Chapitre 24 : Jugement

Royaume de Camelot, cité, château, salle du trône

Arthur escorta Aurore jusqu'au trône d'Uther. Celui-ci toisa, d'un air haineux, la barde, qui serra son Gnosis entre ses doigts avant d'inspirer profondément.

« Aurore d'Ealdor. », fit Uther.

En réponse, elle inclina respectueusement la tête.

« Avoues-tu avoir fait usage de magie contre le dragon ? »

« Oui, Sire. »

« Tu es donc une sorcière. »

« Sauf votre respect Majesté, je me considère davantage comme une magicienne qu'une sorcière. »

« Qu'y a-t-il de différent ? », s'enquit Arthur.

« Il n'y en a aucune Arthur. », répondit Uther.

« En fait, si. Un magicien use de ses pouvoirs pour le bien d'autrui, un sorcier ne l'utilise qu'à des fins personnelles. C'est une distinction que j'ai appris au cours de mes voyages. »

« Au regard des lois de Camelot, il n'y a aucune différence. », rétorqua le Roi. « Tu devrais être exécutée pour sorcellerie ! »

« C'est ce que vous auriez réservé au Seigneur des dragons, si jamais il n'était pas mort en route ? Vous l'auriez exécuté en remerciement d'avoir sauvé le royaume ? »

Le Roi ne répondit pas, amenant Arthur et Aurore à s'interroger du regard.

« D'où te viens ta magie ? », finit par demander Uther.

« Je suis née avec mais je n'ai appris à la maîtriser que durant ces derniers mois. Je n'en avais aucun contrôle jusqu'alors, donc je mettais en danger tout le monde, y compris ma propre famille. C'est pour ça que j'ai commencé très tôt à voyager, pour trouver un moyen de contrôler cette magie, ou de m'en débarrasser. »

« T'en débarrasser ? »

« Bien sûr. J'adore mon frère, et cette magie m'empêchait de rester vivre à ses côtés. Dès qu'il était en danger, mes pouvoirs s'activaient d'eux-mêmes et prenaient le contrôle sur moi. C'était pour le protéger, c'est vrai, mais il y avait toujours des dégâts collatéraux. Pour être honnête, jusqu'à ce que j'apprenne à la contrôler, j'avais peur de cette magie. Pas de la magie mais de ma magie. »

« Comment as-tu appris à les contrôler ? »

« J'ai eu de l'aide... celle de Morgause mais ! », fit Aurore avant que le Roi ne l'interrompe. « Mais ce n'était que temporaire, je savais qu'elle préparait quelque chose. Je ne savais pas quoi, mais je ne lui faisais pas vraiment confiance. Je suis restée quelques temps à ses côtés uniquement parce que c'était dans notre intérêt à toutes les deux. J'ignore pourquoi, mais elle voulait que je maîtrise ma magie, et c'était aussi mon cas. Je suis partie quand j'ai appris ce qu'elle avait cherché à faire à Arthur, et à vous Majesté. »

« Comment l'as-tu su ?! »

« Je vous l'ai dit, je ne lui faisais pas confiance, donc j'ai enchanté son repaire pour pouvoir être au courant de tout ce qui s'y passait. »

« Tu étais à sa forteresse ce jour-là ? », voulut savoir Arthur.

« Non, elle m'avait envoyé en voyage, des vacances soi-disant. J'ai appris ce qu'il s'était passé en rentrant, donc j'ai décidé qu'il était temps que je parte, et elle était d'accord. Mais Morgause n'a pu m'apprendre que les bases de la maîtrise de mon pouvoir. Je ne pouvais faire que des trucs très simples, déplacer des objets ou des personnes surtout. Ce n'est que récemment que j'ai appris plus de choses, comme invoquer l'esprit de Dvalin, le dragon des Quatre Vents. »

« Qui te l'a appris ? »

« Barbatos. »

« Barbatos ? », répéta Arthur. « Le dieu du vent ? »

« Lui-même. C'est une longue histoire, mais disons que Lirou et moi sommes ses descendants, par notre père. Kilgharrah me l'a dit et Barbatos me l'a ensuite confirmé, quand j'ai trouvé son Gnosis. C'est grâce à lui que j'ai pu contrôler mes pouvoirs. »

Elle tira l'artefact de sous sa cape pour le montrer à Arthur et Uther, avant de le remettre à sa place.

« Nous sommes les descendants de Barbatos, mais je suis la seule à avoir hérité du pouvoir de notre ancêtre. », reprit Aurore, devançant la prochaine question d'Uther. « Je ne comptais pas utiliser ma magie, maintenant que je sais la maîtriser, mais la situation avec Kilgharrah l'imposait. Je suis navrée d'avoir enfreint vos lois, mais la sécurité d'Arthur était en jeu, je n'ai pas réfléchi, j'ai juste agi pour le protéger de l'attaque de Kilgharrah. »

Uther resta un moment silencieux, un silence qui angoissa le Prince et la barde. Le Roi allait-il la croire ?

« Que peux-tu faire avec ta magie ? »

« Tout ce qui implique le vent. Contrairement aux autres magiciens, qui peuvent utiliser une multitude de sorts et de types de magie, je ne peux utiliser que la magie du vent. Cela va des sorts de base, contrôler le vent pour déplacer un objet, à des sorts très complexes comme l'ouverture d'une porte vers le monde des esprits, pour permettre à l'un des Quatre Vents de venir en ce monde. Ma magie m'offre de ce fait un lien très fort avec le vent, il me rapporte beaucoup de choses et a une grande portée. Essentiellement, il me rapporte tout ce qui a un lien avec mon frère ou Arthur, au cas où ils auraient besoin de moi, que ce soit de mon épée, de ma magie, ou juste des connaissances que j'ai acquises au cours de mes voyages. »

« Tu dois être une bonne informatrice. », fit Arthur.

« Pour ceux à qui Lirou est loyal, oui. Pour ses ennemis, je peux très vite devenir leur pire cauchemar, même sans mes pouvoirs. »

« C'est vrai que tu es redoutable avec une épée. »

« Tu n'en sais rien Arthur, peut-être a-t-elle utilisé la magie pour s'aider. », marmonna Uther.

« Impossible, mes yeux prennent les couleurs de l'aurore quand ma magie s'active, que ce soit volontaire ou non. »

« C'est ce qui t'a valu ton prénom ? », voulut savoir Arthur.

« Oui, ma magie s'est activé lors de mes premiers instants de vie. Maman trouvait que mes yeux étaient beaux, elle m'a donc prénommé Aurore. »

Un long silence prit place dans la salle, avant qu'Uther n'annonce finalement sa décision.

« Aurore, tu as jusqu'à l'aube pour quitter le royaume, et ne t'avise pas de revenir. »

« Vous la bannissez ?! »

« Elle devrait s'estimer heureuse d'échapper au bûcher ! »

« Elle nous a sauvé la vie, au royaume et à moi ! »

« Sa vie est une juste récompense, pour une sorcière comme elle !! »

« C'est une magicienne !! », explosa Arthur.

« Arthur, calmez-vous. C'est inutile de chercher à prendre ma défense. Je n'ai pas agi ainsi pour attirer les faveurs de votre père sur la magie, je l'ai fait simplement parce que mon frère est à votre service et qu'il vous est fidèle. Vous ne seriez pas un citoyen de Camelot, peut-être aurais-je laisser Kilgharrah tuer votre père avant de l'arrêter. Je comptais repartir dans la journée de demain, de toute manière. »

Sur ces mots, elle quitta la salle du trône. Arthur ne tarda pas à la rejoindre, furieux. Merlin les attendait dans le couloir.

« Je croyais t'avoir dit de te remettre au travail Merlin ? », s'agaça faussement Arthur, qui se calma un peu en le voyant.

« J'étais trop anxieux de connaître le verdict... »

« Bannissement. », répondit simplement sa cadette. « J'ai jusqu'à l'aube pour quitter Camelot, avec interdiction de revenir. »

« Mais tu as contribué à sauver le royaume ! C'est injuste ! »

« Il a fait preuve de clémence compte tenu de la situation, il aurait très bien pu appliquer à la lettre les lois de Camelot. », tempéra Aurore. « Je lui en suis déjà reconnaissante. »

« Non, Merlin a raison. Tu devrais être célébrée, et pas bannie. », rétorqua Arthur.

« Mais c'est votre père, le Roi, pas vous. Vous n'y pouvez rien. Ne lui en tenez pas trop rigueur, il éprouve de la haine et de la peur envers la magie, il ne pense pas rationnellement quand cela la concerne. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, je dois faire l'inventaire des vivres qu'il me reste. »

« Prends autant de vivres que nécessaire. », lui autorisa Arthur.

« Merci. »

Elle s'éloigna, calme en apparence, et Merlin finit par lui emboîter le pas, furieux mais décidé.

« Merlin, où vas-tu ? », l'interrogea Arthur.

« Faire mes valises ! Je ne la laisserai pas repartir sans moi. Plutôt mourir que de ne jamais la revoir ! »

Royaume de Camelot, cité, château, appartements de Gaius

« Non, tu restes ici Lirou. Arthur a besoin de toi ! »

« Toi aussi Rory ! »

« Mais je peux me débrouiller seule ! J'ai l'habitude de voyager. »

« On ne se reverra jamais ! »

« Bien sûr que si. Il faudra juste que tu viennes à la frontière, mais je trouverai toujours un moyen pour que l'on se voit. Je refuse que tu quittes Camelot et Arthur pour moi. Ils ont plus besoin de toi que moi. »

« ... laisse-moi au moins t'accompagner jusqu'à la frontière. », abdiqua Merlin, conscient que sa cadette ne le laisserait jamais partir avec elle.

« D'accord. Et ne t'en fais pas, la sentence d'Uther aurait pu être pire. »

« Il n'aurait pas pu te tuer. »

« Non, mais il aurait pu m'enfermer pour toujours. Cela aurait été pire que la mort pour une déesse de la Liberté qui aime voyager... »

« ... tu dois avoir raison... donne-moi régulièrement des nouvelles petite sœur. »

« Et toi, continues à servir Arthur et le royaume comme tu le fais. Et puis, ce n'est qu'un au revoir. Quand Arthur sera Roi, je pourrai sans doute revenir. »

Merlin se força à sourire, sans parvenir à calmer le sentiment d'injustice et de colère qui lui nouait les entrailles. Elle dût le sentir car elle arrêta ses préparatifs pour venir enlacer son frère.

« Rien ne va changer grand frère, à part le fait que je ne pourrai pas revenir à Camelot. Il y a pire. »

« Où vas-tu aller ? »

« Je vais retourner dans les Terres des Périls, pour continuer à m'entraîner avec Venti. Et pour dormir aussi, c'est hyper propice au repos là-bas, mine de rien. Enfin pour moi, en tout cas. Ce n'est pas parce que je dormais bien ces derniers jours que ça va continuer, ou que j'ai rattrapé tout mon retard. »

« Tiens-moi au courant de tes avancées. »

« Promis. »

« Tant que j'y pense... Morgane a disparu avec Morgause... si jamais le vent te rapporte quoi que ce soit... »

« Je te préviendrai ! »

Merlin sourit, puis la laissa retourner à ses préparatifs.

« Tu as besoin de vivres ? »

« Oui, mais pas trop. Je ferai le plein après la frontière. »

« Je vais te chercher ça. Au passage, j'annoncerai à Arthur qu'il va être coincé avec moi pendant encore longtemps ! »

« Comme si c'était pour lui déplaire ! », rit Aurore. « Je suis sûre qu'il t'aime plus que ce que tu ne crois. »

« Quand il neigera en été, peut-être ! »

Merlin quitta, puis Gaius vint donner une potion à la jeune barde.

« Voilà de quoi t'aider à dormir. »

« C'est gentil, mais je dors bien pour le moment. »

« C'est juste au cas où. Merlin se sentira mieux s'il sait que tu l'as. »

« Il l'a faite ? », s'étonna Aurore.

« Oui. Je l'ai un peu aidé, mais il a appris certaines choses de toi, grâce à tes essences. »

« C'est vrai qu'il m'aidait à les fabriquer... merci, je le remercierai. Si jamais vous avez besoin de quoi que ce soit, contactez-moi. Je sais bien moins de choses que vous, mais il se peut que j'ai quelques connaissances que vous n'ayez pas, comme les effets des fleurs en lien avec le vent. »

« Je n'y manquerai pas. », sourit Gaius. « ... tu vas nous manquer. »

« Ce... c'est mieux ainsi, de toute façon. », marmonna Aurore en se reconcentrant sur les préparatifs. « Je n'ai jamais considéré Camelot comme un endroit où m'établir, ah ça non ! Même s'il est vrai que je me suis fait des amis, et que mon frère y travaille mais... Camelot n'est pas un endroit pour moi ! »

Sans répondre, Gaius vint l'enlacer pour la réconforter, et elle laissa échapper quelques larmes. C'était faux. Elle avait commencé à se sentir chez elle à Camelot, grâce à Guenièvre, Morgane, Arthur et Merlin. Elle avait commencé à songer à s'y établir, une fois son entraînement avec Venti terminé. Elle avait commencé à songer à quoi pourrait bien ressembler sa vie quotidienne à Camelot. Peut-être aurait-elle pu s'entraîner avec Arthur et ses chevaliers ?

Jamais elle ne le saurait. Tout était partie en poussière.

Finalement, une vie de vagabonde ne pouvait que lui correspondre, si aucun royaume ne l'acceptait entièrement...

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