Anhydrobiose Part.1
Lorsque Naomi ouvrit les yeux, elle se trouvait à l'intérieur d'un train. Une couverture enveloppée autour d'elle. Combien de temps avait-elle été inconsciente ? Une voix retentit à l'intérieur du wagon.
« Le train à destination d'Osaka arrive en gare de Nagoya. Deux minutes d'arrêt. »
Reprenant peu à peu ses esprit, Naomi se redressa. Akito était assis en face d'elle. Il paraissait pensif, absorbé, non, tourmenté par ses pensées. Il releva la tête et lorsqu'il croisa le regard de la jeune femme; se leva, sans réfléchir, prit sa valise et descendit du train. Une seule chose était sûre, il ne pouvait plus rester là. Elle tenta de se relever mais fut prise de vertige, ses jambes vacillèrent, et avant qu'elle ne puisse se reprendre le train redémarra. Au travers de la fenêtre, elle le regarda partir sans même se retourner tandis que le train s'éloignait inexorablement.
En arrivant chez elle, elle laissa tomber ses bagages sur le sol, le visage encore impassible, figé par le masque qu'elle s'était forcé à porter en public depuis que Akito avait brusquement quitté le train. Elle contempla la tristesse de cet appartement vide, pour la première fois depuis ce qui lui semblait être une éternité. Comment est-ce qu'un week-end aussi romantique avait-il pu se terminer ainsi ? C'était comme si toutes ses émotions avaient été gelées par la découverte de la vérité. Rangeant machinalement ses affaires, elle trouva au fond de l'armoire, le cadeau qu'elle aurait dû offrir à Akito pour les fêtes. En le voyant, son masque se brisa et elle fondit en larmes. Elle aurait préféré le porter pour toujours, c'était comme si il la protégeait de ce qu'elle ressentait. Mais à présent qu'il était tombé, impossible de le remettre. Une fois encore l'esprit de Naomi était partagé, déchiré entre des états d'esprit complètement opposés. La peur, la terreur que lui inspirait l'homme qu'Akito était réellement, ce qu'il était capable de faire. La gratitude et la fascination morbide qu'elle ne pouvait s'empêcher de ressentir à son égard. La délivrance d'avoir enfin eu la réponse à ce mystère qui entourait sa vie depuis ce jour fatidique. Mais ces réponses avaient soulevées d'autres questions qui tournaient en boucles dans la tête de la jeune femme, venant s'ajouter à la détresse d'avoir perdu cet être capable des pires atrocités pour elle. L'espoir peut être qu'il changerait d'avis, qu'il lui expliquerait en détails ce qu'il s'était passé, ou mieux encore, que tout ça ne soit qu'un mauvais rêve.
Pourquoi avait-elle accepté si facilement la vérité ?
Pourquoi avait-il choisit ce moment là pour disparaître ? Pourquoi n'avait-elle pas peur de lui ?
Pourquoi n'était-elle pas terrorisée par cet homme ?
Toutes ces questions et ses émotions se mélangeaient. Bouillonnant, montant en elle, lui donnant des sueurs froides. Elle n'eu le temps que de se détourner du paquet avant de vomir. Combien de temps avait-elle passées assise sur le sol, inerte, en proie à ses pensées?
Le lendemain, en se réveillant, le sceau d'eau et le balai qu'elle ne se souvenait pas avoir utiliser pour nettoyer le débordement de la veille lui prouva douloureusement que tout ça n'était pas un cauchemar.
Après d'innombrables heures passées à attendre devant son téléphone ou à regarder par la fenêtre. Naomi désespérait de voir la voiture du professeur se garer devant chez elle, ou sa moto.Elle restait dans son salon, recroquevillée sur son canapé, la télévision éteinte, regardant le sol, sans vraiment le voir. Ses yeux étaient vides, vides d'expression, comme sa vie était vide de sens à présent. Elle ne mangeait presque plus, la boule qui lui pesait sur l'estomac lui coupait complètement l'appétit.
Ses nuits étaient une succession de souvenirs qui lui revenaient les uns à la suite des autres. Comme si son cerveau, trop heureux d'avoir enfin surmonter son blocage, rattrapait le temps perdu. Chaque nuit elle revoyait cet adolescent tomber à ses pied et Akito qui la recueillait, l'aidait, la rassurait. Et chaque matin elle regrettais de s'être réveiller. Elle fermait les yeux et tentait de se rendormir, pour le retrouver, pour simplement être à ses côtés. Parfois, elle composait machinalement le numéro d'Akito avant de reprendre ses esprit et de raccrocher. De toute façon, il ne répondait jamais.
Elle se rendait tout de même au travail, se déplaçant et travaillant presque à la manière d'un zombi. Elle ne se souvenait même pas comment elle arrivait à trouver la force de se lever ni comment elle choisissait ses vêtements le matin avant de sortir de chez elle. De toute façon, cela n'avait aucune importance, rien n'avait plus d'importance à part l'espoir de voir revenir Akito. Ce vague espoir... Non, cet espoir désespéré, fou, malsain, incompréhensible, qui la terrifiait tout autant qu'elle le désirait, lui permettait de sortir de son lit et d'avaler juste assez de nourriture pour ne pas s'évanouir.
Tous les soirs, elle se rendait jusqu'à l'appartement d'Akito et le trouvait désespérément vide, elle se traînait ensuite jusque chez elle et se débarrassait de ses vêtements pour enfiler la veste qu'Akito avait laissé chez elle. Elle en respirait le col et les manches comme pour s'en imprégner.
Un soir, en rentrant du travail, elle s'arrêta sur le bord de la route et regarda le ciel, en soupirant. Les rues étaient illuminées de guirlandes et de décorations, c'était magnifique, pourtant ce spectacle ne changeait rien à la tristesse qu'elle éprouvait. Les fêtes sont vraiment le pire moment pour se retrouver seule, pensa-elle. Voilà qui parachevait parfaitement la situation de désastreuse dans laquelle elle se trouvait.
Elle était perdue dans ses pensées, quand soudain quelqu'un lui posa la main sur l'épaule. Elle eut un frisson...
Était-ce lui ? Enfin ?
Elle se retourna.
- Hey Naomi ! Alors comment tu vas ? J'me disais bien que c'était toi. Woua tu tires une de ses têtes, t'es pas contente de me voir ? Tu bosses par ici ? J'suis avec des potes, on allait manger un truc. T'veux venir ?
C'était Azuka, comme d'habitude il ne lui laissait pas vraiment le temps de parler et en disant cette dernière phrase il avait montré du pouce, un groupe de personnes se trouvant de l'autre côté de la route qui leurs faisaient signe.
- Euh non merci, je dois rentrer chez moi.
- Mais tu vas pas rentrer toute seule à cette heure-ci, tu veux qu'on t'accompagne ?
- Non, merci, vraiment ça ira.
- Rho allez, on va dans la même direction que toi.
- Je...
-Allez viens ! Ça nous fera une occasion de mieux se connaître. Insista t-il en passant un bras autour de son cou et la fit traverser la route en s'adressant à ses amis.
- Les gars ! C'est Naomi. Vous savez, la fille de mon cours dont je vous ais parlé !
- Ouais ouais c'est bon on sait... rala Kuro, les mains enfoncées dans les poches de sa veste.
C'était la première fois depuis des jours qu'elle ressentait à nouveau autre chose que l'envie de se rouler en boule dans son lit. Elle était si gênée qu'elle voulait tout simplement disparaître. Étant entourée de jeunes hommes qu'elle ne connaissait pas, elle ne savait pas trop quoi dire, se contentant de répondre aux questions qu'Azuka lui posait. Pendant un instant elle caressa l'idée de voir apparaître Akito, qui l'arracherai de cette situation gênante. Mais il ne se montra pas.
Comme à son habitude, Azuka parlait sans arrêt, tandis que les autres marchaient devant eux silencieusement, en se jetant des regards complices accompagnés de ricanements. Seul Kuro n'avait pas l'air d'humeur à plaisanter mais ce qui la gênait le plus c'était qu'Azuka n'avait pas enlevé son bras de son épaule de tout le trajet. Elle aurait voulu lui dire de la lâcher mais n'avait pas osé, il n'était pas méchant. Elle marchait la tête baissée, tenant son sac serré contre sa poitrine.
- Tu sors pas souvent hein ? On te voit jamais.
- Non j'évite de sortir.
- Tu faisais quoi dans cet immeuble ?
- Je travaille là bas.
- Ah ouais, j'vois le genre.
- T'es sûre de ne pas vouloir venir manger avec nous ?
- Non je vais rentrer.
- Attend tu vas pas rentrer toute seule ! L'université est vachement loin à pied.
A ce moment là, le plus grand des trois garçons qui les accompagnait, regarda sa montre et se retourna vers eux :
- Hé mec, faut qu'on aille commander là, parce que sinon ils auront plus rien.
- Ouais ok, allez y sans moi.
Un autre lui répondit en lui adressant un clin d'œil.
- Ok, tu te débrouillera pour manger un bout alors !
Azuka se fendit d'un grand sourire, ne semblant pas avoir le moindre scrupule à abandonner ses amis.
Naomi et son accompagnateur d'un soir ne tardèrent pas à atteindre la route qui traversait l'épaisse forêt menant vers le mur d'enceinte de l'université. Azuka en profita pour raconter diverses histoire de spectres et esprits frappeurs que lui inspirait la pénombre de ces bois. Paradoxalement Naomi était bien plus rassurée d'entendre les histoires à glacer le sang que racontait le jeune homme sur le chemin du retour que de devoir l'emprunter toute seule. Ce chemin qui lui paraissait si long, si lugubre les jours précédents était passé à toute vitesse.
Ils s'arrêtèrent devant le porche de la maison de Naomi, et Azuka enleva son bras d'autour d'elle. Il y eut un silence gêné entre eux deux. Il hésita un instant et s'éclaircit la gorge avant de parler.
- C'était très sympa de t'avoir vu ce soir.
- Merci de m'avoir raccompagnée.
- Fais voir ton portable... S'il te plaît, demanda maladroitement Azuka en se grattant la joue. Surprise, Naomi leva machinalement son téléphone devant-elle Il colla son portable à celui de Naomi et un bip retentit.
- Voilà, comme ça si tu as besoin de quoique ce soit, tu as mon numéro... Ah et j'y pense, ça te dirait de venir fêter le nouvel an avec nous demain ? Rien de traditionnel, c'est trop barbant. Juste faire la fête, aller au count down et regarder le soleil se lever.
Les yeux de Naomi s'arrondirent à l'annonce de cette nouvelle.
- Quoi ?! C'est déjà demain ! Mais je n'ai rien préparé ! S'exclama-t-elle, avant de se demander pourquoi elle venait de dire ça.
- Ah oui ? Raison de plus alors. Je passerai te prendre vers 20h.
- Je ne sais pas si ...
- A demain, dit-il en lui frottant la tête avant de partir en courant, lui faisant signe de la main.
Elle devint rouge et le regarda s'éloigner. Pourquoi était-il toujours si tactile ? Elle n'avait pas l'intention d'aller fêter la nouvelle année avec eux, elle inventerait une excuse demain soir quand Azuka passerait la chercher. Une fois à l'intérieur, elle se dirigea vers le répondeur :
« Vous n'avez aucun nouveau message. »
Elle soupira, enfila la veste d'Akito et en renifla machinalement le col, l'odeur du professeur s'était évanoui depuis longtemps. Elle traîna les pieds jusqu'à la cuisine où elle fit réchauffer les restes de la veille. Tout en remuant mécaniquement la casserole , elle laissa son esprit s'adonner à ses élucubrations habituelles, mais à cet instant précis, aux lieux de se concentrer sur le professeur, ses pensées se dirigèrent vers quelqu'un d'autre. Le réveillon arrivait et elle ne l'avait jamais fêté toute seule, d'ailleurs elle ne l'avait jamais fêté sans Saki. Elle repensait à la fois où, lorsqu'elles étaient enfants, elles avaient prit les robes et les bijoux de leurs mères, pour s'habiller comme des adultes. Elles avaient beaucoup rient cette année là. Des souvenirs doux-amers remontant en elle, elle regrettait leurs activités et leur insouciance enfantine. Les visites au temple et les préparations des repas la veille du réveillon, lui revenaient également en tête. Elle aimait tous ces moments passés avec Saki et sa famille. Mais elle s'était disputé avec Saki et ses parents n'étaient plus là. Elle ne pu retenir ses larmes à la pensée de ses parents, que pouvaient-ils bien penser de tout ça ? Ils lui manquaient tous terriblement.
Et Akito... Il refusait toujours ses appels et ne répondait à aucun message, c'était comme si il avait cessé d'exister. Pourtant, elle sursautait à chaque voiture qui passait, ne cessant pas d'espérer le voir se garer devant chez elle pour venir la prendre dans ses bras, pour lui dire que tout était oublié. Elle se leva et alla s'allonger sur son lit, regardant fixement le plafond, comme si elle pouvait y voir dessiné les visages de ceux qu'elle aimait. Elle aurait voulu pouvoir présenter Akito à ses parents, aussi dérangé soit-il, aussi dérangée soit-elle. Elle aurait aimé passer les fêtes avec Saki et sa famille. Avec tout ceux qu'elle aimait. Mais c'était une évidence, elle était seule et n'avait personne avec qui partager l'entrée dans cette nouvelle année.
Lorsqu'elle se réveilla le lendemain matin, encore habillée, il était déjà presque midi, elle ne savait pas tellement à quel moment elle s'était endormie. Elle s'était perdue dans ses pensées jusqu'à tomber de sommeil et n'avait pas entendu son réveil sonner. Elle décida d'appeler Saki, elle voulait lui demander pardon, lui dire qu'elle avait eu raison sur toute la ligne, qu'elle lui manquait. Elle ouvrit son répertoire et ne trouvant pas le numéro de son amie, se souvint qu'elle ne l'avait plus depuis que son ancien portable avait finit au fond des toilettes le soir d'Halloween. De rage, elle lança son téléphone à travers la pièce. Elle aurait voulu essayer de passer la voir chez elle, mais avait trop peur de la réaction de ses parents. Peut-être leurs avait-elle tout raconté ? Qu'allaient-ils penser d'elle ?
En fin d'après midi, en revenant du cimetière, après avoir passer des heures à genoux devant la tombe d'Ayamé et de Miya Uchida; les yeux encore très rouges et gonflés par de trop nombreuses larmes versées. Elle essaya encore une fois, d'appeler Akito. Comme elle le faisait tous les jours depuis qu'il avait quitté ce train. Mais cette fois, elle voulait seulement lui laisser un message pour lui souhaiter une bonne année malgré tout. Elle s'était habituée à être accueilli par sa messagerie vocale. Cependant, au bout de quelques sonneries il avait décroché. Du moins c'est-ce qu'elle crut, avant d'entendre la voix d'une femme.
- Allo ?
Naomi hésita à raccrocher
- ... Allo ?
- Euh je suis bien sur le numéro d'Akito ?
Demanda Naomi après une longue hésitation. La femme eut un rire sinistre.
- Il est occupé... C'est de la part de qui ?
Naomi entendit la voix lointaine d'Akito :
- Hisa ! Qu'est-ce que tu fou ? Pourquoi t'as décroché ?!
- Tu réponds jamais au téléphone ? T'as 10 appels manqués.
- Donne-moi ça !
« Tut tut tut... »
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