Névrose
Dans la dernière salle du test, alors qu'elle expliquait la légende du teke teke, Naomi entendit, un bruit de porte retentir derrière elle, elle se retourna : Stefen avait disparu. Croyant à une blague de sa part elle se mit à l'appeler.
- Stefen ?
Aucune réponse.
Elle entendit du bruit provenant du placard et s'en approcha prudemment.
- C'est très drôle mais on ne doit pas trop trainer.
Soudain, une main se posa sur son épaule.
- Hé hé hé....
- Ah tu es là, tu m'as presque fait peur.
Elle lui fit face, mais ce n'était pas Stefen.
- Oh mais qu'avons-nous là, une souris égarée ? demanda un professeur déguisé en meurtrier couvert du sang frais de sa dernière victime.
- C'est mon jour de chance, ajouta-t-il d'une voix menaçante, en se léchant les lèvres.
Les yeux de Naomi s'emplirent de larmes et sans comprendre pourquoi, elle se mit à hurler.
- NON ! A L'AIDE ! LAISSEZ-MOI !
Akito, qui se trouvait juste à la sortie de la salle, reconnu la voix de la blonde et sans réfléchir une seule seconde, se précipita à son secours, sous le regard de Mitsuko dont les traits se déformèrent sous le coup de la colère.
Un bruit sourd retentit dans le fond de la pièce alors qu'Akito attrapait l'épaule du professeur penché sur une Naomi terrifiée et recroquevillée sur elle-même. S'apprêtant à abattre son poing sur le visage de l'homme, il s'arrêta net lorsqu'il vit le regard paniqué et désemparé de ce dernier.
- Que s'est-il passé ? demanda Akito tentant tant bien que mal de se contenir.
- Je... Je sais pas.. Rien... Je jouais mon rôle normalement et... elle a hurlé et tout à coup elle s'est mise à pleurer et à trembler.
- C'est bon je m'en occupe.
- Désolé, je ne pensais pas que...
- Retournez donc à votre poste. Et faites sortir les imbéciles qui se cachent dans ce placard, tonna Akito en aidant Naomi à se relever.
Tandis qu'Akito escortait Naomi hors de la pièce son collègue ouvrit le placard et y trouva Stefen, la bouche couverte par la main de Karine tandis que Yuka l'empêchait de se débattre.
Une fois dans le couloir, croisant le regard meurtrier de Mitsuko, Naomi s'écarta du professeur Nagaruma. Cette précaution ne fut pas suffisante car la harpie lui fit un croche-pied lorsqu'elle passa à sa hauteur, si bien qu'elle manqua de tomber dans l'escalier. Fort heureusement le professeur Nagaruma parvint à la rattrapée in extremis, lui évitant la chute. Une fois encore Naomi eu un geste de recul et se dégagea des bras protecteurs du professeur.
- Je vais te raccompagner, proposa-t-il, semblant oublié tout ce qui les entourait.
- Non, ça ira je vais me débrouiller.
Aussitôt que Naomi fut sortie de son champ de vision, Akito agrippa le poignet de la garce et la tira vers lui. Son poing serré, tremblait autant que sa voix.
- Ne t'avise plus jamais d'harceler N... une des tes camarades devant moi.
La brutalité soudaine de ce premier contact corporel et la proximité du visage du professeur la firent frémir d'excitation. Dégoûté par l'expression de Mitsuko, Nagaruma la repoussa, manquant de la projeter au sol. Il s'éloigna en fulminant tandis qu'elle se massait le poignet un sourire aux lèvres.
La petite blonde termina sa soirée dans sa chambre, redoutant le moment où Karine viendrait se coucher. Ruminant tous les gestes inconsidérés du professeur Nagaruma. Tout ce qui aurait pu mettre en péril leur secret. Ils étaient trop nombreux, beaucoup trop. Tous ces regards, ces sourires, ces élans de bontés, d'héroïsme. Son attitude en disait beaucoup trop long...
22h54 <3 : Où es-tu ? Je t'ai cherché partout.
Dans ma chambre. 22h55
22h55 <3 : ... Tu veux que je passe ?
Non surtout pas... 22h57
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On devait éviter de se v|
Soudain, interrompant l'écriture de son message, la porte de la chambre s'ouvrit faisant sursauter Naomi qui manqua de laisser échapper son téléphone.
Karine resta quelques instants dans l'encadrement de la porte, l'air gêné. Surprise de voir pour la première fois à quel point les cheveux de Naomi étaient longs lorsqu'ils étaient détachés, elle voulut lui faire la remarque mais voyant la blonde détourner le regard, elle préféra s'abstenir. Elle s'avança pour déballer son futon et une fois installée à l'autre bout de la pièce, se mit à l'observer. Un silence de mort régnait dans la pièce alors que Naomi lisait un nouveau message d'Akito, qui s'inquiétait déjà de ne pas avoir de réponse. Après un long moment d'hésitation Karine se lança.
- Tu as de très beaux cheveux. On ne se doute pas un seul instant qu'ils sont si longs.
- ...
- Ecoutes je suis désolée pour ce soir....
Devant le mutisme anxieux de Naomi, Karine continua de se répandre en explication.
- Yuka et moi on n'était pas trop pour te faire cette blague... Mais tu sais comment est Mitsuko, si on ne lui obéit pas au doigt et à l'œil...
A genoux sur son futon, Karine se rapprocha prudemment d'une Naomi qui n'avait toujours pas bougé d'un cil, fixant, sans répondre, son téléphone qui vibrait à intervalle régulier.
Appel entrant :
<3
- Tu ne décroche pas ? demanda la curieuse en lorgnant sur le téléphone.
- Non... répondit Naomi en refermant son téléphone à clapet.
Mais il était déjà trop tard.
- C'est qui ? Ton ou ta petite amie ? Sans vouloir te juger
Naomi rougit mais ne répondit pas. Ne semblant pas se décourager, Karine se mit à lui poser des tas de questions. A montrer de l'intérêt pour le style vestimentaire de la blonde et à plaindre son exclusion sociale auquel Karine se voyait forcée de participer malgré elle. Elle essayait vraiment de faire tout son possible pour être agréable, s'extasiant devant les gribouillis que Naomi griffonnait nerveusement dans un carnet en imitant les gestes Saki pour se rassurer, pour se donner l'illusion que son amie était un peu là, avec elle pour la protéger. Puis, Karine s'était mise à parler de sa vie à elle, les prouesses de sa sœur aînée qui faisait tout mieux que tout le monde, de son chat qui bave partout. Elle montra même à Naomi des photos du félin et elles finirent par en rire ensemble.
Malgré une patience d'ange, Karine n'était pas parvenue à arracher plus d'informations à Naomi. Avant de se coucher elle lui fit jurer de ne jamais dire à Mitsuko qu'elle avait sympathisé avec elle.
- Si on te demande je t'ai fait vivre un enfer... Tu comprends, elle me tuerait si elle savait...
En s'endormant, Naomi finit par se dire que peut être, sa camarade de chambre n'avait pas si mauvais fond. Même si la curiosité de Karine lui avait parut légèrement déplacée.
Plus tard dans la nuit. Naomi se réveilla au bruit d'une porte qui coulisse. De ses yeux encore pleins de sommeil, elle vit une silhouette se glisser en dehors de la chambre. Karine n'était plus là. Elle chercha son téléphone à tâtons pour regardé l'heure, sans résultat, il n'était plus là. Une panique viscérale lui souleva le cœur et lui tordit les entrailles. Ce n'était pas l'attitude d'Akito qui allait précipiter leur chute, mais bien elle, son propre téléphone, son jardin secret qu'elle avait exposé à la vue de tous. Elle se rua dans le couloir, son cœur battant si fort qu'il aurait pu jaillir de hors de sa poitrine à tout instant. Elle suivit l'ombre de Karine jusqu'aux toilettes n'ayant aucune idée de ce qui l'attendait. Se retrouvant face à la porte fermée elle s'arrêta. Qu'allait-elle bien pouvoir faire ? Était-il déjà trop tard ? Elle colla son oreille sur la porte et entendit des murmures enflammés qui, très vite, laissèrent place à des chuchotements agacés. Sans pouvoir réfléchir davantage, elle poussa la porte des toilettes et le piège des trois pestes se referma sur elle.
En la voyant, l'expression de Mitsuko se mua en un sourire suffisant, agitant le téléphone de Naomi d'un geste nonchalant elle lui dit :
- Ah te voilà ! On avait justement besoin de toi.
- Qu'est-ce que vous faites ? Rendez-moi mon téléphone ! ordonna la voix tremblante de Naomi.
- D'abord, tu vas répondre à quelques-unes de nos questions. Yuka se glissa derrière elle l'a privant de toute chance de retraite pendant que Karine ricanait de la réussite de son plan.
- C'est quoi ton petit jeu de victime devant Nagaruma sensei ?
- ... Je...
- On a bien vu comme tu le regardes, ajouta Yuka en poussant Naomi qui s'effondra au sol.
Elle regarda en direction de la porte espérant qu'Akito vienne la sortir de ce mauvais pas.
- Tu penses avoir une chance avec lui ? T'es trop insignifiante qu'il s'intéresse à toi. Il ne viendra pas te sauver la mise cette fois. Tu n'es rien. Tu n'es personne... vociféra Mitsuko en se rapprochant du visage de Naomi.
- Ouais, une tarée comme toi qui s'habille en mec aura jamais la moindre chance avec lui. Ni avec personne d'ailleurs. ricana Karine.
Yuka en rajouta une couche.
- Tu fais tellement pitié avec tes yeux de cocker tout le temps.
Mitsuko poursuivit son interrogatoire.
- Pourquoi Nagaruma t'a défendue comme ça ? Pourquoi toi ?
- Je n'en sais rien... Je....
- Menteuse !
- Alors qui t'envoyait des messages ? Donne-nous le code de ton téléphone pour qu'on vérifie. Exigeât Karin en prenant le téléphone des mains de Mitsuko.
- Arrêtez je...
- Quoi qu'est-ce que tu as à cacher hein ? interrogeât Mitsuko en regardant sa victime fixer le carrelage incapable de répondre à sa question.
Mais Naomi continuait de garder le silence ne levant pas les yeux du sol. Excédée, la vipère sortit une paire de ciseaux de son sac et attrapa Naomi par les cheveux et la traîna au-dessus de la cuvette des WC.
- Bon les filles... Puisqu'elle tient tant que ça à ressembler à un mec... On va lui rafraîchir la nuque.
- Ahah, Oui ! Fais lui une vraie coupe à la garçonne.
- Ça lui apprendra.
Alors que les ciseaux se rapprochaient dangereusement de la tête de Naomi, la porte s'ouvrit à la volée.
- Arrêtez ça tout de suite ! Gronda la directrice,
- On était...c'est pas ce que vous croyez, bafouilla Mitsuko en cachant les ciseaux derrière son dos, tandis que dans la panique Karine jetait le téléphone dans la cuvette.
- Ca suffit ! Éloignez vous d'elle. Comment osez-vous traiter une de vos camarades ainsi ?
Les trois pestes se serraient les unes contre les autres terrifiées et mortifiées d'avoir été découvertes.
- Vous avez de la chance que vos parents donnent des sommes colossales à cet établissement sinon je vous aurais fait renvoyer sur le champ ! Maintenant Sortez ! Et mlle Kirya changez de chambre, allez dormir où vous voulez mais ne vous approchez plus de la chambre de mlle Uchida.
Les escortant hors des sanitaires la directrice continuait son sermon, laissant Naomi seule, à genoux dans les toilettes; le regard dans le vide, son téléphone gisant au fond de la cuvette à côté d'elle.
Après quelques instant, la voix de Mme Hitode devint inaudible. Akito; dont l'instinct de l'ait pas trompé et qui après avoir prévenu la directrice n'avait pas eu d'autres choix que de rester caché au coin du couloir en serrant les poings à s'en faire saigner les paumes; rejoignit Naomi et s'agenouilla à ses côté. A peine avait-elle croisé le regard du professeur que l'étudiante fondit en larmes.
- Mon...mon téléphone.... Il est fichu....
Il l'a serra contre lui, autant pour la rassurer elle que lui même. Il aurait voulu bondir à son secours dès les premières secondes de ce guet-apens.
- Ne t'inquiète pas, je t'en rachèterai un, c'est de ma faute tout ce qui vient de se passer.
- Non, c'est de ma faute, j'aurai du me méfier. Elles ont toujours été comme ça.
- Toujours ? Ça à commencé quand ?
- Au lycée... Mais ce n'était jamais aussi extrême...
- Hum d'accord... Et pour le téléphone j'insiste, je n'ai pas pu intervenir moi même au risque de confirmer leurs soupçons. Et c'était tellement... frustrant... S'il te plait laisse moi au moins faire ça pour toi.
Ils restèrent un long moment assis par terre, à parler des brimades que lui faisait régulièrement subir le trio de tête du fan club d'Akito. Plus il écoutait Naomi plus il sentait une haine bouillonnante monter en lui, menaçant à tout moment de se déverser sur les harpies. Le simple fait de devoir faire bonne figure devant ces pestes pour qu'elles ne se doutent de rien le rendait malade d'avance. Il aurait voulu rendre justice à cette petite blonde fragile, la venger. Mais elle en parlait comme si elle racontait l'histoire de quelqu'un d'autre. Comme si elle se dissociait totalement de ce qui lui arrivait.
- Pourquoi ne m'en as-tu jamais parlé ?
- Je n'aime pas inquiéter les gens avec mes problèmes...
- Tu ne peux pas continuer à te laisser maltraiter comme ça... A tout accepter sans rien dire...
La voix du professeur tremblait autant que son poing serré. Naomi se recroquevilla sur elle même et enfouit sa tête dans ses genoux. Pourquoi lui faisait-il ces reproches ? Ce n'était pas elle qui faisait du mal aux autres. Ce n'était pas à elle de changer d'attitude... de se remettre en question. Si ?
Elle se leva et quitta la pièce sans un mot.
- Naomi... Ce n'est pas un reproche, c'est très courageux de ta part d'essayer de te débrouiller seule, mais s'il te plaît si ça recommence je veux être mis au courant. Je suis là pour toi.
- Merci...
Le sourire reconnaissant de Naomi l'apaisa. Ils s'étreignirent silencieusement, puis Naomi retourna dans sa chambre. Après ce cet au revoir tacite Akito attendit quelques minutes de plus avant de faire de même.
Naomi avait croisé Stefen. Ce dernier l'avait complètement ignorée. Elle l'avait pourtant rassemblé tout son courage pour oser l'apostropher en public, mais celui-ci avait fait mine de ne rien entendre et avait continué son chemin en se plongeant subitement dans la lecture de son livre, l'air gêné.
Tout ça, sous le regard amusé de ces harceleuses. Même si elles ne pouvaient plus la tourmenter directement à causes des menaces de renvois de la directrice. Elles prenaient un malin plaisir à observer les retombées de leur blague de la veille. Ayant entendu toutes les horreurs possibles et imaginables à propos de Naomi, il avait finit par prendre peur.
Akito quant à lui se força à rester le plus à l'écart possible de Naomi.
Elle passa donc le reste du séminaire seule, perdue au milieu d'une foule grouillante, regrettant amèrement, l'absence de Saki et la façon dont elle lui avait parlé pour la centième fois
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