Chapitre 10 : Balade entre frère et sœur
Royaume de Camelot, forêt
« Qu'est-ce-que ça fait du bien ! », s'étira Merlin, laissant son cheval avancer au pas.
« Arthur ne te laisse jamais de jour de congé ? »
« Nope ! Et j'en avais bien besoin, vu combien de fois j'ai sauvé les fesses de ce crétin royal ! »
« Tu ne penses pas ce que tu dis ! », rigola Aurore. « Tu l'aimes bien trop pour ça ! »
« Je l'aime. », admit Merlin, le cœur serré. « Mais il reste un crétin. Un crétin, qui est amoureux de Guenièvre. »
« Tu ne peux pas lui en vouloir pour ça, Gwen est vraiment gentille. »
« Je n'ai pas dit le contraire, et je leur souhaite tout le bonheur du monde, mais j'avais vraiment besoin de quelques heures de liberté loin d'Arthur. Qu'as-tu fait ces derniers temps ? Tu as continué tes voyages ou tes entraînements à la magie ? D'ailleurs, qui est ton mentor ? »
« Euh... personne. »
« Tu es train de me dire que tu as appris à maîtriser ta magie toute seule ? Alors que tu en avais peur ? Alors que même moi je n'ai pas pu t'aider ? »
« ... oui ? »
Merlin haussa un sourcil, sceptique, et ayant senti son hésitation.
« Rory, dis-moi la vérité. »
« Quelqu'un m'a appris. », abdiqua Aurore, incapable de mentir bien longtemps à son aîné.
« Qui ça ? »
« ... Morgause. »
« Morgause ?!! », s'étouffa Merlin. « Mais tu es folle ou quoi ?! »
« Pas du tout. Dès le début de mon entraînement, elle m'a semblé étrange, alors je suis restée sur mes gardes, d'autant plus que le vent me rapportait des paroles venant d'elle qui étaient à l'opposé de ce qu'elle me disait en face. Toutefois, le fait que j'apprenne à contrôler ma magie semblait être dans son intérêt, alors je suis restée dans sa forteresse. Et puis, il y a quelques semaines, elle est partie pour un voyage de plusieurs jours. Quand elle est rentrée, elle m'a fortement incité à prendre des « vacances », sous prétexte que m'acharner à l'entraînement ne servait à rien. Cela m'a surprise, elle voulait que je passe le plus de temps à m'entraîner, elle disait que c'était la clé. Elle disait aussi que j'étais une vraie incapable avec ma magie, enfin d'après le vent. Et tu sais que le vent est plus fiable que les gens. »
Merlin hocha la tête, plus qu'au fait de l'opinion de sa sœur.
« J'ai donc enchanté la forteresse pour savoir ce qu'il se tramait pendant mon absence. A mon retour, je l'ai levé et le vent m'a porté les informations récoltées. Quand j'ai appris qu'elle avait manipulé Arthur pour qu'il tue le Roi... comment te dire que j'ai voulu partir au plus vite. D'ailleurs, elle m'a gentiment mis à la porte. »
« Tu as bien fait... », répondit Merlin, avec un soupir de soulagement.
« Je suis venue à Camelot pour vous prévenir de vous méfier d'elle désormais. C'est une Grande Prêtresse de l'Ancienne Religion, il ne faut pas la sous-estimer. »
« Je savais qu'elle était dangereuse, mais à ce point... tu aurais dû me le dire ! Tu n'y connais rien en magie, elle aurait pu te tuer ! »
« Lirou, je suis plus douée à l'épée que toi en magie, et le vent m'accompagne en permanence. Tu sais bien que je suis toujours prudente, en plus. »
« Oui, je sais... mais tu ne pourras jamais m'empêcher de m'inquiéter pour toi. »
« L'inverse est tout aussi vrai. »
« Et donc, pendant tes semaines d'entraînement avec Morgause, tu n'as fait que ça ? T'entraîner ? »
« La majorité du temps. Quand elle m'a incité à prendre des vacances, je suis allée à Helva, et j'y suis restée deux semaines, au lieu de quelques jours. »
« Helva ? »
« Elle est située dans le royaume d'Odin, c'est l'une des seules villes où la magie est libre et autorisée. J'ai pu utiliser la mienne pour aider plein de gens, c'était rafraîchissant ! »
« Tu n'as plus peur de ta magie ? »
« Non, au contraire. Je veux toujours l'utiliser le moins possible, mais je sais maintenant que je peux aider les autres avec, comme je le fais avec mon épée. Je serai toujours davantage une épéiste qu'une magicienne, mais c'est toujours bien d'avoir plusieurs cordes à son arc. »
« Je n'aurais pas dit mieux ! », affirma le magicien. « Et sinon, tu te plaisais à Helva ? »
« Beaucoup. », confia Aurore. « Je ne m'étais jamais sentie autant à ma place que là-bas. »
« Pourquoi n'y es-tu pas retournée alors ? »
« Une part de moi espérait que tu partes avec moi, mais ce n'est pas pour ça que je n'y suis pas retournée, ne t'en fais pas. C'est ton destin d'être aux côtés d'Arthur et de le protéger. »
« Quelle est la raison ? »
« Je ne me sens juste pas encore prête à me poser quelque part. Le monde a tant de choses à offrir, pour peu qu'on soit prêt à partir à leur découverte. »
« Tu es définitivement telle que les légendes décrivent Barbatos ! », rigola Merlin.
« Je vais prendre ça pour un compliment. Barbatos est un dieu libre et juste, parfois doux, parfois violent... comme le vent. »
« Il en est le dieu, ça t'étonne ? »
« ... non. Tu crois que notre foi en lui vient de notre père ? »
« Peut-être. Tu sais, je ne l'ai pas plus connu que toi. »
« Un peu, quand même. Il n'est revenu qu'une fois, quand tu avais cinq ans. »
« Pour une seule nuit, et tu es née neuf mois plus tard. Je dormais déjà quand il est revenu, et il était déjà parti quand je me suis réveillée. Jamais je n'aurais su qu'il était revenu voir Maman si tu n'étais pas née. »
« Il sait qu'il a des enfants ? »
« Je ne crois pas que Maman ait eu le temps de lui en parler. Probablement souhaitait-elle aborder le sujet plus tard, une fois la fièvre des retrouvailles retombée. »
« Tu me passeras les détails. », marmonna Aurore.
Sa réponse fit rire Merlin, qui lui ébouriffa les cheveux.
« Arthur est dans le même cas que toi, il n'a jamais connu sa mère. »
« Pourquoi tu ramènes toujours tout à lui ? Je sais que c'est un Prince, ton maître et la personne que tu aimes, mais quand même. »
« Ma vie, mon destin, tourne autour de lui Rory, je n'y peux rien. », fit Merlin avec un petit sourire contrit, empreint de tristesse. « Au travers de tes voyages, tu n'as jamais éprouvé quelque chose de similaire ? »
« Je suis encore trop volatile pour me poser quelque part, tu penses bien que c'est pareil pour l'amour. Je ne m'y intéresse pas vraiment. A quoi bon ? Je ne reste jamais plus de quelques jours au même endroit. Helva et la forteresse de Morgause n'étaient que des exceptions. Je ne vois pas l'intérêt de tomber amoureuse alors que je suis toujours sur les routes. »
« L'amour, ça aide aussi à se sentir à sa place. », dit sincèrement Merlin.
« ... tu as peut-être raison... mais ce n'est pas encore d'actualité. J'ai le temps, je n'ai que treize ans. »
« Bientôt quatorze ! Tu crois pouvoir rester à Camelot jusque-là ? J'ai l'impression qu'on ne l'a pas fêté ensemble depuis une éternité ! »
« Tu penses à quoi ? Une genre de fête ? »
« Si seulement... si je le pouvais, je t'offrirai la meilleure de toutes les fêtes. Mais non, je ne pensais pas à ça. Je pensais plutôt à quelque chose de très simple, du genre un gâteau avec une bougie. Pas de quoi faire réellement la fête, mais toute occasion est bonne à prendre pour passer un peu de temps avec toi. »
« Chaque jour avec toi mérite d'être fêté, grand frère ! Va pour un gâteau et une bougie ! Tant qu'on est ensemble, une fête est inutile ! »
Merlin lui sourit avec affection, bien que légèrement peinée. Sa sœur était devenue une habile menteuse au cours de ses voyages, mais pas assez pour le tromper. Pour elle qui voyageait tout le temps, une fête était l'idéale pour sentir qu'on aurait toujours un endroit où revenir, avec des gens qu'on aime et qui nous aiment, où qu'on aille. Des festivités dignes d'une princesse étaient le minimum qu'elle méritait, même s'il savait bien qu'autant d'abondance la gênerait plus qu'autre chose.
« A quoi tu penses Lirou ? »
« Hm ? », réagit Merlin. « A rien en particulier, désolé. »
« Tu penses encore aux beaux yeux de ton crétin royal ? », fit malicieusement l'adolescente.
« J'y pense tout le temps, malgré moi. Ce n'est pas prêt de changer. », avoua Merlin. « Mais maintenant, avec ce que j'ai vécu avec Freya, c'est plus compliqué. »
« ... tu lui en veux, hein ? »
« Oui. », convint le magicien. « Pourtant, je sais qu'il n'a accompli que son devoir envers Camelot. C'est idiot. »
« Le monde n'est qu'ambivalence grand frère, rien n'est complètement mauvais, rien n'est complètement bon. Même la pire des personnes n'est pas totalement mauvaise, parce qu'elle tient forcément à des gens. Même la meilleure des actions, ou la plus juste, peut avoir des répercussions désastreuses et rendre beaucoup de personnes tristes. Qu'est-ce-que la justice, au fond ? Ce sont les humains qui la déterminent, mais la justice des humains n'est rien, ce n'est qu'une justice d'argent et rang social. La véritable justice, c'est celle de ce monde-même. »
« De quoi tu parles ? »
« Une vie pour une vie, une bonne action pour une mauvaise action. Une bonne action est effectuée en réponse à une mauvaise, quelqu'un prend son premier souffle en réponse à la mort d'un autre. Et vice-versa. La nature établit sa propre justice pour conserver cet équilibre. Une pièce a deux faces grand frère, pas une, et on récolte toujours ce que l'on sème. Chacune de nos actions a un coût. Et c'est pour ça qu'aucun humain au monde ne pourra imposer sa justice à notre monde, et que la justice humaine n'a que peu de valeur, au fond. »
« Que serait la « bonne » justice humaine selon toi, dans ce cas ? »
« Depuis quand tu t'intéresses à ce que je déblatère à propos des fondements de ce monde ? Cela a toujours paru trop... abstrait pour toi. »
« Depuis que je m'efforce de faire d'Arthur un bon Roi. »
« Décidément... enfin peu importe. A mes yeux, il n'y a pas vraiment de « bonne » justice provenant des humains, mais je pense que ce qui serait le plus proche de la justice naturel reste tout de même de juger les gens sur ce qu'ils ont dans le cœur, ce qu'ils ont fait et dans quelles circonstances. On peut faire le mal par contrainte par exemple, et cette contrainte doit être prise en compte lors du jugement. », expliqua Aurore. « Autre exemple : toi. Tu es né avec des pouvoirs, comme moi, mais tu ne l'as pas choisi. On ne l'a pas choisi. Et malgré le risque extrême, tu n'hésites pas à t'en servir pour aider et protéger. Ne penses-tu pas que ces éléments devraient être pris en compte, et que tu ne devrais pas être condamné seulement sous prétexte que tu es né avec des dons et que tu t'en sers ? »
« Je vois où tu veux en venir... Arthur apprendrait beaucoup de toi, j'en suis sûr. »
« Je suis certaine que tu lui apprends déjà tout le nécessaire. Tu fais de l'excellent travail quand il est question des gens que tu aimes Lirou. »
« Tu trouves ? »
« Oui. C'est quelque chose que j'admire chez toi. Tu te démènes pour que ceux que tu aimes soient heureux... quitte à ce qu'ils soient loin de toi. C'est une grande qualité. »
« Et toi, tu dresses ton épée contre tout ce qui est injuste à tes yeux, peu importe les conséquences. Tu t'es retrouvée bien trop souvent blessée par ma faute... », soupira Merlin. « Tu es peut-être très douée avec une épée, mais tu as la force d'un moucheron, petite sœur. Surtout quand tu avais moins de dix ans. »
« Héhé ! C'est de famille. Ceci dit, voyager, ça muscle ! Je t'assure. », affirma Aurore. « Bon, on fait la course ! En avant Moonlight ! »
Aurore poussa sa monture au galop, très vite imité par Merlin.
« C'est pas juste ! Tu es partie avant !! »
L'adolescente rigola, puis les rires du magicien vinrent très vite s'ajouter aux siens. Elle regarda un instant par-dessus son épaule et son cœur se réchauffa en voyant le sourire radieux de son aîné. A ses yeux, le monde pouvait bien aller mal, tant que Merlin souriait, elle savait que tout pouvait s'arranger.
Son sourire n'avait pas de prix.
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