Chapitre 53 : Morrigan, la Triple Déesse
Royaume de Camelot, bois de Brineved, Caerlanright, aube
« D'après Morgane, c'est ici... Caerlanright, un lieu sacré de l'Ancienne Religion utilisé par les Disirs pour interpréter les messages de la Triple Déesse... », murmura Aurore en descendant de sa jument.
D'une douce tape sur l'encolure, elle enjoignit Moonlight à s'éloigner, puis elle posa la main sur la garde de son épée. En théorie, elle ne devrait pas entrer dans un lieu sacré en étant armée, mais cette épée était spéciale, faite pour que les descendants de dieux puissent se défendre, et la Triple Déesse voulait la rencontrer à cet endroit particulier, là où les forces de l'Ancienne Religions étaient les plus fortes. Elle avait toutes les raisons de ne pas abandonner son épée, pas alors que la Triple Déesse en avait après elle.
Elle n'eut cependant pas à se poser la question car une silhouette féminine apparut dans une lumière noir-argenté. Aurore ferma les yeux, éblouie, et lorsqu'elle put à nouveau voir, une jeune femme aux longues boucles blanches, aux yeux gris et vêtue d'une longue robe noir se tenait devant elle. Elle regardait la déesse de la Liberté avec haine, dégoût et mépris.
« Eilin, pathétique descendante de Barbatos. Je vois que tu es aussi naïve que lui, prête à te jeter tête la première vers la mort au nom d'un ami qui est déjà mort. »
« Vous avez imposé au monde mortel une religion constituée de rites sanglants et de créatures dont certaines sont purement démoniaques, vous êtes mal placée pour me juger. Au moins, j'ai du cœur et j'éprouve de la compassion envers les humains. »
« La compassion ne fait que rendre faible. Pourquoi t'inquiéter pour un stupide humain qui est déjà mort, de toute façon ? »
« Vous le tenez prisonnier, il est de mon devoir de le libérer. Et surtout, c'est quelqu'un que j'apprécie, mais vous le saviez déjà. Vous ne l'auriez pas enlevé sinon. Bon, dites-moi ce que vous voulez pour consentir à libérer Lancelot. »
« Tu es directe, je peux te le concéder. Ce stupide Barbatos était un vrai serpent, toujours à faire des coups derrière le dos des gens. », admit la Triple Déesse. « Ce que je veux, c'est très simple : je veux récupérer la place qui me revient de droit. »
« Il n'y a pas eu de dieu de la Liberté pendant au moins mille ans, sinon plus. Pourquoi agir maintenant ? »
« Cela ne marche pas comme ça, pauvre sotte ! Pour qu'une place se libère dans le cercle des Sept, il faut que l'un des Sept se fasse bannir ou renonce à sa position. »
« Et donc, vous voulez que je renonce à la mienne pour que vous puissiez la prendre ? »
« En effet, et je libérerai cet esprit humain en échange. Et comme je suis d'humeur clémente, je te laisserai mener ta petite vie tranquille de mortelle. Tu ne seras plus une déesse, mais tu resteras une puissante mage du vent, avec le potentiel de ton cher frère Emrys. Qu'en penses-tu ? C'est gagnant-gagnant. »
« Et priver l'humanité d'un dieu de la Liberté ? Nous savons toutes les deux que la situation de l'humanité empirera avec vous dans le cercle des Sept, ce n'est pas pour rien que vous avez été bannie autrefois. Et puis, qui vous dit que quelqu'un d'autre ne prendra pas ma place ? Qui vous dit que vous pourrez la reprendre ? »
« Oh, parce que tu vas renoncer à ta place en demandant expressément que ce soit moi qui la prenne. Tu peux le faire, et les autres Archons n'auront pas le choix ! », sourit mesquinement la Triple Déesse.
« Comme si j'allais vous faire confiance. Qui me dit que vous tiendrez parole ? Et puis, vous semblez si sûre que je vais faire ce que vous voulez. »
« Parce que tu tiens à cet imbécile d'humain, donc tu le feras. Le cœur est la faiblesse de chacun des Sept, tu n'y fais pas exception, Eilin. »
« Ce n'est qu'une faiblesse jusqu'au jour où ça devient une force. Lancelot était le chevalier le plus noble et vertueux qu'il m'ait été donné de rencontrer. Jamais il ne voudrait que l'humanité perde la déesse de la Liberté juste pour le sauver ! »
« C'est ta réponse ? », fit la Triple Déesse en haussant un sourcil.
Aurore serra la mâchoire, alors que la déesse en face d'elle avait un sourire suffisant. Elle ne pouvait pas faire ça, mais elle ne pouvait pas non plus laisser Lancelot se faire tuer.
Le silence plana quelques minutes, sans qu'Aurore ne daigne ouvrir la bouche. Son esprit analysait la situation, essayant de trouver une échappatoire.
« Ouvre-toi porte des esprits ! Viens à moi, Lancelot ! »
Les deux déesses sursautèrent, se tournant vers la source de la voix. Aurore hoqueta d'horreur en voyant son frère, accroupi au sol, une main semblant ensanglantée posée sur le sol. Un de ses yeux avait pris les couleurs de l'aurore, lui permettant d'ouvrir la porte et de faire venir Lancelot dans le monde mortel. Celui-ci, à peine conscient, tomba au sol dès qu'il pénétra dans le monde des vivants.
« Lancelot ! », s'écria Merlin en accourant vers lui.
« Ne te mets pas en travers de ça Emrys ! C'est entre Eilin et moi ! », tonna la Triple Déesse.
« Oh que non ! C'est entre les Sept et toi, Morrigan ! », retentit la voix de Stella.
Dans un son de bulle qui éclate, Stella apparut près de Merlin et Lancelot. Sans broncher, elle soigna l'ancien chevalier.
« Naia. », ragea la Triple Déesse.
« Stella, ne t'en mêle pas, s'il te plaît. », supplia Aurore. « Lancelot ne sera jamais en sécurité sinon. »
« Tu es stupide ou tu le fais exprès ? Morrigan a dit que tu devais venir le sauver, mais elle n'a pas dit que nous ne pouvions pas venir te sauver toi ! »
« Comment mon frère a pu ouvrir la porte ? Il n'en a pas le pouvoir ! »
« Nahida a voyagé dans le futur à la recherche d'une solution auprès d'une version plus âgée d'elle-même, pendant que j'étudiais les différents futurs possible. Emrys est capable d'ouvrir la porte en utilisant la magie du sang. C'est un type de magie dangereux, mais il a déjà démontré qu'il était capable de l'utiliser, notamment pour que ta magie lui réponde. Un descendant d'un dieu est capable d'ouvrir la porte quelques instants, en faisant couler une certaine quantité de son propre sang. Puisqu'il est ton frère, un descendant de Barbatos et Emrys, il est en mesure de le faire avec seulement quelques gouttes de son sang et sa propre magie. C'était le seul moyen pour devancer cette harpie. Si elle n'a plus de moyen de pression sur toi, tu n'as aucune raison d'être tentée d'accepter son offre. »
« Qu'est-ce-que ça peut me faire ? », rétorqua Morrigan. « Dès que cet ancien humain sera de retour dans le monde des esprits, je pourrai tout recommencer ! Et cette fois, je serai bien moins clémente ! »
« Oh, aurais-je oublié de préciser un petit détail ? », dit innocemment la déesse de l'eau. « J'ai réveillé la magie divine qui sommeille en Emrys. En ouvrant la porte, il a créé un lien entre Lancelot et lui, de sorte que t'en prendre à lui affectera Emrys. Et tu ne peux pas t'en prendre à Emrys, pas si tu veux que le Roi qui fut et qui sera légalise la magie pour que ton nombre d'adeptes remonte. »
Stella eut un sourire mesquin qu'Aurore n'avait encore jamais vu sur elle. Dans un cri de rage, la Triple Déesse disparut et la fratrie soupira de soulagement.
« Quelque chose me dit qu'elle n'en restera pas là... », soupira Aurore. « Mais merci Stella, et à toi aussi grand frère ! »
« Avec plaisir, mais tu me dois un panier de pommes... je suis lessivé... », bâilla Merlin, maintenant que l'adrénaline était retombée. « Ça m'a pompé toute ma magie et mon énergie... »
« Je protégerai Arthur le temps que tu te rétablisses, promis. », répondit sa sœur, penaude. « Désolée... »
« Ah, j'aurais fait la même chose... t'en fais pas... »
« A croire que le courage stupide est une caractéristique des descendants de Barbatos... j'avais de l'espoir pour toi Aurore, mais tu m'as quelque peu déçue sur ce coup-là. A quel moment tu vas voir une Grande Prêtresse, qui vénère Morrigan, pour parler à cette harpie ? »
« Excuse-moi de vouloir protéger l'esprit qui est sous ta protection ! Mais peut-être que la Triple Déesse avait raison après tout : j'ai trop de cœur, et c'est ce qui me rend stupide ! »
« Rory, avoir du cœur n'est jamais une faiblesse, au contraire. C'est la plus grande force qui soit. »
Aurore sourit à son aîné, reconnaissante de son soutien, puis s'approcha de Lancelot pour évaluer son état.
« Il va bien, mais il lui faudra un peu de repos. », fit Stella. « Et tu as raison, excuse-moi. J'aurais dû faire plus attention et chercher à arranger les choses plutôt que de te laisser t'en charger. Tu es encore une jeune déesse, tu ne connais pas toutes les mécaniques qui vont avec une telle responsabilité. Emrys, merci pour ton aide. J'irai m'excuser personnellement auprès du Roi Arthur pour mon ingérence. »
« Pourquoi Arthur ? », s'étonna Aurore.
« Tu es une chevalière sous sa responsabilité, et Lancelot était un ses chevaliers. Il me semble normal d'aller m'excuser de quelque chose qui n'aurait pas dû arriver. En attendant, rentrez à Camelot tous les deux. »
« Oh... Arthur va me faire passer un an au pilori... », soupira la chevalière.
Royaume de Camelot, cité, château, appartements d'Aurore, quelques heures plus tard
« Allez, repose-toi grand frère, tu l'as mérité. »
Malgré les protestations de Merlin, Aurore le mit dans son lit et rabattit les chaudes couvertures sur lui.
« Je prends la relève, t'en fais pas ! Prends ta journée ! »
« Pas question... tu sais même pas mettre une armure... pas question que tu t'occupes d'Arthur, c'est mon travail... »
« Je suis sûre qu'il comprendra. »
« Qui comprendra quoi ? »
La fratrie sursauta et regarda vers la porte. Arthur y était accoudé.
« Mon stupide frère a dépensé toutes ses forces pour me sortir du pétrin dans lequel je me suis stupidement fourrée à cause de la stupide incompétence de Stella envers ses esprits. »
« Eh bien, ça fait beaucoup de stupides. », sourit Arthur, amusé. « Lancelot va bien ? »
« Oui, Stella a trouvé une parade pour que la Triple Déesse ne s'en prenne plus à lui. Juste à temps... je sais vraiment pas ce que j'aurais fait... », soupira Aurore. « Dès demain, je commence à apprendre comment aller dans le monde des esprits. En attendant, je m'occupe de vous aujourd'hui, Arthur. Mon frère va se reposer. »
« Depuis quand tu sais mettre une armure ? Tu utilises ta magie pour mettre la tienne, quand Guenièvre est occupée. Et puis, tu es une chevalière, tu ne peux pas faire le travail d'un serviteur. »
« Chevalière honoraire ! Et puis, c'est le moins que je puisse faire... après tout... eh bien... j'ai utilisé ma magie contre vous. »
« C'était un cas de force majeure. », rétorqua Arthur en balayant l'argument d'un geste de la main. « Tu as fait ce que tu croyais être le mieux. Les humains et les dieux ne sont pas très différents, ils font tous des erreurs, même toi. »
« Vous n'allez pas me punir ? »
« Oh, si, bien sûr. », fit le blond avec un sourire mesquin. « Mais je ne peux décemment pas te mettre au pilori, la réputation des chevaliers va en pâtir sinon. Non, à la place, tu vas joindre le nécessaire à ta punition. »
Aurore et Merlin le regardèrent, perplexes.
« A l'entraînement de demain, tu te battras contre tous les chevaliers en même temps, et aussi longtemps que je le voudrai. Tu as besoin de t'entraîner à te battre contre des vagues incessantes d'adversaires, avec ou sans magie. Concernant avec magie, ce n'est pas mon domaine, mais je peux au moins t'entraîner sans magie. »
« En quoi c'est une punition ? »
« Tu vas morfler Rory... », se lamenta Merlin. « Tu vas être tellement cabossée et défigurée que tu ressembleras à un troll ! »
« Je suis capable d'encaisser, contrairement à toi. Et puis, si c'est la punition qu'Arthur juge nécessaire, je ne peux que m'y soumettre. »
« Tu es allée voir ma sœur, finalement ? », demanda Arthur, ce à quoi elle hocha la tête. « Que lui as-tu promis en échange ? »
« Elle ne voulait rien du tout, soi-disant qu'elle voulait que nos échanges ne se fassent sous aucune contrainte. Je sais pas trop ce qu'elle voulait dire, mais elle avait l'air de mijoter un truc, comme si elle venait tout juste de déplacer son premier pion. Mais ne vous en faites pas, je serai prudente. Avec la Triple Déesse qui en a après moi, j'ai pas trop le choix. Lirou devrait être en sécurité à ce sujet, donc ça ira. »
« Tant mieux. Mais ne fais plus jamais ça Aurore, je suis sérieux. Les décisions prises sous l'effet de la détresse sont toujours mauvaises, c'est particulièrement vrai pour les Souverains et probablement pour les dieux également. Garde ça à l'esprit. Maintenant, ton Gnosis. »
Il tendit la main et Aurore le retira de sa chaîne avant de le lui donner.
« Merci. Et Aurore ? »
« Hm ? »
« Prends le temps de t'instruire sur les rouages de tout ce qui touche aux dieux. Cela t'évitera bon nombre d'ennuis, crois-moi. »
« Comment pouvez-vous savoir ça ? »
« Dans un certain sens, les dieux règnent sur les humains, tout comme je règne sur le peuple de Camelot. Un bon Roi se doit de s'instruire sur tout ce qui pourrait l'aider durant son règne. Ce ne serait pas surprenant que ce soit pareil pour les dieux. Bien, je vais vous laisser. Merl, je te donne la journée, repose-toi. Aurore, rendez-vous pour l'entraînement dans vingt minutes. »
Le Roi les salua et quitta la pièce. Aurore soupira de soulagement, contente de s'en tirer avec (seulement) un entraînement qui s'annonçait être une épreuve des enfers.
« Allez, repose-toi grand frère. »
« On dirait que j'ai pas trop le choix... »
« Non. Dors, je te ferai monter une tarte aux pommes pour le dessert de ce midi. Tu l'as mérité. »
« Merci Rory. », sourit Merlin. « Et tu sais, peu importe ce que les autres Archons te disent, tu es la plus parfaite des déesses qui soient à mes yeux. »
« Je le suis parce que tu me soutiens Lirou. Je ne peux être une bonne déesse si tu ne me soutiens pas, car c'est avant tout pour toi que j'en ai endossé les responsabilités. J'ai appris l'escrime pour toi, j'ai cherché à contrôler ma magie pour que tu ne t'inquiètes pas pour moi, et je suis entrée au service d'Arthur pour toi, pour vous protéger tous les deux. Tout ce que je fais, c'est avant tout parce que je veux te rendre fier de moi ! C'est ce qui me pousse à m'améliorer, encore et encore. »
Merlin lui sourit, touché, puis elle déposa un baiser sur son front, l'enjoignant à dormir. Les rideaux se fermèrent d'un geste de la main de la chevalière puis elle quitta ses appartements. Lorsque la porte se ferma, le magicien fronça les sourcils.
« Qu'est-ce-que Morgane a en tête à propos de Rory ? Et qu'est-ce-qui va faire qu'elle va se retourner contre Camelot à cause de moi ? Et d'ailleurs, pourquoi je me préoccupe encore de cette foutue prophétie qui a probablement changé ?! Argh ! »
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L'image de la Triple Déesse n'est pas de moi. Je n'ai cependant pas réussi à trouver l'artiste pour le créditer, donc si jamais vous le trouvez, n'hésitez pas à me le dire pour que je puisse le créditer ici.
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