Prologue

Duma








Et la liberté on en parle ? Qu’est-ce que c’est au fait ?

Ce n’est certainement pas moi qui répondrez à cette question cloitrée comme je l’ai été toute ma vie entre les murs de la maison familiale. Pourtant j’en rêve de toute mes forces. Et là où beaucoup voient le prince charmant des temps modernes vêtu d’un costard coupé sur mesure par un des plus grands stylistes de la terre, moi je me le représente comme une sorte de néant, de grand silence, de brise volage ; tout ce qui ne peut être contenu et qui évolue sans gêne, sans gêner.

J’en rêve depuis si longtemps que le souhait s’est un jour transformé en un désir ardent. Ardent, mais pas assez devant mes parents, hélas ! Mais ça c’était jusqu’à cette nuit… oui, aujourd’hui.

Parce qu’aujourd’hui, couverte de bleus censés l’éteindre, le désir s’est glissé sous la peau de l’obsession. C’est un délicieux tourment qui fracasse mon désespoir et me propulse dans l’espace comme le ferait une fusée. J’ai faim de ce départ, soif du grand air et je suis harcelée par les images d’un ailleurs dont j’ignore tout, mais qui me convient d’avance parce qu’il mettra de la distance entre cette terre de l’obéissance aveugle et moi.

Un dernier coup d’œil dans ma chambre me sépare du grand plongeon. Mon ultime saut vers la liberté, celle que je me suis longtemps refusée par… peur ? Redevabilité ? Naïveté ? Je n’en sais rien. D’ailleurs ce n’est pas le moment d’y penser. Il faut partir. C’est plus qu’une évidence quand même ma bibliothèque improvisée, détonnant par ses couleurs vives dans l’ambiance sombre de ma chambre de recluse, ne me soulève qu’acidité dans la panse.

Je suis partie.

Ce sont les seuls mots auxquels mes parents ont droits. Leur réveille ne sera pas seulement pénible avec le soporifique que j’ai ajouté à leurs soupes, le scandale les fera atterrir illico presto, brusque sera également leur éveil.

Après avoir enjambé le garde-corps en métal de ma terrasse, je me laisse glisser sur la tuile oblique donnant sur la façade de la maison, jusqu’à ce que mes fesses me fassent gémir de douleur en se heurtant au sol froid et mouillé. La bruine s’est asséché il y a à peine trente minutes, l’herbe porte encore sa marque. Le corps terrassé par une onde de tourments qui ne manque pas de laisser l’empreinte des quatre « eur » sur mon anatomie, c’est pourtant de soulagement que je soupire en réalisant que j’ai manqué de peu un tesson de bouteille.

D’autre part, ce choc a au moins le mérite de me rappeler ma nature charnelle. Parce que mis à part cette douleur accablante, je n’éprouve rien d’autre. Ni regrets, ni remords, ni peur.
Le néant, c’est étrange, je me sens juste légère.

Le froid me fouette le visage derrière un vent violent une fois debout, le corps libéré des picotements occasionnés par la sensation de chaleur. Feuilles et branches célèbrent le vif passage de l’air par des bruits gras, presque glauques, mais jamais rassurants.

La nuit, rien n’est rassurant.
Si je n’étais pas aussi déterminée, je rebrousserais certainement chemin devant les ombres figées de la végétation. J’ai beau savoir qu’elles sont inanimées, mon cerveau reste fertile. Désagréablement fertile sur le moment, mais je ne saurais le lui reprocher. Situation exceptionnelle, réaction exceptionnelle, dit-on. Et dire que cette nuit est spéciale est un euphémisme, quand on me connait… Enfin, l’ancienne moi, studieuse, posée, lisse et bien entendue, obéissante. La fille de ses parents, celle qui a oublié de vivre pour ce qu’elle est, et non pas pour eux et selon leurs désirs.

Mais ça y est, je reprends mon destin en main ce soir. Calculé au millimètre près, mon départ je le vois comme ce one shot magistral. Et ironiquement cette victoire je la dois aussi à l’ancienne moi. Si monotone, passive, ennuyante et résignée. Jamais personne ne m’aurait cru capable d’endormir toute une maison ou pire, de prendre toute seule la route, même si seule je ne le suis pas vraiment, puisque ma seule amie m’accompagne. D’ailleurs elle m’attend quelques mètres plus loin, devant la maison du vieux lieutenant Rivers à qui je compte laisser un mot, afin qu’aucune recherche ne soit entamée. Mes géniteurs je les connais, il serait parfaitement capable de se débarrasser du mot que j’ai laissé et faire croire à un enlèvement… Tout pour éviter l’humiliation que ça sera d’affronter les causes de mon départ, leurs fautes en somme.
Une fois sur le trottoir, je ne m’accorde aucun instant pour regarder l’immense bâtisse de Terrence et d’Annie Wade. J’avance immédiatement dans l’allée, comme j’aurais dû le faire depuis longtemps. Mes pouces gantés prennent appui derrière les anses de mon minuscule sac à dos rempli de quelques billets et de mes pièces d’identification. Rien d’autre. Je n’ai besoin de rien d’autre. Mon nom seul me rappellera à suffisance celle que je veux plus être.

À dieu…

Et peut-être à jamais, mais selon mes croyances, Dieu est le capable de tout affirmer. Alors, juste ciao.

Lieutenant, ici Mikaela Duma Wade.

Vous lirez certainement cette missive, que je serais déjà à mille lieux d’ici. Je suis majeure, vaccinée et en possession de toute mes facultés mentales, alors je crois que la loi me l’autorise. Le seul but de ma démarche est d’épargner du travail inutile à tout le monde au cas où mes parents décident de faire fi du laconique message que je leur ai laissé à eux aussi.

Ayez pour cela la gentillesse de présenter ce petit bout de papier aux autorités compétentes, si comme je le crains, mes parents se rendent à la police dès demain. Je vous en serai grandement reconnaissante.
Merci pour tout et portez-vous bien.

Après avoir glissé l’enveloppe rose sous la porte du vieil homme, je fais le chemin inverse sur la bretelle de pavés qui relie son entrée et le goudron. Plus clair que le jardin de mon ancienne maison, les ombres des hauts palmiers postés devant sa résidence sont les derniers monstres inertes auxquels j’ai droit, avant de quitter définitivement le froid de la rue.



–– C’est bon, ça y est ?


J’opine du chef, sans dire mot, le regard rivé droit vers l’avant. Je frisonne plutôt, la chaleur de l’habitacle a pour premier de renvoyer les effets de toute la fraîcheur absorbée jusqu’ici.


–– Alors allons-y.
Ouais, allons-y…








Voilà, comme promis je pose ça là.
N'hésitez pas à me dire si ce début vous plaît.

Je vous dis sur ce à très vite. À la semaine prochaine. Ciao prenez soin de vous.

Love guys 😜❤️
🖤🖤🖤
Alphy.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top