Chapitre 46 : Stella Maris

Royaume de Delbet, ruines de la forteresse, le lendemain, tombée de la nuit

« Mettez-vous deux par deux, ramassez tout le bois que vous trouverez. Allumez des feux. », ordonna Arthur.

Tous se dispersèrent, Lancelot et Merlin restant au lieu de rendez-vous pour allumer le feu. Dès que quelques bouts de bois furent rassemblés, Merlin tenta d'allumer un feu avec des silex, en vain. Le vent lui indiqua alors la seule présence de Lancelot. Le magicien ne perdit pas de temps.

« Byber. »

Un feu s'alluma et Merlin murmura quelques mots pour remercier le vent, qui chanta joyeusement pendant quelques secondes. Les autres choisirent ce moment pour revenir et déposèrent le bois récolté, mettant quelques bûches dans le feu et gardant le reste pour pouvoir continuer à l'alimenter le plus longtemps possible.

« On va manquer de bois cette nuit. », fit remarquer Perceval, regardant les cinq torches qu'ils avaient.

« On sera protégés pendant un certain temps. », émit Arthur.

« Et s'il le faut, je peux invoquer Dvalin. », renchérit Merlin.

« Il protège Camelot avec les autres. », marmonna le Prince. « Et puis, comment comptes-tu ouvrir la porte alors que seule Aurore peut le faire ? »

« Disons qu'elle a refusé de me laisser partir sans Dvalin. », soupira Merlin. « Elle a déverrouillé ma capacité à ouvrir la porte, jusqu'à ce que la crise soit passée. Elle était persuadée de pouvoir s'en sortir sans Dvalin, et ça la rassurait de savoir qu'il était là, au cas où. »

« Ça m'étonne vraiment pas d'elle. », reconnut Arthur. « Tu peux savoir comment ils s'en sortent, à Camelot ? »

Merlin resta silencieux quelques instants, tendant l'oreille pour écouter les variations du vent.

« Ils s'en sortent bien. Pas de morts pour le moment, Rory protège bien la cité. Mais j'ignore pendant encore combien de nuits elle pourra supporter une telle utilisation de sa magie. »

« Nous ne traînerons pas Merlin, je te le promets. »

Merlin se contenta de hocher la tête.

Plus tard, alors qu'il ne restait que trois torches, les chevaliers furent confrontés à un nouveau problème : Gauvain venait de mettre au feu la dernière bûche, ils devaient donc aller en chercher.

« Je vais y aller. », fit Arthur.

« Vous aurez besoin d'aide. », émit Lancelot.

« Je vais l'accompagner. »

« Tu es sûr d'être le plus utile ? Ce n'est pas parce que tu peux temporairement invoquer un esprit dragon que tu dois te précipiter dans le danger, imbécile ! »

« Je l'ai toujours fait pour sauver votre royal postérieur, je ne vais pas arrêter maintenant. Et puis, depuis quand savez-vous ramasser du bois ? »

Il avait dit sa dernière phrase sur un ton plaisantin, espérant rassurer le Prince, qui masquait difficilement son inquiétude. Arthur sourit et les chevaliers rirent, puis les deux amis s'éloignèrent avec une torche, laissant Lancelot inquiet.

Merlin ramassa rapidement du bois, pendant qu'Arthur surveillait les alentours. Le Dorocha attaqua soudainement le magicien, et le Prince se jeta instinctivement sur lui. Ils tombèrent au sol, de même que la torche qui s'éteignit. Ils n'eurent alors pas d'autre choix que de s'enfuir pour trouver un endroit sûr. Ils arrivèrent ainsi dans une salle, et ils fermèrent la porte.

Merlin et Arthur se cachèrent derrière un mur, puis le magicien regarda le bras d'Arthur. Il s'était blessé en se jetant à terre pour protéger l'aîné d'Aurore.

Le valet détacha son foulard rouge et le noua sur la blessure du blond, alors que tous deux tremblaient.

« Il fait froid. », marmonna Arthur.

Machinalement, il étendit le bras et colla Merlin contre lui. Le magicien rougit, de même que le blond.

« Euh, e-en effet... », bafouilla Merlin, bien que ne ressentant que le corps chaud du Prince contre le sien.

Le silence plana quelques secondes, avant qu'Arthur ne le rompt.

« J'ai affronté tant de choses, je n'ai jamais eu peur de mourir. », murmura le blond.

« Je crois que vous devriez continuer. »

« Tu me laisses perplexe, parfois. »

« Vous ne m'avez jamais sondé, Arthur. Si vous l'aviez fait, Rory n'aurait pas eu besoin de vous dire qui j'aimais pour que je puisse redevenir adulte. »

« ... je suis désolé. »

« Ne le soyez pas. Je n'ai pas non plus vraiment cherché à vous le signifier, bien au contraire. »

Merlin se blottit timidement dans les bras d'Arthur, la tête dans son cou.

« Si les choses avaient été différentes... je crois qu'on aurait été de bon am-is... », souffla le magicien, retenant à la dernière seconde le mot « amants ».

« ... beaucoup plus, à mon avis... », chuchota Arthur, plus pour lui-même.

« ... on va vaincre le Dorocha Arthur, vous verrez. On y arrivera. Ensemble. »

« ... si on se sort de tout ça... fais-moi penser à te faire parvenir une tarte aux pommes des cuisines. »

Merlin rit doucement, conscient que c'était une manière détournée pour le Prince de le remercier.

« Avec plaisir, Arthur ! »

A ce moment-là, le Dorocha se fit à nouveau entendre, les faisant sursauter. Aucun des deux ne fit la moindre remarque à ce sujet.

« On dit que l'heure la plus sombre est celle qui précède l'aurore... », se rappela Arthur.

« Il fait sombre à l'heure actuelle. », marmonna Merlin.

« Le jour ne va pas tarder. »

Merlin se concentra, se préparant à ouvrir la porte pour Dvalin dès que le Dorocha entrerait dans la pièce.

Il se passa à peine une poignée de secondes avant que le Dorocha ne pénètre dans la pièce. Arthur se leva pour lui faire face, mais Merlin le retint par le bras avant de courir vers l'ennemi, bien décidé à l'empêcher de s'en prendre au Prince.

« Dvalin ! »

« Merlin ! NON ! », cria Arthur, paniqué.

Au moment même où le Dragon des Quatre Vents entrait dans le monde mortel sous sa forme humaine, le Dorocha se jeta sur Merlin. Dvalin eut tout juste le temps de réduire au néant le monstre d'un coup de griffe, mais c'était déjà trop tard. Merlin fut violemment projeté contre le mur.

Les chevaliers, qui étaient partis à leur recherche car s'inquiétant de ne pas les voir revenir, firent irruption dans la pièce, poursuivis par un autre monstre, que Dvalin neutralisa d'une balle d'air comprimé.

« Que s'est-il passé ? », questionna Lancelot, alors qu'Arthur se relevait, hébété.

« M-Merlin... »

Tremblant, Arthur se précipita sur son valet, étendu à terre, et le retourna. Tout son corps se statufia lorsqu'il vit le visage figé et glacé de Merlin.

« Merlin ! »

Dvalin s'approcha à son tour et examina le magicien avec des gestes qui parurent experts aux chevaliers et à Arthur.

« Tss... quel idiot... », marmonna le dragon. « Pourquoi m'appeler si c'est pour te jeter sur le Dorocha ? »

« Vous pouvez le ramener ? », demanda Arthur, tentant du mieux possible d'éviter que son ton ne paraisse implorant.

« Pas sans être proche d'Aurore. Je ne peux me permettre de puiser de l'énergie en lui, encore moins maintenant. Mais il survivra. Aussi stupide et frêle que soit cet humain, il reste un descendant de Barbatos, et qui a en plus une sœur qui est la déesse du vent. Sa constitution est bien plus solide qu'elle n'en a l'air. Il lui faut bien plus que cela pour trépasser. Si seulement il pouvait éviter d'en faire une excuse pour se sacrifier pour vous, Prince Arthur. C'est votre serviteur, vous êtes censé le protéger. »

« Il ne m'écoute jamais. », réfuta Arthur, rentrant malgré lui la tête dans les épaules.

« Cela ne fait que prouver la stupidité humaine, encore une fois, et encore plus celle de Barbatos. De tous ses traits de caractère, il a fallu qu'il hérite de celui-ci en particulier... », marmonna Dvalin.

Le dragon se releva et baragouina quelque chose que les chevaliers ne comprirent pas. Seul Merlin, encore conscient mais très faible, comprit ce que disait Dvalin. Il parlait dans la langue des dragons, et prévenait Aurore de la situation, demandant ce qu'il devait faire.

« Dvalin ? », fit Arthur.

« Aurore ordonne qu'on le ramène au plus vite à Camelot, en passant par la Vallée des Rois Déchus. Et aussi qu'on le garde au chaud. »

Le dragon tendit la main et un courant d'air brûlant s'enroula autour de Merlin comme un cocon. Le magicien lâcha un faible soupir d'aise, ses yeux se fermant. Arthur le secoua doucement, lui intimant de rester éveillé.

« Allons-y alors. », décida Arthur.

« Et abandonner notre quête ? », demanda Léon.

« Il m'a sauvé la vie, je ne le laisserai pas mourir. »

« Il a surtout été stupide, et vous l'êtes également. », ronchonna Dvalin. « Merlin a la chance d'être le descendant d'un dieu, il serait mort sur le coup sinon. Si vous ne réparez pas le voile, des centaines d'autres personnes périront. »

Arthur ignora l'insulte du dragon, continuant à secouer Merlin et à lui donner de petites claques pour le maintenir éveillé.

« Laissez-moi le ramener ! », quémanda Lancelot. « Dvalin a raison, vous ne devez pas renoncer à la quête. »

Il fut secondé par Léon et les autres chevaliers. Arthur soupira, regardant tristement Merlin.

Royaume de Delbet, ruines de la forteresse, le lendemain matin

Perceval installa Merlin sur son cheval, l'affalant sur l'encolure de sa monture. Arthur procéda à quelques réglages sur sa selle.

« C'est ma faute... je suis navré Merl... »

« Je vous en prie... emmenez-moi avec vous... »

« Non, tu es presque mort. Je préfère que tu rentres à Camelot pour te remettre sur pied. »

« Il le faut, c'est important. De grâce Arthur ! », supplia Merlin, luttant pour parler.

« Tu ne feras jamais ce qu'on te dit, hein ? Pense un peu à ta sœur. Si tu viens avec nous dans cet état, ses ennemis risquent de t'enlever pour la forcer à se montrer. Tu es sa seule faiblesse. »

« Il faut que je vienne avec vous ! »

« Non. Je t'en prie Merl... »

Merlin le regarda, et le cœur d'Arthur se serra en voyant ses pupilles ternes et sans vie. Avec tendresse, il s'abaissa à la hauteur de son valet et lui caressa la joue. Les joues de Merlin devinrent rouges, offrant un effrayant contraste avec sa peau devenue pâle comme la mort. Doucement, comme s'il avait peur de le briser, il l'embrassa, frissonnant sous la froideur de ses lèvres, quand elles étaient chaudes et sucrés dans ses souvenirs.

« ... reste en vie, pour moi. », lui susurra-t-il contre ses lèvres.

Ayant peu de forces, Merlin se contenta de hocher doucement la tête, touché par la détresse de celui qui régnait sur son cœur.

« Il est temps de partir. », dit doucement Lancelot, pour annoncer sa présence.

Arthur s'éloigna un peu, serrant l'épaule de son valet, puis fit partir le cheval de Merlin.

« Allez. »

Lancelot et Merlin s'en allèrent, sous le regard des autres chevaliers. Seuls Arthur et Gauvain s'attardèrent.

« Dvalin a dit qu'il survivrait, vous en faîtes pas princesse. Maintenant qu'il est dans le monde des esprits, Merlin peut lentement commencer à récupérer. »

« ... très lentement... »

« Merlin est fort, il lui en faut plus que ça pour l'arrêter. »

« Parce qu'il est un descendant de Barbatos, je sais... »

« Nan, je pensais pas à ça ! Arthur, Merlin vous aime. Il se battra toujours pour vous. »

« Espérons que tu ais raison, Gauvain... »

Royaume de Camelot, Vallée des Rois Déchus, forêt, nuit

Lancelot décida de s'arrêter près d'un cours d'eau pour la nuit. Il déposa Merlin sur la berge et le couvrit de sa cape pour lui tenir le plus chaud possible, malgré le tourbillon d'air chaud qui l'entourait toujours. Il enleva ensuite ses gants afin de puiser de l'eau. Lorsque ses doigts touchèrent l'eau, des reflets bleutés firent briller sa peau, amenant le chevalier à retirer le bras de Merlin du ruisseau.

« Lancelot... Lancelot... »

Des gouttes d'eau s'élevèrent du ruisseau, sous les yeux de Lancelot. Elles s'enroulèrent de sorte à former une colonne d'eau, de laquelle émergea une ravissante jeune femme. Elle avait de très longues boucles rouge-rose coiffés de manière compliquée, des yeux bleu océan et une peau bronzée. Dans ses cheveux brillait un diadème de coquillage et elle était vêtue d'une longue robe sirène dont le bas s'évadait de sorte à former une immense nageoire de sirène. Sa robe était aux couleurs de la mer et le dégradé de couleur ainsi que les volants au niveau des pieds donnait l'impression de vagues venant s'échouer sur la grève. Elle portait une multitude de bijoux rappelant les trésors de l'océan.

« Lancelot... nul malheur ne vous arrivera. », sourit doucement l'inconnue. « Je souhaite seulement vous porter secours. »

« Qui êtes-vous ? »

« Je suis Stella, de la maison royale Maris, mais j'imagine que cela ne vous dit rien. Cela fait près de mille ans qu'une autre maison règne sur mon pays. Je suis Naia, la déesse de l'eau. »

« Oh... vous êtes comme Aurore, n'est-ce-pas ? Née de parents humains. »

« C'est le cas, en effet. », sourit Stella.

Elle leva la main et ses yeux prirent les couleurs de l'aurore, alors que trois gouttes d'eau dansaient au-dessus de sa main.

« Qui est Aurore, au juste ? »

« La déesse du vent, descendante de Barbatos. »

« Oh, tu parles d'Eilin... j'ignorais que son nom mortel était Aurore. »

« Vous la connaissez ? »

« L'eau sait tout Lancelot, je sais qui elle est. Cependant, je n'ai pas l'honneur de la connaître en personne. Quoi qu'il en soit, la déchirure du voile a rompu l'équilibre du monde. Les bons comme les mauvais esprits errent librement, et cette situation dangereuse ne saurait durer plus longtemps. »

« C'est pour cela que le Prince Arthur chevauche vers l'Île Fortunée, dans l'intention de restaurer le voile. Mais je croyais que seul le Dorocha avait été libéré. »

« Car c'est le seul qui est vraiment nocif pour le moment. Les autres mauvais esprits se cachent, afin de prendre racine en ce monde et de pouvoir rester une fois le voile réparé. »

« Ne pouvez-vous pas réparer le voile ? Vous êtes une déesse, après tout. »

« J'ai essayé... », soupira Stella. « Mais en tant que déesse de la Justice, mon pouvoir est très limité dans ce genre de situation. Cela me déplaît sincèrement, mais il n'est pas juste qu'un dieu doive réparer le voile, car seuls les humains sont capable de le déchirer. Nous autres, les dieux, pouvons ouvrir les portes. Pour libérer les esprits en ce monde, déchirer le voile est inutile, il nous suffit d'ouvrir grand la porte de ce monde. »

« A croire que seule Aurore peut le réparer sans sacrifice, ce foutu voile. C'est la plus puissante des dieux ? »

« Les dieux sont tous aussi puissants les uns que les autres, mais c'est la valeur que l'on incarne qui détermine l'usage que l'on peut faire de nos pouvoirs. En tant que déesse de la Liberté, Eilin peut tout se permettre, sa magie n'est pas restreinte. C'est tout le principe de cette valeur. Mais oui, on peut dire d'une certaine manière que le dieu de la Liberté est au-dessus des autres divinités. De ce que je sais, cette sorte de suprématie a largement contribué au comportement frivole et inconscient de Barbatos. Merlin en a hérité, bien que sa stupidité soit plus honorable que celle de Barbatos, dans un certain sens. Eilin a choisi d'obéir à Arthur et de protéger Camelot, seul un sacrifice peut donc restaurer le voile. Arthur aura besoin d'aide, de la vôtre et de celle de Merlin. »

« Il est souffrant, je dois le ramener à Camelot pour que Dvalin puisse le soigner. »

« Merlin est un descendant de Barbatos, il est plus fort que vous le supposez. Il est Emrys, il a un grand pouvoir et un destin qui a été tracé depuis l'aube des temps. N'ayez crainte, les villias vont le soigner. »

« Ce sont des esprits à votre service ? »

« En effet. Reposez-vous maintenant, Lancelot. »

« Il faut que je trouve un refuge. », contra le chevalier.

La déesse sourit et posa une main sur les boucles brunes de Lancelot.

« Vous êtes en sécurité ici, les villias et moi allons rester et vous protéger toute la nuit. »

Stella s'assit sur la berge, laissant l'eau tremper le bas de sa robe. Un tourbillon de magie bleue entoura ses jambes et l'entièreté de la jupe se transforma en une queue de sirène. Le bas de la robe, qui ressemblait à une nageoire, devint une réelle nageoire.

« Vous êtes une sirène ? »

« L'eau est mon élément. Tout comme la déesse du vent a des ailes pour voler dans le ciel, j'ai une queue de sirène pour pouvoir nager efficacement dans l'eau. »

La déesse tendit la main vers le ciel étoilé, et plusieurs gouttes s'élevèrent du ruisseau et formèrent un dôme de protection qui s'illumina. Lancelot sourit, émerveillé.

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L'image de l'Archon Hydro n'est pas de moi mais de Gold Grimoire sur Tumblr

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