Rêve II - Scène 1 : Trop de fougue et d'ivresse

Evariste de Parny, La Guerre des Dieux

Hélas ! Seigneur, à cette œuvre sublime

D'autres auraient un droit plus légitime.

De vos combats, de vos exploits divers,

Quoique dévot, j'ai peu de connaissances :

Le temps d'ailleurs corrige les travers ;

Et j'ai sans peine abjuré prose et vers.

Rêve II – Scène 1 : Trop de fougue et d'ivresse

Je m'endormais sur ma feuille pendant mon cours du soir. Le papier traçait mes souvenirs et mes rêves entre les grosses lettres de l'alphabet, que London s'évertuait à m'enseigner à la bougie, dans sa tente. Depuis mon arrivée, c'était la première fois qu'il passait autant de temps avec moi. Il m'avait appris à manier un couteau, pour me défendre, avant de m'abandonner aux femmes Marrons. Elles m'avaient montré les différents Vévés qu'elles utilisaient, leurs manières de chasser, de grimper aux arbres.

J'étais à bout de force. Les lèvres de London remuaient devant moi, mais c'était Emma que j'entendais, Emma qui sanglotait et pleurait, qui me suppliait de ne pas partir.

— Je dois faire mes preuves, Emma. Je ne peux pas manquer à l'appel dès maintenant.

— Je t'en prie. Francine ne va pas bien. J'ai un mauvais pressentiment. Josquin va partir demain. Elle s'est mise en tête d'aller le retrouver... Je ne sais plus quoi faire pour l'en dissuader.

Je voyais Francine sortir dans la nuit, les oreilles remplies de la voix de Josquin, courant vers lui, alors que sa dernière soirée à Saint-Domingue s'achevait, et qu'il saluait ses amis, les larmes aux yeux.

— Elle s'en remettra. C'est un fantasme d'enfant.

— Un fantasme qu'elle prend très au sérieux.

— Ça ira, tu sais comment elle est.

— C'est parce que je le sais que je vois que cette fois-ci est différente. Elle ne pleure plus. Elle a le même regard que toi.

Je haussai les épaules, me retournai pour partir. Elle m'attrapa par le bras.

— Elle va faire une bêtise, Dilenba.

Francine était devant Josquin, alors qu'il s'en retournait vers sa maison, seul. Comme il lui jetait un bref regard avant de l'éviter pour continuer son trajet, elle décidait de le héler d'une petite voix.

— Josquin.

Il s'arrêtait, lui faisait face, interloqué, soulevait sa lampe à hauteur de son visage pour la voir. Elle le trouvait sublime. Son regard calme, son port altier, ses yeux bleus et ses cheveux châtains, brossés en arrière, libres, ses traits fins, la courbe aquiline de son nez effilé lui coupaient le souffle.

— Qui es-tu ? Comment connais-tu mon nom ?

Le timbre doux de sa voix servait une intonation brutale. Il fronçait les sourcils, méfiant, agacé.

— Nous avons joué ensemble, une fois, quand nous étions enfants. Je suis Francine.

— Tu es une esclave ?

Son mépris l'ébranlait quelque peu. Elle valait mieux que l'esclavage, elle voulait lui montrer, avant qu'il ne s'en aille.

— Oui. Je sais que vous partez demain. Je suis venue vous dire que je vous aime.

Il souriait, désormais, étouffait un rire léger, brillant, approchait pour mieux la voir. Elle serrait ses doigts sur sa robe pour ne pas courir. Il l'intimidait.

— Que tu m'aimes, répétait-il.

— Oui, murmurait-elle.

Il haussait un sourcil, toujours plus souriant, la regardait de haut en bas, détaillait la courbe de ses seins à travers sa robe abîmée. Elle sentait la sueur et le parfum.

— Comme si les animaux pouvaient ressentir l'amour.

Elle restait interdite, surprise, se mordait les lèvres, plus tout à fait certaine d'avoir pris la bonne décision. Elle bafouillait, les yeux baissés :

— J'aimerais que vous ne partiez pas.

Elle frissonnait. Il lui caressait la joue, passait ses doigts sur sa bouche, pinçait sa lippe entre le pouce et l'index.

— Pour une négresse, tu n'es pas vilaine.

Elle ne répondait pas. Elle ne savait pas si elle devait le remercier ou s'enfuir. Sa main sur sa peau ne faisait pas comme dans ses rêves. Il caressait sa gorge, désormais, puis agrippait l'un de ses seins.

— Comme je pars demain, et que la chose semble t'attrister autant que moi, tu vas m'aider à me remonter le moral. Je vais te faire jouir assez pour que tu ne m'oublies jamais. Si tu es suffisamment bonne, je te donnerai un enfant.

Il avait caressé son ventre, et passait maintenant sa main sur son pubis, à travers le tissu de sa robe. Francine ne pensait qu'à disparaître, tentait de sourire. Il fallait être heureuse. Il lui offrait plus que le baiser dont elle rêvait.

— Viens.

Il lui agrippait le poignet, la guidait dans un minuscule espace qui ne menait nulle part, entre deux maisons, posait la lampe à terre, glissait ses doigts sous son décolleté et lui pressait ses seins. Elle avait mal. Il appuyait fort, passait sa jambe entre ses cuisses pour y frotter son genou, puis il pestait :

— Tes haillons me dérangent !

et déchirait la robe qu'elle s'était cousue elle-même avec des chutes de tissus, dévoilant sa poitrine. Elle étouffait un cri, se mettait à sangloter. Il riait, couvrait sa bouche.

— On m'avait parlé de la petite vertu des femelles dans ton genre. Tu aurais dû venir plus tôt.

J'ouvris les yeux, rencontrai ceux de London qui m'observait, soucieux, puis je voyais l'alphabet, la tente, la bougie. Je m'étais assoupie.

— Si c'est trop dur pour toi, Dilenba...

Je ne le laissai pas terminer et me redressai.

— Il me faut un peu de temps pour m'habituer, c'est tout. Je n'ai plus que trois heures pour dormir.

— Qu'est-ce que tu veux faire ? Continuer ta leçon ? Laisser tomber pour cette nuit ?

— Je t'ai dit que je sais lire et écrire, London.

— Arrête avec ça, Dilenba. Nous n'avons pas le temps pour tes enfantillages. On continue, alors ?

Je soupirai.

— Oui.

— Bien. Ce signe-là, ça fait le son D, comme Dilenba.

— Oh !

Emportée, la conscience encore égarée dans les vapes du cauchemar, je saisis sa plume, la trempai dans l'encrier, et traçai maladroitement Dilenba sur le papier.

London me contemplait, bouche bée, les yeux écarquillés. Il murmura :

— Comment... Où as-tu appris ?

Par-dessus son épaule, Ezéquiel me darde gravement. Je rougis, détaillai ma calligraphie grossière et maladroite.

— Je ne sais pas.

— Qui t'a appris ça, Dilenba ?

— Il y a quelques jours, j'ai posé mes yeux sur un texte, et je pouvais le déchiffrer. C'est comme si j'avais toujours su...

London, dépassé, lisait et relisait mon nom. Je m'en voulus. Epuisée, énervée, perdue, je n'avais pas réfléchi. Le rêve de Francine laissait dans mon esprit la trace amère d'une vision.

London releva finalement les yeux sur moi, en proie à un trouble profond :

— Il y a d'autres choses que tu sais faire ?

— Oui, murmurai-je.

Autant lui dire la vérité.

— Je sais compter. Je parle l'anglais et l'espagnol. J'ai des connaissances en histoire, en géographie...

Il n'avait pas l'air de savoir s'il pouvait me croire. Il me considéra un long moment, prit au hasard l'un des textes qu'il possédait, me le mis sous le nez.

— Lis.

Je parcourrai le poème des yeux, m'empourprai plus encore, râclai ma gorge et choisis un passage :

— Vous portez avec vous trop de fougue et d'ivresse. Vous fatiguez mon cœur qui ne peut vous saisir, et vous fuyez sur tout avec trop de vitesse... — je déglutis, levai les yeux, rencontrai London, les baissai tout aussi sec — Hélas ! on vous regrette, avant de vous sentir !

Il m'arracha la feuille des mains.

— ¿ Quién eres tú ?

— Me llamo Dilenba. Soy una esclava francesa para la familia Florival. Tengo quince años.

— Merde, souffla-t-il. Et tu t'es réveillée, un beau matin, et tu savais tout ça ?

— Oui. Le jour où j'ai été intégrée ici.

Il bondit jusqu'à moi, attrapa mon visage entre ses mains, scruta mes yeux, fou. Je crus qu'il allait m'embrasser, mais il me tira la paupière droite, vérifia ma prunelle.

— Qu'est-ce que tu as de si spécial ?

Heurtée, je ne répondis pas. Il poursuivit :

— Qu'est-ce que tu as de si spécial pour qu'Erzulie t'offre tant ? Ça ne peut être qu'elle qui te fait tous ces présents... Ils dépassent l'entendement. Pour une raison ou pour une autre, tu es si importante qu'elle t'a donné la connaissance.

Il m'observait avec une telle crainte que je me mis à avoir peur moi-même. Les deux jours précédents, les femmes avaient alterné entre le surnom « Petit Blanc » et « La protégée d'Erzulie ». Je n'avais pas osé leur demander ce qu'ils voyaient tous en moi que je ne savais pas voir, et ce qu'une si grande déesse vaudou pouvait bien me vouloir. Au moins, grâce à cette marque, tous m'acceptaient et me respectaient malgré mon métissage. La plupart des mulâtres de l'île étaient mieux considérés que les Noirs par les maîtres. Quand ils s'alliaient aux Blancs, ils devenaient pires qu'eux. Certains s'étaient infiltrés parmi les Marrons pour massacrer des clans entiers, m'avait raconté London. Depuis, on se méfiait.

— Comment sais-tu qu'elle est accrochée à moi ?

Il parut encore plus étonné, sortit de sa poche un petit miroir richement orné. Sans doute un cadeau de sa maîtresse. Elle l'aimait beaucoup. Il l'ouvrit, me le tendit pour que je me contemple.

Je vis d'abord mon crâne chauve, puis mon visage crasseux, mes cernes, mes paupières lourdes, mon nez épaté, mes lèvres pleines, mon crâne à nouveau.

— La marque d'Erzulie est dans ton œil.

Je scrutai mes deux yeux, ne remarquai rien. London approcha la bougie de mon visage, et la marque m'apparut. La teinte de ma pupille droite virait au pourpre.

— Les yeux vairons sont une marque notable de possession, et crois-moi, Dilenba, je t'ai regardée assez souvent pour jurer qu'ils n'étaient pas comme ça, avant. Cette teinte particulière que tu as, et ta couleur de peau semblable à celle d'Erzulie Freda, c'est la preuve qu'elle t'a touchée. Elle te protège. Et manifestement, elle tient beaucoup à toi... — il se frotta les cheveux, puis me sourit, résolu — Suis-moi.

Je lui emboitai le pas vers l'extérieur. A cette heure-là, la majorité des Marrons dormaient, d'autres amélioraient ou construisaient des tentes, réparaient des fuites, se baladaient sans trouver le sommeil.

— Tu sais, dans un groupe aussi grand, dans une situation comme la nôtre, les avis divergent et les conflits éclatent. Les dirigeants ne sont pas toujours d'accord entre eux. Il faut garder un œil sur tout, préparer notre assaut contre les maîtres. Certains ne comprennent pas pourquoi nous n'agissons pas, alors que nous sommes de plus en plus nombreux, ni pourquoi la révolte n'a pas encore éclaté. Il faut faire attention à ce que les mutineries et les actions isolées ne nous desservent pas. Il faut surveiller tous nos ennemis. Tu ne t'es jamais demandée pourquoi je m'absentais si souvent ?

— Si, bien-sûr.

— Avec les connaissances que tu possèdes, tu pourras aller loin, monter bien plus haut dans la rébellion, et Erzulie qui te suit, c'est... — il soupira, m'attira contre lui, unit ses lèvres aux miennes — Je savais que tu étais une fille extraordinaire, alors je vais t'apprendre ce que je fais le mieux.

Il m'avait dit ça, ses yeux plongés dans les miens, l'air de craindre que je disparaisse. J'adorais me sentir importante pour lui, et aimée, désirée. Son regard me soulevait le cœur. Je me penchai pour l'embrasser encore. Je voulais lui dire que je l'aimais, que je voulais passer ma vie avec lui, et lui donner des enfants, le rendre heureux. Il rit, me lança un regard chargé d'envie, puis s'écarta d'un bon pas.

— Tu es impatiente... Ce que tu attends n'est pas pour maintenant.

Frustrée, je n'insistai pas. Nous étions arrivés aux abords d'un petit champ de blé. De l'autre côté, trois Marrons discutaient. Leurs lampes n'éclairaient pas assez pour qu'ils nous voient dans le noir. London me fit signe de me baisser. Je m'accroupis dans les hautes herbes, puis nous avançâmes entre les épis.

— N'oublie jamais que tes sens enregistrent tout, me chuchota-t-il à l'oreille. C'est ton esprit qui analyse, classe et archive. Il faut que tu apprennes à l'aiguiser. Les hommes, devant nous, décris-les-moi comme si tu ne les connaissais pas.

Je pris quelques secondes pour les inspecter avant de démarrer mon exposé :

— Ils sont trois. Ce sont des Noirs. Sûrement des Marrons. On les repère grâce à leur absence de chaînes, de traces de fouet récentes, et leur stature musclée. Leurs vêtements sont aussi des indicateurs. Les esclaves des champs ne portent souvent qu'un pantalon de toile. Le tissu est très abîmé, donc ils ne sont probablement pas esclaves de maison, puisque les maîtres entretiennent mieux l'apparence de ceux-là. Il y a des traces de sang sur leurs hauts. Je suppose qu'ils ont pris ces vêtements à des Blancs qu'ils ont tués. Voilà.

Je me tournai vers lui. Il souriait, les yeux sur le petit groupe.

— Tu as terminé ?

— Je pense, oui.

— Et tu es sûre de ta dernière hypothèse ?

— Pas vraiment.

London me lança un regard amusé.

— Tu es douée. C'est impressionnant, pour une première observation. Les traces de sang sont discrètes. Je suis surpris que tu les aies remarquées, mais tu te trompes, ce n'est pas du sang de Blanc.

— Comment le sais-tu ?

Il eut un petit rire.

— Tu as commis des erreurs, et voici la plus grosse d'entre elles : tu ne te méfies pas suffisamment. Tu n'as parlé que de leurs passés d'esclaves, et de ce que tu sais déjà, mais pas de ce qu'ils ont été, il y a quelques heures, ou même quelques minutes. Quand tu les regardes, ce sont tes camarades que tu vois. A partir d'aujourd'hui, peu importe la personne à qui tu fais face, pars du principe qu'il est ton ennemi.

— C'est ridicule, London. Eux, je les connais. Je les côtoie depuis des jours. Tout à l'heure, François m'a aidée à attraper un renard. Et j'ai redressé la tente de Ludwig, hier, comme il n'y arrivait pas tout seul.

— Tu crois que tu les connais, mais regarde leurs visages. Tu vois ces poches sous leurs yeux ? Ils n'ont pas dormi depuis longtemps, et alors que tu passes du temps avec eux, je suis sûr que tu ne t'en es jamais rendue compte... Je dirais qu'ils veillent depuis deux ou trois nuits. Pourquoi ? Pourquoi avoir besoin de l'obscurité et du sommeil des autres ? Les deux hommes de droite ont de la terre sous les ongles, beaucoup plus que celui de gauche. L'homme du milieu est chauve, mais celui de droite a les cheveux en mauvais état. Rien que cela suffit à éveiller mes soupçons.

— Je ne suis pas d'accord. Ça prouve seulement qu'ils ne prennent pas soin d'eux, comme n'importe quels Marrons.

— Tu n'as pas tort. C'est pour cela qu'il faut peaufiner notre observation. Prête attention à leur position. Les deux hommes de droite sont bien plus proches que celui de gauche. Ils lui font face. Leurs sens sont entièrement tournés vers lui, comme s'il représentait un danger pour eux.

— Il n'est pas avec eux.

— Soit il ne l'est plus, soit il ne l'a jamais été. Celui de gauche est plus propre. On pourrait penser qu'il est leur chef, qu'il leur délègue le sale boulot, et que les deux autres se rebellent.

— Ce n'est pas l'impression qu'ils donnent.

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

London ne les regardait plus. Il s'était tourné vers moi. La manière dont il me couvait des yeux m'enflamma toute entière. Je balbutiai, les joues roses :

— Ils ont l'air d'avoir peur.

— Tu as raison. Ils sont courbés, comme s'ils s'apprêtaient à recevoir un coup. Leurs paupières inférieures sont bien plus tirées que la normale. Celui de droite a des gestes courts et précipités, mais observe donc l'autre, au milieu. Il se tord les mains, se mord les lèvres pour les sceller, et ses yeux ricochent d'un homme à l'autre. Celui de gauche est aussi intéressant. Il fronce à peine les sourcils. Son regard est figé sans détour sur les deux hommes, il se tient bien, il a confiance en lui. Ce ne serait probablement pas le cas si les deux autres se rebellaient pour mauvais traitement. Il montrerait plus de nervosité. Je crois plutôt qu'il les menace.

Une histoire se tissait dans mon esprit. L'animosité de la scène me sauta aux yeux. Je voulus continuer de les suivre, comprendre ce qui se tramait, savoir les délits que ces hommes avaient pu commettre.

— Alors, Dilenba, que conclus-tu ?

— Les deux hommes de droite partagent un secret. Peut-être se sont-ils faits surprendre en train de voler quelque chose par le troisième.

— C'est possible. Qu'imagines-tu d'autre ?

— J'imagine que le troisième a découvert quelque chose de répréhensible sur eux. Ils mentent peut-être sur leur identité.

— Pourquoi mentiraient-ils ?

— Pour se protéger d'un ennemi, se protéger de nous, récupérer des informations.

— Les ennemis de mes ennemis sont mes amis... S'ils voulaient se protéger en cherchant du secours parmi nous, ils n'auraient pas de raison de mentir sur leur identité.

— Ils veulent récupérer des informations !

— Ce sont des espions, confirma London. Les Espagnols les ont engagés pour garder un œil sur le Général. Je suis fier de toi.

Je fixai mon compagnon, ébahie, tentant de deviner les éléments qui lui avaient permis de déterminer tout ça. Ces hommes-là, je leur avais parlé plusieurs fois. Ils étaient gentils. Je ne pouvais pas les considérer en traîtres.

— Ça n'explique ni la terre, ni le sang.

— Ça explique tout, bien au contraire, répondit-il. Cet homme à gauche est le deuxième que j'engage contre eux. Le premier, ils l'ont tué la nuit dernière. C'est son sang qui tâche leurs vêtements.

D'abord, je ne compris pas. Je fixai London, qui refusait de me regarder, en quête d'explication. Il observait la scène envenimée, où la colère montait en flèche.

— Pourquoi n'y es-tu pas allé toi-même ?

— Je ne peux pas encourir ce risque. Si je venais à dénoncer quelqu'un, il serait facile de comprendre mon rôle dans la rébellion, et s'ils m'avaient tué, ma disparition aurait pu mettre à mal à révolte toute entière. Le Général a besoin de moi, et pour l'instant, il n'y a personne pour me remplacer.

Je l'écoutai, et je vis fondre l'image que je me faisais de lui. Il observait froidement les trois hommes prêts à se bondir dessus, sans agir, sans rien faire pour sauver son allié. Il venait de sortir une petite lame de sa manche, semblable à celle avec laquelle il m'avait appris à tuer, les premiers jours. Il était froid, il calculait son coup, il comptait en profit, et pas en humanité, et pas comme je l'avais cru. Cet homme-là, tapi à mes côtés dans les herbes hautes, je ne le reconnaissais pas.

— London, que fais-tu ici ? demandai-je d'une voix blanche.

Il se râcla la gorge.

— J'exerce le métier auquel je vais te former, Dilenba. Tu es la meilleure recrue que je pouvais avoir. Tes qualités sont innombrables... Tu vas devenir espionne, et si je disparais, tu prendras ma place.

Je ne dis rien. Tout m'effrayait. De son air grave à sa déclaration, des sueurs froides qui me traversaient à ma poitrine compressée de l'intérieur. J'étais venue pour devenir la maîtresse de ma vie, parce que je lui faisais confiance.

— Pourquoi n'as-tu rien dit ?

— Parce que ta connaissance de mon activité me donne sur toi un droit de vie et de mort.

Je blêmis de plus belle.

— Si je décèle en toi un quelconque danger, mon devoir est de te tuer.

— Mais... Je ne veux pas... Je veux apprendre à me défendre. Je suis venue pour ma liberté.

— Tu n'as plus le choix. Maintenant que je t'ai avoué mon rôle ici, je n'ai plus le droit de te laisser partir.

Il me lança un regard désolé, caressa mon visage de ses deux mains, mordit ses lèvres, soucieux et peiné. Il me donna un baiser auquel je ne me répondis pas. C'était trop. Je n'avais plus la force de continuer.

— Rentre chez toi, Dilenba. Repose-toi. Tu n'as pas besoin de voir ce qui va suivre.






2020 : Hey !

Ceci est le premier chapitre d'une suite que je n'ai jamais postée ! Quel bonheur ! Je suis enfin en vacances, et je vais pouvoir en profiter pour avancer tranquillement dans mes corrections. Pour "On s'était dit qu'on préférait les filles", j'avance, mais je ne poste rien sur Wattpad, et je dois avouer que ce roman-ci est mon objectif premier. D'ailleurs, je dois vous dire que je pense modifier son titre avant de l'envoyer à des maisons d'éditions. 

Avant de vous parler du nom que j'envisage de lui donner, je voudrais d'abord vous expliquer pourquoi "Nigra Sum - BE10" me dérange. Déjà, c'est un peu compliqué. Dans la mesure où ces romans seront une saga, il risque d'y avoir assez vite beaucoup de numéros. "Nigra Sum - BE10, tome 3, l'envol du destin, partie 2" (je dis de la merde, je n'ai prévu aucun sous-titre), c'est un peu longuet. 

Le deuxième souci, c'est que Nigra Sum risque de prêter à confusion. Beaucoup de gens ne savent pas que "Nigra" signifie noir en latin, et j'ai peur que le titre paraisse subversif, d'autant que le sens réel de ce titre risque d'apparaître très tardivement dans l'oeuvre. C'est quelque chose qui me gênait depuis longtemps, et je cherchais des alternatives.

J'ai bien hésité à appeler ce roman "Cartographie des âmes", mais c'est plus joli en sous-titre, et ça ressemble trop à "Cloud Atlas". Envol, c'est un nom que j'ai donné au hasard à ma première fanfiction, et je ne l'aime pas particulièrement, donc le titre ne sera pas conservé. (Car oui, finalement, je ne cherche plus à détacher Nigra Sum d'Envol, mais bien à fusionner les deux, donc soyez contents, Ethan et Ezéquiel reviendront bientôt)

Voilà comment nous en arrivons au point qui intéresse tout le monde (j'entends par-là, qui intéresse mes deux lectrices), c'est-à-dire le nom que je veux finalement donner à cette histoire. Une amie m'a fait découvrir récemment le terme "égrégore" que j'ai adoré, et qui signifie en ésotérisme, principalement, une conscience de groupe constituée par l'agrégation des intentions, des énergies et des désirs de plusieurs individus unis par un objectif commun. C'est l'énergie, la force du groupe, l'atmosphère qui naît de l'union d'un ensemble de gens.

Je crois que ça résume parfaitement ce qu'est cette histoire, le récit de gens qui cherchent tous ensemble à atteindre un objectif qui les dépasse, je crois que ça sous-entend la force supérieure et mystique qui unit les individus sans qu'ils le réalisent, je crois que le Blotus Ertiafilis est ce qui met l'égrégore en lumière, alors voilà le nouveau titre de cet ouvrage :

Egrégore

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