Chapitre 63 : La fureur de Merlin
Royaume de Camelot, cité, château, salle du conseil, le lendemain
Merlin regarda Arthur, en vêtements de cérémonie, alors que toute la cour était réunie. Il savait déjà ce que le Roi allait dire, et il était totalement contre.
« Mes Seigneurs, chevaliers, sires. Vous n'êtes pas censé ignorer que les droits que réclame Camelot sur les terres de Gedref font l'objet d'un conflit de longue date. Je puis annoncer aujourd'hui qu'au terme de mois de négociations secrètes, les Royaumes de Nemeth et de Camelot sont parvenus à un accord. »
« Ces terres sont à nous ? Depuis toujours... », commença un conseiller.
« N'ayez aucune crainte, cet accord est à la fois honorable et approprié, comme il le convient à deux grands royaumes comme les nôtres. Notre amitié sera scellée en outre, par une union que nul ne pourra briser. Mes épousailles prochaines, avec son Altesse royale la Princesse Mithian. »
Pendant que la cour applaudissait, Merlin masqua une grimace derrière sa main. Arthur lui adressa un regard désolé, mais le magicien ne le regarda même pas. Il prétexta avoir des corvées à terminer et sortit de la salle. Le Roi le regarda faire, soupirant intérieurement, puis décida de le suivre après avoir congédié sa cour.
Royaume de Camelot, cité, château, appartements d'Arthur
« Merlin, s'il te plaît ! »
« J'ai des corvées à terminer, Sire. », répondit Merlin, acerbe.
Le magicien ramassa la corbeille dans laquelle il venait de balancer les vêtements sales d'Arthur, mais le Roi la lui prit des mains.
« Alors je t'en relève jusqu'à nouvel ordre. »
« Très bien, dans ce cas je n'ai rien à faire ici. »
« Merl... »
« Quoi ?! Vous croyiez vraiment que j'allais sauter de joie à cette nouvelle ?! », explosa Merlin.
« Non, je sais bien, mais ça fait un mois que tu es au courant et que tu me fais la tête... tu ne crois pas que ça a assez duré ? Qu'on devrait discuter de ce qui te pose problème ? », soupira Arthur.
« Le problème Arthur, c'est que j'en ai marre que vous piétiniez mon cœur sans pitié ! J'ai été patient, vraiment patient. Même quand ma propre sœur me disait de renoncer, j'ai tenu bon. J'ai souffert en silence pendant que vous roucouliez avec Guenièvre. Quand vous m'avez demandé du temps, j'ai patienté. J'ai patienté plus d'une putain d'année ! J'ai accepté que vous vous mariez avec Gwen pour faire bonne figure, parce que je lui fais confiance et que ça me permet d'être avec vous. Mais jamais cette Princesse Mithian le tolérera ! Vous ne lui en avez même pas parlé ! »
« Si c'est ce que tu veux, je lui en parlerai Mer- »
« Vous auriez déjà dû le faire depuis longtemps ! », le coupa Merlin, furieux. « Vous auriez dû le faire dès le début, mais NON ! MÔSIEUR le Roi pensait qu'il pouvait sans difficulté lui cacher ça ! Vous avez honte de moi Arthur ! Vous avez honte d'être avec quelqu'un comme moi ! »
« Mais bien sûr que n- »
« Si c'était le cas, elle serait AU COURANT ! Pourquoi vous avez honte de moi ? C'est à cause de mes grandes oreilles ? Du fait que je suis un serviteur ? Du fait que je suis un homme ? Du fait que je ne suis qu'un gringalet ? Parce que j'ai tendance à me comporter comme une fille ? Tout ça à la fois ?! »
« Merl- »
« Taisez-vous ! Vous avez déjà dit tout ce que vous aviez à dire. Jamais je ne vous aurais demandé de choisir entre Camelot et moi, mais vous qui admirez tellement la franchise de ma sœur, j'aurais pensé que vous auriez assez de courage pour assumer vos sentiments envers moi face à une Princesse étrangère ! Mais vous êtes juste lâche, Arthur Pendragon ! »
Sur ces mots, Merlin récupéra vivement la corbeille des mains d'Arthur et quitta furieusement la pièce, prenant bien soin de la claquer derrière lui. Le Roi soupira, se passant la main dans les cheveux. Il avait tout essayé pour adoucir l'humeur de son tendre serviteur, mais en vain. Il restait toujours incroyablement furieux contre lui, et la seule personne capable de le raisonner était partie à Ealdor avec Guenièvre.
« Sire ? »
Arthur leva la tête, reconnaissant la voix de Léon. D'une voix éteinte, il l'autorisa à entrer, et le chevalier ne se fit pas prier. Il referma la porte derrière lui et s'approcha un peu de son Roi.
« Merlin n'a pas l'air bien ces derniers temps, savez-vous ce qui lui arrive ? », demanda prudemment Léon.
« Ce ne sont en rien vos affaires, Sire Léon. », rétorqua amèrement Arthur.
« Naturellement, mais je m'inquiète pour vous, Sire. Vous sembliez particulièrement heureux depuis l'exil de Guenièvre, et il a semblé évident à tous que vous vous étiez enfin rapprochés, Merlin et vous. Et là, c'est comme si la vie s'était éteinte en vous. »
« ... c'est si flagrant que ça ? »
« Non, seuls les chevaliers de la Table Ronde le savent. Ce n'est remarquable que si on est assez ouverts d'esprit à ce sujet. Voulez-vous en parler ? »
Arthur soupira et laissa tomber son masque d'autorité, laissant voir à son plus ancien et fidèle chevalier toute la détresse qu'il éprouvait.
« Mon mariage avec Guenièvre était faux, c'était pour éviter que le conseil n'insiste encore pour que je marie avec une femme noble, et aussi pour me laisser le temps de modifier la loi sur la magie et d'en promulguer une qui protégerait les couples du même sexe. Mais ça a dégénéré à cause du traître, et j'ai été contraint d'exiler Guenièvre pour ne pas perdre la face en tant que Roi. On ne pouvait rien faire pour disculper Gwen, alors qu'elle a été piégée, de même que Lancelot. C'est une histoire compliquée. », lâcha Arthur. « Avec Guenièvre, il avait été convenu que nous pourrions entretenir une relation avec la personne que l'on aime vraiment, mais de manière secrète le temps que je me charge des lois. »
« ... donc, vous avez entamé une relation avec Merlin. », l'encouragea Léon.
« ... oui... »
« Il n'a pas dû très bien prendre la nouvelle de votre mariage avec la Princesse Mithian, alors. »
« C'est un euphémisme... ça fait un mois qu'il ne décolère pas... il pense que la Princesse Mithian ne voudra pas que je sorte avec lui en étant marié à elle. »
« Est-ce le cas ? »
« Je ne sais pas. Je ne lui ai rien dit. Du coup, Merlin pense que j'ai honte de lui... mais je n'ai pas honte de lui, au contraire. », avoua Arthur. « C'est juste qu'il y a de grandes chances que la Princesse Mithian ne soit pas aussi tolérante et compréhensive que Gwen. Il est facile de rompre un mariage avec une fille de notre peuple, mais ça l'est bien moins de le faire avec une Princesse étrangère. Je veux que Merlin soit mon Roi, mais c'est impossible pour le moment... et rompre mon mariage avec la Princesse Mithian entraînerait un désastre politique si jamais elle est contre ma relation avec Merlin... mais en tant que Roi, je me dois de penser à mon peuple d'abord, et cet accord est vraiment important... Léon, je ne sais vraiment pas quoi faire... »
Le chevalier resta silencieux, ne sachant comment réconforter son Roi.
« ... peut-être devriez-vous simplement suivre votre cœur, Sire. Un Roi heureux est un Roi dont le royaume restera prospère envers et contre tout. La Princesse Mithian n'arrivera que dans une heure ou deux, prenez ce temps pour réfléchir calmement. Je demanderai à ce que personne ne vous dérange d'ici-là. »
« ... merci Léon. », sourit faiblement Arthur.
Léon inclina la tête puis sortit de la pièce, espérant que les choses iraient mieux entre le Roi et son valet.
Royaume de Camelot, forêt, deux jours plus tard
Tenant les rênes de son cheval d'une main, Arthur se passa l'autre sur le visage. Il avait l'impression que les choses allaient de mal en pis. Il avait appris la veille que l'apprenti du cartographe avait été assassiné, et qu'en plus, il était un traître à la solde du Roi Odin. Préoccupé par la situation avec Merlin et Mithian, il avait laissé son oncle vérifier que rien ne manquait, que les plans de l'emplacement des souterrains de siège étaient toujours bien là. Et, effectivement, rien ne manquait mais, avec Merlin qui lui faisait la tête et l'absence d'Aurore, il ne pouvait empêcher un mauvais pressentiment de grandir en lui. Cependant, il ne saurait dire ses intuitions n'étaient pas brouillés par ses émotions.
Finalement, il décida de s'arrêter dans une clairière magnifique, ayant invité Mithian à prendre le petit-déjeuner dehors. Merlin était de la partie, malgré les protestations du Roi, mais le magicien était bien trop possessif et jaloux pour accepter de laisser les deux royaux seuls, et le blond l'avait bien compris. Depuis l'arrivée de la Princesse Mithian, son valet faisait des pieds et des mains pour le ridiculiser, comme faire en sorte qu'il renverse du potage sur la Princesse lors du banquet de la veille.
Désespéré, Arthur essaya d'agacer Merlin comme il le faisait normalement, espérant en tirer une réaction normale. Il fit installer par son valet les couvertures, les coussins et la nourriture à un endroit de la clairière, avant de prétexter que le sol était trop cahoteux et de choisir un autre endroit.
« Ah, c'est beaucoup mieux. Merlin ! »
Le magicien roula des yeux, marmonnant que son crétin royal était de plus en plus un abruti fini et un parfait connard, et déplaça toutes les affaires à l'endroit où était Arthur. Ce dernier lui adressa un regard triste, l'implorant de réagir d'une manière ou d'une autre, tout plutôt que cette froideur insensible avec laquelle il le traitait en public. Cependant, Merlin resta aveugle à sa demande.
« Parfait, parfait... mais la vue est-elle vraiment aussi belle ? », commenta le Roi.
« Arthur... », tenta Mithian, voyant bien que Merlin était épuisé et surtout en colère.
« Mais vous préfériez le premier, je suis d'accord ! Merlin ! »
« Ne soyez pas si méchant. », quémanda la Princesse, alors que le Roi marchait vivement vers l'endroit précédent.
« Cela ne le dérange pas, n'est-ce-pas Merlin ? », lui demanda Arthur. « Par pitié, dis-moi que ça te dérange, que je suis un crétin royal qui devrait être respectueux... dis ce que tu veux, mais s'il te plaît, sois toi-même... »
« J'ai l'habitude. », marmonna simplement le magicien en haussant les épaules.
« Il faut que tu te muscles un peu ! Regardez-moi cette sauterelle ! »
A ces mots, Merlin serra la mâchoire, se sentant dangereusement sur le point de péter un câble. Sa magie se mit à bouillonner, ne demandant qu'à être libérée, et il lui fallut beaucoup de self-contrôle pour se calmer. Il porta la main à son attache florale et inspira profondément.
« C'est bien ce que je pensais, Sire. », finit-il par répondre d'une voix acérée, en récupérant le matériel de pique-nique.
« Assez. », décida Mithian, en prenant le panier. « Merci Merlin, je m'occupe du reste. Au fait, c'est une jolie décoration que vous avez dans les cheveux. »
« Un cadeau de ma petite sœur. Une chevalière pleine d'honneur et de courage, contrairement à un certain crétin que je ne nommerai pas. Mais je vous remercie, Altesse. », lâcha Merlin du bout des lèvres.
Arthur rentra la tête dans les épaules, plus que conscient de son erreur.
Plus tard, alors que Mithian et Arthur se prélassaient sur les oreillers en discutant, Merlin, assis au loin, leur jeta un regard mélangeant dégoût, fureur et jalousie et continua son plan de sabotage des fiançailles royales. Ses yeux virèrent à l'or et le Roi se mit à roter. La Princesse, qui était en train de rire, cessa aussitôt, alors que le blond la regardait avec embarras.
« Hum ! Je... je suis... je suis désolé. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Je... », s'excusa Arthur, remuant maladroitement.
A nouveau, les yeux de Merlin brillèrent et le Roi rota de nouveau. Mithian le regarda, perplexe, alors qu'il secouait la tête pour masquer son embarras.
« Je... vraiment... je ne sais pas quoi dire... »
A leur grande surprise, Mithian émit un rot très long et sonore, avant de sourire. Les deux royaux se mirent alors à rire, et Merlin ronchonna, roulant des yeux.
« Et après, il ose dire qu'il n'aime que moi ! Je n'ai jamais eu droit à ce qu'il me fasse la cour, MOI ! Tch ! Quel abruti !
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