Chapitre 25 : La lune se lève, un an après
Royaume de Camelot, cité, château, couloir discret, nuit, un an et quelques mois plus tard
Morgane se tenait dans le couloir, pensive. Deux silhouettes encapuchonnées se glissèrent dans le couloir, puis laissèrent tomber leur capuche.
« Morgause ? Aurore ? », fit Morgane.
« Ma sœur ! », fit Morgause en venant l'enlacer.
Aurore la salua d'un signe de tête, tandis que Morgause fronçait les sourcils d'inquiétude.
« Ma sœur, nous t'avons attendue l'autre soir. Que s'est-il passé ? Il s'est passé quelque chose ? »
« Vous avez l'air bouleversée. », confirma la barde.
« Je ne dirais pas à ce point, mais j'ai en effet bien des choses à vous dire... »
« Nous t'écoutons. », fit la Grande Prêtresse.
« J'ai entendu Uther. »
« Depuis quand prêtez-vous la moindre attention à ce que dit cet homme ? »
« Depuis qu'il a dit qu'il était mon père. Je suis la fille d'Uther ! », révéla Morgane, dégoûtée.
« D'Uther ? »
Morgause regarda Aurore, qui hocha la tête pour le confirmer.
« Je l'ai entendu aussi. Officiellement, seul Gaius est au courant désormais, en dehors d'Uther. », fit Aurore, cachant le fait que Merlin le savait aussi.
« Il m'a menti pendant toutes ces années. Et il continue ! »
« Mais c'est une excellente nouvelle ! », s'enthousiasma Morgause.
Aurore resta silencieuse, préférant regarder en contrebas de la rambarde, comme si elle espérait apercevoir son aîné. Elle déposa sur la pierre un objet, avec un sourire tendre.
« Il m'a désavouée. Il veut que le peuple pense qu'il est parfait en tant que Roi. C'est plus important pour lui que la chair de sa chair. », marmonna Morgane.
« Néanmoins ma sœur, c'est une excellente nouvelle, car aujourd'hui tu peux aussi prétendre au trône. »
« Non chère sœur, tu ne comprends pas. Il doit payer pour tout cela ! », déclara la pupille du roi, avant que les cloches ne se mettent à sonner. « Il est temps pour vous de partir. »
« Non, je refuse de te laisser dans cet état. »
« Je t'en prie, va-t'en ou ils vous trouveront. »
Voyant que Morgause se refusait à partir, Aurore lui agrippa le poignet et utilisa ses pouvoirs pour s'accorder plus de force.
« Surtout, ne fais rien d'imprudent Morgane. Promets-le-moi. Attendons le bon moment, notre heure ne va pas tarder ! », parvint à dire la Grande Prêtresse avant qu'elle ne soit hors du champ de vision de sa sœur.
De leur côté, Merlin et Gaius venaient d'arriver auprès d'un serviteur à terre. Le médecin de la cour l'examina, et finit par soulever la main du serviteur, qui se mit à ruisseler de sang, amenant Merlin à reconnaître une des visions qu'il avait eu quelques jours auparavant, dans l'Antre de Cristal.
« C'était la vision suivante, c'était bien ça que j'ai vu dans l'Antre de Cristal. Je n'ai donc rien pu arrêter. », se lamenta Merlin.
Il se retourna tout à coup, en sentant une brise lui murmurer à l'oreille, et vit alors un objet au sol. Certain qu'il n'y était pas avant, il le récupéra avec prudence pour l'observer. Il s'agissait d'un arrangement floral pour cheveux, composé d'une cécilia et d'une chrysanthème à aubes écarlate, maintenues ensemble par une herbe à lampe qui projetait sur les deux fleurs une douce lumière bleutée.
Merlin sourit en effleurant du bout du doigt la cécilia, puis attacha l'objet dans ses cheveux, sur le côté gauche, grâce à la petite attache intégrée.
« Merci Rory. », murmura le magicien.
« Tu as dit quelque chose Merlin ? », fit Gaius.
« Non, rien... je réfléchissais. »
Royaume de Camelot, cité, château, appartements d'Uther, plus tard
Morgane se tenait devant le Roi endormi, croyant avoir empêché Merlin de lui mettre des bâtons dans les roues en l'enfermant dans un cercle de feu. Elle était sur le point de le tuer avec sa dague, mais le magicien, pour qui il en fallait plus pour l'arrêter, entra précipitamment dans la pièce. Il se cacha derrière un mur et fit exploser les fenêtre avec sa magie. Le souffle fit tomber Morgane à terre et réveilla Uther.
« Que se passe-t-il ?! », s'affola le Roi.
« U-Un incendie s'est déclaré ! », mentit Morgane. « Je voulais être à vos côtés, je ne me sens en sécurité qu'auprès de vous. J'ai très peur... »
Merlin retint un soupir de soulagement et porta sa main à l'attache floral dans ses cheveux. Il sourit, rassuré de ressentir la présence de sa sœur grâce à l'objet. Depuis son bannissement, ils n'avaient pu échanger des lettres, car Uther avait interdit toute tentative de communication depuis Camelot avec une personne bannie, sous peine d'être considéré comme complice et donc d'être exécuté. Pourtant, quand il allait mal, il trouvait toujours un petit quelque chose de la part d'Aurore, bien que ce ne soit pas signé. Il savait que c'était elle, car c'était toujours des végétaux liés au vent : fruits, fleurs, herbes, champignons, graines... cela ne pouvait venir que de sa cadette, et seul lui pouvait réellement deviner l'expéditeur de ces cadeaux. Ce n'était pas pareil que d'échanger avec elle, de savoir ce qu'il se passait de son côté, mais il s'efforçait de s'en contenter. C'était mieux que de voir sa sœur disparaître de sa vie...
Royaume de Camelot, cité, château, appartements de Gaius, plus tard
« Tu as sauvé la vie d'Uther Merlin. »
« De justesse Gaius. J'ai cru que je pouvais changer l'avenir mais au lieu de cela, je l'ai fait naître. Il s'est produit à cause de moi. »
« Ce que tu as fait là est très dangereux, même pour une personne aussi douée que toi. Mais ce qui est fait, est fait. Il y a des choses plus importantes dont nous devons désormais nous soucier. Vois-tu, je crains fort que Morgane sache la vérité. »
« Comment cela ? »
« De toute évidence, elle sait que le Roi est son père ce qui explique pourquoi elle a agi tout à coup. Arthur doit être extrêmement prudent à présent. »
« Pourquoi ? »
« Morgane est de sang royal. Si Uther venait à mourir, Arthur deviendrait le seul obstacle entre elle et le trône de Camelot. », dit sentencieusement Gaius. « Qu'as-tu dans les cheveux ? »
« Oh, ça ? Juste un cadeau qu'on m'a fait. »
« Ta sœur ? »
Merlin hocha la tête.
« Je ne l'avais jamais vu, tu l'as reçu quand ? »
« Tout à l'heure, pendant que vous examiniez le serviteur, pourquoi ? »
Gaius fronça les sourcils.
« Alors qu'un intrus était dans le palais ? Merlin, cela ne peut être une coïncidence. »
« Ma sœur est trop futée pour se faire remarquer. »
« Elle, oui. Mais elle est peut-être de connivence avec l'intrus, et peut-être même avec Morgane. »
« Vous avez plus d'imagination que ce que je croyais Gaius. Ma sœur n'a aucune raison de s'allier avec Morgane. »
« Merlin, elle a été bannie par Uther après avoir sauvé le royaume. Elle en a bien plus que ce que tu ne crois. »
« Je connais Rory, jamais elle ne s'allierait à Morgane juste pour ça. Ce n'est qu'une coïncidence. », insista Merlin. « Rory est plus sage et réfléchie que moi, je sais qu'elle ne ferait jamais ça. »
« Mm... seul le temps nous le dira. »
Royaume de Camelot, cité, château, appartements d'Arthur, le lendemain
Merlin entra dans la pièce en fredonnant, le sourire aux lèvres. La mélodie fredonnée réveilla doucement Arthur, qui se demanda s'il ne rêvait pas. Pourtant, quand il ouvrit les yeux, il vit son valet qui ouvrait les rideaux. Ses gestes étaient moins brusques que d'habitude, et il semblait bien plus guilleret.
« Debout Sire, le soleil est levé ! »
Arthur se redressa, surpris de ne pas avoir droit à l'habituel « Debout les morts ! » que lui réservait son sot de serviteur.
« Es-tu ivre Merlin ? »
« Pourquoi le serais-je ? », lui demanda le magicien, surpris.
« Tu sembles différent ce matin, plus... doux. »
« ... à croire que rien ne semble trouver grâce à vos yeux, Arthur. », marmonna Merlin.
« Ce n'était pas un reproche. », fit Arthur avec un léger sourire. « Au contraire, c'est parfait. »
L'aveu fit rougir le serviteur, qui s'empressa de se détourner pour ranger la chambre et masquer sa gêne. Arthur le regarda un instant, le trouvant étrangement mignon, et remarqua alors l'attache végétale dans ses cheveux.
« Un cadeau d'une femme ? »
Merlin haussa un sourcil, croyant avoir entendu de l'amertume dans la voix de son Prince, mais celui-ci ne le vit évidemment pas puisqu'il était dos à Arthur.
« De quoi parlez-vous ? »
« Ce que tu as dans les cheveux. C'est le cadeau d'une femme ? »
« ... si on veut. »
Le blond observa un instant l'attache, avant de comprendre.
« Tu as vu ta sœur. », dit Arthur, faisant aussitôt se faner la bonne humeur de son valet.
« N-Non. Votre père a interdit toute interaction avec des personnes bannies. »
« Merlin, il n'y a qu'elle qui porte cette fleur blanche, et toi lors du banquet des Cinq Royaumes. Cet arrangement floral ne peut venir que d'elle. Donc tu l'as vu. Comment elle va ? »
« ... je ne sais pas. Je ne l'ai pas vu depuis son bannissement. De temps en temps, le vent me dépose un présent de sa part, mais c'est tout. », finit par répondre Merlin, d'une voix dans laquelle Arthur pouvait déceler de la tristesse.
« Je sais qu'elle te manque, et j'en suis désolé. C'est une fille bien, elle mérite d'être célébrée plutôt que bannie. J'aurais aimé qu'il en soit autrement. »
Arthur sursauta lorsque Merlin posa brusquement quelque chose sur la table.
« Vous me répétez la même chose depuis plus d'un an Arthur ! Vos excuses sont inutiles et ne font que remuer le couteau dans la plaie ! ... je vais chercher votre petit-déjeuner. »
Sur ces paroles sèches, le magicien quitta prestement la pièce. Arthur le suivit du regard, le cœur serré. Merlin essayait peut-être de ne rien laisser paraître, mais le blond voyait bien qu'il allait chaque jour plus mal que le précédent. A l'inverse d'avant le bannissement d'Aurore, Merlin n'était jamais heureux à Camelot. Avant, il était un peu triste de l'absence de sa sœur mais il était quand même sincèrement heureux. Depuis plus d'un an, ses sourires, ses rires, sa bonne humeur... tout était faux, excepté ce matin précis que le blond avait gâché sans le vouloir.
Et ce constat faisait bien plus de mal que ce qu'Arthur avouerait. D'une certaine manière, il enchaînait son valet loin de ce qui le rendait heureux. Lui qui considérait Merlin comme son ami, il n'agissait pas comme tel, il aurait poussé le magicien à rejoindre Aurore sinon.
« Mais je veux le garder à mes côtés, à n'importe quel prix... », s'avoua Arthur, gêné. « ... quel est le mieux à faire, au final ? »
Royaume de Camelot, cité, château, appartements d'Arthur, midi
« Sire ? »
Arthur leva la tête et sourit en voyant qui venait d'entrer.
« Guenièvre ! Entre, je t'en prie. »
La servante sourit et vint déposer le plateau repas du Prince.
« Où est Merlin ? »
« Il m'a dit qu'il devait nettoyer les écuries et m'a demandé de vous servir votre déjeuner. Pourquoi ? »
« Il devait les faire cet après-midi... je crois qu'il m'évite. »
« Pourquoi cela ? »
« Je pense qu'il aurait aimé que je fasse en sorte que sa sœur reste à Camelot. Peut-être aurais-je pu faire davantage pour elle... »
« Je suis certaine que Merlin ne vous tient pas pour responsable. », le rassura Gwen.
« Gwen, depuis qu'elle a été bannie, il n'a pas été heureux un seul instant. Penses-tu que je devrais le laisser retourner auprès de sa sœur ? »
« Pensez-vous que c'est ce qu'il y a de mieux à faire ? »
« Je n'en ai aucune idée... »
« Vous l'aimez, n'est-ce-pas ? »
« Que veux-tu dire ? »
« Vous n'arrivez pas à vous résoudre à faire ce qui vous semble le mieux pour lui. Sinon, vous lui auriez déjà permis d'aller retrouver Aurore. »
« Pourtant, je sais que c'est ce qu'il y a de mieux à faire. Mais je ne veux pas qu'il parte... c'est égoïste, hein ? »
Guenièvre ne répondit pas tout de suite, pensive.
« Je pense surtout que vous tenez bien plus à Merlin que vous ne vous l'avouez, Sire. »
« C'est un ami dévoué, même si je ne le lui dirai jamais. »
« Vous vous méprenez sur ce que je voulais dire... »
« Que voulais-tu dire ? »
« Que vos sentiments pour lui vont bien au-delà de l'amitié, mais que vous refusez de seulement y songer. »
« Tu crois... que je suis amoureux de Merlin ? », grimaça Arthur. « Arrête, tu sais que je n'aime que toi. »
« Vous mentir ne vous mènera nulle part, Arthur. », confia Guenièvre. « Mais si vous voulez rendre le sourire à Merlin, essayez peut-être d'organiser une rencontre entre Aurore et lui. C'est moins risqué pour vous de lui écrire, les soldats devraient moins surveiller à ce propos vu que vous n'avez pas de réels liens avec elle. »
« Impossible, mon père me surveille autant que Merlin, vu que je lui ai caché les pouvoirs d'Aurore pendant un certain temps. Pas toi ? »
« Je suis la servante de Morgane, elle lui a assuré que je ne savais rien des pouvoirs d'Aurore, donc je ne suis pas surveillée. Ceci dit, elle ne nous écrit plus, à Morgane et moi. »
« Si je lui écris des lettres, tu accepterais de les lui transmettre ? »
« Bien sûr, seulement si vous me rendez un service. »
« Tout ce que tu voudras. »
« Réfléchissez sérieusement à la possibilité que vous soyez amoureux de Merlin. C'est quelqu'un de bien, vous lui devez au moins ça. »
« Guenièvre, c'est impossible que je sois amoureux de lui, enfin ! C'est toi que j'aime. »
« Vous avez le droit d'aimer plusieurs personnes, au moins durant un temps. Et puis, on tombe amoureux d'un cœur et d'une âme, pas d'un physique. S'il vous plaît, c'est vraiment important pour moi. », insista la servante.
Arthur resta silencieux quelques secondes, avant de soupirer, indiquant qu'il abdiquait.
« Si c'est tant important à tes yeux, alors j'y réfléchirai avec le plus grand des sérieux. »
Gwen sourit, victorieuse. Peut-être venait-elle de signer la fin des sentiments d'Arthur à son égard, mais elle n'en avait que faire. Pour elle, c'était ce qu'il y avait de mieux, de plus juste, à faire. Même si Arthur finissait par renoncer à ses sentiments envers elle, du moment qu'il était sincèrement heureux, elle ne pouvait que l'être tout autant.
« Guenièvre ? »
« Oui ? »
« Merci. »
La servant inclina la tête avec un sourire, ravie d'avoir pu aider le Prince.
« Avec plaisir ! »
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