Chapitre 72 : Le pouvoir de la Lune
France, Camargue, Avalon-le-Lac, 21e siècle, manoir des Pendragon, chambre de Morgane, le lendemain
« Morgane ? »
La sœur d'Arthurine leva la tête de son livre et sourit en voyant la visiteuse du temps, en tenue d'équitation.
« Aurore ? Je peux t'aider ? »
Pour tout réponse, la chevalière entra et ferma la porte derrière elle, avant de tirer de sous son haut son Gnosis, qui brillait toujours légèrement.
« C'est normal ? Arthurine m'a dit que je n'étais pas censée pouvoir utiliser ma magie divine, mais si mon Gnosis brille... »
« C'est que tu peux l'utiliser... que s'est-il passé pour qu'il se mettre à briller ? », voulut savoir Morgane en fermant son livre, intriguée.
« J'ai chanté, avant-hier soir, sur la plage, lors de la soirée de la bande de Léna. »
« Il s'est passé quelque chose d'anormal ? »
« J'ignore comment, mais une sorte de point de rencontre entre mon présent et le vôtre s'est créé, me permettant de voir temporairement mon frère et de chanter avec lui. »
« Avant-hier ? C'était la pleine lune... », songea Morgane. « C'est la mère de toute magie, c'est sûrement pour ça. »
« Elle aurait commencé à recharger mon Gnosis ? »
Morgane hocha la tête et l'invita à venir s'asseoir sur le fauteuil de sa chambre. Aurore ne se fit pas prier et s'y installa, curieuse.
« Même après tout ce temps, rien de plus sur la Lune n'est connue que ce qu'on connaissait déjà à notre époque, rien qui n'ait un lien avec la magie en tout cas. En tout cas, c'est le plus logique. Lors des pleines lunes, la magie est beaucoup plus abondante et plus prompte à être libérée. Tu en sais quelque chose, n'est-ce-pas ? Avant d'obtenir ton Gnosis, tu fuyais toujours lors des pleines lunes, au cas où il se réveille. »
Aurore écarquilla les yeux, soudainement pâle comme la mort.
« Tu... tu sais ? Mais comment ? Personne ne sait ! »
« Tout le monde le sait : Arthur, Merlin, les Chevaliers de la Table Ronde, Guenièvre... peut-être pas encore dans ton présent, mais dans le mien, je peux te dire que nous avons tous été au courant à un moment donné. Seules les réincarnations éveillées comme Arthurine et moi le sommes aujourd'hui. »
« Pourquoi ? Que s'est-il passé ? Il... ila fait du mal ? », bafouilla Aurore.
« Tout s'est bien terminé, alors ne t'en fais pas. Tout se terminera bien pour toi aussi. Bref, tout ça pour dire que, si c'était la pleine lune dans ton présent également, hier soir, alors ce n'est pas impossible que l'amour que vous vous portez, Merlin et toi, aient réussi à vous faire entrer brièvement en contact malgré la distance temporelle, surtout si vous chantiez la même chanson. Je pense qu'on peut dire sans trop s'avancer que chaque pleine lune rechargera légèrement ton Gnosis. Peut-être que tu rentreras comme ça, au final, lorsqu'il sera complètement chargé. D'une manière ou d'une autre, il devrait avoir l'énergie nécessaire pour un saut dans le temps. »
« Ne change pas de sujet Morgane ! Que va-t-il se passer à cause de lui ?!! », l'implora Aurore, affolée. « Dis-moi ! Je dois l'empêcher ! »
« Arrête de t'inquiéter, ce n'est même pas sûr que ça arrive. Juste... promets-moi de garder à l'esprit que Merlin t'aime et qu'il ne fera et ne dira jamais quelque chose contre toi. »
« Je sais, pourquoi tu me dis ça ? »
« Promets-le-moi juste. », implora Morgane, coupable.
« Euh... promis. », répondit Aurore, perplexe.
Rassurée, Morgane hocha doucement la tête.
« Il n'y a que pour ça que tu voulais me voir ? Par rapport à ton Gnosis ? »
« Pas que. En fait, j'aurais besoin que tu m'instruises sur la magie telle qu'elle existe maintenant. Morrigan est allée trop loin cette fois. Je ne laisserai pas cet acte impuni. »
A la voix dangereusement profonde de la déesse, Morgane déglutit. Elle avait oublié à quel point Aurore faisait peur quand elle considérait quelqu'un comme son ennemi.
« B-Bien sûr ! Quand veux-tu qu'on commence ? »
« Pas maintenant, j'ai entraînement avec Léna et encore un million de trucs à apprendre pour être prête à me faire passer pour Aurore. »
« On commencera après la reprise des cours alors. », sourit Morgane. « Va galoper avec tes amis. »
« Ce ne sont pas mes amis... »
« D'une certaine manière, je pense que oui. En plus, y'a Guenièvre avec eux. »
Aurore rougit et détourna le regard, se passant la main sur la nuque comme Arthur le faisait quand il était gêné.
« C'est compliqué... ce n'est pas... enfin elle n'est pas... »
« ... ta Gwenny ? »
« Elle ne l'est pas. », murmura Aurore. « Peu importe combien je le voudrais, ou combien elles se ressemblent. C'est la même personne, mais pas la même en même temps. En plus, au final, on va même pas finir ensemble. Je dois me détacher d'elle... »
« Comment ça, vous ne finirez pas ensemble ? Comment tu peux le savoir ? »
« Léna. Je vais finir Reine de Camelot et Gwenny Reine de Boréalis. En plus, je vais me marier, probablement pour le bien de Camelot... »
« Pourquoi Reine de Camelot ? »
« C'est évident enfin, Morgane : je ne suis qu'une simple roturière. Le seul moyen pour moi d'accéder à un trône, c'est de succéder à Arthur sur celui de Camelot. », soupira Aurore, comme si c'était une évidence.
Morgane resta silencieuse, secouant la tête de dépit.
« Voilà pourquoi tu dois en savoir le moins possible sur ton avenir, parce que tu te retrouves à faire des liens qui n'ont pas lieu d'être. »
« C'est-à-dire ? »
Sans répondre, l'ancienne sorcière se leva et récupéra quelque chose dans sa table de nuit, avant de le tendre à Aurore. Perplexe, cette dernière le prit et remarque que c'était un collier avec un médaillon doré en forme de cœur. Elle l'ouvrit et écarquilla les yeux, lâchant un hoquet de surprise.
« M-Mais... c'est Gwenny et moi... », murmura Aurore. « Reines, à en juger les couronnes... »
« En effet. Dans mon présent, vous étiez Reines, ensemble. Je ne dis pas que ça va se passer pour toi, tout va dépendre de toi, mais c'est une des nombreuses possibilités d'avenir qui s'offrent à toi, pourvu que tu fasses les bons choix. N'essaie pas de creuser plus, mais tâche de t'en rappeler, et de ne pas prendre de décisions qui se basent sur des informations qui concernent ton futur. C'est toi qui forges ton avenir, pas l'inverse. Ne décide pas de t'éloigner de Guenièvre, que ce soit celle de ton présent ou du mien, sous prétexte qu'il semble que vous étiez Reines de deux royaumes différents. Concernant la réincarnation de Guenièvre, tu te compliques la vie pour rien. Même si elle n'est pas exactement pareille, elle est fondamentalement la même. Tu n'as jamais été capable de lui résister longtemps, que ce soit dans le temps duquel tu viens ou dans ce que je sais de ton avenir. Guenièvre et toi, c'est comme Arthur et Merlin. Ils se sont toujours aimés et s'aimeront toujours, à travers le temps, et c'est pareil pour Guenièvre et toi. Alors, ne te pose pas trop de questions, profite juste. Tu es la déesse de la Liberté, mais ça veut pas dire que tu n'es pas libre de vivre ta propre vie à côté. »
Aurore ne répondit pas, mais Morgane n'eut aucun mal à comprendre le sens de son silence.
« J'espère que ce séjour dans le futur te détendra un peu Aurore. »
« Alors que les humains sont aussi cruels envers le monde et envers leurs propres congénères ? Y'a peu de chances. »
« Tu n'as pas tort, malheureusement... mais essaie quand même de profiter un peu. Tu n'es plus vraiment la déesse de la Liberté ici. »
« Pourtant, j'aimerais bien... », soupira Aurore en jetant un coup d'oeil par-dessus son épaule, comme si elle voulait regarder ses ailes.
« Tu peux toujours voler avec ta magie du vent. »
« Ce n'est pas pareil... mais merci d'essayer de me réconforter Morgane. Je vais y aller, Léna m'attend. »
La sœur d'Arthurine hocha la tête et la laissa partir, lui disant de garder le médaillon pour toujours se rappeler de cette possibilité d'avenir pour Guenièvre et elle.
« J'espère sincèrement que tu arriveras à avoir une vie plus ou moins normale pendant ton séjour ici, Aurore... »
France, Camargue, orée de la forêt, près des falaises, 21e siècle, plus tard
« Aurore, comment tu fais, toi, pour le sauter cet obstacle ? », l'interrogea Léna, alors que la chevalière venait justement de faire sauter l'obstacle à Moonlight.
« C'est vraiment une question de... de connexion, presque de fusion avec ton cheval. Je ne saurais vraiment l'expliquer, mais je peux essayer de te le montrer, si Mistral accepte deux cavalières. »
Pour toute réponse, l'étalon hennit pour marquer son approbation, menant Aurore à descendre de Moonlight. Elle monta sur le dos de Mistral, devant Léna, qui lui confia les rênes, puis dirigea le sombre étalon assez loin de l'obstacle pour prendre de l'élan.
« Accroche-toi à moi et suis mes mouvements. »
« OK. »
D'un mouvement de bassin, elle lança Mistral au galop et se pencha pour presque fusionner avec encolure, fermant les yeux, et Léna tenta de faire de même.
« C'est bien Mistral, tu peux y arriver. Vas-y. Prends de l'élan, fends les airs, sens le vent dans ta crinière. Prends de l'élan, sens le sol sous tes sabots. Va plus vite, plus loin, plus haut, oublie tout ce que tu as connu jusqu'à présent et laisse-toi porter par le vent et la liberté que tu ressens. Ressens ce pouvoir, cette énergie sauvage qui coule en toi, et laisse-la te porter. Laisse-la te porter... et prends ton envol. »
A ses derniers mots, Mistral sauta dans les airs et franchit en un clin d'œil l'obstacle qui lui posait difficulté jusqu'alors. Léna hoqueta de stupeur, son coeur tambourinant dans sa poitrine face à la soudaine montée d'adrénaline due à la course plus rapide que jamais de Mistral et son saut.
« Wow... », murmura-t-elle alors qu'ils revenaient vers Moonlight, qui n'avait pas bougé. « Alors... je dois faire comme ça ? »
« En tout cas, c'est comme ça que je fais. Après, tu n'es pas obligée de parler du vent et de la liberté, si ça ne t'évoque rien. Peu importe l'image que tu utilises, il faut qu'elle trouve un écho assez fort en toi pour qu'il puisse atteindre ton cheval et le guider. C'est comme ça que je monte et que j'aide Moonlight à sauter des obstacles difficiles. Rien ne t'oblige à faire de même, mais si tu veux tenter le coup... eh bien, cela ne devrait pas être trop compliquée pour toi. Si tu as assez confiance en toi et, par-dessus tout, en Mistral, tu t'en sortiras. »
Léna sourit, reconnaissante.
« C'est parce qu'Eilin est ton ancêtre que le vent et la liberté ont un tel écho en toi ? »
« Je ne saurais le dire... en tout cas, mes proches ont tendance à dire que je suis comme le vent, je ne reste jamais en place et je voyage tout le temps, toujours là où on ne m'attend pas. Mais j'imagine que ça a un lien, j'ai toujours eu une certaine affinité avec le vent. C'est un peu mon fidèle compagnon de vie, avec Moonlight. Je deviendrais folle si je ne pouvais plus l'entendre. »
La cavalière la regarda étrangement.
« Quoi ? »
« Rien. C'est juste que... le vent, on peut l'entendre n'importe quand, du moment qu'il souffle. »
« ... pas moi. Le vent est plus fiable que les gens. »
Léna hocha la tête par politesse, mais Aurore savait qu'elle la trouvait vraiment étrange.
« Tu es bizarre, mais c'est ce qui fait ton charme. », admit Léna.
« Je préfère me dire que je suis unique en mon genre. »
« C'est une façon de voir les choses ! », sourit la cavalière. « Et si on rentrait ? Gwen et les autres nous attendent pour manger, on reprendra l'entraînement ensuite. »
« C'est vrai que j'ai faim... », marmonna Aurore, en posant une main sur son ventre. « Tu as raison, allons-y ! Après toi ! »
« On fait la course ? »
« Si tu veux, mais personne n'est plus rapide que Moonlight. A part un dragon, mais ce n'est pas comparable. »
« On verra si j'arrive à mettre en application ce que tu viens de me montrer. Avant de sauter l'obstacle, il faut que Mistral atteigne la bonne vitesse. »
« Dans ce cas... trois... deux... un... »
« Partez ! »
Les deux chevaux noirs s'élancèrent au galop en direction du ranch, leurs cavalières souriant joyeusement.
Et comme toujours, Moonlight sortit victorieuse de cette petite course.
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