Chapitre 38 : Retour en enfance

Royaume de Camelot, cité, château, couloir, le lendemain, milieu de matinée

« C'est officiel ! Je déteste les armures ! »

Guenièvre rigola du bougonnement d'Aurore, qui roulait ses épaules endoloris sous son armure, encore trop lourde pour qu'elle puisse la porter plusieurs heures durant sans faiblir, malgré la magie.

« Pourquoi tu ne l'enlèves pas ? »

« Arthur a dit que c'était une question d'habitude. Je n'ai encore jamais porté de trucs aussi lourds sur moi et combattu à l'épée en même temps... »

« Je te ferai préparer un bon bain chaud. », promit Gwen.

« Ah, t'embête pas pour ça ! Tu es déjà assez occupée entre tes corvées et ton travail auprès d'Uther.

« Ça me fait plaisir Ella ! »

Aurore sourit, pendant que Guenièvre faisait remonter la panière de linge qu'elle tenait, alors qu'elles arpentaient les couloirs ensemble. Cependant, leurs sourires disparurent quand elles virent Arthur s'approcher, la fureur inscrite sur chaque pore de sa peau. Aurore était presque surprise de ne pas voir de la fumée lui sortir des oreilles.

« Vous avez vu ce sot de Merlin ? Il est pas venu travailler ce matin ! Résultat, je me coltine Georges ! », grogna Arthur.

« Georges est un serviteur parfait. », souffla Gwen à Aurore. « Très compétent. Mais il ne fait qu'énerver Arthur. Il ne le dira jamais, mais il préfère l'impertinence de Merlin à la politesse de Georges. »

La chevalière lui sourit, avant de regarder Arthur.

« Je ne l'ai pas vu, désolée. »

« Il n'est pas venu te servir ce matin ? »

« Non. J'ai cru qu'il était en retard, alors je me suis occupée de moi toute seule. Bon, avec un brin de magie pour mettre l'armure, je l'avoue. »

« S'il est à la taverne, je jure qu'il finira au pilori quand je lui aurai mis la main dessus ! »

« Alors là, impossible. Mon frère ne tient absolument pas l'alcool. Il suffit qu'il respire le goulot d'une bouteille et il se met à chanter comme un marin ! », rit Aurore.

« Pourtant, je suis déjà allé boire avec lui, une fois ou deux, après une patrouille. », rétorqua Arthur.

« Parce qu'il a toujours sur lui une potion que j'ai créé pour lui. La boire avant d'aller consommer dans une taverne lui évite de finir ivre. J'imagine qu'il l'a préparé quelques fois, depuis son départ d'Ealdor... enfin bref ! Je vais le chercher Arthur, ne vous en faites pas. »

« Hm. Il a intérêt à avoir une bonne excuse ! »

« LIROU !! »

Gwen et Arthur sursautèrent, ne s'attendant pas à ce que la voix d'Aurore sorte si fort. La chevalière leur adressa un sourire d'excuse alors qu'elle laissait porter son cri partout dans le château afin que seul son frère l'entende. Il se passa quelques minutes avant qu'une petite silhouette se précipite sur Aurore et se serre contre elle, le visage contre son armure.

Perplexes, Arthur, Gwen et Aurore baissèrent le regard. Si la servante et le Prince ne virent qu'une tignasse de jais, la chevalière put sans peine voir deux immenses yeux bleus comme le ciel, lorsque la silhouette leva la tête vers elle.

« Par Barbatos... »

« Rory... on est où ? », pleurnicha un Merlin n'ayant pas plus de neuf ans.

« Merlin ?! », s'étrangla Arthur, alors que Gwen restait sans voix.

Le petit garçon rampa jusque dans le dos de sa sœur, sous sa cape rouge Pendragon. Il leva timidement la tête vers le blond, ne laissant voir que son regard plus beau qu'un ciel d'été, avant de cacher à nouveau son visage. Arthur ne put empêcher son cœur de fondre devant tant d'adorabilité, et ses lèvres se retroussèrent en un léger sourire empreint de tendresse, ce que Gwen ne manqua pas.

« Grande sœur... c'est qui ces gens ? Où est Maman ? »

« Tu ne te souviens pas, grand frère ? »

Le regard larmoyant de son frère la fit déglutir. Mais que s'était-il passé ?!

« On est à Camelot, tu n'as pas à t'en faire. »

« C-Camelot ? Mais... mais... c'est d-dangereux... », balbutia Merlin.

Il tenta de pousser sa sœur pour la forcer à fuir, mais elle ne bougea pas d'un pouce. A force de pousser, Merlin glissa et s'écrasa sur le ventre. Aurore se retourna aussitôt et, avant qu'elle n'ait pu l'aider à se relever, l'enfant se mit à sangloter. La chevalière se figea, avant que les pupilles dorées de son frère ne la forcent à agir.

« O-On va y aller !! », dit-elle d'une voix aiguë trahissant la panique, ce qui surprit Guenièvre et Arthur.

Rapidement, elle prit en poids son frère et s'enfuit à toutes jambes, les talons métalliques de ses bottes d'armure claquant sur le sol. Ce fut avec précipitation qu'elle se réfugia dans la sécurité de ses appartements, verrouillant la porte.

Royaume de Camelot, cité, château, appartements d'Aurore

Aurore se laissa glisser contre la porte en soupirant, libérant son frère qui ne cessait de pleurer. Les vases explosèrent, les chaises allèrent s'écraser contre le mur, la table se cassa en deux, les draps et les vêtements s'éparpillèrent dans toute la pièce.

La jeune fille soupira, se passant une main gantée dans les cheveux. Avec sa magie, elle se débarrassa prestement de son armure et remplaça ses bottes d'armure par ses bottes habituelles, ne gardant que sa tenue noire qu'elle portait sous l'armure. Elle s'approcha ensuite doucement de son frère devenu enfant, et lui caressa les cheveux, interrompant ses pleurs.

« Chut... calme-toi... tout va bien. Je suis là... tu es en sécurité Lirou... »

Merlin la regarda quelques instants, les yeux pleins de larmes. Quelques unes continuèrent à couler sur ses joues, mais il les essuya assez vite, pour venir se réfugier contre sa sœur. Elle lâcha un soupir mêlant soulagement et anxiété. Ses souvenirs de son frère à l'âge de neuf ans étaient flous, n'en ayant que quatre à l'époque, mais elle se souvenait très clairement que la moindre de ses sautes d'humeur déclenchait sa magie. Cela avait été embêtant à Ealdor, mais Hunith avait su s'en sortir, notamment grâce à la présence apaisante d'Aurore pour Merlin. Mais là, à Camelot, ça allait être extrêmement dangereux.

« Bon sang ! Personne ne doit savoir ! Que s'est-il passé ?! »

Après de longues minutes, Merlin s'était calmé, alors elle se détacha de lui. Il fit la moue, clairement pas d'accord avec le fait de se séparer d'elle, mais il ne se mit pas à pleurer, au grand soulagement de sa sœur.

Maintenant que les choses étaient plus calmes, Aurore prit le temps de l'observer. Son frère était identique aux souvenirs qu'elle avait de lui quand il avait neuf ans. Il portait même exactement la même tenue que d'habitude, à l'exception d'un large pull brun-rouge qui avait remplacé son foulard de la même couleur et sa veste brune. La seule différence majeure, en dehors de sa taille, était les deux tresses jumelles qui encadraient son visage, de la même manière qu'Aurore les avait longtemps porté. Ses grands yeux bleus étaient toujours aussi expressifs, mais pleins d'une innocence et d'une naïveté propres aux enfants.

Aurore plissa les yeux, remarquant soudainement l'absence de l'attache à cheveux qu'elle lui avait offerte. Toutefois, elle haussa les épaules, songeant que cela n'avait pas d'importance vu qu'il ne l'avait pas quand il avait neuf ans.

« Rory... pourquoi on est à Camelot ? Tu contrôles pas tes pouvoirs... c'est dangereux pour nous, pour toi ! », s'inquiéta Merlin.

« J'ai appris à les contrôler ces derniers temps, ne t'en fais pas pour moi. »

Elle scanna la pièce du regard et puisa dans son maigre potentiel magique sans Gnosis pour remettre en état la pièce, commandant par le même temps le vent d'aller chercher Gaius de toute urgence.

« Aurore ? Tu es là ? », fit la voix d'Arthur.

« C'est qui ? », chuchota Merlin, en retournant se blottir contre elle.

« Arthur. Mais il est gentil, il sait pour moi. »

« Et pour moi ? »

« Non. Personne sauf Gaius, un vieil ami de Maman. »

A l'extérieur, il y eut quelques échanges de voix, avant que celle de Gaius ne demande à Arthur et Guenièvre de le laisser travailler. Le Prince et la servante s'éloignèrent, puis le médecin entra dans les appartements d'Aurore.

« C'est Gaius. », sourit Aurore à Merlin, lorsqu'elle le sentit trembler contre elle.

Merlin hocha doucement la tête, mais resta agrippé à sa sœur.

« Il est redevenu enfant ? Comment est-ce possible ? »

« Je n'en sais rien Gaius. », soupira Aurore. « Mais c'est un gros problème. Ses... soucis de maîtrise de lui-même sont revenus. Il ne la contrôle plus. »

« Bonté divine... », déplora Gaius. « J'ai bien peur de n'avoir jamais entendu parler de ce genre de choses... je vais quand même chercher, mais il vaut mieux l'éloigner de Camelot jusqu'à avoir trouvé. »

« Je vais l'emmener au camp de Nahida pour le reste de la journée, et j'appellerai Kilgharrah ce soir. Il saura peut-être ce qu'il se trame... je l'emmènerai voir les druides aussi, on n'a rien à perdre... est-il possible que quelqu'un ait fait ça pour l'empêcher de protéger Arthur ? »

« Je l'ignore, mais si c'est le cas, nous aurons bientôt une attaque visant notre Prince. Essaie de le garder calmé, personne ne doit savoir qu'il a des pouvoirs, encore moins Arthur. »

D'un air entendu, Aurore et Gaius hochèrent la tête, sous le regard perplexe de Merlin.

« Si jamais vous trouvez quoi que ce soit, confiez une lettre au vent, il me la transmettra. »

« Tu devrais sans doute récupérer ton Gnosis. Je doute que Merlin puisse se défendre tout seul en l'état actuel des choses, tu en auras besoin plus que jamais. »

« Vous avez raison... »

Aurore donna à son frère la sculpture en forme de dragon fabriquée par Balinor, l'ayant fait venir par magie jusque dans ses appartements. Elle lui confia également la sienne, en forme de lyre, et le laissa jouer avec le temps de rassembler des affaires pour un voyage.

« Bien. Je vais voir Arthur et nous y allons. »

« Que vas-tu lui dire ? », s'inquiéta Gaius.

« La vérité : je vais voir les druides. »

Elle ouvrit la fenêtre et siffla une note particulière, celle qu'elle utilisait pour appeler sa jument. Malgré son aversion pour l'armure, elle utilisa sa magie pour l'enfiler à nouveau, préférant l'avoir sur elle en cas de besoin. Elle tâta sa ceinture et, une fois certaine que son épée y était, elle prit en poids Merlin, qui ne réagit même pas, continuant à faire combattre son dragon et la lyre. Aurore sourit, attendrie, puis sortit de la pièce, suivie de Gaius qui portait son sac de voyage.

Royaume de Camelot, cité, château, cour, plus tard

« Et voilà. », fit Arthur, les sourcils froncés d'inquiétude, alors qu'il venait de terminer d'attacher le sac d'Aurore sur le dos de Moonlight. « Tu es sûre que tu ne veux pas un cheval sellé ? Ce serait sans doute mieux pour Merlin... »

« Merci, mais ça ira. », le rassura Aurore. « J'ai l'habitude de monter à cru, et je ne veux monter aucun autre cheval que ma chère Moonlight. Et puis, elle fera attention, je le sais. »

Elle installa son frère, qui continuait à jouer insouciamment, sur sa jument, puis monta derrière lui. Elle passa un bras autour de la taille de Merlin pour le maintenir contre elle et récupéra les rênes dans une main, Moonlight n'ayant accepté que la sangle pour attache le sac de voyage ainsi que le licol et les rênes comme accessoires à mettre sur elle.

« Si je peux faire quoi que ce soit... », commença Arthur.

« Restez en vie. Je sais que c'est tout ce qui compte pour lui. »

Arthur hocha la tête, avant de la baisser. Il la releva quelques secondes après, les yeux brillants de larmes et de désespoir. Aurore écarquilla les yeux, le Prince ne s'étant encore jamais montré faible devant elle.

« ... ramène-le-moi... j'ai besoin de lui... », murmura Arthur.

Aurore lui sourit tendrement et retira sa main de la prise de son frère avant de la poser sur les cheveux blonds, les caressant doucement.

« Ne vous en faites pas, tout ira bien. »

Arthur inspira profondément et eut un léger sourire reconnaissant, essuyant précipitamment ses larmes. Merlin le regarda du coin de l'œil, avant de ramener vivement le bras de sa sœur sur lui, dans un geste possessif. Ce dernier fit sourire légèrement le Prince.

« Je ne le savais pas si possessif. »

« C'est MA sœur, espèce de crétin ! Elle aime que moi ! MOI et personne d'autre ! », affirma Merlin en fusillant Arthur.

« Tu as toujours beaucoup tenu à elle, hm ? »

Arthur eut un sourire tendre, qui fit s'écarquiller les yeux déjà grands du jeune Merlin. Le blond dût résister de toutes ses forces au regard si bleu, si envoûtant, du magicien, déjà qu'il avait du mal à s'en empêcher en temps normal...

« ... j'ai besoin d'elle, et elle me protège... », murmura Merlin, une larme coulant sur ses joues.

« ... moi aussi, j'ai besoin de toi, et je te promets que je te protégerai aussi longtemps que je vivrai, Merlin. »

Merlin rougit sous la voix douce et le regard plein d'amour du Prince, et finit par détourner les yeux, faisant doucement tinter les deux sculptures de bois entre elles pour masquer son embarras.

« On sera au camp de Nahida ce soir, si vous voulez. », lui glissa Aurore, cachant son amusement face à la scène. « On passera la nuit là-bas, je demanderai de l'aide à Kilgharrah. Si les druides ne savent rien, il aura peut-être des réponses à nous apporter. Je compte y rester tant qu'on ne lui aura pas annuler le sort qui fait effet sur lui, quel qu'il soit. »

« Mais tu peux l'appeler de n'importe où, non ? Pourquoi quitter Camelot, et pour très longtemps pour autant qu'on sache ? »

« Parce qu'il a peur, il sait que Camelot est un lieu dangereux pour moi. Tant qu'on ne sait pas ce qu'il se passe vraiment, je préfère lui éviter du stress inutile. », dit simplement Aurore.

« Je comprends... »

« J'ai laissé mon ancien béret dans le tiroir de mon Gnosis. Vous pourrez l'utiliser pour nous rejoindre au camp de Nahida. »

« Tu l'as enchanté ? »

Pour simple réponse, elle lui fit un clin d'œil avant de faire un mouvement de bassin qui encouragea Moonlight à partir au trot. Tenant Merlin d'une main, elle salua Arthur de l'autre avant de récupérer les rênes. Une fois hors de la citadelle, elle usa discrètement de magie pour imprimer dans la tête de sa jument l'emplacement du camp de druides le plus proche.

Arthur les regarda s'éloigner, son regard balançant entre inquiétude et confiance. Cependant, lorsque le petit Merlin se retourna et lui fit un grand signe de la main, un joyeux sourire au visage, il sut que tout irait bien.

Son Merlin était toujours là. 

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