Chapitre 61 : Le piège de Morgane
Royaume de Camelot, cité, château, appartements d'Aurore, le soir venu
« Ella ? »
« Gwenny ! Entre ! », sourit Aurore.
Nahida fit apparaître une couverture de mousse pour cacher les livres de Gaius juste avant que la servante n'entre dans la pièce. Celle-ci vint enlacer son amie, toujours en tenue de nuit dans son lit.
« Comment tu te sens ? Tu nous as vraiment fait peur... »
« Je me remets lentement, ne t'en fais pas. Mais j'ai pour ordre de ne pas sortir de mes appartements jusqu'à nouvel ordre, on ne sait pas encore ce qui déclenche mes malaises. »
« D'après Gaius, tu en avais déjà eu un avant-hier. Tu en as eu aujourd'hui ? »
« Non, tout va bien. Je me sens juste un peu faible. Désolée, j'aurais aimé pouvoir combattre en ton nom durant les joutes... »
« Ne t'en fais pas pour ça. Le principal, c'est que tu te remettes sur pied. », sourit Gwen. « Et si je te préparais un bon bain chaud ? Je te raconterai tout ce qu'il s'est passé aujourd'hui pendant que tu te détends. »
Du coin de l'œil, Aurore consulta Nahida, qui hocha la tête.
« Bonne idée ! Merci Gwenny. »
« C'est tout naturel ! Je vais préparer tout ça, reste ici ! »
Aurore hocha la tête et laissa Guenièvre tout installer avant d'aller chercher de l'eau chaude.
« On peut déjà être sûres que Lancelot n'est pas là pour tuer Arthur, sinon elle n'agirait pas normalement. », fit remarquer Nahida.
« C'est ce que je me disais. Dans ce cas, il est probablement là pour Gwenny. »
« Essaie de savoir si quelque chose a changé en elle. »
« OK. »
Après un certain temps, Gwen revint et remplit avec de l'eau chaude l'immense bassine dans laquelle Aurore prenait ses bains. Nahida s'éclipsa, disant à la servante de faire chercher Merlin si jamais la chevalière convulsait à nouveau, et ladite chevalière alla se déshabiller derrière le paravent. Guenièvre la laissa s'installer dans l'eau chaude avant de la regarder à nouveau.
« Tiens, c'est nouveau ce bracelet ? », remarqua Aurore en voyant un large cercle de métal autour de son poignet, alors qu'elle se savonnait les cheveux.
« Oh, ça ? », fit Gwen en suivant son regard. « C'est un cadeau de Lancelot, un porte-bonheur donné par les Madhavis. Un cadeau de fiançailles. Pourquoi ? Tu trouves qu'il ne me va pas ? »
« Oh, non ! », la rassura la déesse. « J'étais juste curieuse, parce qu'il pue la magie à plein nez. »
« Mais Lancelot n'est pas un magicien... et puis, pourquoi me donnerait-il un bracelet magique ? C'est Lancelot ! Jamais il ne ferait ça. »
Cependant, cela ne parut pas convaincre Aurore car Gwen la vit se mordre la lèvre d'incertitude. C'est pourquoi la servante retira le bracelet et le tendit à son amie.
« Inspecte-le, tu verras qu'il n'est pas magique. »
Aurore le prit volontiers, et son pressentiment sur la nature du bracelet se confirma, sans qu'elle ne puisse aller plus loin à cause de sa magie qui était temporairement faible. Ne pouvant en savoir plus sur l'enchantement lancé sur le bracelet, elle décida de placarder un sourire contrit sur ses lèvres et de faire comme si elle s'était trompée, au moins devant Gwen.
« Tu as raison, pardon. Mes sens magiques doivent être un peu détraquées à cause du faible niveau d'énergie de ma magie. »
« C'est pas grave, je me doute que ce n'est pas facile. », assura Guenièvre en reprenant le bracelet et en le remettant à son poignet.
« Et sinon, tout va bien ? »
« Oui, pourquoi ? »
« Eh bien... tu as été amoureuse de Lancelot autrefois. Son retour ne t'a pas... retourné le cœur ? »
Guenièvre évita son regard, mettant un temps considérable à répondre et titillant le bracelet offert par Lancelot. Aurore eut alors sa réponse.
« Laisse tomber, ce n'est pas de mes affaires après tout. Ta vie privée et tes sentiments te regardent. Juste... ne fais rien de stupide, ou qui puisse nuire à mon frère, hm ? Ton mariage avec Arthur est faux, mais il est vrai aux yeux du peuple. Quoi que tu fasses, évite qu'il y ait des témoins qui ne soient pas au courant du pacte que tu as passé avec Arthur. Tu ne ferais que vous mettre, Arthur et toi, dans l'embarras... »
Guenièvre hocha la tête, alors qu'Aurore ravalait la tristesse et la douleur qu'elle ressentait à l'idée que la brune puisse être de nouveau amoureuse de Lancelot. Elle inspira profondément, se fustigeant que c'était son choix de ne pas vouloir s'engager, et que c'était le mieux à faire.
Royaume de Camelot, cité, château, salle du conseil, quelques heures plus tard
« Qu'est-ce-qu'il se passe ici ?! »
Arthur et Guenièvre sursautèrent, alors qu'Aurore pénétrait furieusement dans la pièce, malgré que les chevaliers aient tenté de l'en empêcher. Le vent claqua les portes, les refermant. Ils surent qu'elle était venue en catastrophe car son ensemble noir, celui qu'elle mettait sous son armure, était froissé et mal ajusté.
« Aurore, par pitié, ce ne sont pas tes affaires. », soupira Arthur. « C'est déjà assez compliqué. »
« Que s'est-il passé ? », insista Aurore.
« Je l'ai surprise en train d'embrasser Lancelot... et Agravain aussi. Ça n'aurait été que moi, j'aurais laissé couler. Après tout, on a un accord Gwen, bien que ton choix me semble plutôt étrange. »
Il lui fit un regard appuyé, et Guenièvre baissa la tête, se demandant comment elle avait pu être attirée de cette façon par Lancelot alors que son cœur battait pour la déesse à ses côtés.
« Et alors ? Vous soupçonnez Agravain de trahison. En quoi son avis vous importe-t-il désormais ? », fit Aurore en croisant les bras sur sa poitrine.
« Je n'ai aucune preuve irréfutable que mon oncle est un traître, bien que je le sache. Pour le moment, je ne peux pas l'ignorer. »
« La sanction pour adultère dans les familles nobles est la mort... vous allez vraiment l'exécuter ? »
Posant sa main sur la garde de son épée, Aurore lui intima muettement de choisir avec prudence ces prochains mots.
« Bien sûr que non, mais je suis obligé de prendre des dispositions et de traiter ce cas comme si c'était réellement un adultère, alors que la situation est plus compliqué que ça. »
« Ce n'était même pas un adultère, parce que Lancelot est une ombre et Gwenny était sous l'emprise d'un sort, probablement d'amour. »
« De quoi tu parles ? », l'interrogea Guenièvre.
« Ton bracelet. Il était ensorcelé. Je suis trop faible pour déterminer le type de sort, mais tu m'as implicitement avoué que tu aimais Lancelot tout en titillant ce bracelet. Je suis très loin d'être stupide. »
« Et où est ce bracelet ? Si on peut arriver à prouver par Gaius que Guenièvre a bien été ensorcelée, ce ne sera plus un adultère mais un malheureux accident... », réfléchit Arthur.
« Je... je l'ai jeté dans ma cellule... »
« Agravain vient de le récupérer. », rapporta Aurore. « Il savait sûrement que je vous dirai la vérité, Morgane et lui doivent se méfier de moi depuis que je vous ai offert une âme-lumière... »
Le silence plana quelques instants, alors qu'Arthur réfléchissait à une solution.
« Tu as dit que Lancelot était une ombre... »
« En effet, il possède son corps d'origine et ses compétences, mais il ne se souvient que de son nom. Tout le reste, c'est Morgane qui lui a relaté, probablement. Lance connaît certaines choses que celui-ci semble avoir oublié, des choses qu'il n'aurait jamais pu oublier. »
« Comme quoi ? », voulut savoir le Roi.
Aurore resta silencieuse une seconde, avant de prendre la première excuse qui lui passa par la tête.
« Les sentiments de mon frère pour vous. Lance était au courant, mais Agravain ne l'est pas, et encore moins Morgane. C'est quelque chose qu'il n'aurait pas pu oublier, car Lirou et lui se soutenaient mutuellement quand ils vous voyaient tous les deux faire preuve d'affection l'un envers l'autre. Lirou et Lancelot étaient les meilleurs amis du monde, jamais Lance n'aurait oublié quelque chose d'aussi important... »
« ... à moins que sa mémoire soit façonnée par Morgane... Aurore, tu sais que je te fais confiance, hm ? »
« Mais je n'ai pas vraiment de preuve, donc vous ne pouvez rien faire. »
« En effet. De plus, la seule preuve qu'on aurait, c'est les sentiments de Merl, et encore. Moi-même je ne savais pas que Lancelot était au courant de ce qu'il ressent envers moi... quand bien même ça serait valable, il n'y a aucune loi qui protège les gens comme Merl et moi... »
« Les homosexuels. », crut bon de préciser Aurore.
« Comme tu dis. Mon père les exécutait au même titre que les mages. Jamais je n'exécuterai Merlin volontairement, mais j'y serai contraint si ses sentiments sont mis à jour de cette manière alors qu'aucune loi ne peut le protéger. »
« Et mon statut de déesse de la Liberté ne m'octroie aucun pouvoir légal à Camelot, ou où que ce soit dans les Cinq Royaumes... », bougonna Aurore.
« On ne peut ni prouver que j'ai été ensorcelée, ni que Lancelot n'est pas vraiment Lancelot, alors... », comprit Guenièvre.
« Sois rassurée, je ne te ferai pas exécuter. », fit Arthur, avant de reprendre après quelques secondes de silence. « Je ne vois pas d'autre solution que te bannir et simuler l'homme bafoué et au cœur brisé. »
« Je vais devoir quitter Camelot ?! Mais c'est ma maison ! J'ai toujours vécu ici ! », protesta Guenièvre.
Arthur soupira lourdement, ce que les deux jeunes filles n'eurent aucun mal à interpréter. Il ne le faisait pas de gaieté de cœur, au contraire. Il n'aimait peut-être pas d'amour Guenièvre, mais elle était sa meilleure amie. Il se sentait profondément impuissant face à la situation, et furieux que Morgane ait réussi à les coincer de cette façon.
« Je suis désolé Gwen, je ne sais pas quoi faire d'autre. Aurore, sais-tu où elle pourrait aller ? »
« Bien sûr ! Maman sera ravie de l'accueillir, j'en suis certaine. »
« Bien. Guenièvre, il va falloir que tu quittes Camelot à l'aube... encore une fois, je suis désolé, j'aimerais pouvoir faire plus... »
« Ah ce n'est rien, je sais que vous faites votre possible. On ne peut pas toujours l'emporter contre Morgane, surtout avec Ella qui est faible. »
« D'ailleurs, tu sais à quoi sont dues tes récentes crises ? Je doute que ce soit à cause du pollen noir, comme Merlin ne cesse de le dire. »
« Pour faire simple, au fait que Lancelot a été ramené en tant qu'ombre. Ça a quasiment brisé le lien dieu-esprit qu'on avait, c'est pourquoi mon corps se rebelle de cette façon quand il est à proximité de moi. Plus que ma magie, c'est mon âme et mon cœur qui sont liés à mes esprits. Du coup, ils se sont mis à dysfonctionner en présence de Lancelot, me rendant inconsciente et me faisant convulser. Si je suis en vie, c'est uniquement grâce à ma magie, qui a lutté pour me réveiller et faire fonctionner mon cœur, et à Nahida et Lirou, qui ont su agir à temps pour me calmer. »
« C'est donc pour ça que Nahida a ordonné que tu restes confinée, j'imagine que ça explique que ta magie soit faible actuellement, si elle a lutté pour te maintenir en vie... et Naia, elle va bien ? Vu que Lancelot est son esprit à la base, j'imagine que les conséquences ont été pires... », s'inquiéta Arthur.
« Elle est prise en charge par ses esprits pour le moment, donc la situation n'est pas catastrophiquement alarmante. Gwenny, Ealdor, ça te convient ? »
« Je peux pas vraiment faire la difficile, et Hunith est gentille. », accepta Guenièvre. « C'est au pire un bon début, au mieux un bon endroit pour vivre. J'espère juste réussir à m'y rendre sans problème. »
« Ne t'en fais pas, je vais t'accompagner et rester quelques temps là-bas, avec toi. Enfin, si vous m'y autorisez, Arthur. », s'enquit Aurore.
Le Roi marqua son accord d'un signe de tête.
« Si Nahida accepte, alors tu peux. Merl et moi prétexterons une autre mission divine longue durée. J'espère toutefois que nous pouvons toujours compter sur toi en cas de gros problèmes. »
« Bien sûr. Si Camelot ou vous êtes vraiment dans la panade, je viendrai vous aider, comme toujours. Vraiment, si je ne suis pas là dans des situations comme le coup d'État de Morgane ou le Dorocha, c'est que quelque chose ne va pas. »
« Tu n'es pas obligée Ella, je sais que Camelot est devenue ta maison... », dit doucement Gwen.
Aurore lui sourit et l'enlaça.
« Ne t'en fais pas, ça me fait plaisir. »
Royaume de Camelot, cité, ville basse, le lendemain
« Et voilà. Encore merci ma belle de bien vouloir tirer la charrette pour nous. »
Moonlight hennit joyeusement aux paroles de sa cavalière, alors que Guenièvre terminait d'entasser ses affaires dans la charrette qui contenait déjà le nécessaire de voyage d'Aurore. Au loin, Merlin les regardait, impuissant.
« Tu es prête Gwenny ? »
Guenièvre vérifia le contenu de la charrette avant de hocher la tête. La voyant frissonner, Aurore vint l'emmitoufler tendrement dans sa cape de chevalière. Gwen rougit et la remercia d'un sourire.
« Tu as tout ? », lui demanda timidement Guenièvre.
« Oui. Et puis, ce n'est qu'un au revoir. Autant pour moi que pour toi, j'en suis certaine. »
Elle salua son frère, qui lui rendit son signe, lui ayant déjà dit au revoir. Aurore tâta ensuite son cou pour s'assurer de la présence de son Gnosis, puis tapota l'encolure de Moonlight.
« Allons-y, une longue route nous attend. »
« Ne force pas, d'accord ? Dis-moi dès que tu sens que ton corps faiblit, on s'arrêtera. »
« J'ai longtemps vécu sur les routes, tu sais ? Je sais quand m'arrêter. »
« Oui mais là, ta magie est encore faible. Tu as promis à Nahida de t'arrêter dès que tu commençais à te sentir faible. »
« Et je tiens mes promesses. »
Par-dessus son armure, Aurore attacha à la manière de Merlin le morceau de tissu turquoise que Gwen lui avait donné en faveur presque trois jours avant. En voyant cela, la brune rougit furieusement et Merlin eut un sourire tendrement amusé.
« Avec de la chance, tout ce temps passé ensemble leur permettra de s'avouer leurs sentiments... », espéra Merlin, les regardant s'éloigner avec Moonlight tirant la charrette.
Royaume de Camelot, lac d'Avalon, quelques heures plus tard
Merlin s'éloigna, regardant Lancelot reposer sur une barque recouverte de fleurs. Après qu'il se soit suicidé, probablement sous les ordres de Morgane transmis par Agravain Arthur et lui avaient supposé, le Roi avait demandé à ce qu'il ait des funérailles convenables, car officiellement, il avait été un homme d'honneur en toute occasion, exceptée une. D'un geste de la main, il fit pousser des chrysanthèmes à aubes un peu partout sur la barque afin de représenter la dévotion éternelle que le véritable Lancelot avait et aurait toujours envers le royaume et Aurore.
Retenant ses larmes, il s'entailla la main pour pouvoir utiliser une petite partie du pouvoir de déesse de la Liberté de sa sœur et qui sommeillait en lui. Il fit goutter un peu de son sang sur le visage de Lancelot et se concentra, retenant ses larmes.
« Grið fæstne mid þisse tintregian sawle. »
Une douce aura noire émana de Lancelot, avant de s'éteindre progressivement en même temps que les gouttes de sang de Merlin devenaient de petites lumières volant vers le ciel. Pendant quelques secondes, l'ancien chevalier ouvrit les yeux.
« Merlin... merci. », sourit légèrement Lancelot. « On pourra m'invoquer bientôt... quand Stella se sera remise... et moi aussi... ce n'est qu'un au revoir... mon ami. »
Lancelot s'éteignit à nouveau, rejoignant le monde spirituel qui était devenu sa maison depuis sa traversée du voile. Bien que sachant que ce n'est qu'un au revoir, Merlin ne put s'empêcher de pleurer pour son meilleur ami. Laissant les larmes couler sur son visage, il poussa la barque dans l'eau et l'embrasa d'un regard.
« Que Barbatos te bénisse, et que le vent de la Liberté protège ton âme de ceux qui voudraient t'utiliser, Lancelot. »
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