Prédominance

D'abord un peu surprise elle acquiesça d'un signe de tête et se leva lentement avant de le suivre. Il sortit à grand pas de la salle. Elle marchait derrière lui en essayant de voir son visage mais sans succès. Elle se demandait ce qu'il avait bien pu entendre ou voir, ce qu'il pouvait penser à cet instant et surtout, ce qu'il voulait lui dire... Voir son visage l'aurait aidé à deviner ce qu'il pensait mais il marchait trop vite et ne la regarda pas un seul instant. En tout cas, ce qu'il venait de se passer lui avait fait abandonner toute prudence. Heureusement pour eux, ils ne croisèrent pas le trio diabolique que constituaient Mitsuko Yuka et Karine.

Arrivés dans son bureau, il claqua la porte derrière eux et se mit à regarder par la fenêtre les bras croisés, sans même lui jeter un regard. Elle s'approcha de lui pour lui demander se qu'il se passait. Pourquoi avait-il prit le risque qu'on les voit ensemble ici ?

- Je vois que tu t'es fait un nouvel ami. Il n'a pas perdu de temps.

Le ton de sa voix trahissait son énervement. Ne sachant pas ce qu'il avait pu entendre, elle préféra ne rien lui cacher.

- Oh, ce n'est pas ce que tu crois... Je... Il m'a invité, je n'ai rien eu le temps de dire.

- Il a eu le temps de se montrer familier avec toi , lui.

- C'est mon binôme en cours d'expression. Sa proposition m'a surprise, je n'ai ...

- Tu t'étais bien gardé de me le dire ça... Et tu comptes y aller ?

- Je... n'ai pas pu refuser, et ça serait malpoli de ...

Son visage était fermé et son regard glacial. Il n'avait pas détourné les yeux de la fenêtre de toute la conversation.

- Tu veux peut-être tenter ta chance avec lui ? Vous avez le même âge après tout, répliqua-t-il d'un ton glacial

- Mais je...

- Il à ton âge ça devrait être plus simple...

- Ne dis pas ça... Arrête s'il te plait....

Elle posa sa main sur son épaule. Il se retourna à peine, la fixa et haussa le ton en montrant la porte d'un geste vif :

- Alors qu'est-ce que tu attends ? Vas-y... Cours le rejoindre !

A ces mots, elle réalisa que sous ses airs froids, cette attitude et ses mots glacés, bouillonaient des craintes, une fragilité, et un besoin constant d'affection. Comment quelqu'un comme lui pouvait à ce point manquer de confiance en soit ? Lui qui avait toujours l'air si sûr de lui, lui qui n'avait qu'à Elle se mit sur la pointe des pieds pour l'embrasser avant de lui murmurer.

- Mais...C'est vous que j'aime monsieur Nagaruma.

Ses traits se défigèrent instantanément, et son air renfrogné se transforma en une expression de surprise et de gêne tandis que son visage prenait une teinte rosé.

- Qu...Répète ça ?

- Je t'aime. C'est vrai que je ne te l'ai jamais vraiment dit clairement. Mais je t'aime, toi et personne d'autre. Tu me fais me sentir plus forte chaque jour. Tu es ma raison d'avancer de m'améliorer, de me surpasser.

Elle se serra contre lui, c'est encore surpris qu'il la prit à son tour dans ses bras. Elle ne lui avait jamais dit, concrètement ses sentiments. Même s'il pensait le savoir, entendre ce qu'elle ressentait pour lui pour la première fois fit disparaître toute la colère, la détresse et les ressentiments qui le submergeaient pourtant quelques secondes plus tôt. Il ne lui en voulait plus, car après tout ce n'était pas elle le problème...

Le lendemain, en fin de journée, alors qu'elle rejoignait sa salle de cours, perdue dans ses pensées comme à son habitude, quelqu'un l'attrapa par le poignet. Elle s'arrêta net. C'était Azuka, il paraissait gêné et agacé à la fois.

Il se frotta la tête avant de parler, comme si ce qu'il avait à dire n'était pas facile.

- Naomi... Je suis vraiment désolé, mais je ne vais pas pouvoir te voir ce soir...

Annonça-t-il, le ton de voix trahissait sa contrariété.

-... Ni aucun soir d'ici les vacances de noël d'ailleurs.

Ajouta-t-il plein de dépit. Encore surprise par cette interpellation, elle ne répondit rien, il reprit rapidement :

- C'est pas ma faute tu sais. C'est Nagaruma, l'prof de civi' anglaise. Il a trouvé que mes travaux étaient trop faibles et m'a collé des cours de soutien tous les soirs pendant un mois avec monsieur Shizuka. Et comme si ça suffisait pas, on doit faire un compte rendu de vingt pages pour dans deux semaines. Alors on ne se verra plus que pendant les intercours...

- Ah... Naomi parut soulagée l'espace d'un instant.

- Tu as de la chance de pas avoir ce connard comme prof...

Naomi se raidit, le soulagement avait laissé place à l'irritation.

- Désolé... Il faudra bosser l'exposé en classe d'expression orale, pendant que les autres groupes passeront , continua-t-il.

- D'accord... J'dois y aller. Au revoir.

Il resta immobile un moment, se demandant pourquoi elle avait eu l'air rassurée d'échapper à leur rendez-vous.

Deux semaines s'écoulèrent, Azuka saisissait chaque occasion de lui adresser la parole, lorsqu'ils se croisaient dans les couloirs, lui demandant sans cesse comment elle allait, ou lorsqu'ils se retrouvaient dans le même cours, en lui empruntant ses affaires sans qu'elle ne l'autorise vraiment à le faire. Naomi se demandait parfois pourquoi il faisait tant d'efforts pour tenter dès créer un lien entre eux alors qu'elle même n'en faisait aucun.

Malheureusement pour Azuka, le professeur Nagaruma traînait très souvent vers les salles où se déroulaient les cours de Naomi, inventant n'importe quel prétexte pour qu'Azuka ne puisse pas lui adresser la parole plus de quelques secondes

«Monsieur Honda ! Venez par là : Pour quelle raison courriez vous dans les couloirs ?»

«Azuka Honda ! Vous serez de corvée de nettoyage pour le reste de la semaine.»

«Honda !»

En quelques semaines, le professeur Nagaruma s'était tellement acharné sur lui que Azuka avait finit par le détester. L'animosité qui s'était installée entre eux était presque palpable lorsqu'ils se retrouvaient dans la même pièce ou se croisaient dans les couloirs. La guerre était bel et bien déclarée. Le professeur n'hésitait pas à lui lancer sa craie en pleine tête dès qu'il ouvrait la bouche, lui demandant régulièrement de quitter sa salle de cours et surtout ne lui accordait jamais la moyenne. Azuka qui ne comptait pas se laisser faire, avait plusieurs fois tenté de répliquer face à l'injuste traitement que lui infligeait Akito. Bloquant la brosse du tableau en haut de la porte coulissante pour qu'elle tombe sur lui lorsqu'il entrerait, écrivant des obscénités à l'intérieur du tableau à rabat ou encore déversant de la colle extra forte sur sa chaise avant qu'il n'arrive. Cependant Akito, arrivait toujours à contrer les tentatives désespérées de l'étudiant, à déjouer tous ses pièges. Il gagnait, bataille après bataille avec classe et élégance jusqu'à ce que le jeune homme se rende à l'évidence et se rende tout court. Il ne pourrait pas le vaincre...

Un vendredi soir alors qu'Azuka et ses amis croisaient le regard terrifiant d'Akito dans les couloirs :

- Je sais pas ce que tu lui as fait vieux, mais il a l'air de t'en vouloir à mort, lui fit-remarquer Kuro.

- Oh laisse-tomber. De toute façon je ne compte plus aller me faire chier à ses cours, il m'a prit la tête, répondit Azuka, en essayant de paraître désinvolte.

- Tu abandonnes ?!! demanda son ami incrédule.

- J'ai demandé un transfert de classe pour ce cours, dit-il d'un ton triomphant accompagné d'un sourire, mais le regard épuisé du jeune homme trahissait sa défaite.

Le professeur quant à lui, tenait une forme olympique, et réussissait à vaincre ses adversaires sur tous les plans. En effet, au cours des dernières semaines, Karine Mitsuko et Yuka s'étaient données pour mission de suivre Akito pour en apprendre plus sur lui. Leur objectif principal était de découvrir où il logeait. Une rumeur disait qu'il vivait sur le campus, mais personne n'avait jamais réussis à la confirmer. Pour lever le mystère, elles le suivirent sans relâche tous les soirs pendant une semaine. Mais malgré leurs efforts, le professeur était insaisissable : un véritable ninja. A un simple coin de rue, d'une salle à une autre, ou même au beau milieu de la foule, il était capable de disparaître à la vitesse de l'éclair.

Pourtant un homme de cette classe, portant constamment un veston blanc ne pouvait passer inaperçu. Elles avaient beau essayer de trouver comment il s'y prenait: rien à faire. Mise à part la magie, aucune explication ne semblait pouvoir expliquer le phénomène.

Un soir cependant, elles crurent avoir enfin mener à bien leur mission. Peu après l'heure du chien, une fois de plus, elles le suivaient avec toute la discrétion dont elles étaient capables. Alors qu'il venait de tourner à l'angle d'une rue déserte : il s'arrêta pour fouiller dans sa poche. Se rapprochant peu à peu sans bruit, elles arrivèrent à quelques mètres du professeur. Tout à coup, il se retourna, le regard glaçant. L'index tendu vers elles, le pouce levé au ciel : il imitait le canon d'un revolver.

- Bang !

Leurs fit t-il, laissant son bras jouer le recul de l'arme. Puis, par un clin d'œil, acheva de tétaniser ses victimes.

- Vous ne devriez pas suivre les gens comme ça, dit-il avec un sourire bienveillant inattendu.

- D-désolée senseï. Bégayèrent les trois fans énamourées, paralysé autant par la surprise que le charme.

- Rentrez chez vous, il va commencer à faire nuit.

- B-bien senseï ! Dirent-elles au garde à vous.

Le professeur reprit alors sa route écœuré par sa propre attitude.. Mais dès qu'elles furent hors de son champs de vision, elles se ruèrent à sa poursuite. Dans leurs précipitations, elles heurtèrent un autre étudiant.

- Encore toi le bigleux ! Dégage de là !

Regardant tout autour d'elles elle ne virent aucunes traces de leur professeur adoré. Elle demandèrent alors de l'aide à celui qu'elles venaient de rabrouer.

- T'as pas vu passer Nagaruma sensei par hasard ?

- Pourquoi vous le chersser ? Répondit le binoclard mal coiffé, en gardant la tête basse et le dos voûté.

- C'est pas tes affaires.

- Z'viens d'le voir passé, dit-il en boutonnant son manteau.

- Il est partit par où ?

- 'Pas mes affaires.

Le binoclard s'éloigna sans ajouter un mot. Un sourire satisfait accroché aux lèvres, tandis que Yuka retenait Mitsuko qui, de rage, avait faillit se jeter sur lui. Elles étaient encore une fois rentrée bredouille.

- Moi j'abandonne ! déclara Mitsuko. J'en ai marre !

En arrivant chez sa belle, le professeur ferma les rideaux et enleva sa veste réversible blanche et noire, se préparant à passer une soirée tranquille avec Naomi.

- Je suis rentré !

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