Chapitre 6 : Morgause

Royaume d'Odin, forêt, plusieurs mois plus tard

« Je crois qu'on s'est perdues Moonlight... »

La jument à la robe d'ébène hennit pour appuyer les paroles d'Aurore.

« Pourtant, le vent me mène toujours à bon port d'habitude. »

Perplexe, la cadette de Merlin observa consciencieusement les alentours. Elles étaient devant une grande étendue d'eau, avec une cascade au loin.

« Tout est sauvage ici, je vois mal comment quelqu'un pourrait habiter ici... »

En soupirant, Aurore descendit de cheval puis regarda le contenu de son sac. Elle était à une demi-journée d'un petit village appartenant au royaume de Camelot, où elle pourrait se ravitailler. Il était toujours temps pour elle d'y aller.

L'adolescente leva la tête vers le ciel, pensive. Depuis la bataille d'Ealdor, Merlin l'avait contacté quelques fois, lui transmettant ses lettres par l'intermédiaire du vent, pour profiter par exemple de connaissances sur les plantes que Gaius n'avait pas. Leur échange le plus important avait été lorsque, selon les dires du magicien, Arthur avait tué une licorne, faisant ainsi s'abattre la ruine et la famine dans son royaume. Elle n'avait pas pu faire grand-chose pour l'aider, si ce n'est lui transmettre la procédure de fabrication de barres nourrissantes faites à partir de fruits et de fleurs pressés. Séparément, ils n'étaient pas comestibles, mais ensemble, ils le devenaient et une barre pouvait alors fournir l'énergie pour une journée complète, si tant est qu'elle était consommée avec parcimonie tout au long de celle-ci.

De temps en temps, son frère lui transmettait une lettre lui contant les aventures qu'il vivait avec Arthur. Il ne lui transmettait que les plus intéressantes, entendre les plus drôles, à ses yeux, mais elle était capable de voir l'évolution mentale d'Arthur à travers elles, ainsi que l'évolution de leur relation car Merlin ne se privait pas de lui raconter ce qui le faisait chaque jour tomber un peu plus amoureux du blond. Et même si son frère n'en savait rien, Aurore commençait à se douter qu'Arthur éprouvait une très grande affection pour Merlin, elle le ressentait dans les paroles que ce dernier lui rapportait. A chaque lettre, le Prince de Camelot semblait traiter son valet avec plus d'affection et de gentillesse que dans la précédente. Enfin, tout était relatif quand il était question d'Arthur, surtout quand on ne suivait l'évolution de leur relation que par lettres interposées...

« Je me demande si Lirou abandonnerait ou persévérerait... », murmura Aurore.

Voilà plusieurs mois qu'elle voyageait activement à travers Albion dans la ferme intention de contrôler sa magie, rencontrant des centaines de tribus de druides et des dizaines de magiciens reclus, mais en vain. Personne n'avait pu l'aider. Sa dernière chance résidait en des rumeurs colportées de brise en brise à propos d'une mage extrêmement puissante, élevée par les Grandes Prêtresses de l'Ancienne Religion. Cela avait été l'une des rares fois où le vent n'avait pu lui indiquer la véracité de ces rumeurs de brises, mais elle avait quand même décidé de tenter sa chance.

En l'état actuel des choses, Merlin ne la laisserait jamais venir à Camelot, que ce soit pour une visite de passage ou pour s'y installer. C'était pareil dans le reste d'Albion : la magie était tenue en haute ennemie, alors elle ne pouvait s'installer nulle part de manière prolongée. Tant qu'elle aurait sa magie, ou tant qu'elle ne le contrôlerait pas, il lui était impossible de trouver sa place et de mener la vie qu'elle voulait, quelle qu'elle soit.

« Hm ? », réagit Aurore en entendant le vent lui murmurer. « Par là ? »

Elle regarda dans la direction indiquée par la brise, mais celle-ci consistait en réalité à traverser le lac. Aurore fronça les sourcils mais consentit tout de même à suivre le chemin désigné par ce compagnon fidèle qui l'accompagnait depuis sa naissance. Elle remonta sur Moonlight et la fit traverser le lac.

Elles passèrent sous la cascade et arrivèrent trempée dans une grotte. En s'y enfonçant, elles finirent par en sortir, se retrouvant alors face à une forteresse de pierres abandonnée. Aurore dirigea sa jument apprivoisée vers l'entrée puis descendit de cheval, son sac sur le dos et l'épée prête à être dégainée.

Prudemment, sur ses gardes, elle entra à l'intérieur de la forteresse en ruines.

« Pour le moment, les rumeurs des brises semblent véridiques... », souffla Aurore. « Caché un tel endroit derrière une cascade quand il n'est censé n'y avoir qu'une grotte... cela doit demander une très grande magie. Probablement autant que le potentiel de Lirou, si ce n'est plus... »

Elle finit par arriver dans ce qui devait être auparavant une grande salle. Une jeune femme était là, debout. Elle avait de longs cheveux blonds bouclés, une longue robe rouge et elle révéla des yeux bruns lorsqu'elle se retourna, ayant entendu Aurore arriver.

« Aurore d'Ealdor. Je t'attendais. »

Instinctivement, Aurore dégaina son épée et se mit en garde.

« Qui êtes-vous ? Comment connaissez-vous mon nom ? »

« Je m'appelle Morgause, et je suis une Grande Prêtresse de l'Ancienne Religion. », lui répondit Morgause avec un sourire rassurant. « Je connais ton nom, car les Dieux m'ont prévenu de ta venue. »

« Que savez-vous d'autre sur moi, au juste ? »

« Que tu es une escrimeuse aguerrie, que tu possèdes une puissante magie de vent incontrôlable et que tu cherches quelqu'un pour t'apprendre à la maîtriser. Je ne sais rien de plus. Tu peux ranger ton épée, je suis certes une excellente épéiste mais je ne me fatiguerai pas à te défier, ni à utiliser ma magie contre toi. »

Aurore regarda Morgause quelques instants, puis décida de rengainer son épée.

« Pouvez-vous m'aider ? »

« Je peux essayer. », dit simplement Morgause. « Si je ne peux t'aider, personne d'autre ne le pourra. »

« Vous pouvez me débarrasser de ma magie ? »

« Tu souhaites t'en débarrasser ? », s'étonna la blonde.

« Disons juste que c'est une possibilité que j'envisage sérieusement. »

« Aurore, une telle magie ne peut se retirer. Elle t'a été offerte par les Dieux, tu ne pourras t'en débarrasser qu'en mourant. Et je doute que ce soit ton objectif. »

« Non, en effet. », admit l'adolescente. « Mais comme je l'ai dit, ce n'était qu'une possibilité. Je veux avant tout pouvoir vivre sans crainte, chose qui n'est possible que si je me débarrasse de ma magie ou si j'apprends à la maîtriser pour ensuite ne plus en faire usage. »

« La magie, et encore plus la tienne, ne peut se maîtriser qu'en pratiquant. Vouloir apprendre à la maîtriser dans l'objectif de ne jamais en faire usage est contre-productif. »

« Je m'en doute. », murmura Aurore. « Mais c'est mon choix, au moins pour le moment. Peut-être que cela changera quand je serai en mesure de contrôler mes pouvoirs, mais actuellement, cette magie me fait plus peur qu'autre chose. »

« Ta magie ou la magie en général ? »

« Ma magie. Sinon, je n'ai pas peur de la magie. Je l'ai vu sous bien des formes au cours de mes voyages et, si certaines sont néfastes, d'autres sont bienveillantes. La magie est comme une épée, c'est celui ou celle qui la manie qui détermine sa nature. »

« Tu es bien sage pour ton jeune âge, Aurore. L'usage de la magie requière une grande sagesse, afin de respecter les lois de ce monde, alors apprendre à maîtriser tes pouvoirs ne devrait pas te poser trop de problèmes, même si cela peut être long. »

« C'est-à-dire ? »

« Toute magie grandit et évolue en même temps que ceux qu'elle habite. Plus tu grandis, et plus ta magie devient puissante. Les enfants sont plus aptes à apprendre facilement et rapidement toute chose, bien plus que des adolescents ou des adultes, et la magie n'y échappe pas. Apprendre à contrôler ses pouvoirs est relativement simple quand on a la moitié de ton âge, car leur puissance n'en est qu'à ses balbutiements. En ce qui te concerne, tu sembles être un cas à part, ta magie semble bien trop puissante pour ton âge, et je sens en toi un potentiel plus grand encore. », révéla Morgause. « Enfin, peu importe. Puisque tu souhaites apprendre à maîtriser ta magie pour ne plus l'utiliser, j'imagine que tu n'en as que faire. »

Aurore ne répondit pas, partagée entre la promesse qu'elle s'était faite en étant toute petite et la curiosité qu'avait éveillé les paroles de Morgause.

« Bien, commençons ton entraînement. », dit la blonde. « Pour commencer, il est important de connaître les conditions actuelles de l'activation de ta magie, et ce que tu ressens dans ces moments-là. »

« ... elle ne s'active que lorsque mon frère ou des gens auxquels il tient sont en danger, afin de les protéger et de leur venir en aide. Quand cela arrive, c'est comme si une entité prenait possession de moi. Je suis consciente, je suis encore là, mais c'est ma magie qui contrôle le moindre de mes gestes, la moindre de mes actions. Le seul moyen pour me permettre de reprendre le contrôle est de m'assommer ou que je m'effondre d'épuisement. Les quelquefois où j'étais maîtresse de ma magie, c'est lorsque je l'unissais à celle d'un autre magicien, dans un sort commun de vent. », réfléchit Aurore, prenant soin de ne rien évoquer qui permette de relier Merlin au monde de la magie, par précaution.

Morgause réfléchit quelques instants, synthétisant les informations données par l'adolescente.

« Le moteur principal inconscient de ta magie semble être ton attachement à ton frère, et le contact avec la magie du vent le moteur principal conscient. C'est un début. Si tu arrives à user volontaire de tes pouvoirs sans être en contact avec la magie du vent de quelqu'un d'autre, tu devrais pouvoir reprendre le contrôle sur ta magie quand elle se déclenche sans que tu ne le veuilles. »

« Ce serait déjà un grand pas en avant. Mais pourquoi ma magie réagit spécifiquement à celle du vent ? N'y a-t-il pas une seule magie ? »

« Il y a plusieurs types de magie. Chaque race magique à la sienne, mais les humains qui maîtrisent la magie peuvent utiliser tout type de sort issus de tout type de magie. Ils peuvent avoir une affinité particulière avec un certain type de magie, mais ils ont une grande liberté. Avec la bonne formule, ils peuvent faire presque tout, dans la limite de leur puissance. Ton cas à toi est très différent : ta magie est d'une puissance rare, mais elle est strictement une magie de vent, tu ne peux utiliser que ce type de magie. C'est pour ça que tes pouvoirs ne réagissent que lorsque quelqu'un d'autre à proximité utilise un sort de vent, car c'est un sort issu d'une magie du même type que la tienne. Tu auras beau prononcer des formules de feu par exemple, tu ne feras jamais naître la moindre étincelle. Ceci étant dit, le vent est une magie à part, car il peut transporter toutes sortes de choses, alors tu pourras toujours faire s'enflammer une forêt avec une simple braise, pour rester sur l'exemple du feu. »

Aurore hocha la tête pour indiquer qu'elle avait bien compris. Morgause leva la main et deux coussins émergèrent du sol. L'adulte s'installa sur l'un d'eux et invita l'adolescente à faire de même.

« Connais-tu des formules, pour commencer ? », voulut savoir Morgause, alors qu'Aurore s'asseyait.

« Quelques unes. », émit la cadette de Merlin, songeant aux incantations liées au vent que son frère lui avait envoyés depuis qu'il était à Camelot et qu'elle avait mémorisé. « Mais elles n'ont jamais rien fait. »

« On va commencer simplement alors. »

Morgause fit apparaître une sphère de vent, qu'elle maintint entre ses mains.

« Essaie d'invoquer une rafale de vent avec l'incantation « Faerblaed waouh ». »

Aurore inspira profondément puis se concentra. Comme prévu, elle sentait sa magie commencer à bouillir dans ses veines, grâce à la sphère de vent de Morgause.

« Faerblaed waouh. »

Sans grande surprise aux yeux d'Aurore, il ne se passa rien. Elle avait déjà essayé des dizaines de fois cette formule, y compris avec des druides qui avaient aussi invoqué une sphère de vent pour l'aider.

« C'est étrange. », commenta Morgause. « Prononcer une incantation provoque toujours une réponse magique, si elle est bien prononcée. Pourtant, il ne s'est rien passé, comme si ta magie ne réagissait pas à ces incantations. »

Morgause fronça les sourcils. Voilà qui risquait de quelque peu retarder son objectif...

« C'est grave ? », s'enquit Aurore.

« Non. En réalité, j'aurais dû m'en douter. Quelqu'un d'aussi puissant que toi mais qui ne peut user que d'un seul type de magie ne pourra forcément l'invoquer que d'une seule manière bien particulière. Il va falloir expérimenter pour comprendre comment invoquer ta magie. Une fois qu'on saura comment, on pourra travailler sur son invocation sans présence de magie du vent. Ne t'en fais pas, nous finirons par trouver. »

La cadette de Merlin sourit, touchée et rassurée. Elle avait enfin trouvé quelqu'un qui pouvait l'aider, quand bien même le vent lui susurrait que Morgause n'était qu'une alliée temporaire.

« Merci Morgause. »

La blonde hocha la tête puis l'envoya se reposer un peu, devant réfléchir à la marche à suivre. Aurore s'exécuta donc et s'empressa d'aller voir sa jument pour manger et dormir un peu.

« Je ferais mieux d'imaginer un autre plan, au cas où je n'arrive pas à tirer profit de ses pouvoirs... »

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