Chapitre 48 : Sacrifice

Royaume de Camelot, cité, château, appartements de Gaius

« Je me souviens que les gardes me raccompagnaient chez moi, et puis... plus rien, jusqu'à ce que Fischl nous réveille et leur demande de m'amener à vous. », fit Guenièvre, alors que le médecin nettoyait la plaie sur son front.

« C'est une blessure superficielle, tu as eu beaucoup de chance. »

« Tout le monde parle de la sensation de froid, mais je n'ai pas froid. »

« Tu n'as pas été attaquée par le Dorocha, Guenièvre. », réfuta Gaius. « Comment le pourrais-il ? Aurore veille au grain, il est incapable de pénétrer dans la zone couverte par Fishl, Andrius et Vennessa. »

« C'est vrai... mais par qui, alors ? »

« ... je crains que quelqu'un ait voulu te faire du mal. », finit par dire Gaius.

« Sire Agravain ? »

« Pourquoi lui ? », l'interrogea Gaius, perplexe.

« Ella m'a dit de me méfier de lui. Uther avec la magie et elle avec Agravain, c'est le même combat niveau confiance. »

« Aurore n'est pas du genre à se méfier des gens sans raison. Elle doit savoir quelque chose qu'elle ne dit pas... »

« Mais pourquoi ? »

« Parce que c'est son rôle, en tant que déesse de la Liberté. Si une personne a choisi le mal délibérément, sans être influencée par la magie ou aveuglée par ses sentiments, alors elle n'a pas le droit de s'interposer tant que cette personne ne menace pas l'équilibre du monde. Je sais qu'elle a dit à Merlin de se méfier de Sire Agravain également. »

« Vous pensez qu'elle l'a dit à Arthur ? »

« Je ne pense pas. Arthur la croirait très probablement, mais la parole d'Aurore ne vaudra rien légalement contre Sire Agravain, pas si elle n'a aucune preuve. Je suppose qu'elle garde le silence, le temps de savoir ce qu'il complote. »

« Je doute que ce soit Sire Agravain directement. », émit Guenièvre. « Je venais de quitter ses appartements. Je me demande pourquoi on m'en veut... dans tous les cas, si quelqu'un me veut du mal, le travail aurait été mieux accompli. »

« Peut-être bien mais commettre un meurtre éveille les soupçons, surtout alors que trois des Quatre Vents ne laissent entrer personne de malfaisant dans la cité. Ton agresseur comptait peut-être t'emmener à l'extérieur de la ville pour te laisser au Dorocha, mais Fishl l'en a empêché. »

Guenièvre resta silencieuse, songeuse.

Forêt, plus tard

Lancelot et Merlin couraient dans la forêt, poursuivis par des Dorochas. Dvalin les suivait de près depuis les airs, sous sa forme de dragon, et exterminait les ennemis du mieux possible, mais il y en avait trop qui les poursuivaient et l'esprit n'avait pas assez de mobilité pour pouvoir tous les contrer. Merlin décida alors d'appeler un second dragon pour aider Dvalin.

« O drakon, e male so ftengometta tesd 'hup' anankes ! »

Lancelot sursauta à la voix profonde de Merlin, alors qu'ils s'enfonçaient dans la forêt. Une des ombres fut exterminée par un jet de flammes, alors que Kilgharrah volait au-dessus d'une clairière où arrivaient les deux amis. Lancelot paniqua en voyant le dragon défaire d'autres Dorochas en soufflant du feu. Le chevalier leva son épée alors que Kilgharrah se posait au sol, mais Merlin lève son bras pour l'arrêter.

« Ne crains rien ! », le rassura Merlin. « Ne crains rien. C'est un de nos amis, à Rory et moi. »

Dvalin les rejoignit, se transformant en humain à quelques mètres du sol, et retomba sur ses pieds.

« Merci Kilgharrah. », s'inclina légèrement Merlin. « Merci à toi aussi Dvalin. »

« Tu es un descendant de Barbatos et Seigneur des dragons, bien que le plus stupidement courageux qu'il m'ait été donné de rencontrer. Je serai à ton service tant qu'Aurore le permettra. »

« Qui est l'ami qui t'accompagne ? », fit Kilgharrah.

« Je suis Lancelot. »

« Bien sûr. », sourit le dragon vivant. « Sire Lancelot, le plus valeureux et le plus noble d'entre tous, et grande source d'inspiration dans la quête d'Aurore pour devenir une véritable chevalière. »

« Eh bien, je doute d'être le plus valeureux et le plus noble, mais je sais qu'Aurore est déjà une véritable chevalière. »

« C'est ce que nous verrons. La jeune déesse a encore beaucoup d'obstacles à affronter avant cela. Pour l'instant, il y a des problèmes plus urgents à régler. Le Dorocha ne peut pas être autorisé à demeurer en ce monde. Le voile déchiré doit impérativement être restauré. »

« Ils savent déjà tous ça, Kilgharrah. Tu te fais vieux. », rétorqua Dvalin.

« Jamais autant que vous Dvalin, nous n'avons que deux siècles d'écart, mais vous restez le plus âgé. »

« Pouvons-nous concentrer sur le plus important ? », réclama Merlin.

Les deux dragons hochèrent la tête, puis Lancelot prit la parole.

« Nous cheminons vers l'Île Fortunée. Nous aiderons Arthur à réparer le voile. »

« Evidemment. Mais à quel prix exactement ? »

« Je sais que... que le monde spirituel demande un sacrifice. », répondit Merlin au dragon vivant.

« Le monde des esprits ne demande rien. », rétorqua Dvalin. « C'est la Caelix, la gardienne des portes du monde spirituel qui exige un tel prix, si le dieu de la Liberté ne répare pas le voile. »

« Il n'y a aucun autre moyen. », fit Kilgharrah, anticipant la question de Merlin. « Et tu ne peux pas te sacrifier pour cela, tu ne ferais que voyager comme peuvent le faire les dieux. »

« Arthur a l'intention de se sacrifier pour restaurer le voile. C'est mon destin de le protéger, comme vous me l'avez appris... et comme je souhaite le faire. »

« Merlin... tu sais que tu ne peux le faire, tu es immortel et ton sang divin t'empêche de pouvoir réparer le voile. »

« Dvalin ? »

« Oui ? »

« Tu sais comment me débarrasser de mon immortalité, n'est-ce-pas ? Est-ce-que ça suffirait pour que je puisse réparer le voile ? »

Dvalin resta silencieux, alors que Merlin rivait son regard bleu sur lui.

« Oui je sais comme faire. », soupira l'esprit. « Et tu es le descendant de Barbatos, le précédent dieu de la Liberté. Si tu sacrifies de ton plein gré ton immortalité pour pouvoir réparer le voile, ton sang divin ne t'en empêchera pas, car tu auras fait ce choix en toute Liberté. Mais ce n'est pas une raison pour le faire. »

« Je crains de ne pas avoir le choix. Je dois prendre sa place. », dit Merlin, serein. « Tu m'aideras, Dvalin ? »

« Ai-je le choix ? Même si refuse au nom d'Aurore, tu utiliseras tes pouvoirs de Seigneur des dragons pour que je t'aide quand même. »

« Non, je ne le ferai pas. », réfuta Merlin. « J'ai appris à ne pas abuser de mes dons. Quant à Rory... eh bien... je suis certaine qu'elle comprendra. Et elle pourra toujours m'invoquer, comme elle le fait pour les Quatre Vents, non ? »

Dvalin le regarda quelques instants, avant de hocher doucement la tête.

« Merci Dvalin. Veille sur Rory pour moi. »

« D'accord. »

« Depuis le moment où je t'ai rencontré, j'ai vu en toi quelque chose d'invisible aux yeux du commun des mortels. Aujourd'hui, ce que je voyais alors, tout le monde peut le voir. », sourit tristement Kilgharrah.

« L'essentiel de ce que vous voyez, cher ami de toujours... c'est Rory et vous qui me l'avez appris. »

« Sache que le monde sera désespérément vide sans toi, jeune magicien. »

Le Grand Dragon et Merlin échangèrent un regard chaleureux, puis Kilgharrah s'envola.

Forêt, lendemain matin

« Quand on sera sur l'Île Fortunée, t'as vraiment l'intention de te sacrifier ? », lui demanda Lancelot, alors qu'ils chevauchaient à travers la forêt.

« Qu'attends-tu que je te dise ? »

Il serra le manche de la dague divine que Dvalin lui avait confié, et qu'il avait rangé dans la poche intérieure de sa veste. Il suffisait qu'il fasse couler une seule goutte de son sang avec cette dague pour que son immortalité s'envole. C'était effrayamment simple, et heureusement que Dvalin avait promis de récupérer l'arme une fois Merlin sacrifiée. Le magicien avait peur de ce qu'il adviendrait de sa sœur, sinon...

« Je te regarde et je ne peux que m'interroger. Pourrais-je sacrifier ma vie intentionnellement pour quelque chose ? »

« Il faut avoir une raison de le faire. Quelque chose qui compte pour soi. Quelque chose de plus important que tout sur terre ! Pour moi, c'est Arthur. Je l'aime, et je sacrifierai volontiers ma vie pour lui, la sienne est plus précieuse que tout. Il doit devenir le grand Roi qu'il est destiné à être, et je serai heureux si mon sacrifice lui permet de le devenir. »

Sur ces mots, il talonna son cheval, laissant Lancelot songeur. Après quelques secondes, le chevalier le rejoignit.

Plaines, forteresse abandonnée, feu de camp, le soir venu

Arthur regarda ses chevaliers, alors qu'ils étaient tous rassemblés autour du feu. Ils étaient en train de se chamailler, avec Gauvain comme victime, mais le Prince était incapable de prendre part à leurs plaisanteries. Il était bien trop inquiet pour Merlin. Il ne voulait pas se l'avouer, mais il se damnerait pour simplement embrasser son valet en pleine santé.

« Silence ! », fit soudainement Arthur, ayant entendu un bruit.

Tous se figèrent, y compris Gauvain. Le bruit de portes se refermant retentit et tous se levèrent, dégainant leurs épées. Ils se mirent en formation, avançant vers la source du bruit jusqu'à ce qu'ils aperçoivent Lancelot.

« Lancelot ?! ... comment va Merlin ? », demanda Arthur, tentant du mieux possible de cacher son inquiétude.

« Mauvaise nouvelle... il est toujours vivant. »

Lancelot sourit et s'écarta pour laisser passer Merlin, qui bougonnait.

« Je vous ai dit de ne pas leur faire croire que j'étais mort ! Comme si un stupide esprit pouvait avoir raison de moi. »

« Merlin ! », s'écria Elyan.

Le magicien sourit, ce même grand sourire innocent qui faisait rougir Arthur, et les chevaliers vinrent tous à leur rencontre pour les étreindre, excepté le Prince. Après quelques minutes, Lancelot parvint à éloigner tout le monde vers le feu de camp, laissant Arthur et Merlin en relative intimité.

« Je... je suis content de te voir. », murmura Arthur, posant une main sur l'épaule de son valet.

« Je suis content de vous voir aussi. »

Il y eut quelques secondes de flottement, avant que la main d'Arthur ne remonte légèrement pour venir se caler dans la nuque de Merlin. L'instant suivant, le blond écrasait sa bouche contre celle du magicien, tentant de lui transmettre à travers le baiser tous les sentiments qui l'avaient secoué depuis que le Dorocha avait touché Merlin. Ce dernier répondit joyeusement au baiser, plongeant ses mains dans les cheveux blonds et y mettant le bazar.

Lorsqu'ils revinrent vers le feu de camp, les cheveux emmêlés, les joues rouges et les lèvres gercées, nul ne fit de remarque. Mais Gauvain eut un haussement de sourcil éloquent que les deux amoureux ignorèrent.

Royaume de Camelot, cité, château, appartements d'Aurore, matin

« Ella ? Je t'apporte le petit-déjeuner. »

Depuis derrière la porte, Guenièvre entendit quelqu'un tousser à s'en étouffer. Alarmée, elle se précipita dans la pièce, posant le plateau sur le meuble le plus proche. Elle s'approcha rapidement d'Aurore, qui était recroquevillée sur le sol. Elle toussait, toussait, et chaque toussement la faisait tousser encore plus.

Guenièvre s'agenouilla près de son amie, tapota entre ses omoplates pour l'aider à faire sortir ce qui la gênait. Cependant, elle pâlit en voyant des gouttes de sang s'échapper de la main d'Aurore placardée sur ses lèvres. Les gouttes s'écrasèrent au sol et Gwen les suivit du regard, remarquant alors une petite flaque de sang qui commençait à se former.

« Ella !! Qu'est-ce-qui se passe ?! »

Elle cria à l'aide et, quelques minutes après, la porte s'ouvrait pour laisser entrer Gaius, escorté par un garde. Ce dernier referma la porte, les laissant seuls. Aurore toussait toujours plus fort.

« Mets-la sur le lit Guenièvre. »

Gwen hocha la tête et murmura des paroles réconfortantes à son amie tout en l'aidant à rejoindre le lit puis à s'y installer. Gaius entreprit alors de l'ausculter.

« Pouvez-vous faire quelque chose Gaius ? », s'enquit la servante, inquiète, alors qu'elle maintenait le buste d'Aurore relevé pour éviter qu'elle ne s'étouffe.

« Non. », se désola Gaius. « Son corps arrive simplement à ses limites, il ne peut plus supporter un tel usage intensif de sa magie. »

« Elle va mourir ? », pâlit Gwen.

« Je n'en sais rien. Si elle cesse d'utiliser sa magie quelques temps et qu'elle se repose convenablement, elle se remettra sur pied et son corps en ressortira plus endurant que jamais. Mais elle doit laisser à son corps du répit. Actuellement, elle lui laisse à peine le temps de se remettre d'un usage intensif de sa magie avant de recommencer. Les circonstances l'exigent, mais elle ne tiendra pas longtemps comme ça. »

« Combien de temps ? »

« Deux nuits, peut-être trois. Tout dépendra de la vitesse à laquelle son corps va se dégrader. »

« Peut-être puis-je aider à ce sujet ? »

Gaius et Guenièvre sursautèrent, alors que Stella apparaissait dans une nuée de bulles.

« Qui êtes-vous ? », demanda le médecin, le premier à se remettre de la surprise.

« Naia, la déesse de l'eau, mais vous pouvez m'appeler Stella. Eilin et moi sommes pareils. »

Les deux ne répondirent rien mais Gaius s'écarta, permettant à la déesse de l'eau de rejoindre celle du vent. Guenièvre imita le médecin, et Stella vint s'asseoir sur le matelas, face à Aurore.

« Tu abuses de tes pouvoirs Eilin, ton corps mortel n'est pas encore apte à un tel usage de ta magie. Il faut de nombreuses années avant que ce ne soit le cas. Je vais te soigner jusqu'à ce que le voile soit réparé, mais tu dois me promettre de ne plus jamais pousser ton corps à ce point. Cela ne te mènera qu'à la mort. »

Difficilement, Aurore hocha la tête, laissant échapper une quinte de toux qui expulsa du sang sur ses draps. Stella eut un petit sourire et mit une main à plat sur la poitrine d'Aurore. Sans rien dire, ses yeux prirent les couleurs de l'aurore et sa main brilla d'une douce lueur bleutée. La déesse du vent inspira profondément, et fut soulagée de sentir que son corps ne protestait pas.

« Reposes-toi maintenant. Tu en auras besoin. »

« Merci... », souffla Aurore.

« Entre sœurs divines, il faut bien s'entraider. »

Île Fortunée, autel

Arthur, Lancelot, Merlin et Gauvain pénétrèrent dans la grande salle, qui servait d'autel à ciel ouvert, les autres chevaliers étant occupés à combattre les vouivres à l'extérieur. Devant eux, la déchirure était bien visible et les cris du Dorocha résonnaient autour d'eux.

« Ce n'est pas souvent que nous avons de la visite. »

Le groupe s'arrêta et la Caelix apparut devant eux.

« Mettez fin à cette horreur ! Je vous en prie, restaurer le voile entre les deux mondes. », lui demanda Arthur.

« Ce n'est pas moi qui ai généré cette horreur. Pourquoi devrais-je y mettre un terme ? »

« Vous parlez comme Stella Maris. », fit Lancelot.

« Qui ? », relevèrent Gauvain et Arthur.

« A la différence que je me fiche complètement que des innocents meurent chaque nuit, c'est un choix que je fais de ne pas mettre un terme au carnage du Dorocha ! », rit la Caelix.

Gauvain fonça sur elle, ne supportant pas de l'entendre rire ainsi. Cependant, la gardienne leva une main et projeta violemment le chevalier plus loin, l'assommant.

« Est-ce là le mieux que vous puissiez faire ? », s'amusa la Caelix.

« Je sais ce que vous voulez ! », clama Arthur.

« En êtes-vous sûr ? Dois-je en déduire que vous me l'offrez ? »

« Je suis prêt à payer le prix que vous jugez nécessaire. »

La Caelix lui fit signe d'approcher, un sourire en coin, et Arthur obéit, déterminée. Merlin recula d'un pas et ses yeux brillèrent d'or.

« Forþ fleoge ! »

Le sort arrêta Arthur et le projeta au sol, l'assommant à son tour. La Caelix dévisagea Merlin, et tout deux s'avancent jusqu'à l'autel.

« Alors, Emrys. Tu as donc choisis de me défier en fin de compte. Tu te sacrifierais aux esprits pour sauver ton Prince ? »

« Tel est mon destin. », dit simplement Merlin en sortant la dague confiée par Dvalin.

« Peut-être bien... tout comme il est peut-être bien le destin d'Eilin de mourir, dévorée par sa propre magie, en protégeant Camelot... mais pour l'un comme pour l'autre, votre temps parmi les hommes est loin d'être achevé, que tu le veuilles ou non. »

Merlin la regarda, interloqué, avant de suivre le regard de la Caelix, braqué sur la déchirure. Lancelot était sur le point d'y entrer. Le chevalier sourit doucement à son ami, murmurant des excuses et lui demandant de protéger Arthur, Aurore et Guenièvre, paroles que le vent porta gentiment aux oreilles de Merlin. Et, avant que celui-ci ne puisse réagir, Lancelot fit face à la déchirure et y avança, jusqu'à disparaître.

« Non ! », cria Merlin. « LANCELOT ! NON ! »

La déchirure se referma avec un son d'orage, puis disparut. La Caelix disparut, laissant Merlin seul et désespéré, avec Gauvain et Arthur inconscients.

« Non ! »

Royaume de Camelot, cité, château, cour, quelques jours plus tard

« Tu aurais dû rester allongé Rory... », dit doucement Merlin, alors que sa sœur se tenait à côté de lui, soutenue par Guenièvre.

« Non. Je devais être là... quelque part, il m'a sauvé la vie... », murmura Aurore, n'ayant pas l'énergie ni l'envie de parler plus fort.

Tous étaient rassemblés autour du bûcher funéraire. Arthur s'avança légèrement, tentant de maîtriser sa tristesse pour ne pas pleurer en public, mais Merlin savait que sitôt qu'il aurait rejoins ses appartements, il pleurerait tout son soûl. Le Prince déposa sur le bûcher une cape de chevalier de Camelot avec une épée.

« Je veux rendre hommage à Sire Lancelot. Nous lui devons beaucoup. Mais ce n'est pas seulement la dette que nous avons envers lui que nous n'oublierons pas : c'est son courage. Sa compassion. »

Les larmes aux yeux, Merlin donna une torche allumée à Arthur, alors que tous les chevaliers étaient au garde-à-vous. Aurore maintint du mieux possible une posture qui y ressemblait vaguement, alors que Guenièvre la serrait contre elle, les larmes coulant sur leurs joues.

« La générosité de son cœur. », continua Arthur en lançant la torche, embrasant le bûcher. « Il était le plus noble chevalier d'entre tous. Il a sacrifié sa vie pour nous. »

Dans une tentative de réconforter Guenièvre, Arthur lui prit la main, celle qui n'était pas occupée à maintenir Aurore sur ses pieds et contre elle. Peu à peu, gardes, serviteurs et chevaliers quittèrent la cour. Seuls la fratrie, Arthur et Gwen restèrent.

« Lancelot est loin d'avoir donné sa vie pour Camelot. Je lui ai demandé de veiller sur vous et il me l'a promis au péril de sa vie. », sanglota Guenièvre, faisant encaisser le coup à Arthur. « Il a été fidèle à sa parole. »

« Gwenny... »

Avec difficulté, Aurore colla sa joue contre celle de la brune, pour tenter de la réconforter. Arthur posa une main sur son épaule en signe de soutien, puis retourna à l'intérieur du château, pensant qu'elle avait besoin d'être un peu seule. Les deux amies restèrent quelques minutes supplémentaires à regarder le bûcher flamber. Aurore fronça les sourcils, déterminée à devenir une chevalière comme Lancelot.

Elle le rendrait fière.

Forêt, cabane de Morgane

Morgane hurla de rage en lançant le contenu de sa table au sol.

« Arthur a eu beaucoup de chance. »

« Et Guenièvre ?! »

« Le Faucon des Quatre Vents avait déjà ordonné aux gardes de l'emmener voir Gaius, quand je suis arrivé pour la déplacer hors de la cité. C'était un hasard malheureux que cet oiseau soit présent juste au moment où vous l'avez attaqué. »

« Vous faîtes erreur. La chance ne s'oppose pas à nos plans, c'est plutôt Emrys et Eilin ! »

« Emrys et Eilin ? »

Morgane inspira profondément, tentant de se calmer.

« La Caelix m'a parlé d'eux. Si Eilin est censée devenir mon alliée, Emrys est censé être mon destin et ma perte. C'est lui qui s'est mis en travers de notre route, j'en suis sûre. Quant à Aurore... eh bien, elle n'a fait qu'obéir à Arthur, ce qui finira probablement par faire d'elle mon alliée à un moment donné. »

« Alors que faire ? »

« Tant qu'Emrys vivra, je ne regagnerais jamais ce qui me revient de droit. Aurore est intelligente, il y a toujours moyen de négocier avec elle. », répondit Morgane, avant de faire face à Agravain. « Je vous en prie, aidez-moi à trouver Emrys. Et détruisez-le. L'errance éternelle est encore un châtiment trop doux pour lui, malgré ce que semble en penser l'Eilin maléfique. »

Royaume de Camelot, cité, château, appartements de Gaius, plus tard

« Gaius ? », fit Agravain en entrant dans la pièce.

« En quoi puis-je vous être utile ? », demanda Gaius, en train d'écraser une mixture.

Merlin, situé dans sa chambre, sortit de ses pensées et se leva pour se rapprocher de la porte et espionner les deux hommes à travers la fine embrasure.

« Vous êtes un homme de savoir et de sagesse à mes yeux. »

« Ah ! Le savoir peut-être... la sagesse, je doute d'égaler Aurore, ou même Nahida. »

« Naturellement. Mais ce sont des déesses, elles ont probablement d'autres préoccupations... dites-moi, avez-vous déjà rencontré par hasard un sorcier nommé Emrys ? »

« Non. Hélas ce nom ne m'évoque rien. », mentit Gaius, alors que Merlin était sous le choc.

« Dans ce cas, si vous entendez parler de cet homme... », sourit Agravain, aimable.

« Je n'hésiterai pas à vous en avertir. »

« Et vous en serez largement récompensé ! », répondit l'oncle d'Arthur, avant de sortir.

Merlin attendit qu'Agravain soit assez loin pour sortir de sa chambre et rejoindre Gaius.

« Il n'y a qu'une personne qui aurait pu entendre ce nom... Morgane. Nous savons que ses pouvoirs grandissent, elle a sans nul doute dû voir la Caelix. »

« En tout cas, ça expliquerait pourquoi Rory se méfie de lui et m'a mis en garde. Elle doit le savoir depuis qu'il a mis un pied dans le château, probablement. Mais pourquoi Agravain s'allierait-il à Morgane ? »

« Il a toutes les raisons de mépriser Uther, pour la mort d'Ygraine. Nous devons être prudents, Merlin. Morgane doit toujours ignorer la vérité. Elle ne doit jamais découvrir ta véritable identité. »

Royaume de Camelot, cité, château, appartements d'Aurore, une semaine plus tard

Arthur toqua à la porte, avant d'entrer. Aurore leva la tête de son livre et lui sourit. Elle était toujours alitée, récupérant doucement, mais elle espérait pouvoir reprendre l'entraînement au plus vite.

« Arthur ! Entrez ! »

« Comment vas-tu ? »

« J'ai hâte de reprendre l'entraînement ! Ça me manque de vous écraser à l'épée ! », pouffa la jeune fille.

Arthur eut un petit sourire amusé, avant de reprendre un air sérieux.

« En fait, il y a quelqu'un qui veut te voir. »

« Si c'est mon frère, tu n'as qu'à lui dire de se remettre au travail. Il va finir par prendre du retard à force de venir prendre de mes nouvelles toutes les heures... »

« Non, ce n'est pas lui... c'est une certaine Naia. »

Aurore se redressa, ses lèvres s'arrondissant en un « oh ! » muet.

« Tu la connais ? »

« Un peu. C'est la déesse de l'eau et de la Justice, elle est venue à Camelot me soigner, le jour où... enfin bref. Elle est venue me soigner, car mon corps ne pouvait plus encaisser l'usage intensif de ma magie. »

Arthur hocha doucement la tête, sachant précisément de quel jour elle parlait.

« Je la fais entrer ? »

« Oui, je t'en prie. »

Le blond s'exécuta et laissa entrer la déesse, qui s'était pointée au château en demandant à voir Aurore. Les gardes l'avaient amené à la salle du trône, la jugeant comme une noble au vu de sa tenue, et elle avait réitéré sa demande devant le Prince.

« Je vous laisse. Aurore, n'en fais pas trop, hm ? Nahida t'a ordonné de rester le plus de temps possible alitée. »

« Ne t'en fais pas. Gaius m'a donné plein de bouquins de médecine à lire. C'est super intéressant ! »

« Je crois pas que ton frère soit d'accord avec toi ! », sourit Arthur. « Allez, je vous laisse. »

Après un signe de tête pour les saluer, il sortit de la pièce et referma la porte derrière lui, laissant les deux déesses ensemble.

« J'ai pas encore eu l'occasion de vous remercier, pour avoir sauvé Lirou et pour m'avoir sauvé. »

« C'était un plaisir. Et tu sais, tu peux me tutoyer ? »

« Je peux ? »

« Bien sûr. », sourit Stella. « Nous sommes des sœurs divines, après tout. Nous faisons partie des Sept Archons, les sept dieux qui maintiennent l'équilibre du monde des Hommes. »

« J'en ai vaguement entendu parlé. Il y a Nahida, la déesse de la forêt et de la Sagesse, toi, la déesse de l'eau et de la Justice, et moi, la déesse du vent et de la Liberté. Qui sont les autres ? »

« Il y a Zhongli, le dieu de la roche et des Contrats, Ei, la déesse de la foudre et de l'Eternité, Natasha, la déesse de la glace et de l'Amour, et Phoenix, le dieu du feu et de la Paix... euh non, la déesse, autant pour moi. Elle a transitionné récemment. »

« La magie divine doit pas mal faciliter ce genre de choses... combien y a-t-il de dieux nés de parents humains ? »

« En dehors des Sept, aucun. Parmi les Sept, il y a Natasha, Phoenix, toi et moi. »

« Et tous sont des descendants de leurs prédécesseurs, comme moi avec Barbatos ? »

« Cela dépend, mais généralement, c'est le cas. C'est la magie divine qui nous choisit. Lorsqu'il y a besoin d'un nouveau dieu, la magie choisit normalement un des descendants de ce dieu. Mais si, à ce moment-là, aucun de ces descendants n'a le cœur et l'âme aptes pour endosser ces responsabilités, alors quelqu'un d'autre est choisi. Après, c'est la théorie. Ce n'est encore jamais arrivé à ma connaissance. Enfin, tout ça pour dire que tu peux être familière avec moi. On va se supporter longtemps, autant qu'on s'entende. », pouffa Stella.

« On aurait pu se rencontrer plus tôt... »

« Eilin, un Archon n'en rencontre qu'un autre que lorsque c'est nécessaire. Nous nous sommes rencontrées car Merlin et toi aviez besoin de mon aide. Tu as rencontré Nahida car tu avais besoin d'être guidée dans tes nouvelles responsabilités et elle avait besoin de gagner en sagesse. »

« D'où viennent les prophéties à propos d'un Archon ? »

« Toutes les prophéties viennent de la Lune, la mère de toute magie, qu'elle soit divine ou mortelle. »

« La Lune est une personne ? »

« La Lune est une entité omnisciente, mais même les dieux comme Buer et moi n'avons accès à davantage de connaissances à ce sujet. »

« C'est bien. », convint Aurore. « Si personne n'en sait davantage, alors les prophéties resteront neutres. »

« Tout à fait. C'est mieux comme ça. », sourit Stella. « Mais t'instruire sur les dieux n'est pas la raison de ma visite, cependant. Quelqu'un voulait te parler. »

Aurore haussa un sourcil, avant que Stella ne s'écarte un peu, révélant un homme.

« Lancelot ?! »

« Chut. », lui sourit-il. « Pas si fort. Comment vas-tu ? »

« Mieux... et je crois que je dois te remercier pour ça, quelque part... après les soins de Stella, je n'ai pas eu à réutiliser ma magie parce que... tu t'es sacrifié. »

« Et c'était un honneur. Comment va Guenièvre ? Et Merlin ? »

« Elle se plonge dans le travail pour oublier son chagrin. Mais elle commence déjà à remonter la pente, doucement. J'essaie de lui remonter le moral. Quant à mon frère, il commence à avoir l'habitude de perdre des amis, j'ai l'impression. Ses sourires ne sont plus aussi lumineux qu'avant, mais c'est normal, tu étais son meilleur ami. Il fait son deuil, comme tout le monde. Tu es mort en héros, Lancelot. Je ne dis pas que je voulais te voir mort, mais celle que tu as eu est sans conteste celle que tu méritais. »

« J'ai fait ce qui devait être fait, rien de plus. Tu aurais fait la même chose si tu avais pu. »

« Camelot est ma maison, je ferai toujours l'impossible pour la préserver. Pourquoi tu voulais me parler, au fait ? »

« Pour te dire que je suis devenu un esprit au service de Stella, mais que tu pouvais m'invoquer à tout moment, si tu en as besoin. Je combattrai volontiers à tes côtés si besoin. Après tout, même mort, je reste un chevalier de Camelot. On se serre les coudes entre chevaliers. »

« Tu es d'accord avec ça Stella ? », lui demanda Aurore.

« En fait, il est devenu un esprit à mon service car il a fait ce qui était Juste. Mais entre Archons, on peut se partager les esprits qui nous servent. Si tu m'en donnes l'autorisation et que tu lies un de tes esprits à moi, je pourrai l'invoquer n'importe quand, du moment que tu ne l'invoques pas. Son devoir envers toi prévaudra sur moi. »

« Et tu veux lier Lancelot à moi ? »

« Seulement si tu le désires. », dit Lancelot. « Mais je me suis dit que tu pourrais toujours avoir besoin de mon aide, ou même Merlin, que ce soit au combat ou juste pour parler. Je n'ai pas vraiment de pouvoir magique, mais j'ai désormais toutes les caractéristiques spécifiques d'un esprit au service d'un dieu. Et... quelque part, je suis toujours le même. »

« Qu'en dis-tu Eilin ? »

« Déjà, appelle-moi Aurore. Et ensuite... j'en dis que c'est une bonne idée. »

Stella sourit et s'approcha d'Aurore, avant de poser une main au niveau de son cœur. Elle prononça quelques mots dans une langue que la chevalière ne reconnut pas, et elle sentit au plus profond de son être Lancelot rejoindre le cercle très fermé des esprits qu'elle pouvait invoquer au quotidien, composé de Venti et des Quatre Vents.

« Au plaisir de te revoir, Aurore. Pour le moment, ne dis rien à personne, laisse-les d'abord se remettre de ma mort. », demanda Lancelot.

« Pas de problème ! »

« On va te laisser te reposer, maintenant. Allons-y Lancelot. A une prochaine fois, ma jeune sœur. »

Stella inclina la tête, puis elle s'évanouit dans une petit tourbillon d'eau avec Lancelot.

« Que ta vie en tant qu'esprit soit plus heureuse que ta vie dans le monde mortel... »

« C'est gentil mais, tu sais, le bonheur de ceux que j'aime suffit à me rendre heureux. Alors, ne cesse jamais de poursuivre tes rêves et les gens que tu aimes. »

Aurore sourit doucement, puis repoussa les couvertures pour se lever et aller chercher sa lyre, posée sur un meuble, avant de revenir sur son lit. Elle accorda son instrument puis laissa courir ses doigts sur ses cordes, fermant les yeux pour se mettre en symbiose avec la lyre. Bientôt, une joyeuse mélodie se mit à résonner dans tout le palais, faisant écho au bonheur de chacun de voir chaque jour une nouvelle aube.

https://youtu.be/SspIWuiFDNs

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