Chapitre 78 : Héritiers de Boréalis
Royaume de Camelot, cité, château, salle du trône, début d'après-midi
« Dame Aurore, chevalière honoraire de Camelot ! », l'annonça un garde.
Aurore, vêtue de son armure et de sa cape rouge, inspira profondément pour se donner du courage, puis entra dans la salle du trône lorsque les portes s'ouvrirent. Elle prit garde d'adopter une attitude confiante sans être arrogante, car montrer la moindre incertitude ce serait comme s'offrir en sacrifice au conseil. Et la jeune fille refusait de s'abaisser à cela.
Ses talons cliquetant sur le sol au rythme de ses pas, elle s'avança jusqu'aux trônes sur lesquels siégeaient Arthur et Guenièvre, faisant s'écarter sur son passage les membres du conseil amassés devant les Souverains. Elle intercepta le regard encourageant et plein d'espoir de Merlin, debout près d'un pilier de sorte à être près du Roi en cas de besoin sans être vraiment vu, avant de s'agenouiller devant les trônes.
« Vos Majestés. »
« Dame Aurore, il est temps pour vous de répondre de vos actes. », dit Arthur, dont le regard désolé contredisait son ton sévère. « Il y a un an de cela, vous avez manqué à votre devoir envers Camelot en ne vous présentant pas pour le reprendre à Morgane et Agravain. Qu'avez-vous à dire ? »
« Rien Majesté, si ce n'est que c'est l'entière vérité aux yeux du royaume de Camelot. »
« Où étiez-vous pendant tout ce temps, Dame Aurore ? », demanda Guenièvre plus gentiment, alors qu'Aurore se relevait sur un signe d'Arthur. « Vous aviez déjà disparu, quelques temps avant le siège. »
« C'est une sorcière ! Inutile de le lui demander ! », s'exclama un conseiller. « Elle a failli à son devoir, elle doit donc être punie en conséquence ! »
« Lord Pembroke, son rapport à la magie n'a pas lieu d'être ici. », rappela sévèrement Arthur, faisant se fermer le visage du conseiller en une moue agacée. « Seuls ses actes vis-à-vis de la Couronne de Camelot seront jugés. Dame Aurore, répondez à la question de la Reine. »
« Comme il vous plaira Sire. Ainsi que je vous l'avais dit lorsque j'ai prêté serment envers vous, j'ai mes propres devoirs en tant que déesse de la Liberté. Je tente toujours de concilier les deux, mais parfois ils s'entrechoquent. Cela a été le cas lors du second siège de Camelot par Morgane. Quelques temps avant le siège, j'ai été attaquée par une autre divinité. C'était une attaque surprise, je n'ai pas vraiment eu le temps de me défendre, et cette divinité m'a, en quelque sorte, emprisonnée à une autre époque. Je n'avais pas la possibilité de rentrer, pas dans l'immédiat, et je suis restée coincée là-bas pendant trois ans. »
« Trois ans ? », fit un autre conseiller, sceptique. « Vous n'avez été absente qu'un an. »
« Pour une raison que j'ignore, ces trois années là-bas se sont traduits par l'écoulement d'une seule année ici. Si je suis de retour à Camelot, c'est en grande parti dû à mes confrères divins qui m'ont cherché sans relâche à travers chaque époque. Sans eux, mon retour aurait été plus compliqué, voire impossible. Je ne voulais sincèrement pas manquer à mon devoir de chevalière honoraire, mais j'étais dans l'incapacité de l'accomplir. »
« Balivernes ! Vous ne valez pas mieux que ce traître d'Agravain ! », rétorqua Lord Pembroke.
« Sauf votre respect, Lord Pembroke, Camelot aurait de nombreuses fois était perdu si je n'avais pas été là. Ou, tout du moins, où les dégâts auraient été plus grands. De plus, j'avais dix-sept ans quand j'ai disparu, et j'étais déjà une déesse en fonction depuis plusieurs années, je le suis devenue quand je n'étais encore qu'une jeune adolescente, c'est normal que je fasses des erreurs, tout comme Sa Majesté le Roi fait des erreurs, car c'est un jeune Roi. »
« Il est vrai que j'ai fait quelques erreurs, que j'aurais aisément pu éviter si j'étais resté fidèle à moi-même. », convint Arthur.
« Dame Aurore vous en a évité bien d'autres durant le temps qu'Agravain a passé à Camelot. », rappela Guenièvre, alors qu'Aurore fermait les yeux pour cacher ses orbes qui allaient devenir aurores sous l'action de sa magie.
Les membres du conseil fermés à la magie et à l'Archon de la Liberté se détendirent un peu, ce qui n'échappa pas à Arthur et à Merlin. Cependant, le Roi décida de régler cela avec elle en privé.
« J'ai fait des erreurs, la plus grave étant probablement le premier siège du royaume par Morgane, et j'en referai probablement encore à l'avenir. Nul n'est parfait, pas même les dieux. Je vous ai aidé à reprendre Camelot la première fois, j'ai protégé la cité entière pendant des jours contre le Dorocha, et au péril de ma vie parce que je me tuais à petit feu pour que le peuple soit en sécurité. Je vous ai toujours servi avec loyauté Sire, depuis que j'ai prêté serment envers vous. Même avant cela, vous avez pu compter sur moi et toutes mes compétences pour défendre le royaume contre le Grand Dragon, j'ai contribué à vous éviter la mort à cause de Morgane, dans les Terres des Périls. Je me suis toujours efforcée de vous conseiller et de vous servir le mieux possible, d'être la meilleure chevalière possible. C'est pourquoi j'ose implorer votre clémence vis-à-vis de mon manquement à mon devoir il y a un an. »
Arthur consulta du regard les conseillers, beaucoup plus enclins à la tolérance envers Aurore que quelques minutes auparavant. Il regarda ensuite Guenièvre, qui hocha la tête.
« Dame Aurore, au nom de votre loyal service à la Couronne de Camelot, votre manquement à votre devoir de chevalière honoraire est pardonné. Il n'était pas volontaire, et votre devoir de déesse vous a déjà éloigné de Camelot, la Reine et moi ne pouvons vous en blâmer simplement parce que nous n'avions pas été prévenus cette fois-ci, alors que ce n'était pas votre volonté. »
« Continuez à faire de votre mieux, Dame Aurore. », conclut Guenièvre, alors que les conseillers hochaient étonnement la tête pour approuver avec sincérité le Roi.
« Merci pour votre clémence, Vos Majestés. »
« Vous pouvez disposer, Dame Aurore. », la congédia Arthur. « Reposez-vous pour pouvoir reprendre entièrement vos fonctions dès que possible. »
Aurore s'inclina puis obéit et sortit de la pièce.
« Gaius avait raison, un brin de magie pour libérer leurs esprits de la peur et de la méfiance, et les choses sont plus faciles. Arthur pourra travailler plus efficacement à faire de Camelot un royaume plus libre pour tous, où la magie elle-même était libre. Bien... maintenant, allons faire une sieste. Je dois aller interroger Kilgharrah ce soir... »
Royaume de Camelot, forêt, clairière, milieu de la nuit
« Tu veux savoir ce que je sais sur Balinor ? »
Aurore hocha la tête pour confirmer ce que venait de dire Kilgharrah.
« Ou plus généralement sur Boréalis. »
« Je n'en sais probablement pas autant que tu l'espères sur le Boréalis aujourd'hui, jeune déesse, mais peut-être suffisamment pour répondre à certaines de tes questions. »
« Tout ce que vous pourrez me dire me sera utile Kilgharrah. »
« Bien. », accepta le Grand Dragon. « Balinor, votre père à Merlin et toi, était l'héritier légitime du trône de Boréalis. Il devait être à Boréalis ce qu'Arthur Pendragon est aujourd'hui à Camelot. »
« Donc... cela fait de mon frère et moi un Prince et une Princesse ? »
« En effet. Si votre lien avec Balinor est confirmé par le conseil de Boréalis, Merlin pourrait tout à fait monter sur le trône. »
« Mais nous sommes des enfants illégitimes. »
« Certes, mais cette loi n'existe pas à Boréalis. Le Souverain est soit un Seigneur des dragons soit une sœur de Seigneur des dragons. Et ce don est transmis de génération en génération au premier garçon né de chaque famille. Le trône revient au premier né, garçon ou fille, du moment que cette personne est un Seigneur des dragons ou a un frère qui l'est. Car une fille qui a un frère Seigneur des dragons à une affinité particulière avec eux, assez pour être reconnue comme digne du trône de Boréalis. La notion de né hors mariage ou non n'existe pas à Boréalis. »
« Pourquoi c'est si important le lien avec les dragons ? »
« Boréalis est le royaume de la magie, il est né grâce à l'association d'un dieu et d'un dragon qui ont voulu créer un royaume où toutes les créatures magiques pourraient vivre en paix avec les mortels. C'est pour toujours se souvenir de ces origines que seul un Ambrosius avec un fort lien avec les dragons peut monter sur le trône. Si le ou les enfants du Souverain en poste n'ont pas ce lien, alors le trône revient au suivant sur la liste, comme dans une monarchie classique. Dans votre cas, à Merlin et toi, puisque Balinor est mort et était le Prince héritier, ton frère pourrait très bien réclamer ce titre, voire le trône si jamais le Souverain en poste n'est plus. Cela fait bien longtemps que je ne suis plus allé à Boréalis, notamment à cause de mon enfermement, mais je n'y suis pas retourné ensuite parce que je me dois de rester à votre disposition. Particulièrement à celle de Merlin, le dernier Seigneur des dragons existant hors de l'enceinte de Boréalis. »
« Il y en a donc d'autres ? »
« En effet, mais nul n'est aussi puissant que Merlin, pour plusieurs raisons différentes. Comme tu le sais, vous descendez tous les deux de Barbatos, mais ce que tu ne sais pas, c'est que le dieu qui s'est allié avec un dragon pour fonder Boréalis, c'était Barbatos lui-même, avec Dvalin, quelques dizaines d'années avant la mort de ton ancêtre. »
« Il est mort de vieillesse ? »
« En effet. Il est tombé amoureux d'une mortelle, en a fait sa Reine, et l'a laissé diriger Boréalis après avoir fait le rituel pour devenir un simple humain. Il s'est consacré à l'éducation de leurs enfants, en parallèle de celle royale qu'ils recevaient de leurs précepteurs, de sorte que son idéologie ne se perde pas. A sa mort, il a décidé de récupérer certaines de ses capacités afin de pouvoir être présent pour ses descendants et pouvoir guider les héritiers de la magie Anémo divine, ceux qui prendraient sa relève en tant qu'Archon. »
« C'est vrai qu'il est un esprit un peu particulier, puisqu'il peut utiliser mes pouvoirs. »
« Normalement, l'esprit d'un dieu mort, surtout mort en étant humain, ne peut être invoqué par un autre mortel ou un autre Archon, même lorsqu'ils sont liés par le sang. Mais Barbatos a toujours fait ce qui lui chante, il a juste récupéré et acquis, grâce à d'autres Archons, le pouvoir d'utiliser celui du futur Archon Anémo ainsi que la capacité à être invoqué par ce dernier. Cela se fait beaucoup pour les Sept Archons, tu pourras demander à Naia. »
« Donc Venti est le fondateur de Boréalis, et le premier Roi. »
« Avec Elaine Ambrosius, une noble de Carmélide dont il a fait sa Reine. Il a adopté son nom de famille, lui a fait des enfants, et ainsi est née la dynastie Ambrosius qui règne depuis sur Boréalis. C'est la source de toute la magie des mortels, car le don de la magie a été offert aux mortels par Barbatos. »
« Venti était un Seigneur des dragons alors ? »
« Les dieux peuvent parler avec toutes créatures vivantes, jeune déesse, mais il avait un fort lien avec Dvalin. La puissance de ce lien s'est traduite dans sa descendance, qui était dotée de la magie comme Merlin, par le don de parler et contrôler les dragons, qu'on appela le don du Seigneur des dragons. Et ainsi se développa la race des Seigneurs des dragons, dont seul le premier garçon de chaque descendant de Barbatos fait partie. »
« D'accord... mais pourquoi Boréalis est aussi fermée qu'on le dit aux autres royaumes ? Venti est quelqu'un de très ouvert, au contraire. »
« Le royaume n'a pas toujours été aussi fermé. », admit Kilgharrah. « Vois-tu, pendant le règne des trois premiers Souverains, Boréalis était complètement ouvert aux autres royaumes, ils étaient très liés à eux, ce qui a permis à la magie de se répandre et d'avoir de nouveaux utilisateurs dans tous les royaumes grâce à la procréation. En fait, une Princesse de Camelot, avant que le royaume ne soit gouverné par les Pendragon, était même devenue Reine de Boréalis, par mariage d'amour. Cependant, le père de cette Princesse, le Roi de Camelot, n'a pas apprécié car cela s'est fait sans sa bénédiction, qui avait été demandée mais refusée. Il a alors instillé la méfiance et le doute dans tous les royaumes, en racontant à qui voulait bien l'entendre que le Roi de Boréalis avait usé de magie pour ensorceler sa fille et l'enlever à lui. Et trois générations d'entente, cela ne fait pas long feu face à des siècles d'alliance entre les autres royaumes. Le Roi de Boréalis a tenté de se défendre, mais en vain. La guerre était aux portes du royaume, il a donc pris la décision de devenir complètement autonome et de se fermer aux autres royaumes, afin de préserver la volonté de Barbatos pour Boréalis. »
« Et la Reine de Boréalis ? Elle n'a rien dit ? »
« C'était son idée. Elle avait consciemment choisi d'épouser le Roi de Boréalis, elle a choisi de le faire même sans la bénédiction de son père. Lorsqu'il a commencé à diffamer son mari et quand cela a mis en péril Boréalis, elle a décrété qu'il avait perdu les pédales et a choisi de définitivement couper les ponts avec lui, en proposant cette solution drastique au Roi. »
« J'aurais fait la même chose à sa place. Elle était Reine, son royaume devait passer avant tout le reste. »
« C'était une excellente Reine. », confirma Kilgharrah. « Après cela, la méfiance envers la magie a pris racine et les mages ont dû se montrer prudents car, même s'ils étaient relativement acceptés par les royaumes, ils étaient accusés de tous les maux qui se produisaient, sans preuve, sans que cela n'aille toutefois jusqu'à leur exécution. Cette tension est arrivée à son paroxysme avec Uther, où Camelot est passée d'une position de tolérance comme tous les royaumes depuis toujours à une position d'extermination. Camelot et Boréalis sont ainsi liés depuis un certain temps. »
« Ce qu'un mariage a détruit, un mariage peut le réparer, je suppose. », réfléchit Aurore. « Je vais devoir réfléchir à tout cela... »
« Je n'ai aucun doute quant au fait que tu feras bon usage de toutes ces informations, jeune déesse, mais puis-je te conseiller de chercher dans les biens d'Hunith avant toute chose ? Balinor lui a peut-être laisser des objets relatifs à la famille Ambrosius. »
« A ce sujet, pourquoi il n'est pas simplement retourné à Boréalis lorsqu'il était pourchassé par Uther ? »
« Malheureusement, je n'en sais rien. Cependant, la barrière magique qui clôture le royaume refuse l'entrée à ceux qui ont fui leurs responsabilités, donc je ne peux que supposer que c'est ce qu'il a fait. Malgré tout, les enfants ne sont pas responsables des choix de leurs parents, c'est pourquoi ton frère et toi pouvez y entrer et en ressortir à votre guise, et c'est pourquoi vous êtes quand même les héritiers légitimes du trône de Boréalis. »
« On dirait qu'une visite au royaume s'impose... »
« C'est pourquoi je te conseille de vérifier d'abord si votre mère n'a pas d'objets appartenant à la famille Ambrosius. Le plus probable serait une chevalière avec une chouette, elle se transmet de Souverain en héritier lorsque celui-ci est en âge de se marier et sert d'alliance pour le futur Souverain consort. »
« Cela va sans doute devoir attendre un certain temps, je ne peux pas m'absenter très longtemps pour le moment, et je ne suis pas au mieux de ma forme niveau compétences de chevalier, Arthur m'a battu très facilement tout à l'heure... »
« En effet, mais ne tarde pas trop. Jeune déesse, la prophétie à propos de ton alliance avec Morgane existe toujours, je ne peux que t'enjoindre à la prudence. Tu devrais faire les choses de telle sorte que tu ne puisses pas monter sur le trône de Boréalis si tu n'es pas toi-même. Tu sais que les ténèbres en toi finiront par sortir, tôt ou tard. »
« Vous avez raison. », marmonna Aurore, le visage sombre. « Il vaut mieux prendre des précautions. Sinon, il n'y aura sans doute plus de magie accessible aux mortels. »
« En effet, et toutes les créatures dotées de magie périront. »
« Mais pourquoi ne pas nous avoir dit tout cela plus tôt ? »
« Il n'était pas encore temps jeune déesse. Je doute d'ailleurs que ce soit le cas, parce que tu n'as pas encore vécu ton épreuve de déesse, celle qui déterminera comment tu finiras, mais si tu te poses des questions, c'est peut-être que le temps est venu. Nous verrons. »
Aurore médita sur tout cela quelques instants, puis hocha la tête.
« D'accord, merci Kilgharrah. Je vais rentrer au château et encaisser tout cela, avant de prendre la moindre décision. »
« Une preuve de grande sagesse, jeune déesse. Une autre serait d'informer quelqu'un sur les ténèbres en toi. »
« Je... je ne suis pas prête Kilgharrah. », dit doucement Aurore, avant de siffler sa jument pour qu'elles puissent rentrer.
« Ce n'était qu'un simple conseil. Garde à l'esprit que chaque petite chose peut influer sur ta finalité. »
Aurore grimpa sur Moonlight, puis fit face une dernière fois au Grand Dragon.
« ... entendu. »
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