulation qui leur était réservée afin de ne pas déranger la vie de la ville. Elle voyait également des portes et des fenêtres s'ouvrirent par eux-mêmes, des lits se faire tout seuls et même les coiffures complexes de certaines dames se mettre en place sans qu'elles ne soient l'œuvre de quiconque. Il y avait même un cabinet de médecine magique, accueillant toute personne affectée par la magie.
La magie était partout, c'était indéniable.
Emerveillée, elle évolua dans la ville en regardant partout autour d'elle. Même au cours de ses voyages, elle n'avait pu voir une cité montrant ostensiblement que la magie y était libre.
« C'est votre première visite à Helva ? »
Aurore se retourna et se retrouva nez à nez avec un vieil homme. Il affichait un sourire bienveillant.
« En effet. », s'empressa de répondre Aurore. « Je n'avais encore jamais vu de ville qui accepte la magie. »
« C'est l'une des qualités de notre ville, et nous en sommes fiers. Vous êtes magicienne ? »
Aurore hocha la tête, tout en précisant qu'elle n'en avait qu'une maîtrise assez rudimentaire et bancale.
« Vous pourrez affiner votre maîtrise à Helva en toute sécurité. », lui assura le vieil homme. « Vous êtes ici pour combien de temps ? »
« Oh, quelques jours. Vous sauriez s'il y a une auberge qui a des chambres de libres ? »
Le vieil homme acquiesça et l'y conduisit.
« Ici, la magie a court, mais sachez qu'elle n'est utilisée que pour aider les autres et faciliter la vie dans notre ville. C'est pourquoi je me dois de vous prévenir qu'à la moindre utilisation néfaste de votre magie, vous serez très probablement expulsée. »
« C'est naturel, il faut protéger ceux qui utilisent la magie à bon escient. »
Après quelques minutes, ils arrivèrent à une auberge, et le vieil homme prit alors congé de l'adolescente. Celle-ci poussa la porte du bâtiment et se rendit à l'accueil.
« Bonjour, y aurait-il une chambre de libre ? »
« En effet. », confirma la réceptionniste. « Combien de temps restez-vous ? »
« Quelques jours. Je partirai à la fin de la semaine. »
« C'est noté. »
La réceptionniste griffonna quelques chose sur un parchemin puis lui demanda son budget, afin de lui proposer une chambre qu'elle serait en mesure de payer. Aurore sortit la bourse dans laquelle elle mettait son argent, c'est-à-dire très peu car elle n'avait rien gagné depuis qu'elle apprenait la magie auprès de Morgause.
« Je suis désolée, mais ce sera insuffisant pour la totalité de votre séjour... »
« Il manque beaucoup ? »
« Plus de la moitié... », admit doucement la réceptionniste. « Veuillez pardonner ma question indiscrète, mais maîtrisez-vous la magie ? »
« Un peu. Je ne sais rien faire de vraiment exceptionnel, mais je sais faire des choses relativement simples, comme expulser des gens, des objets, allumer un feu, ouvrir un champ de vent afin de voler... de manière plus personnelle, je voyage depuis longtemps donc j'ai une certaine connaissance des plantes, particulièrement celles qui ont besoin de vent pour pousser, et je sais soigner des blessures et des maladies bénignes. Pourquoi ? »
« Eh bien... notre auberge emploie un magicien pour répondre aux requêtes des clients, comme à peu près n'importe quelle auberge de la ville. Mais le pauvre est tombé malade la semaine dernière et les requêtes pleuvent à une vitesse vertigineuse. Nous n'avons trouvé aucun remplaçant pour le moment, et les médecins disent qu'il lui faudra plusieurs semaines de repos. J'ai déjà vu plusieurs requêtes, et je pense que vous en savez assez sur la magie pour réaliser la plupart d'entre elles. »
« Vous voulez que je le remplace ? »
« Si vous acceptez, l'auberge vous offrira la chambre et le couvert à chaque repas, et vous serez rémunérée. Cela nous soulagerait, tout en nous donnant un peu plus de temps pour trouver un remplaçant. »
« Cela me semble honnête. D'accord, j'accepte. »
La réceptionniste sourit, visiblement soulagée.
« Je vous remercie, vraiment. Au nom de nous tous. A quel nom dois-je vous enregistrer ? »
« Aurore. »
« Juste Aurore ? »
« Mon nom complet est Aurore d'Ealdor. »
« Aurore d'Ealdor... c'est noté. Si vous voulez bien me suivre... »
La réceptionniste fit un signe à un collègue, qui prit sa place. Elle attrapa ensuite une clé et guida l'adolescente jusqu'à la chambre qui lui était allouée.
« Prenez le temps de vous installer et de vous reposer un peu, je vais vous classer les requêtes par ordre de priorité et vous monterai les plus importantes. »
« Je vous remercie. »
La réceptionniste hocha la tête, un sourire aux lèvres, puis quitta. Aurore déposa son sac contre un meuble et se laissa tomber sur le lit, lâchant un soupir d'aise, n'ayant jamais connu le véritable confort ailleurs que dans des auberges. Dormir dans un vrai lit de temps à temps, cela faisait toujours du bien, même si dormir au sol ne la gênait pas vraiment. Elle y était habituée.
« Réveille-moi quand il est temps d'aller travailler. », murmura Aurore au vent.
Son fidèle compagnon de vie émit une douce mélodie, qui signifiait qu'il acceptait. L'adolescente se permit donc de fermer les yeux et de dormir un peu.
Chaque voyage enrichissait notre savoir et notre expérience, et Aurore sentait que celle-ci serait particulièrement riche.
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