Chapitre 67 : Le ranch Mistral

France, Camargue, forêt près d'Avalon-le-Lac, 21e siècle, camp de Nahida, quelques jours plus tard

« C'est ça ! T'as pigé le truc ! »

Aurore coupa la musique de « K-pop » diffusée par son « portable » (un de ces tableaux tout noirs et renvoyant son propre reflet, mais capable de tenir dans une main), et Eilin s'étira, bénissant sa tenue qui, malgré ses chaussures à talons jaunes, était assez confortable pour ne pas rendre encore plus compliqué l'apprentissage que lui fournissait son homologue du futur.

« Mais qu'est-ce-qui caractérise vraiment la K-pop ? », interrogea la chevalière. « Dans toutes les chansons de ce genre que tu m'as fait écouté, aucune n'a quoi que ce soit en commun... »

« C'est parce que c'est un genre qui en regroupe beaucoup d'autres. La K-pop, ça peut aussi bien être une musique qui t'évoque l'enfance ou, au contraire, une musique qui te fait penser au mal. La K-pop, c'est surtout de la musique accompagnée de chorégraphies calibrées au millimètre et portée par des chanteurs séduisants, avec beaucoup d'effets audiovisuels. Mais tu auras tout le temps pour comprendre ce que c'est, il y a un cours optionnel de K-pop dans ta faculté, et je sais que ma sœur va s'y inscrire. Tu peux toujours t'y inscrire en prétendant que c'est pour passer plus de temps avec elle. », proposa Aurore.

« Bonne idée ! », approuva Eilin.

Aurore ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais elle n'en eut pas le temps. Un étalon noir, un anglo-arabe identifia-t-elle, déboula au galop dans la clairière. Il n'avait pas de selle, de rênes ou quoi que ce soit qui permettrait d'attester que c'était un cheval débourré.

Sans perdre une seconde, Eilin se mit en travers du chemin de l'étalon et le regarda dans les yeux.

« Tout doux. »

Le cheval se cabra, hennissant, sauvage. Mais Eilin ne s'enfuit pas. Elle resta fermement sur ses pieds, nullement effrayée, et fredonna doucement une berceuse que Merlin lui chantait quand elle était petite, tout en s'approchant de l'étalon, la main tendue vers lui de la même manière qu'on la tendait pour la faire sentir à un chien ou un chat et le mettre en confiance. Le cheval se calma, mais esquissa un mouvement de recul lorsque la main d'Eilin fut trop proche de lui. Ce fut à ce moment-là qu'elle arrêta d'avancer, gardant la main tendue, afin de le laisser venir à elle. Cela ne manqua pas car, très vite, il enfouit son museau dans la main de la déesse et se laissa caresser par elle, aussi docilement qu'un agneau.

« Incroyable ! Comment tu as fait ça ? », demanda Nahida.

« Nous avons dompté Moonlight, souviens-toi. », lui dit Aurore. « Elle était tout aussi sauvage que ce cheval et, pourtant, on l'a apprivoisé aussi facilement que ça. »

« Quel est ton petit nom, mon beau ? », murmura Eilin en le caressant avec tendresse.

Le cheval hennit et, comme toujours, le vent s'empressa de lui porter à l'oreille la réponse traduite.

« Mistral... c'est un joli nom, qui te va comme un gant. Aussi fougueux, fort et imprévisible que certains vents. »

« Il doit tirer son nom du mistral, c'est un vent de Camargue fort et imprévisible. », lui apprit Aurore.

« Ça te va définitivement comme un gant ! », répéta Eilin, d'une voix assurée mais douce, pour ne pas effrayer Mistral. « Dis-moi Mistral, tu as un cavalier ? Une maison ? »

Encore une fois, Mistral hennit en inclinant la tête, et Eilin sourit.

« Je vais t'y accompagner, alors, pour m'assurer que tu rentres bien. Tu permets que je te monte ? »

Mistral inclina la tête et Eilin se hissa sans difficulté sur son dos, avant de prendre doucement des crains de sa crinière pour se tenir.

« Je reviens vite Aurore. », promit Eilin.

« Oh, non. La K-pop est un style de danse assez compliquée à apprendre, et tu t'en es sortie avec brio, tu as bien mérité d'avoir le reste de la journée. On se revoit demain. », sourit Aurore.

Eilin lui sourit en retour, reconnaissante, avant de flatter l'encolure de Mistral.

« Allez mon beau, conduis-moi chez toi. »

France, Camargue, ranch Mistral, 21e siècle, un peu plus tard

« C'est magnifique... », murmura Aurore, celle du passé, alors que Mistral ralentissait au fur et à mesure qu'ils pénétraient dans le ranch.

« Aurore ? »

L'interpellée se tourna vers la voix et, docilement, Mistral fit de même afin qu'elle puisse être face à son interlocuteur. Ou plutôt, son interlocutrice. Il s'agissait d'Arthurine.

« Je dois dire que je préfère mille fois te voir habillée comme ça. », commenta Aurore.

La blonde lâcha un rire gêné. Loin de sa mini-robe blanche et de ses escarpins rouges habituels, elle avait mis un haut blanc à manche trois-quart sous un long débardeur rouge décoré d'un cœur doré. Dessous, elle avait mis un jean moulant bleu et des bottes brunes à franges complétaient l'ensemble. Ses longues boucles blondes étaient relevées en queue de cheval et seules deux fines mèches lisses encadraient son visage.

« Que fais-tu ici ? », l'interrogea Arthurine. « Et sur Mistral en plus ! Tu sais que personne d'autre que Léna ne peut le monter ? Il refuse tout autre cavalier ! T'as fait comment ? »

La blonde s'approcha de Mistral pour le caresser, ce que le cheval accepta sans broncher, connaissant la réincarnation d'Arthur.

« Je lui ai demandé, et il me l'a permis. », répondit simplement Aurore. « Pour le reste, il est assez semblable à Moonlight. »

« C'est vrai qu'elle est sauvage. On l'oublierait presque quand on la voit aussi docile, avec toi... mais que fais-tu ici ? »

« Mistral a débarqué dans la clairière au galop. »

« Contente que ce soit toi qui l'ais retrouvé... », soupira Arthurine. « Ce cheval vaut énormément d'argent du fait de son potentiel en compétition. Léna et les autres sont à sa recherche, ils vont être rassurés de savoir qu'il est de retour... il a été effrayé par plusieurs coups de feu et il s'est enfui alors qu'on était sur la plage. »

« Et tu es revenue, au cas où il reviendrait pendant que les autres le recherchent. »

« C'est ça. Et on a bien fait, apparemment. »

« C'est toujours ce qu'il faut faire dans ces cas-là. Mais euh... c'est quoi des « coups de feu » ? »

« Des « boum » très secs et sonores, on va dire. », expliqua simplement Arthurine. « Je t'en ferai écouter pour que tu puisses les reconnaître. »

« D'où ils venaient ? »

« De braconniers, on pense, ou des voleurs de chevaux. C'est ce qu'il y a de plus logique, il n'y a pas de zones de chasse autorisées près des plages, les risques d'atteindre des humains sont trop importants. De plus, beaucoup de cavaliers s'y promènent avec leurs chevaux. Et Mistral vaut beaucoup d'argent en tant que cheval de compétition. C'est déjà arrivé qu'il se fasse enlever pour être revendu dans un autre pays... »

« Mon pauvre... », compatit Aurore en lui caressant l'encolure.

Mistral hennit joyeusement, et Arthurine décida d'appeler Hugo, afin qu'il prévienne la bande que le cheval de Léna était de retour.

« Bien, ils ne vont pas tarder. »

Aurore hocha la tête et descendit de Mistral, l'enjoignant gentiment à aller se désaltérer d'un petit fredonnement. Le cheval, de réputation si sauvage, obtempéra et se dirigea vers la baignoire qui servait d'abreuvoir pour les chevaux.

« Ah ! Je me sens déjà un peu plus à la maison ! », soupira Aurore de bien-être, en s'étirant.

« Tu n'as jamais fréquenté des écuries, même à Camelot... »

« Oui, mais ce ranch est un havre de paix équestre, en plein cœur de la nature. C'est ce que devenait chaque clairière paisible, quand je voyageais avec Moonlight... »

Arthurine eut un sourire compréhensif.

« Elle te manque, hein ? »

« On est amies depuis des années... », confirma doucement Aurore, entortillant pensivement une boucle noire. « Mais Aurore a dit que je la retrouverai bientôt, elle a été catapultée ici avec moi. »

« C'est vrai que personne n'avait vu ta jument pendant un sacré bout de temps ! », se souvient Arthurine. « Merlin était devenu dingue à force de ne pas savoir ce qui c'était passé. »

« Vous l'avez su, finalement ? »

« Oui. Après quelques temps, Nahida a décidé d'emmener Merlin dans le monde des esprits, afin que le vent de là-bas lui raconte ce qui t'était arrivé. C'est ensuite qu'il nous a raconté, mais on savait pas à quelle époque tu avais atterri. Le reste, je peux pas te le dire. »

Aurore hocha la tête, compréhensive, avant que le bruit de sabots frappant le sol ne les avertisse de l'arrivée de la fameuse Léna et de ses amis. D'un coup d'œil, la chevalière les trouva pour la plupart légèrement plus jeunes qu'elle, peut-être d'un an ou deux.

Une adolescente sauta d'une jument à la robe blanche et aux crins blancs, montée par un adolescent aux cheveux lisses noirs courts, à la peau brune et aux yeux noirs. Elle avait des cheveux noir-bleuté lui arrivant au niveau du menton et des yeux bleus, et Aurore sut que c'était Léna quand elle vint se blottir contre Mistral, soulagée.

« Tu m'as fait peur mon beau... ne me fais plus jamais ça... », chuchota Léna.

Elle le caressa doucement puis alla le mettre au paddock, alors que les trois autres couples cavalier-cheval s'approchaient d'Arthurine et Aurore.

« Je suis Angelo, et voici mon étalon, Sila. », se présenta le cavalier derrière lequel était Léna à peine une minute plus tôt, avec un sourire avenant. « Merci d'avoir ramené Mistral. »

« Léna était morte d'inquiétude ! », s'exclama une rouquine aux yeux verts, sur une jument d'un doux gris-brun avec des crins plus clairs. « Au fait, moi c'est Anaïs, et là, c'est Joséphine ! »

(NDA : oui, elle est censée être rousse, donc j'ai jamais compris pourquoi ses cheveux étaient ROSES. C'est bien connu, rose et roux, c'est pareil...)

Sa jument hennit en réponse à son prénom, faisant sourire la dénommée Anaïs.

« Du coup, tu dois être Hugo, le cousin d'Arthurine. », déduisit Aurore.

Le blond aux yeux verts hocha la tête, peinant rester en équilibre sur sa jument brune aux crins blond-blanc (alezane crins lavés, Arthurine lui apprendra plus tard) qui ne cessait de bouger pour suivre un papillon.

« Et sa jument, c'est Réglisse. », sourit Anaïs.

« Moi c'est Aurore, enchantée ! »

« C'est un prénom magnifique. », commenta Léna.

« Hugo est encore débutant en équitation. », fit Arthurine avec un rire gêné, alors que son cousin criait à chaque fois qu'il manquait de tomber de sa selle.

Aurore sifflota doucement et Réglisse se calma, venant docilement aux côtés de Joséphine et Sila. Léna, Angelo, Anaïs et Hugo regardèrent la chevalière, choqués, alors qu'Arthurine se contentait de sourire d'amusement, très loin d'être étonnée car il la savait douée avec les animaux. Merlin aussi l'était, du temps de Camelot au moins. Après tout, il était un Seigneur des dragons. Elle ne savait pas trop pour cette époque, en revanche.

« Tu es chuchoteuse toi aussi ? », lui demanda Léna, surprise.

« Euh... »

Aurore regarda Arthurine, quémandant muettement la définition de ce mot qu'elle n'avait jamais entendu.

« Un chuchoteur est quelqu'un qui éduque ou rééduque les chevaux en utilisant des méthodes basées sur la compréhension de la nature des besoins et des envies du cheval, tout en prenant en compte les particularités psychologiques de chaque cheval en face duquel il se trouve. »

« Parce que « être empathique », ça porte un autre nom maintenant ? Par Barbatos... », soupira Aurore.

Arthurine pouffa, alors que les autres les regardaient sans comprendre.

« Ça porte pas un autre nom, « chuchoteur » est un terme plus spécifique que « empathie » et est valable que dans l'équitation. », expliqua Arthurine, avant de lui murmurer. « Tu étais chuchoteuse bien avant que le mot n'existe. »

« Je suis aidée par le vent... »

« Le vent ne t'aide qu'à communiquer directement avec le cheval. »

Elle lui sourit d'un air entendu avant de reporter son attention sur le groupe, laissant Aurore s'imprégner de ses paroles.

« C'est une sacrée chuchoteuse, ça oui ! Même si elle ne s'en vante pas. Elle a réussi à monter Mistral. »

« Comment ça « j'ai réussi » ?! », réagit Aurore. « Je t'ai dit que je lui avais demandé ! Je ne l'ai pas forcé ! Tu sais que je l'aurais suivi à pied s'il ne voulait pas ! »

« Et Mistral t'a répondu ? », rit Hugo.

« Oui. », répondit la chevalière avec sérieux. « Les animaux ont un cœur et des émotions. Ce n'est pas parce qu'ils ne parlent pas notre langue que ce sont des objets pour autant. Ils sont aussi humains que les êtres humains ! Et puis, on n'obtient rien par la contrainte et la violence. Les animaux doivent avoir la Liberté de choisir de nous aider ou non. »

« Toi, je t'aime bien ! », affirma Léna. « Et on dirait que Mistral aussi. »

Le cheval en question hennit pour approuver les dires de sa cavalière, et Aurore sourit.

« C'est encore si rare que ça, les humains à l'écoute des animaux et de la nature ? »

« Comment ça « encore » ? », fit Anaïs, curieuse. « Tu croyais qu'on était dans le monde des Bisounours ? »

« On va pas s'en sortir... », murmura Arthurine pour elle-même, avant de reprendre plus fort. « Aurore est une globe-trotteuse, elle a beaucoup voyagé. J'imagine qu'elle a dû passer beaucoup de temps en communion avec les animaux et la nature au cours de ses voyages. »

Elle lança un regard insistant à Aurore, qui saisit tout de suite le message.

« C'est ça. Je n'arrive pas à m'habituer que les populations « modernes » et « civilisées » soient si déconnectées de la nature et des animaux. », seconda Aurore, aussi naturellement que si elle disait qu'elle était la déesse de la Liberté.

« Dans ce cas, tu devrais sans doute pouvoir m'aider avec une jument qu'on a recueilli il y a quelques jours. Elle est encore plus sauvage que Mistral et est toujours en train de s'enfuir une fois qu'on a quitté le ranch. »

« Pourquoi vous ne la laissez pas à l'état sauvage, alors ? »

« On l'aurait fait, mais elle semble perdue à chaque fois qu'on la retrouve, comme si elle ne reconnaissait pas où elle était. », songea Léna. « On peut pas la laisser seule dans la nature dans ces conditions, c'est pourquoi Gwen passe ses journées à la chercher. »

Aurore sursauta et se tourna prestement vers Arthurine, les yeux écarquillés d'incrédulité, à la recherche d'une confirmation à ce qui venait tout juste de traverser son esprit.

« Et si je te montrais ma jument ? Je t'expliquerai le fonctionnement du ranch pendant ce temps. », proposa Arthurine, offrant une muette confirmation à Aurore, qui reprit alors ses esprits.

« Bonne idée ! », approuva Léna.

« Mais en fait, d'où vous vous connaissez ? », voulut savoir Hugo.

« On fréquentait la même école primaire. », répondit Aurore, se basant sur les souvenirs de son homologue du futur. « On s'est perdues de vue au fil des ans, avant de se retrouver au lycée. Quand on s'est retrouvées, c'est comme si on s'était jamais quittées. Je lui dis souvent qu'on devait être très proches dans une autre vie. »

« Ouais, on devait être sœurs ou meilleures amies dans une autre vie. », approuva Arthurine, rassurée. « Allez viens. Je vais te présenter Llamrei. »

« Nous, on va s'occuper de nos chevaux. », informa Angelo.

« En tout cas, bienvenue au ranch Mistral, Aurore ! », dit joyeusement Anaïs.

Aurore rassembla un sourire, tentant de ne pas céder à la panique de revoir Gwen. Arthurine l'entraîna vers l'enclos servant de box pour tous les chevaux et elles arrivèrent devant une magnifique jument du blanc le plus pur possible, avec de doux yeux bleus.

« Aurore, voici Llamrei, ma jument. Llamrei, je te présente Aurore, une vieille amie. »

Aurore tendit la main vers la jument, qui vint la sentir avant de se blottir contre la déesse.

« Llamrei est un vrai nounours ! », sourit Arthurine. « Du moment que tu es quelqu'un de bien, elle te fera plein de câlins. »

Aurore sourit en retour et caressa l'encolure de la jument blanche.

« Pourquoi Llamrei ? »

« Des textes racontent que c'était le nom de la jument blanche du Roi Arthur, et qu'il la montait le jour de sa mort, lors de la bataille de Camlann. Je te le dis parce que c'est faux. J'ai effectivement eu une jument du nom de Llamrei au cours de mon règne, mais je ne suis pas mort au combat. En fait, ma mort était vraiment ennuyante comparée au reste de ma vie, mais je n'aurai jamais pu espérer meilleure fin. »

« Mais pourquoi ce nom spécifiquement ? »

« Je n'ai jamais vraiment su, mais ça date de quand j'étais très jeune. Je m'étais jurée d'appeler mon cheval ainsi, le jour où je ferai la rencontre d'un en particulier, le genre de cheval dont tu te sens tout de suite en phase, juste en étant face à lui. Le genre de cheval que tu considères tout de suite comme ton ami pour la vie, plutôt que comme une simple monture. C'est le genre de cheval que sont Mistral et Moonlight pour Léna et toi. »

« Tu ne sais vraiment pas d'où ça vient ? », s'étonna Aurore.

« Pas vraiment. Personnellement, je pense que ça vient d'un de mes rêves avec Emrys, enfin Merlin. Il me disait que, lorsque nous étions ensemble, son cœur faisait des « llamau ». Je me souviens être allée voir Gaius le lendemain, pour savoir ce que ça voulait dire. Figure-toi que c'était un mot issu de la langue de l'Ancienne Religion, ça veut dire « saut ». Je n'avais pas compris à l'époque le sens de la phrase de Merlin. »

« Il te disait que son cœur faisait des bonds, donc qu'il craquait sur toi. »

« Ouais. », rougit Arthurine. « Je ne savais pas ce que ça signifiait à l'époque, mais quand j'ai appris la vérité sur Merlin, j'ai su qu'au contraire, je l'avais toujours su, inconsciemment, et que c'était pour ça que je voulais un cheval que je pourrais appeler Llamrei. Car un cheval que j'appellerais Llamrei serait un cheval spécial, unique à mes yeux. »

« Tu l'as trouvé il faut croire, à cette époque au moins. »

« Oui. », approuva la blonde. « Ses parents étaient des chevaux de compétitions qui faisaient les concours complets. J'avais huit ans quand on s'est rencontrées, et elle était encore une pouliche de quelques mois. Mon père était en visite professionnelle, pour juger s'il devait sponsorisé ou non l'écurie dans laquelle résidait les parents de Llamrei, qui élevait et dressait des chevaux de compétition. Il n'y avait personne pour me garder, alors il avait dû m'emmener. Avec le recul, j'en suis heureuse même si le monde équestre ne m'intéressait pas du tout à l'époque. »

« Ah bon ? »

« Je ne me souvenais pas encore de ma première vie... donc, ce jour-là, l'éleveur nous a présenté le couple de chevaux les plus titrés des écuries : les parents de Llamrei. Il nous a présenté aussi leur fille, en disant qu'il fondait de grands espoirs sur elle vu le talent de ses parents. On s'est regardées, elle et moi, et ça m'a fait l'effet... je sais pas comment le décrire, mais c'était vraiment magique. Je sus que je ne pouvais pas m'éloigner d'elle. », se souvint Arthurine, avant de faire un sourire mi-amusé mi-penaud. « J'ai fait la crise du siècle, jusqu'à ce que mon père cède et l'achète, en échange de sa sponsorisation de l'écurie. »

« L'éleveur l'a laissé partir ? »

« D'après Maman, oui. Ce qu'il voulait vraiment, c'était que Papa sponsorise son écurie. Il s'est sûrement dit que lui vendre Llamrei n'était pas cher payé, surtout qu'il pouvait toujours faire accoupler de nouveau ses parents afin d'obtenir un autre poulain prometteur. Il l'a placé à la manade Cavaletti, en payant grassement pour que personne d'autre que moi ne s'occupe de Llamrei. Il pensait que ça m'aiderait à me responsabiliser, du coup il a engagé quelqu'un qui m'y emmènerait tous les jours après l'école. Je m'en suis occupée toute seule. »

« Même changer son box ? »

« Même. Et je comprends vraiment pourquoi Merlin rechignait autant à les faire. Enfin bref. C'est le père d'Angelo qui m'a appris tout ce que je sais. Il m'a appris à tisser des liens solides avec Llamrei, ainsi qu'à monter à cheval. Je lui ai donné plus d'amour que je n'en ai jamais donné à mes parents, et elle me l'a mille fois rendu depuis. »

« Comment sont tes parents dans cette vie ? »

« Mon père est fidèle à lui-même, même si je dirais qu'il est quand même plus tolérant. Il sait que je suis lesbienne, et seul mon bonheur l'importe. Il gère l'une des plus grosses agences de musique du monde. Quant à ma mère, ça m'attriste de le dire mais je suis pas très proche d'elle. Jusqu'à encore récemment, elle divisait son temps entre la faculté et sa ligne de vêtements. C'est ma mère, et je l'aime forcément, mais... c'est triste à dire, mais je l'aimais bien plus quand j'étais Arthur, et qu'elle était morte en me donnant naissance. Mon père a toujours été très occupé, mais il faisait toujours en sorte d'être libre au moins le dimanche, pour être avec Morgane et moi. J'imagine que, comme ma mère n'a jamais élevé l'Arthur originel ou la Morgane originelle, elle n'a jamais eu la fibre maternelle envers nous. Dans chacune de mes vies, soit elle était morte quand nous étions encore trop jeunes pour nous souvenir d'elle, soit elle était en vie mais ne s'occupait pas de nous. »

« C'est triste... »

« J'ai l'habitude, ça ne m'attriste pas et j'ai toujours eu à mes côtés mes plus proches amis de l'époque de Camelot. Y'a Merlin, bien sûr, mais aussi Gwen, Gaius et les chevaliers de la Table Ronde, dont toi. Les autres Archons ont toujours fait partie de mes vies aussi, je les vois toujours quand je fais face à une situation impliquant leur idéal divin, et ils sont toujours accompagnés de Nahida car on a toujours besoin de la Sagesse, dans n'importe quelle situation. Mamie m'a toujours beaucoup aidé en ce qui concernait Merlin, peu importe l'époque. En même temps, c'est la déesse de l'Amour... bref, je suis bien entourée depuis la nuit des temps, et je changerai ça pour rien au monde. »

Arthurine alla chercher des brosses et en tendit une à Aurore.

« Tu m'aides à panser Llamrei ? J'ai pas encore eu le temps de le faire, j'avais peur de manquer Mistral si jamais je me terrais ici. Tu sais comment faire ? »

« Bien sûr que oui ! J'aide Lirou dans ses corvées je te signale. Quand il a fini les écuries, il aide toujours Tyr à s'occuper des chevaux des chevaliers, ainsi que le tien. »

« L'une des nombreuses raisons pour lesquelles je l'ai toujours aimé. », sourit amoureusement Arthurine, avant de soupirer. « Argh ! C'est tout juste s'il me regarde, maintenant ! Enfin, elle. Vraiment, c'est une torture ! Elle m'intéressait bien avant que je ne me souvienne, mais j'ai pas eu le cran d'agir convenablement avant de me rappeler. Du coup, elle croit toujours à un piège quand j'essaie de lui parler... »

« Je t'aiderai, ne t'en fais pas. »

Aurore récupéra la brosse et commença à panser Llamrei. Arthurine la regarda une seconde, avant de l'imiter.

« Pourquoi tu as peur de revoir Gwen ? »

« ... les choses sont déjà compliquées. »

« C'est-à-dire ? Si mes souvenirs sont exactes, vous avez commencé à sortir ensemble pendant son exil à Ealdor, non ? »

« C'est vrai, mais c'était à contrecœur en ce qui me concerne. Ne te méprends pas, je l'aime de tout mon cœur, mais ça peut juste pas marcher entre nous. Je ne supporterai pas de la voir vieillir et mourir tandis que je resterai toujours jeune et en vie. Mais quand elle s'est déclarée à moi... je sais pas, elle avait tellement l'air désemparée. Elle a compris que je l'aimais, et elle refusait que je prenne mon statut de déesse pour la repousser sans avoir d'abord essayé. J'ai vraiment essayé, mais elle était si désemparée... », dit doucement Aurore d'une voix triste. « J'ai accepté qu'on essaie, parce que je déteste la voir aussi mal, mais j'ai vite compris que je ne pourrais jamais tolérer de la perdre. Je ne suis pas prête à m'attacher à ce point, à construire quelque chose avec quelqu'un juste pour que tout s'effondre au bout de quelques dizaines d'années. »

« Pourquoi ne pas lui avoir dit ? »

« Je n'ai pas eu le temps. On s'est mises ensemble la veille du jour où je suis partie chercher des herbes pour le fertilisant. Et ensuite, je me suis retrouvée là. J'ai peur de comment je vais réagir en voyant cette nouvelle Gwenny, celle qui ne sait rien de moi. Je veux pas qu'elle tombe amoureuse de moi, elle aussi. Je veux pas que ça fasse comme Merlin et toi, pas alors que je ne suis qu'une remplaçante de la véritable Aurore de cette époque. Et même si j'étais vraiment l'Aurore de cette époque, je refuserais qu'elle tombe amoureuse de moi. Parce que je sais que je vais déplacer mes sentiments pour ma Gwenny sur cette nouvelle Gwenny. Et je ne veux pas lui faire subir ça, même si c'est techniquement la même personne. »

« ... tu ne t'es pas demandée pourquoi il existe une Aurore du futur, qui s'est réincarnée plusieurs fois, alors que tu es censée être immortelle ? »

« J'aurais très bien pu être tuée par un dieu, ou une épée comme Excalibur. »

« Pas du tout. Tu es morte comme moi : de vieillesse. Je ne peux pas te dire grand-chose, si ce n'est que tu as été extrêmement heureuse durant la majeure partie de ta vie, après que j'ai épousé Merlin, et je sais que c'était grâce à Gwen. »

« Pourquoi tu me dis que tu as épousé mon frère ? Je suis pas censée le savoir, si ? »

« Techniquement, si, parce que tu as toujours su qu'on était destinés l'un à l'autre, et que, si je me réfère à mes souvenirs, tu viens d'un temps où tu sais déjà que je compte l'épouser une fois qu'une loi pourra le protéger. Donc si, tu sais que je vais épouser Merlin. »

« ... ça se tient, j'imagine. Mais comment ça, j'ai été heureuse grâce à Gwenny ? »

« Je ne peux pas t'en dire plus, tu comprendras quand ça t'arrivera. Mais si ça peut te rassurer, dans toutes tes réincarnations, tu étais réunie avec elle. Vous ne serez jamais vraiment séparées. »

« Ce n'est pas une raison pour aimer cette Gwenny, alors que ce n'est pas la « mienne »... », murmura Aurore.

« Je sais, mais je disais surtout ça par rapport à la Gwen de ton époque. L'amour est une force si puissante que, plus on résiste, et plus on souffre. », songea Arthurine. « Après, si tes craintes concernant cette Guenièvre se réalisent, tu peux toujours lui dire la vérité. Je sais qu'elle te croira, elle a toujours su distinguer quand les gens étaient sérieux ou quand ils blaguaient, depuis toujours elle sait quand quelque chose tracasse ses proches. Je suis sûre qu'elle comprendra, et que tout ira bien ensuite, quoi que vous décidiez ensemble. »

Aurore resta silencieuse, songeant aux paroles d'Arthurine. Elle n'était pas attentive au fait qu'elle ne pansait pas correctement Llamrei mais, fidèle à sa réputation, la jument ne s'en formalisa pas.

« En attendant, laisse-toi juste porter par le vent. C'est ce que tu as toujours fait. Ici, personne ne connaît la véritable Aurore ou sa sœur, que ce soit de près ou de loin, en dehors de moi. Ici, tu n'as pas à faire sembler d'être la sœur de Merlin ou la déesse de la Liberté, tu peux être vraiment toi-même, celle que tu étais avant de découvrir tes responsabilités. Je sais que cette personne te manque souvent, la barde qui passait plus de temps sur les routes avec Moonlight qu'avec n'importe quelle personne et qui vivait simplement au gré de ses envies. »

« ... c'est vrai. Mais j'ai des responsabilités, maintenant... je suis chevalière honoraire de Camelot, et la déesse de la Liberté... »

« Pas à cette époque. »

« Je ne suis pas non plus quelqu'un que la musique et la danse font tellement vibrer qu'il voyage partout dans le monde pour apprendre tout ce qu'il se fait... c'est vrai que la musique a toujours fait partie de ma vie, mais ça n'a jamais été à ce point. Mais c'est ce qu'est Aurore, celle de cette époque, et c'est comme ça que je dois me présenter, pour mon propre bien. »

« Mais pas au ranch Mistral. Ici, tu peux laisser tomber toutes ces étiquettes, toutes tes responsabilités et juste être toi. »

« Je ne pourrai jamais l'être sans Moonlight, tu sais ? »

« Tu la retrouveras, tu verras. », assura Arthurine.

Aurore la regarda, avec de sourire doucement.

« Merci Arthur. »

« Fais attention à comment tu m'appelles en public !! »

Les deux jeunes filles se mirent à rire à en perdre haleine, jusqu'à ce que Llamrei les rappelle gentiment à l'ordre d'un léger coup de museau.

« Oh oui ! Pardon ! »

Elles se remirent au travail et, lorsqu'Arthurine entendit Aurore fredonnait paisiblement comme elle le faisait toujours quand elle aidait Merlin dans ses corvées, elle sut que tout irait bien pour la chevalière.

Elle était la grande Aurore Ambrosius, après tout.

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