Chapitre 42 : Je t'attendrai

Royaume de Cenred, frontière avec Camelot, forêt, campement de Nahida, le lendemain matin

« Ugh... »

Arthur se redressa à l'entente du son et s'approcha doucement, pour ne pas effrayer son serviteur qui se réveillait. Merlin se redressa lentement, frissonnant de froid, et tâta paresseusement son torse pour constater l'absence de sa veste et de son foulard. Il écarquilla les yeux d'affolement, soudainement bien réveillé, et soupira de soulagement en sentant qu'il avait toujours sa tunique. Arthur le regarda faire, amusé, avant de lui jeter au visage ses vêtements. Le serviteur lâcha une plainte de surprise.

« Arthur ? », fit Merlin après avoir retiré les vêtements de son visage.

Il fronça les sourcils et regarda autour de lui tout en mettant sa veste et son foulard.

« Comment on est arrivés au camp de Nahida ? »

« Tu te souviens de rien ? »

Merlin secoua la tête.

« Je me souviens juste de m'être couché hier soir, après que vous m'ayez congédié pour la nuit, comme toujours. Que fait-on ici ? »

Arthur resta silencieux, ne sachant s'il devait être soulagé ou déprimé que Merlin ne se souvienne pas. Dans un sens, cela lui laissait du temps pour décortiquer ses sentiments et comprendre qui, de Merlin ou Gwen, il aimait vraiment, mais dans un autre, Merlin ne se souvenait pas. Il ne se souvenait pas qu'ils avaient passé une putain d'heure à s'embrasser comme si plus rien d'autre n'avait d'importance. Ils étaient de retour à la case départ, sauf qu'Arthur avait connaissance de ses propres sentiments et de ceux de Merlin. Que devait-il faire ? Se taire ? Mais y arriverait-il, alors qu'il mourrait d'envie d'embrasser son valet, encore et encore ?

« Arthur ? Oye, crétin royal ! »

Arthur sursauta et regarda à nouveau Merlin. Celui-ci avait un air moqueur qu'il savait être faux, qui n'était qu'une piètre tentative pour dissimuler son inquiétude et qu'Arthur pouvait voir dans ses yeux.

« Arthur, tout va bien ? »

« Hm ? Oui, oui. Et toi, comment tu te sens ? »

« Epuisé... »

Merlin bâilla, se gardant bien de dire qu'il se sentait épuisé parce que son énergie magique l'était.

« La transformation a dû pomper le peu d'énergie magique qu'il avait. Arthur, il doit se reposer. »

Merlin et Arthur sursautèrent, pour voir Aurore. Décoiffée et l'air endormi, il était certain qu'elle venait tout juste de se réveiller.

« De l'énergie magique ? », releva Arthur.

« Hm. », acquiesça Aurore en se frottant les yeux comme une enfant. « Fils de Barbatos, magie divine, sang divin, tout ça tout ça. »

« Rory, quelle transformation ? »

« De toi en gosse de neuf ans. T'aurais pu me dire que tu voulais qu'on passe plus de temps ensemble ! »

Merlin rougit d'embarras, se passant la main dans ses cheveux, et Arthur ne put s'empêcher de le trouver absolument mignon et adorable.

« J'avais peur que ça fasse trop... hum... j'ai eu peur que ce soit trop demander... Gwen est ton amie... »

« Et tu es mon frère ! Si tu ressens le besoin de passer du temps avec moi, tu passeras toujours avant Gwenny ! C'est comme ça que ça se passe entre frère et sœur ! », explosa Aurore. « Au lieu de ça, tu souhaites au fond de toi que tout redevienne comme quand on était enfant ! Tu as joué avec une magie dangereuse ! La magie des souhaits est aussi imprévisible et dangereuse que celle des rêves ! »

Merlin rentra la tête dans les épaules, et Arthur dissimula un rire silencieux derrière sa main.

« C-Comment je me suis transformé en enfant ?

Il sembla à Arthur qu'Aurore s'était figée durant une seconde, mais ce fut si rapide qu'il ne saurait dire s'il avait bien vu.

« Par magie, évidemment. Lirou, tu n'as pas de magie divine active, mais dois-je encore une fois te rappeler ton ascendance ? Tu as du sang divin en toi ! Ce qui signifie que tu as de la magie divine en toi. La tienne est passive, mais elle existe ! L'amour est la force la plus puissante qui existe, elle est tout à fait capable de réveiller temporairement ta magie divine ! »

Les vents se levèrent et commencèrent à tourbillonner, sifflant aux oreilles des deux amis et réveillant Nahida. Celle-ci se leva précipitamment et vint se mettre entre Aurore, et Arthur et Merlin. Le magicien déglutit en voyant les yeux de sa sœur prendre les couleurs de l'aurore.

« Du calme Aurore, du calme ! Respire ! Comme on l'a déjà fait. Respire. Tu te souviens ? On s'est entraînées ensemble, depuis notre rencontre, hm ? »

Le souffle erratique, Aurore hocha frénétiquement la tête.

« P... Penser à... à de belles... de belles choses... »

Elle secoua la tête et prit son épée. Merlin se leva aussitôt, et Arthur se mit en position de défense devant lui. Cependant, au lieu de la dégainer contre eux, elle la jeta loin d'elle.

« J'y... arrive pas ! Tout... s'embrouille !

« Remplis à ras bord sont les tonneaux,

Vivement que le vent se lève à nouveau.
De cire les goulots sont cachetés,

Le vent du sud chaud, celui du nord est déchaîné. »

Arthur se tourna vers Merlin, surpris, alors que sa voix s'élevait, douce mais profonde. Le blond déglutit, ayant soudainement chaud en entendant cette voix magnifique être libéré par son tendre valet. Les yeux aux couleurs de l'aurore se braquèrent sur le bleu limpide, et un léger sourire se dessina sur ses lèvres.

« Quelle est sa saveur, demandez-vous ?

Tout ce que Mondstadt inspire : le rêve de la Liberté.

Quels sont les secrets de son goût ?

Le courage d'explorer, la tendresse d'une âme dévouée. »

Merlin hocha doucement la tête à la réponse de sa sœur, avant que la voix d'Arthur ne s'élève.

« La volonté d'un protecteur immuable dans le temps,

Tous accompagnant la bénédiction des mille vents.

L'acidité laisse place à la douceur dans le rugueux tonneau.

Vivement que le vent se lève à nouveau. »

Le cœur de Merlin rata plusieurs battements en écoutant la voix grave et voluptueuse du Prince. La température de son corps augmenta de plusieurs degrés, alors que son imagination lui faisait miroiter des mots beaucoup moins innocents prononcés avec cette voix ô combien invitante. Il déglutit, alors qu'à son tour, la voix enfantine de Nahida s'élevait.

« Qu'y a-t-il dans le tonneau ?

De l'or liquide, que c'est beau !

Le tonneau est ouvert, qu'y a-t-il dans l'air ?

Le son du carillon qui résonne dans le ciel clair. »

Les vents se calmèrent alors qu'Aurore expirait doucement, ses yeux redevenus bleus. Ses amis et son frère lui sourirent, avant que leurs quatre voix ne chantent en chœur ce poème qui résonnait en Aurore plus clairement et avec plus de force que n'importe quel discours.

« Nous chantons en buvant ce vin,

Vivement que le vent se lève demain.

Que ferons-nous quand les mille vents seront partis ?

Nous écouterons l'histoire jouée par la lyre et aurons un doux rêve cette nuit. »

Leurs voix se turent, et Merlin prit l'initiative de s'approcher de sa cadette. Celle-ci lui fit un sourire penaud.

« D-Désolée... je travaille encore sur le contrôle de mes émotions avec Nahida, mais elle dit qu'elles bouent trop à l'intérieur de moi et que je n'arrive pas à les libérer avant que ma magie ne s'en mêle et fasse tout exploser... »

« La maîtrise de ses émotions est un long chemin, j'en sais quelque chose, et je sais que tu as déjà fait des progrès. Tu y arriveras. Essaie juste de ne pas museler tes émotions comme je le fais. Crois-moi, ça nous réussit pas. Il arrive encore des fois où je sors pour libérer le trop-plein, comme quand on était enfants. Je ne le fais plus depuis que j'ai l'attache florale, mais j'imagine que, à la lumière des récents événements, elle absorbait en réalité le trop-plein de magie... », murmura Merlin avec un sourire tendre. « Quoiqu'il en soit, ne soit pas désolée. J'ai dû te causer beaucoup de soucis ces derniers jours, plus que d'habitude je veux dire. J'aurais dû te dire ce qui n'allait pas, plutôt que de tout garder pour moi. »

« C'est de famille, que veux-tu... », soupira Aurore. « Mais vraiment, la prochaine fois que tu veux passer du temps avec moi, dis-le moi. La magie des souhaits est dangereuse car elle fait appel à l'amour. »

« Comment tu as fait pour rompre le sort ? Non attends, plus important... », murmura Merlin en se penchant sur sa sœur, inquiet. « Il sait ? »

« Non. », le rassura Aurore, bien que ce n'était qu'une demi-vérité concernant la magie. « Par contre, tu te doutes bien que j'ai dû faire appel à l'amour pour rompre le sort... »

« Oh... alors il sait, pour ça en tout cas... », rougit Merlin.

« Vous avez passé une heure à vous bécoter comme si vous mourriez le lendemain. Epargne-moi ça la prochaine fois. »

Merlin gémit, mortifié. Comment allait-il pouvoir regarder son Prince en face maintenant ?! Arthur aimait Gwen, jamais il ne l'aimerait lui.

Il entendit sa sœur ricaner doucement et il se détacha, offusqué.

« Tu te moques de moi ?! »

« Un peu. », admit Aurore. « Mais tout ira bien. Aux dernières nouvelles, vous vous êtes embrassés pendant une heure, ce qui veut dire que tu ne l'as pas embrassé pendant une heure sans lui laisser la moindre chance de partir. Il était parfaitement consentant. Peut-être même un peu trop. Allez, va le voir. On rentrera à Camelot après le petit-déjeuner. Et hum... fais attention quand tu touches l'attache que je t'ai offerte. Tu y as insufflé de la magie à chaque fois. »

« Et c'est ça qui m'a... »

« Oui. »

« Je ferai attention. », promit Merlin.

« Bien. Oh, et tu es puni de pommes pendant un mois. »

« QUOI ?! Mais pourquoi ?!! »

« T'avais qu'à être plus prudent. C'est toi l'expert magique entre nous, pas moi. »

Sur ces mots, la chevalière s'éloigna en adressant un simple signe de la main à son aîné. Elle ramassa son épée, la rangea, puis alla aider Nahida à préparer le petit-déjeuner. Merlin la regarda partir, la moue renfrognée.

« Je vais me venger Rory... », marmonna Merlin.

« De quoi ? », fit Arthur en arrivant.

« R-Rien ! », s'agita Merlin, les joues rouges.

Un silence gênant s'installa, avant que le magicien ne le rompt, regardant ses doigts qui jouaient ensemble plutôt que l'élu de son cœur.

« Hum... c'est vrai que tu... enfin on... hier... », bafouilla Merlin.

« De quoi tu parles ? »

« Embrassés... une heure... hier... »

Merlin devint encore plus rouge, se maudissant pour ne pas réussir à former une phrase cohérente. Arthur rougit à son tour.

« O-Ouais... c'est vrai... »

Poussé par son courage de chevalier, Arthur s'avança jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu'à quelques battements de cœur des lèvres de son valet, qui s'ouvrirent pour apporter plus d'air.

« Tu veux recommencer ? », susurra-t-il.

Sans réfléchir, Merlin scella leurs lèvres et glissa sans attendre sa langue dans la bouche d'Arthur, dominant le baiser pendant quelques secondes. Le blond le lui rendit avec enthousiasme et, bientôt, les baisers ne se comptèrent plus.

Et Arthur se demanda comment diable il allait pouvoir se retenir d'embrasser son tendre valet à longueur de temps.

Après quelques minutes cependant, Merlin rompit le baiser pour approvisionner ses poumons en oxygène. Un timide mais éblouissant sourire se dessina sur ses lèvres, faisant rougir Arthur qui déposa aussitôt un doux baiser sur celles-ci.

« Je vous aime, Arthur. », murmura Merlin. « ... et... et vous ? »

Arthur baissa les yeux, ne sachant que répondre à son valet. Il méritait qu'il soit totalement transparent, au moins une fois, avec lui.

« Merl... je... je ne sais pas, en fait. Je... je sais que j'aime Guenièvre, mais... mais j'ai pris conscience ces derniers jours que je t'aime, toi aussi... je... j'ai besoin de temps... »

Compréhensif, Merlin hocha la tête et s'éloigna d'un pas, instaurant une petite distance entre eux qui leur fit autant de mal l'un que l'autre.

« Je vous attendrai. Je préfère ne pas avoir votre cœur du tout plutôt que vous ne m'en accordiez qu'une partie. Si je dois avoir votre cœur, je veux que vous me le donniez entièrement, sans contrepartie, je veux qu'il appartienne à moi, et uniquement à moi. »

« ... et si je finis par choisir Guenièvre ? », murmura Arthur, ébranlé par la franchise du magicien.

« Alors rien ne changera entre nous. Nous serons amis, jusqu'à la fin. C'est mon destin d'être à vos côtés Arthur, je suis et serai toujours là. »

Doucement, Arthur hocha la tête, avant de venir déposer un baiser aussi léger qu'un papillon sur le front de son valet, un baiser aussi réconfortant qu'une promesse qu'ils venaient de sceller entre eux.

« Je vous attendrai... aussi longtemps qu'il le faudra. »

« J'espère ne pas te faire attendre trop longtemps, et inutilement... »

« Moi, j'espère simplement que vous serez heureux, peu importe qui vous choisissez. Aimer, c'est aussi faire passer le bonheur de l'autre avant le sien, même s'il ne se trouve pas à nos côtés. Faites un choix qui vous rend heureux, et je le serai aussi. »

« C'est vraiment tout ce que tu souhaites ? »

« ... et un jour de congé, aussi ! », affirma Merlin, sur un ton sérieux que contredisait son sourire en coin.

Arthur rit légèrement, faisant s'illuminer le visage de Merlin.

« Ne rêve pas trop. Dès demain, tu te remets au travail. Et tu n'as pas intérêt à être en retard, sinon je te mets en formation avec Georges. »

Le magicien déglutit et frissonna d'horreur, se promettant intérieurement de ne pas arriver en retard. Le vent lui chanta à l'oreille, et Merlin sourit. Peut-être devrait-il un peu plus compter sur ce compagnon de vie de chaque descendant de Barbatos, après tout.

« A table ! », cria Aurore.

« On arrive ! », répondit Arthur.

Et les deux pseudos-amis se dirigèrent vers le feu de camp éteint, aussi naturellement qu'avant, comme si rien ne s'était passé. Mais si quiconque les observait, il verrait dans leurs yeux l'étincelle de l'amour et du bonheur qui brillait quand le regard de l'un se perdait vers l'autre.

« Ils sont ridiculement idiots. », soupira Aurore, faisant sourire Nahida.

« Prépare-toi, je sens que tu vas devenir la psy en émotions de ce cher Prince. »

Aurore lâcha un autre soupir, sentant que ses visites auprès de Nahida se feraient de plus en plus récurrents les mois suivants.

« Je sais pas pourquoi, mais je le sens aussi... »

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