Chapitre 14 : Que suis-je censée faire ?

Royaume de Camelot, cité, château, salle du banquet

La lyre se tut quelques secondes et le silence plana avant que des applaudissements ne remplissent la salle du banquet. Aurore sourit et commença doucement à évoluer dans l'espace entre les tables, disposées en U.

« Je vous emmène dans une nation de légende, où Barbatos l'Archon Anémo, dieu des vents, se laissa porter par les chants de la Liberté, après la chute de l'aristocratie tyrannique : Mondstadt. »

Morgane retint son souffle, croisant les doigts pour que l'annonce du récit comme étant une légende permette qu'il ne déclenche pas la guerre entre les royaumes. Elle savait bien, pour l'avoir demandé à Aurore, que ce récit n'était en rien une légende, il était vrai. Toutefois, elle savait aussi que de telles histoires, parlant ou découlant de révoltes, avaient tendance à divertir la royauté plutôt qu'à l'offenser lorsqu'elles étaient étiquetées comme étant des légendes, des mythes.

Heureusement, l'introduction du prochain récit d'Aurore fut accueillie avec force d'applaudissements par les Rois. Lorsque les applaudissements se turent, elle commença à jouer une autre mélodie sur sa lyre.

« Laissez-moi vous conter l'histoire des Quatre Vents, un groupe de quatre protecteurs secondant Barbatos et chargés de protéger la cité. »

https://youtu.be/M9kQP-cmipY

Toute la salle se mit à rire, à la fois amusée par la tournure de l'histoire et par les voix que prenait Aurore lorsqu'elle parlait pour le loup et le dragon. La dernière phrase du récit, paroles du dragon, sonnait comme un reproche de celui-ci envers Barbatos, mais Aurore avait donné une certaine intonation à sa voix de dragon, de sorte que cette phrase n'avait plus vraiment l'air d'un reproche mais plutôt d'une remarque mi-agacé mi-amusée envers l'Archon Anémo. Et c'était justement cette ambivalence de la remarque qui faisait rire la salle.

« Continuons notre voyage pour une contrée encore plus lointaine que Mondstadt. Gouvernée par Morax, l'Archon Géo, dieu de la roche, et protégée par les Adeptes, des dieux à son service, Liyue est une nation riche et prospère, où les pièces d'or sont frappées par milliers. », conta Aurore, accordant sa lyre pour en changer le son. « C'est en cette terre bénie par Morax que se déroule l'histoire de La Divine Damoiselle de la Dévastation... »

Elle joua quelques notes, puis commença son récit.

« Ô, tragédie ! Deux âmes amoureuses, par la mort furent séparées... »

https://youtu.be/pgxYc6rc26g

Aurore sourit, alors que les applaudissements couvraient les dernières notes de la complexe mélodie qu'elle venait d'interpréter. Elle adressa un regard à son aîné, caché dans les ombres, et il saisit le message. Elle lui tendit la main et il s'avança pour venir la prendre, sous le regard sonné d'Uther. Arthur était hébété en voyant la nouvelle apparence de son valet, qu'il n'avait pas vu puisqu'il l'avait congédié sans même prendre le temps de le regarder. Peut-être aurait-il dû...

« Il est mignon... », murmura inconsciemment Arthur.

Aurore, qui accordait de nouveau sa lyre, eut un petit sourire en coin, étant la seule à l'avoir entendu grâce au vent qui lui avait rapporté les mots prononcés par le Prince, malgré les discussions qui avaient momentanément repris. La réaction du blond était totalement inattendu, mais l'adolescente l'accueillait avec joie. Si Arthur trouvait Merlin mignon, peut-être que son frère avait raison de s'accrocher à ses sentiments...

Après s'être équipé de sa guiterne, Merlin joua quelques notes le temps de trouver les accords, puis adressa un signe de tête à sa cadette.

« Pour terminer notre voyage à travers les mots et la musique, laissez-moi vous partager un poème qui me rappelle de tendres souvenirs avec mon grand frère : « Vin des mille vents ». »

Elle sourit à son frère, qui commença à jouer. La mélodie de la lyre rejoignit très vite celle de la guiterne, puis la voix d'Aurore qui était emplie d'une incroyable douceur.

« Remplis à ras bord sont les tonneaux,

Vivement que le vent se lève à nouveau... »

https://youtu.be/kr0hCXliu6k

Pendant que toute la salle applaudissait, Merlin et Aurore se regardèrent avec tendresse, se rappelant toutes les fois où ils avaient préparé le vin des mille vents. Chaque bouteille de ce vin était unique, quand bien même une même personne en préparaient dix, car il n'y avait aucun ingrédient clairement identifié dans la seule trace écrite connue de la recette, à savoir le poème. C'était un vin antique de Mondstadt, et Aurore avait appris au cours de ses voyages qu'il s'agissait en réalité de l'ancêtre du célèbre vin de pissenlit produit dans la nation de la Liberté, et qu'il contenait de ce fait du pissenlit, ingrédient qui n'était pas mentionné dans le poème qu'Hunith leur avait appris.

« Ce serait intéressant de goûter ce vin des mille vents. », émit le Roi Olaf.

« Voyons Olaf, ce n'est qu'une légende. », sourit Uther.

« Sauf votre respect Majesté, ce n'est en rien une légende. Le poème en est la recette. », répondit Aurore. « Mon frère et moi en faisons tous les ans, pendant l'automne. »

« Comment est-ce possible de fabriquer du vin à partir d'un poème imprécis ? », s'enquit Alined.

« C'est ce qui fait l'intérêt du vin des mille vents : chaque bouteille de ce vin est unique, tout dépend de ce que chacun utilise comme ingrédients, et des cuvées produites par une même personne ne seront jamais identiques. », affirma la barde avec passion. « Si vous souhaitez en boire, je peux vous amener une bouteille, j'en emmène toujours une quand j'interprète ce poème. »

« Fais donc. », décida Uther.

En réponse, Aurore fit la révérence en même temps que son frère, et ils quittèrent l'espace entre les tables pour rejoindre les ombres. Guenièvre tendait justement une bouteille à Aurore.

« Merci d'être allée la chercher Gwen. »

« Avec plaisir. », sourit la servante.

« Tu savais qu'ils allaient en demander ? », s'étonna Merlin.

« Evidemment ! Je n'ai pas souvent interprété ce poème pour d'autres personnes que pour Maman et toi, mais mes auditeurs voulaient à chaque fois le goûter. Du coup, j'ai pris l'habitude de récupérer une de nos bouteilles quand je sais que je dois l'interpréter. »

Aurore récupéra la bouteille et s'empressa d'aller servir un peu de vin aux invités. Afin que tout le monde en ait, personne n'avait un verre complet mais tous en avaient assez pour pouvoir le savourer.

« Est-ce Merlin et toi qui avez fait ce vin ? », voulut savoir Arthur.

« Oui ! Celui-ci date d'il y a deux ans et a été fabriqué avec des tombaies pour le courage d'un explorateur, des pommes crépusculaires, une variété de pommes sucrées, pour l'amour tendre et véritable, et de la cécilia pour la volonté de défenseur forte comme autrefois. Nous l'avons appelé « Dévotion de Mondstadt », car on raconte que l'Archon Anémo aime les pommes et les cécilias. »

Une fois tout le monde servi, Uther leva son verre, imité par tous les invités et signant ainsi l'instant de dégustation.

« Il est sucré et rafraîchissant. », commenta Olaf.

« Jamais je n'avais goûté un tel vin. », reconnut Uther.

Très vite, les autres invités secondèrent les deux Rois.

« Vous auriez une longue carrière en tant que vignerons ! », affirma Arthur en posant son verre.

« Inutile d'être vigneron pour fabriquer du vin des mille vents, aucun savoir-faire n'est vraiment requis, il suffit juste d'ajouter les trois ingrédients douze heures après le début de l'étape de fermentation, et de la continuer normalement. Si vous le souhaitez, je peux vous préparer des parchemins avec le poème inscrit ainsi que quelques indications concernant la fabrication classique du vin. Ainsi, vous pourrez le faire faire par les vignerons de vos royaumes. Le plus important dans ce vin est surtout les ingrédients choisis, ils doivent correspondre à ce que vous évoque les trois valeurs énoncées dans le poème. »

A à peine quelques secondes d'intervalles, les cinq Rois acceptèrent la proposition de la barde, qui s'inclina et quitta après leur avoir assurés qu'ils auraient le parchemin d'ici au jour de leur départ.

« J'ignorais que Merlin avait une sœur aussi talentueuse, ni des compétences en fabrication de vin et en maniement de la guiterne. », glissa Uther à son fils.

« Concernant Aurore, je savais déjà qu'elle était redoutable avec une épée, mais Merlin m'avait dit qu'elle était douée pour raconter des récits. Et, vous savez Père, j'ai l'impression que mon serviteur ne montre ses autres compétences que pour Aurore. Il est bon pâtissier également, il a fait un excellent gâteau pour son anniversaire. »

« J'imagine que c'était inévitable, il est payé pour être ton valet et aucune des compétences que nous avons découvert aujourd'hui n'est utile pour te servir. »

Arthur hocha doucement la tête puis chercha le regard bleu ciel dudit valet dans les ombres. Il le rencontra bien assez vite, le magicien semblant avoir eu la même idée. Un doux sourire se dessina pendant quelques secondes sur les lèvres d'Arthur, un sourire qui fit rougir Merlin à l'extrême. En retour, il eut un sourire gêné mais heureux, qu'il cacha un peu en se passant la main sur la nuque tout en fuyant les yeux bleu océan du Prince. Arthur rougit légèrement à son tour et détourna le regard également.

Pour se redonner contenance, Arthur reprit une gorgée de vin, sans voir la mine légèrement triste de Guenièvre. Toutefois, Aurore la vit.

« Gwen, tout va bien ? »

« O-Oui. Je... j'ai juste l'impression que ton frère commence à plaire à Arthur, et je n'aime pas ça. », murmura Guenièvre, de sorte que seule Aurore pouvait l'entendre grâce à ses pouvoirs.

« Si tu veux mon avis, cela ne commence pas, cela continue simplement. Ceci dit, je sais que ses sentiments pour toi sont sincères, mais je pense qu'il l'aime sans le savoir. En fait, je pense qu'il refuse simplement de se l'avouer, ce n'est pas quelque chose qui se fait à Camelot. »

« Que suis-je censée faire ? »

« Rien du tout. C'est triste, mais c'est à Arthur de faire son choix. Si les choses restent comme ça, c'est toi qu'il choisira. »

« Je ne veux pas qu'il me choisisse s'il en aime un autre... »

« Tu sais Gwen, on peut aimer plusieurs personnes en même temps. Il ne faut juste pas oublier que ce n'est que temporaire. Il y aura forcément un moment où on se rendra compte qu'on aime davantage une personne que les autres. Plusieurs choix s'offrent à toi. Tu peux ne rien faire, et laisser les choses évoluer tout en sachant pertinemment qu'il y a peu de chances qu'Arthur ouvre les yeux par lui-même. Tu peux aussi faire en sorte que mon frère n'est vraiment aucune chance avec lui. »

« Jamais je ne pourrai faire cela enfin ! Merlin est mon ami ! »

« Je me doute, je ne fais qu'énoncer les possibilités. Si tu veux être certaine qu'Arthur te choisisse parce qu'il t'aime vraiment et pas parce qu'il refuse de s'avouer qu'il aime potentielle Lirou, eh bien... il faut que tu l'aides à en prendre conscience, pour qu'il puisse faire son choix, mais il risque de souffrir, de beaucoup souffrir. Et s'il s'égare en chemin, qu'il courtise Merlin avant de se rendre compte que c'est toi qu'il aime vraiment, ou vice-versa, il ne faudra pas lui en vouloir. Aucun voyage n'est facile. »

« Si je ne fais rien, on souffrira tous les trois : Merlin parce qu'il verra Arthur m'aimer, Arthur parce qu'il sera passé à côté de quelque chose d'important, et moi parce que je ne pourrai jamais le croire réellement quand il me dira qu'il m'aime. »

« Si tu te décides à ouvrir les yeux d'Arthur, vous souffrirez tous les trois aussi : Arthur parce qu'il sera obligé de choisir l'un de vous tout en sachant qu'il brisera le cœur de l'autre, et mon frère et toi parce que l'un aura forcément le cœur brisé et l'autre sera obligatoirement triste pour lui. »

« On ne peut pas laisser la situation ainsi... »

« Tu as la liberté de faire ce qui te semble le mieux pour vous trois. Arthur n'ouvrira probablement jamais les yeux si tu ne l'y aides pas, et Merlin ne risque pas se te faire obstacle, il pense que son amour est vain et inutile. »

« Donc tout repose sur moi... »

« Tout le monde aspire à la Liberté, mais la Liberté est un fardeau plus lourd à porter qu'on ne le croit. Quand on est libres de choisir, chacun de nos choix doivent être pris en notre âme et conscience, et on doit en assumer les conséquences et y remédier quand c'est possible... y compris si on a fait les mauvais choix. C'est toujours plus simple d'assumer les conséquences de ses actes quand elles sont positives, mais on apprend plus d'une défaite que d'une victoire. »

« ... tu ne t'en mêleras pas, hein ? »

« Je n'en sais pas assez sur les règles sociales à la Cour pour le faire, et de toute manière, jouer au complotiste pour que deux personnes se mettent en couple, ce n'est pas mon truc. En plus, je ne pense pas être légitime pour me mêler de ce genre de choses, je ne suis jamais tombée amoureuse à l'heure actuelle. Je peux simplement réconforter mon frère quand il va mal. Toutefois, si tu décides d'agir pour qu'Arthur fasse son choix en toute connaissance de cause, alors tu peux compter sur moi si tu as besoin de quoi que ce soit. Jusqu'à ce que ce jour arrive, je garderai en mon cœur vos sentiments à tous les trois. »

« Nous serons donc les seules à tout savoir à ce sujet... »

« En effet. Tant qu'Arthur reste aveugle, il ne sert à rien qu'il en soit autrement. »

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