Chapitre 69 : Révélations involontaires
France, Camargue, ranch Mistral, 21e siècle, une semaine plus tard
Aurore lâcha un grognement de contrariété, shootant dans un caillou qui n'avait rien demandé.
« Je vais lui en donner moi, des leçons de musique ! Batterie, guitare, flûte, basse, piano... la lyre est devenue si démodée ou quoi ?! J'ai mal aux yeux à force d'essayer de lire les notes... »
Elle se frotta les yeux pour la énième fois puis amena son index gauche à sa bouche pour le suçoter, comme si cela allait le rendre moins abîmé et sec d'avoir trop gratté des cordes de guitare.
« A mon époque, les cordes ne sont pas aussi rêches... bon, elles sont moins durables, mais quand même... celles que Lirou me fait avec du lierre et de petites racines sont très bien... tout est mieux à Camelot qu'ici de toute manière. Tout est trop compliqué dans le futur... »
Cachée derrière un arbre, Guenièvre voulut intervenir pour la sortir de sa rumination, mais Léna choisit ce moment précis pour voir Aurore et l'interpeller.
« Aurore ! C'est sympa de passer ! », sourit Léna, avant de voir la mine de la chevalière. « Tout va bien ? »
« O-Oui ! J'ai juste du mal à m'acclimater à cette époqu- euh à la société actuelle. »
« C'est normal, tu n'as pas voyagé dans des endroits vraiment à la pointe de la technologie. Après, c'est aussi très bien. En ce qui me concerne, je préfère mille fois monter Mistral que rester sur les écrans. », confia Léna. « J'allais m'entraîner, ça te dit de regarder ? On rejoindra les autres à la plage ensuite. »
« Ils y sont ? »
« Non, ils préparent la veillée de ce soir, on a prévu une petite soirée entre amis sur la plage, justement. Tu es invitée si tu veux. »
« C'est gentil. », répondit Aurore par politesse. « S'ils préparent la soirée, pourquoi tu n'es pas avec eux ? »
« J'ai une compétition très bientôt, qui nous permettra de subvenir aux besoins du ranch pendant plusieurs mois si je la remporte. Angelo m'a conseillé de rester m'entraîner. »
Léna lui fit signe de la suivre et Aurore la suivit. Comprenant que ce n'était pas le moment pour essayer de réunir Moonlight et son aimée, Guenièvre se retira pour aider son frère pour le soir-même. Cela pouvait paraître égoïste, mais elle voulait voir la vraie réaction de la déesse, pas celle qu'elle serait contrainte de simuler en présence des autres.
Car cette Aurore venait du passé, et personne ne le savait, à part elle. C'était trop cruel à ses yeux de les réunir et que son aimée se force à ne pas montrer son bonheur et son soulagement à cause du fait que cela serait compliqué d'expliquer comment elles avaient été séparées.
Et puis, elle devait aussi repartir à la recherche de la jument en question. Elle avait tout essayé pour la convaincre de rester avec les autres chevaux du ranch le temps qu'elle lui amène Aurore, mais Moonlight était connue pour n'obéir qu'à une seule personne : Aurore Ambrosius.
Ou Aurore d'Ealdor, comme la déesse en question devait le penser actuellement.
Cependant, avant de partir, elle vit Aurore toucher du bout des doigts le ruban violet à son poignet, celui qui retenait sa chevelure du temps de Camelot. Guenièvre sourit tendrement puis quitta.
La prochaine fois serait la bonne.
« Tu le montes avec une selle ? », s'étonna Aurore.
« Oui, pourquoi ? C'est plus sécurisée, c'est mieux pour les compétitions. Mais je le monte à cru de temps en temps. »
« Mais tu n'as pas l'air de particulièrement aimer ça. »
« Pas plus que ça. », convint Léna. « Et toi ? »
« Quoi, moi ? »
« Tu sais monter à cheval, puisque tu étais sur le dos de Mistral quand tu l'as ramené. »
« Oh, oui. Que veux-tu savoir exactement ? »
« Tu montes depuis longtemps ? »
« Des siècles. », avoua Aurore. « Et dans mon cas, c'est bien loin d'être une exagération... »
« Tu dois être une cavalière redoutable alors. »
« Pas tant que ça. Je voyageais beaucoup à cheval, c'est tout. Ça me faisait me sentir moins seule, quand j'étais sur les routes. J'aime voyager, mais je n'aime pas être seule. »
« Je comprends. », sourit Léna. « Et donc, si tu voyageais à cheval, tu devais être sur une selle, non ? C'est quand même mieux. »
« Non. Je monte... enfin montais... enfin c'est compliqué... bref, elle refusait la selle ou quoi que ce soit qui pourrait la domestiquer. Elle était sauvage, mais vraiment sauvage. Mais elle me laissait la monter, parce qu'on a grandi ensemble dans un sens. Je l'ai sauvé quand elle était jeune et ne m'a plus jamais quitté. Elle vivait dans la nature, comme avant, mais elle venait toujours quand je l'appelais ou que j'avais besoin d'aide... »
Léna se mordit la lèvre, ayant l'impression d'avoir été blessante en posant cette question car Aurore parlait doucement, la tête basse.
« Désolée... »
Aurore inspira profondément et ravala tous les sentiments négatifs qui l'habitaient depuis qu'elle était dans le futur, puis elle fit ce qu'elle avait toujours fait : elle les masqua pour ne laisser qu'une gentillesse sincère mais distante, le masque de déesse qu'elle avait toujours endossé avant même d'avoir connaissance des responsabilités qui étaient les siennes.
« Ne t'en fais pas, tout va bien. Pour quelle compétition tu dois t'entraîner ? »
Léna ne répondit pas tout de suite, essayant de sonder leur nouvelle amie, en vain.
« Une épreuve de cross. Un parcours naturel devant mettre en avant la vitesse, l'endurance et l'agilité du cheval. »
« Comme une balade en forêt ? »
« On peut dire ça, même si c'est pas mal moins relaxant. », dit Léna d'une voix rieuse.
« Et tu t'entraînes en enclos ? »
« Non, j'allais le faire dans la forêt, il y a un obstacle qu'on a du mal à passer. Tu peux marcher à côté de nous ou monter avec moi, c'est comme tu veux. Tu peux aussi emprunter un des chevaux, je sais que ça ne dérangera pas les autres. »
« Tu es sûre ? »
« Certaine. »
Aurore se dirigea donc vers la grotte clôturée qui accueillait les autres chevaux. En voyant Réglisse trépigner, elle décida de l'emmener pour qu'elle puisse s'aérer un peu.
« Ne t'en fais pas, je suis une cavalière plus expérimentée qu'Hugo. », lui murmura Aurore. « Ça ne te dérange pas ? »
Réglisse secoua la tête, affirmant qu'elle pouvait la monter, et Aurore grimpa sur son dos, ne prenant même pas la peine de lui mettre une selle ou un licol avec des rênes. Elle s'accrocha simplement à sa crinière et l'enjoignit au pas d'un simple mouvement du bassin.
« Où as-tu appris à monter de cette manière ? », voulut savoir Léna lorsqu'elles se furent mises en route.
« Nulle part. J'ai juste été fortement inspirée par B- euh Eilin, la déesse de la Liberté. J'ai grandi avec ses croyances. C'est devenue une philosophie de vie. »
« Je l'admire beaucoup aussi. », avoua Léna, faisant rougir de gêne Aurore sans le savoir. « Mais sa vie était très mouvementée, j'aspire quand même à plus de stabilité que ça. En même temps, quand on est sœur de Merlin l'Enchanteur et déesse de la Liberté, notre vie ne peut qu'être mouvementée mais bon... je la plains. Je suis sûre qu'elle aspirait à plus de calme dans sa vie, à une certaine stabilité. Après tout, elle s'est mariée, ce qui démontre une aspiration à la stabilité, quelque part. »
« Avec m- sa vie, impossible d'avoir plus de stabilité. », marmonna amèrement Aurore.
« N'oublie pas que sa vie est devenue plus calme après son mariage. », crut lui rappeler Léna. « Mais quelle vie, quand même ! Eilin a l'air d'avoir été une personne beaucoup trop soucieuse des autres pour son propre bien. Ça a failli la tuer des centaines de fois, mais à chaque fois sa gentillesse et sa générosité lui étaient renvoyées avec au moins autant de force. Si le monde lui ressemblait, il y aurait pas autant de problèmes... enfin bon ! Je t'apprends sûrement rien, si tu as grandis avec sa philosophie. »
« Je n'en sais pas autant que toi sur sa vie, ceci dit. »
« Arthurine en sait bien plus que moi, tu devrais lui demander si ça t'intéresse. D'après Hugo, elle s'est soudainement prise de passion pour l'époque médiévale, les légendes arthuriennes et eiliniennes il y a deux ans. »
« « Arthuriennes » ? « Eiliniennes » ? »
« Qui sont attraits au Roi Arthur et à la déesse Eilin... on parle de légendes, mais on sait qu'ils ont existé. Grâce à la déesse Buer, les véritables récits de leurs vies nous sont parvenus. Ils ont vécus il y a si longtemps que, sans elle, on aurait sûrement eu une tonne de versions toutes plus différentes les unes que les autres, même s'il y en a certaines qui sont si convaincantes que quelqu'un qui ne vérifie pas peut croire que c'est leur véritable histoire... Buer est une déesse très discrète, mais elle mérite son titre de déesse de la Sagesse, c'est certain. Les grandes puissances mondiales s'entretiennent avec elle quand elles doivent prendre des décisions importantes. Non pas qu'elles l'écoutent vraiment, mais ça a permis d'éviter une Troisième Guerre Mondiale, une guerre contre les dieux, et l'explosion de la Lune, entre autres choses. Enfin, je m'égare. On parle beaucoup d'Eilin comme déesse de la Liberté, mais on oublie souvent qu'on peut aussi dire la Reine Aurore... son nom mortel était Aurore, comme toi. Tu crois que son prénom avait une signification particulière ? »
« Oui, mais peu de gens le savent. », articula Aurore, choquée d'apprendre qu'elle serait Reine de Camelot un jour.
« Tu le sais ? »
« ... on dit que c'est à cause de ses yeux. A sa naissance, ils se seraient parés des couleurs de l'aurore. », dit simplement Aurore.
« Comment tu sais ça ? »
« Je descends d'elle, en fait. Enfin, peut-être pas d'elle directement, mais je descends de Barbatos, tout comme elle. Merl...in aussi, naturellement. C'était aussi le cas de Li- hum Merlin, le frère aîné d'Eilin. »
« Je comprends mieux pourquoi tu as grandi avec sa philosophie alors ! », affirma Léna. « Ça tombe sous le sens. Et à bien y regarder, tu lui ressembles beaucoup quand même. »
Aurore se tendit et s'humecta les lèvres.
« On me le dit souvent. »
« Gwen aussi ressemble beaucoup à la Reine Guenièvre. Enfin, si on se fie aux portraits qu'on a des Reines Aurore et Guenièvre. Mais elle dit toujours qu'elle n'aura jamais la prétention de se comparer à la Reine Guenièvre, car ce serait une personne très simple selon elle, le genre de personne qui n'a pas les épaules pour diriger un royaume seule. Je suis d'accord avec elle, tout ce qu'on peut lire sur la Reine Guenièvre laisse paraître sa personnalité bien plus simple que ce qu'on aurait attendu d'une Reine à cette époque. »
« De toute manière, elle dirigeait le royaume avec le Roi Arthur, donc bon... »
Léna la regarda bizarrement, comme si elle venait de dire une bêtise monstrueuse.
« C'est vrai qu'elle a dirigé Camelot pendant quelques années avec lui, mais elle est surtout connue pour avoir été l'une des Reines de Boréalis. Elle est très liée à Eilin, tu ne peux pas ne pas savoir ça. »
Aurore déglutit, sentant une migraine poindre avec toutes ces révélations sur son avenir. Arthurine avait raison, elle aurait mieux valu rester ignorante de tous ces détails qui allaient désormais la torturer jusqu'à ce qu'elle arrive à leur donner un sens.
Elle allait devenir Reine. Probablement Reine de Camelot, elle n'avait aucun moyen d'accéder à un quelconque autre trône puisqu'elle était une roturière. Descendante de Barbatos et du Seigneur des dragons Balinor, mais une roturière tout de même.
Guenièvre allait devenir Reine de Camelot. Elle allait épouser Arthur, puis diriger un autre royaume avec d'autres Rois et Reines. Déjà, quel royaume se gouvernait à plus qu'un couple royal ? Et puis, quel était le lien entre le fait que sa Gwenny allait devenir Reine et elle ?
Elle allait se marier. Mais avec qui ? Certainement pas avec Guenièvre, puisqu'elle allait devenir Reine de Camelot apparemment et que sa Gwenny deviendrait Reine d'un autre royaume. C'était donc probablement un mariage arrangé, pour le bien de Camelot.
« Peut-être que c'est pour le mieux, après tout... Gwenny mérite mieux que la vie dangereuse que je peux lui offrir. C'est ce que j'avais décidé à l'origine, je dois m'y tenir. Ce n'est pas parce que je serai toujours avec Gwenny dans mes réincarnations que ça veut dire qu'on sera toujours en couple. On sera certainement amies, rien de plus. C'est ce qu'il y a de mieux pour elle. »
France, Camargue, orée de la forêt, près des falaises, 21e siècle
« Bon... j'espère qu'on va y arriver cette fois... », marmonna Léna.
Perplexe, Aurore regarda l'obstacle qui mettait en difficulté la jeune fille. Il s'agissait d'un éboulement de pierres et de branches d'arbre, qu'elle estima faire presque trois mètres.
En toute honnêteté, Aurore ne voyait pas la difficulté. Dire qu'elle sautait ce genre d'obstacles chaque matin avec Moonlight serait une grosse exagération, mais elle avait plusieurs fois sauté des obstacles au moins aussi hauts au cours de ses voyages (lorsque les gens la chassaient, généralement).
« C'est vraiment ça qui te pose problème ? »
« C'est très haut, mais c'est le chemin le plus rapide vers la ligne d'arrivée. On aura le choix entre deux embranchements à un moment de la course : celui-ci, qui est plus rapide mais beaucoup plus compliqué à cause de cet obstacle, et un autre qui est plus long mais un peu plus simple. Le record du monde de hauteur de saut est de deux mètres quarante-sept, et celui-ci fait près de deux mètres quatre-vingt. Je veux essayer de le franchir, je sais que Mistral en est capable. »
« N'importe quel cheval en est capable, regarde. »
Elle fit faire demi-tour à Réglisse et s'éloigna à une bonne trentaine de mètres, afin de se remettre face à l'obstacle. Elle se pencha sur l'encolure de la jument, presque jusqu'à fusionner avec sa crinière, tout en la lançant au galop, lui murmurant des paroles qui avaient toujours aidé Moonlight. Ensemble, elles arrivèrent à une vitesse qui choqua Léna, et celle-ci manqua presque de tomber de son cheval lorsque Réglisse franchit l'obstacle aussi facilement que si c'était une buisson de vingt centimètres.
« C-C-Comment tu... »
Aurore ne répondit pas mais guida Réglisse vers le seul côté de l'obstacle qui n'était pas encombré.
« Tu es bien meilleure cavalière que tu ne le penses Aurore ! », articula Léna, choquée.
« Tu te trompes, c'est Réglisse qui a sauté l'obstacle, pas moi. Le truc, c'est d'arriver à la bonne vitesse, afin que le cheval ait assez d'élan pour sauter haut, et loin. »
« Mais Mistral est très rapide. »
« Je n'ai pas dit le contraire, c'est son plus grand talent. », confirma Aurore. « Mais le talent ne fait pas tout, il faut le travailler. Tu te reposes trop sur la vitesse naturelle de Mistral. »
« Il ne faut pas arriver trop vite sur les obstacles, on peut se blesser gravement s'il se passe quelque chose nous amenant à tomber de cheval. »
Aurore haussa un sourcil.
« Ça, je le sais, mais il faut aussi avoir confiance en son cheval. En fonction du terrain et de la météo, j'ai déjà sauté des obstacles faisant cinq mètres, sans utiliser de magie. Un tel obstacle n'est pas sautable dans n'importe quelle condition, il faut avoir une très grande distance d'élan, ce qu'on rencontre rarement dans la nature. Il n'est réellement sautable qu'en de rares occasions, mais celui-ci l'est presque en tout temps. C'est le cheval qui saute, tu n'es que passagère sur son dos, c'est pourquoi tu dois le moins possible être une entrave pour lui. », expliqua la chevalière. « Je monte sans selle, donc forcément, mon cheval est moins entravé, mais l'entrave n'est pas vraiment la selle ou les rênes. L'entrave, c'est toi. C'est ton corps, ton esprit, tes émotions. »
« C'est ce que tu penses ? », demanda Léna en fronçant les sourcils, vexée.
« Je parle en général, je ne t'ai pas vraiment vu monter, je ne peux pas juger. Mais si Mistral refuse de sauter cet obstacle, c'est que quelque part, tu l'entraves. J'imagine que je ne t'apprends rien en disant que les chevaux sont très sensibles à ce qu'on renvoie. », fit Aurore, ce à quoi Léna hocha la tête. « Tu doutes toi-même d'y arriver, un jour ou bien à temps pour la compétition, ça je sais pas, mais tu doutes d'y arriver. Du coup, Mistral doute aussi et a peur de tenter le coup. »
« En même temps, c'est haut... »
« Tu as le droit de douter, mais les doutes ne doivent pas devenir des entraves à ton objectif. Même avec tous les doutes du monde, si tu as confiance en ta monture, alors tu seras capable de franchir tous les obstacles. »
« Mais comment peux-tu avoir confiance en Réglisse, à ce point je veux dire ? Tu ne l'as jamais monté, et elle te connaît à peine. »
« Les animaux sont dignes de confiance, ils ne sont pas comme les humains, qui peuvent être tes alliés un jour et tes ennemis le lendemain. Un animal ne te trahira jamais, encore moins un cheval. J'ai toujours eu davantage confiance en les animaux, bien plus qu'en moi-même. J'ai confiance en Réglisse, car c'est quelqu'un de bien. Elle le sent, et me fait confiance en retour. Apprend à faire confiance les yeux fermés à ton cheval. A une époque, les chevaux faisaient partie intégrante des armées, les chevaliers avaient appris à leur faire confiance, car ils ne pouvaient pas à la fois se battre contre des ennemis et vérifier chaque recoin à la recherche de pièges, par exemple. Tu dois atteindre ce niveau de confiance avec Mistral si tu veux franchir cet obstacle. Ce n'est pas lui qui doit s'entraîner, mais toi. »
Léna médita sur ces paroles quelques secondes, avant de lâcher un soupir, un léger sourire sur ses lèvres.
« Le tact et toi, ça fait vingt, ça c'est sûr ! »
« Arthurine dit souvent que c'est ce qui permet aux gens de me faire confiance, car je ne cherche pas à leur cacher ce que je pense vraiment. »
« Une qualité que tu partages avec Eilin, alors. Elle était aussi très franche, d'après ce qu'on sait... enfin bref. Je pense qu'on va pas s'entraîner aujourd'hui, j'ai besoin de réfléchir à ce que tu m'as dit Aurore. Tu en penses quoi Mistral ? »
L'étalon hennit pour approuver sa cavalière.
« J'ai pas eu trop le temps de visiter la région depuis mon retour, ça te dit de me faire visiter un peu ? »
« Bien sûr ! », sourit Léna. « Mais euh... tu pourrais m'aider, tu sais, pour la compétition ? »
« Euh... je peux essayer, mais je n'ai jamais vraiment eu la fibre éducative... »
« C'est pas grave. Si tu as réussi à sauter cet obstacle sans t'entraîner avec Réglisse, c'est que ta manière de faire est certainement meilleure. »
« Pas forcément. C'est juste qu'elle me correspond mieux. J'essaie de mettre le moins de contraintes à mon entourage... quitte à devoir me contraindre moi-même parfois... souvent, en fait... », admit Aurore. « C'est juste mon truc. Ta façon de faire est excellente, d'après ce que m'a dit Arthurine, mais Mistral est un cheval exceptionnelle, qui demande encore plus de souplesse que ce dont tu fais déjà preuve. »
Se replongeant dans ses souvenirs avec Moonlight, Aurore laissa quelques secondes planer.
« C'est un cheval pour lequel il faut parfois déconstruire certaines habitudes pour réapprendre avec lui. Il me fait penser à ma jument, elle lui ressemble sur beaucoup de points. Je me doute que ça ne te parlera pas, mais Mistral doit devenir pour toi ce qu'une épée est à un chevalier : une partie de lui-même. Tu dois entrer en phase avec Mistral, il faut que vos esprits soient calés sur le même tempo, pour te donner une image. Vous devez être en harmonie parfaite, n'être plus qu'une seule et même âme qui se donne à fond pour son objectif. C'est moins difficile qu'il n'y paraît, et ça le sera encore moins pour toi. »
« J'ai rien à perdre. », affirma Léna. « Mais il vaut mieux que je réfléchisse à tout ça avant de faire quoi que ce soit... »
« Ne réfléchis pas trop. Tu dois juste lâcher prise et avoir confiance en Mistral. Un exercice qui aide beaucoup est de se mettre debout sur son cheval en mouvement. Personnellement, je le fais au galop, mais je sais que c'est dangereux et que ça demande beaucoup de confiance en son cheval, il faut le connaître suffisamment pour pouvoir anticiper ses réactions, les virages, les accélérations, les arrêtes brusques, les sauts... bref, c'est très compliqué. Commencer par le pas est un excellent début. Si tu arrives à rester debout, les yeux fermés et stable sur ton cheval qui marche au pas rapide pendant au moins cinq minutes, tu arriveras à sauter cet obstacle sans difficulté. »
« T'es sûre que t'es humaine ? », lui demanda Léna en plaisantant. « T'as une sacrée absence d'auto-préservation pour faire ce genre de choses ! »
Aurore lâcha un rire mi-gêné mi-ironique.
« Je connais mes limites, c'est tout. Les voyages forgent le caractère et l'expérience. »
« Tu parles vraiment comme Eilin parlerait ! T'es vraiment sa descendante, pas de doute ! »
« Oui bon... tu ouvres la voie ? »
L'adolescente hocha la tête et elles se détournèrent de l'obstacle pour aller se promener. Aurore soupira. Si on lui disait encore qu'elle ressemblait à Eilin, elle doutait d'être capable de ne pas leur crier qu'elle était Eilin. Non pas qu'elle accordait beaucoup d'importance à son identité divine, mais c'était une partie d'elle-même, qui l'accompagnait depuis toujours. Elle avait eu beaucoup d'ennuis à cause d'elle, comme sa situation présente, mais elle avait également sauvé tant de gens grâce à elle.
Elle n'était pas complètement Eilin, mais Eilin était elle, c'était juste dans l'ordre des choses. Le soleil était chaud, l'eau mouillait, Arthur aimait Merlin, Merlin aimait Arthur, Aurore et Eilin étaient une seule et même.
Quant à laquelle est l'ombre de l'autre, Kilgharrah vous dirait que cela reste encore à déterminer.
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