Défiance Part. 2

Le lendemain après midi, Tetsuya, aida Naomi et Saki à descendre d'une élégante voiture noire aux vitres teintée.

- Est-ce qu'on peut enfin retirer ces fichus bandeaux ?

Demanda Saki tandis qu'il les guidaient les jusqu'à l'imposante porte d'entrée du domaine Hagane.

- Sorcière...

Grommela Tetsuya en jetant un regard en coin à Saki tandis que deux hommes en costume refermaient la porte derrière eux et qu'un troisième s'occupait de retirer les bandeaux qui leur cachaient la vue.

- Woua, elle est immense cette maison... Mais je ne comprend toujours pas pourquoi tu nous as bandé les yeux...

- Question de sécurité...

- C'est louche comme attitude... C'est des méthodes de pervers ou de mafieux, ajouta Saki.

- En tout cas ça ne t'a pas empêché de venir.

- Jamais je n'aurai laissé Naomi monter seule dans une voiture teintée avec trois type louche, surtout les yeux bandés. Tu m'as presque forcé la main sur ce coup.

- Parce que tu crois que si j'avais voulu l'enlever, ta présence aurait changé quelque chose ?

- Tu veux une démonstration ? proposa Saki en faisant craquer calmement ses phalanges.

- J'aurai dû te bâillonner et ligoter à la place...

Ils remontèrent tous les trois, une grande allée en pierre taillée qui traversait un élégant jardin traditionnel sommeillant paisiblement sous une fine couche de neige. Sous l'imposant porche, ils furent accueillis par deux rangées d'hommes en costume noir, qui s'inclinèrent à mesure qu'ils avançaient. Les hommes ouvrirent les portes donnant sur un immense hall d'entrée et Naomi, submergée par l'angoisse de revoir Akito depuis la veille, sentit son estomac se nouer davantage.

Une fois à l'intérieur, les filles eurent l'impression d'avoir remonté le temps, ils empruntèrent un long couloir dont le sol étaient en bois noir laqué, le soleil pâle de l'hiver filtrait à travers le washi des shoji, et les motifs des fusuma semblaient peints à la main. Complètement indifférent à ce décor d'un autre siècle, Tetsuya les escorta jusque dans une salle remplie de grande pièces de tissu de soie.

- Comme vous l'avez remarqué, ici c'est un peu traditionnel. Quelqu'un va venir vous habiller, histoire que vous ne fassiez pas trop tâche dans le paysage.

Et sur ces mots il quitta la salle.

Certaines des plus belles pièces de tissu étaient délicatement étendues sur des fils à linges, exposés tel de majestueux tableaux, afin de leur éviter tout pli disgracieux. Naomi était si anxieuse qu'elle était totalement incapable d'apprécier la beauté de ses oeuvres d'arts ambulantes.

- Je sais pas si c'était une si bonne idée... lâcha Naomi, dès qu'elles se retrouvèrent seules.

Tout en admirant le détails et la minutie des motifs d'un furisode bleu profond réhaussé de fine broderie dorée, Saki lui répondit :

- C'est clair que cette famille tourne pas rond mais tu n'auras peut être jamais plus l'occasion de le revoir si on part maintenant. Il faut absolument que tu le fasses revenir à la raison et que tout rentre dans l'ordre. D'ailleur maintenant qu'on est là tu n'es plus obligée de rentrer dans le jeu de son frère...

Naomi cligna des yeux interdite.

Était-ce bien Saki qui venait de dire cela ?

- Depuis quand tu tiens à ce point à ce qu'on se réconcilie ?

- Depuis que j'ai vu dans quel état tu es depuis qu'il est partit.

Naomi rougit jusqu'à la pointe des cheveux. Elle aurait dû se douter que si Azuka avait remarqué son mal être, il ne serait pas passé inaperçue aux yeux de sa meilleure amie, surtout si cette dernière était Saki.

- Je pensais que tu le détesterais encore plus après tout ça...

- Je le hais.

- Ah...

- Mais toi tu l'aimes et tu as besoin de lui... J'ai compris la leçon, je préfère être là pour veiller sur toi. En fait j'étais plutôt contente qu'il ne soit pas venu, mais te voir faire semblant de vivre c'est trop dur à supporter.

Ne trouvant pas ses mots, Naomi se contenta de serrer Saki contre elle de toute ses forces.

- Et puis comme on dit "Sois proche de tes amis, et encore plus de tes ennemis."

La porte s'ouvrit, faisant sursauté Naomi. Deux femmes entrèrent et prirent leurs mesures, avant de leurs faire choisir leurs kimono. Une bonne heure plus tard, nos amies étaient toutes deux vêtues d'élégant kimono. Celui de Naomi était un Furisode en soie de couleur lila, orné de fleurs de jasmin et de fines branches sinueuses, Saki quant à elle portait un Hohmongi noir parsemée de fragiles pétales de fleurs de cerisier. La domestique prit congé, l'air exténuée.

- Hum... J'aurais préféré quelque chose d'uni... déclara Saki en regardant ses manches évasées d'un air dubitatif.

- C'est ce qu'ils avaient de plus sombre, à part des mofuku.

- Je vois pas en quoi c'était un problème que j'en porte un...

- Ah enfin ! Vous êtes un peu plus présentables ! Allez dépêchez vous, on a perdu assez de temps.

Sur ces mots Tetsuya, qui était maintenant accoutré d'un kimono doré relevé d'un rouge criard, les entraina avec lui. En chemin ils croisèrent un nombre impressionnant de domestiques en tout genre, tous vêtus de kimonos traditionnels, s'affairent frénétiquement à leur tâches, en prenant néanmoins un soin bien particulier à s'arrêter pour saluer respectueusement leur jeune maître, dès qu'ils l'apercevaient.

- En période de fêtes les visites s'enchaînent alors le personnel est un peu à cran, surtout avec la grande cérémonie prévue demain matin.

Expliquait le frère d'Akito juste avant d'entrer en collision avec une infirmière sortant d'une chambre. Pendant qu'elle se répendait en excuses d'un air paniqué, Naomi pu apercevoir un lit ressemblant étrangement à un lit d'hôpital et la silhouette d'un homme branché à un respirateur. Une nouvelle vague d'angoisse emporta Naomi qui ne pu s'empêcher d'imaginer le pire.

- Comment va-t-il ? demanda Tetsuya en balayant les excuses de l'infirmière d'un revers de main.

- Il a repris connaissance ce matin, répondit-elle en refermant la porte coulissante.

- Ah... Tant mieux, prévenez ma mère je vous prie.

- Bien monsieur, acquiesça l'infirmière en se penchant bien bas.

- C'était qui dans cette pièce... ? demanda Naomi, le coeur battant, en fixant la porte fermée.

- Ca ne te regarde pas...

- Est-ce que c'est... Akito ?

Tetsuya poussa un soupire à mi chemin entre l'accablement et l'exaspération.

- C'est mon arrière grand père, il est aux portes de la mort alors il a voulu finir sa vie près de sa fille, mais ma chère mère n'a pas de temps à lui accorder, elle est en voyage d'affaire aux états-unis.

- Oh... Je suis vraiment désolée...

- Comme je te l'ai dis ça ne te regarde pas...

D'abord atterrée par la triste révélation de Tetsuya, elle réalisa soudain qu'elle ne savait rien de la vie d'Akito. En y repensant bien, il avait toujours habilement évité le sujet. Comment pouvait-elle aimer à ce point un homme qu'elle ne connaissait pas ? Ce questionnement laissa place au souvenir de sa rencontre avec cette femme sévère et froide qu'était la mère d'Akito et Naomi ne fut pas vraiment surprise d'apprendre qu'elle ne se souciait guère du sort de son père.

Ils reprirent tout les trois leur route à travers le dédale de couloirs de la résidence. Naomi avait l'impression de tourner en rond mais Tetsuya semblait parfaitement savoir où aller. Une rumeur se fit entendre d'une porte au bout du couloir, à mesure qu'ils approchaient d'une porte richement décorée, le brouahah s'intensifiait. Tetsuya regarda sa montre.

- Parfait, pile à temps. Soyez sages, riez à mes blagues et ayez l'air absolument ravies d'être là.

On ouvrit la porte coulissante pour eux et tous les regards des invités présents dans la pièce se tournèrent vers eux. A la manière d'un gentleman, Tetsuya tendit tour à tour ses bras à ses deux invitées.

Déstabilisée par ce geste de galanterie surjoué, la blonde hésita un instant avant de céder sous le regard aussi chaleureux qu'insistant que lui lançait leur hôte. Lorsqu'il arrêtait d'être lui même, la ressemblance de Tetsuya avec Akito la troublait énormément. Se sentant rougir, elle saisit timidement son bras tandis que Saki le fusillait silencieusement du regard.

- Tu ferai mieux de jouer le jeu toi aussi, si tu veux vraiment aider ton amie... grommela Tetsuya entre ces dents sans se défaire du sourire postiche qu'il avait enfilé avant que la porte ne s'ouvre.

Les filles échangèrent un regard et devant l'expression suppliante de Naomi, Saki céda à son tour en soupirant. Elle attrapa le bras de Tetsuya et y enfonça ses ongles en affichant un sourire niais. Le frère d'Akito dut retenir un cri de douleur pour faire bonne figure et pour se venger, il attrapa Naomi par la taille et la serra contre lui. Puis il les guida jusqu'à leurs places, se frayant un chemin entre les murmures et les regards des membres du clan Nagaruma qui un verre à la main, les saluaient sur leurs passage.

Ils prirent place sur de petits coussin à même le sol, autour d'une longue table basse qui formait un immense rectangle au centre de la pièce, seulement quelques invités y étaient déjà attablés. Naomi cherchait nerveusement Akito des yeux, mais il n'était manifestement pas là. Il ne cessait de vérifier nerveusement sa montre. Tetsuya claqua des doigts et on leur servit à boire.

- On peut savoir à quoi tu joues ? lui glissa froidement Saki à l'oreille.

- Qu'est ce qu'on fait là ? demanda Naomi en se penchant vers lui à son tour, où est Akito ?

Le silence retomba à nouveau dans la pièce et un sourire mauvais étira les lèvres de Tetsuya. Il attrapa précipitamment ses deux invitée par les épaules en éclatant d'un rire aussi factice que sa bonne humeur apparente.

Qu'est ce qui lui prend tout à coup ? se demanda Naomi.

Soudain, comme un coup de tonnerre, la voix d'Akito résonna dans ses oreilles.

Tetsuya se leva pour accueillir son frère à bras ouverts.

- Le retour de l'enfant prodigue ! lança-t-il à l'attention de son ainé.

Instinctivement, Naomi se retourna pour vérifier qu'elle ne rêvait pas. Akito était bel et bien là, sous ses yeux. Vêtu lui aussi d'un kimono traditionnel mais beaucoup plus sobre et élégant que celui de son frère. Il avait l'air fatigué, les poches sous ses yeux pouvaient témoigner de son manque de sommeil.

- Tetsuya je t'ai déjà dit de ne pas ramener tes conquêtes d'un soir ici...surtout quand....

Il s'interrompit à la seconde où son regard se posa sur Naomi. Celle-ci s'était levée, de peur qu'il ne lui échappe à nouveau, elle était prête à se jeter dans ses bras.

- Surtout quand il y en à deux en même temps ... termina-t-il en fronçant les sourcils, feignant de ne pas la reconnaître, la gelant sur place.

- On a bien le droit de s'amuser, lui rétorqua son frère en haussant les épaules. Tu dois avouer que celle-ci n'est pas dégueu... je pense que je vais faire d'elle ma régulière,

Le provoqua Tetsuya en prenant Naomi par la taille, la pressant contre lui. Elle mit un moment avant de revenir à elle et de se dégager de l'étreinte de Tetsuya qui affrontait son frère du regard avec un sourire narquois.

- Tu n'as vraiment aucun honneur, le réprimanda une femme au cheveux de feu tout en s'appuyant nonchalamment sur l'épaule d'Akito.

- Toi ferme là ! T'as rien à dire !

- Hisa ne te mêle pas de ça... Il n'a qu'à en faire ce qu'il veut... comme d'habitude, soupira Akito en allant prendre place à l'autre bout de la pièce sans accordé un seul regard à Naomi.

- Et c'est repartit... lança un invité qui semblaient habitué à assister à ce genre de scène.

Tandis que Tetsuya et Hisa se chamaillaient, Naomi eu l'impression de se désincarner, elle se laissa mollement retombée sur sa chaise, elle n'entendait plus que son coeur tambouriner dans ses oreilles. En acceptant de jouer le jeu avec Tetsuya Naomi s'était préparée à beaucoup de choses, une dispute, une bagarre ou pire... mais pas à ça. Pas à autant d'indifférence.

Hisa...

Ce prénom... cette voix... elle les connaissait. C'était la femme qui avait répondu au téléphone à la place d'Akito la veille de la soirée du nouvel an. A nouveau la main crochue de la jalousie lui enserra les entrailles. Elle avait été si obnubilée par l'appréhension et son désir de revoir l'homme qu'elle aimait, qu'elle en avait complètement oublié l'existence de cette femme. Et qu'elle femme... C'était la sensualité et l'assurance incarnée. Tout le contraire de Naomi. Elle sentit une rage folle s'emparer de tout son être, brûlant en elle comme un brasier. L'image du corps sans vie d'Hisa, complètement désarticulé, gisant dans une marre de sang, lui vint en tête, et Naomi constata que cette vision lui faisait le plus grand bien. Fixant sa rivale avec une intensité meurtrière, elle attrapa ses baguettes et les serra si fort que ses phalanges blanchirent sous la pression. Elle sentit ses cheveux se hérisser sur son crâne. Elle avait l'impression de perdre pied, de manquer d'air, de sombrer de plus en plus profondément dans les tréfonds de son désespoir. Les poings et les dents serrés à l'extrême, elle fit un pas en direction de la rousse.

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