Chapitre 14 : Le champignon
« Futurs Chevaliers du Roy, vous voici arrivés à la Grande Ecurie de Versailles, gracieusement établie à l'égard des jeunes gens de la noblesse par sa Majesté. Ici, vous bénéficierez d'une formation intégrale des usages de la Cour et de la chevalerie. Vous apprendrez la rig... »
Je ne parviens pas à suivre plus longtemps le discours du Premier Ecuyer de France, tant l'excitation d'être arrivé taquine ma concentration. Les bâtiments d'ici tranchent si bien avec ceux de l'Aquitaine qu'il me semble avoir changé, non pas de région, mais de pays ! Papa m'avait rapporté mille fois Versailles, le soir, en venant me border quand l'envie lui prenait. Il m'avait raconté les grilles dorées, les bâtiments aux pierres imprégnées de soleil, les fontaines miraculeuses et les jardins luxuriants empruntés à la Perse. Je veux déjà m'évader pour aller découvrir les arbres qui y poussent, les fleurs, les fruits, connaître l'odeur qu'a la nuit versaillaise, et savoir si elle est différente de celle de chez moi. Les autres pages écoutent attentivement ce discours assommant. Je ne comprends pas comment ils font, c'est bien au-dessus de mes forces. Il y a tant de visages que je n'ai jamais vus...
Une femme charpentée longe le mur à pas rapides, un panier de linge blanc dans les mains. Dans tous ses récits, mon père n'avait jamais fait état du nombre de personnes qui grouillent en cet endroit. Domestiques, chevaliers, écuyers... Je n'ai jamais vu autant de monde. J'envie leurs connaissances de cet endroit. Je dois absolument aller forger les miennes, débusquer tous les passages secrets dont ce lieu regorge. Je me vois déjà parcourir Versailles, le soir tombé, vaillant, un flambeau à la main. Et dire que je n'ai pas encore vu Paris...
L'école démarre lundi. La fin de la semaine doit nous servir à prendre nos marques et découvrir avec quel étudiant nous souhaitons partager notre chambre pour les cinq années qui viennent, sous peine de nous retrouver avec les autres indécis dans le grand dortoir. Il n'y a pas de petites chambres pour tout le monde, nous prévient le Grand Ecuyer. Nous sommes nombreux, et ces pièces-là sont d'abord destinées aux pages plus âgés.
Mes camarades s'empressent de se trouver un compagnon de chambre. La chose se fait vite, ils se reconnaissent d'un regard, conversent naturellement, comme s'ils se connaissaient depuis dix ans, avant de disparaître aux quatre coins de l'Ecurie, à laquelle ils semblent déjà accoutumés. Moi, je me soucie peu d'avec qui je dors. Je ne vois pas ce que ça changerait à mon sommeil.
Le Grand Ecuyer disparaît à son tour, et je reste là, avec les quelques perdus de ma promotion, à piétiner sur les pavés, ne sachant où aller. Je suis rapidement tiré de ma léthargie par un garçon à la mine contrariée, dont l'albinisme me fait forte impression.
— Toi, tu ronfles, la nuit ?
— Pardon... ? Heu... Non, pas à ma connaissance.
— Parfait ! Si tu veux bien, nous dormirons ensemble. Hors de question que je me retrouve au dortoir, il paraît qu'il est impossible de fermer l'œil, là-bas. Tu verras, tu me remercieras de t'avoir choisi. Je ne suis pas trop pénible. Je dois mettre des crèmes le soir et le matin aussi, car tu as bien remarqué la condition dont j'ai hérité. Je suis sensible au soleil, mais pas autant qu'on le croit... Comment t'appelles-tu ? Je ne t'ai jamais vu nulle part.
Je reste muet, choqué par son langage. Il se tient comme moi, peut-être même mieux, et la qualité de ses vêtements ne trompe pas sur son statut. Pourtant, personne ne m'a jamais causé ainsi, comme à n'importe quel roturier qu'on aurait croisé au bas d'une route crottée.
— Etienne Hérecques, second fils du Marquis d'Aquitaine, parviens-je à articuler.
Il me toise, visiblement amusé, enfonce ses mains dans ses poches, dit :
— Tu n'es pas du coin, Etienne, c'est le moins qu'on puisse dire. A ta décharge, l'Aquitaine est drôlement loin d'ici. Je t'épargnerai les plaisanteries sur ta conversation de provincial pendant une semaine, mais tu as plutôt intérêt à prendre le rythme si tu veux t'intégrer aux autres, déjà que tu as un accent...
Je déglutis péniblement. Je n'ai pas d'accent, ce sont ceux d'ici qui sont difficiles à comprendre. Je n'en finis plus de rougir, rêve de fuir, et me prends pourtant à suivre l'énergumène.
— Et...toi, comment te nommes-tu ?
— Guillaume, duc de notre compagnonnage chambresque ! Viens, je vais te présenter aux autres. Ils sont dans les jardins.
— Vous vous connaissez tous, ici ?
Il me sourit.
— Il n'y a que toi que personne ne connaît.
En un clin d'œil, je me suis intégré à leur groupe comme si j'en avais toujours fait partie. Noé de la Fosse-Maringues m'a pris par le bras et s'est empressé de me présenter tout le monde. Arthur de Saint-Hermine, le frère ainé de Guillaume, — jamais je n'aurais deviné un quelconque lien fraternel, au vu de ses cheveux encore plus sombres que les miens — qui, après s'être excusé pour le comportement présumé de son frère, s'est absorbé dans la contemplation des nuages ; est apprécié car il ne sort de son mutisme que pour donner de bons conseils. Du haut de ses dix-sept ans, il semble impressionner tout le monde.
— Et lui, c'est Pierre, me dit Noé. Pierre de Croissy est mon plus vieil ami. Nous avons eu le même tuteur, et il est comme un frère pour moi. Il a toujours un bon mot, on ne finit jamais de s'amuser. Si un jour, tu te trouvais à pleurer avec lui, il ne pourrait s'agir que de larmes de rire !
— Arrête de faire ma promotion de cette façon, c'est embarrassant... On dirait Olympe, réplique l'intéressé.
— Olympe, c'est sa promise, m'explique Noé. Il dit ça alors qu'ils ont échangé quatre mots à tout casser, et qu'elle a eu l'air de le trouver moche, mais franchement, qui la contredirait ?
— Oh, je vais te tuer !
— Messire, vous voulez m'occire ! hurle l'autre, exagérément outragé, avant de se mettre à courir.
Pierre se lance à sa poursuite, hilare, soulevant derrière lui des volutes de poussière.
— C'est tous les jours comme ça, me lance Guillaume, quand ils se sont éloignés. On se connaît depuis trop longtemps... C'est bien de voir de la nouveauté ! Tu n'es jamais venu ?
— Non, je rêvais de ce jour depuis longtemps. Mon père m'a raconté que tout, ici, est édifiant.
— Il n'a pas complètement tort.
Et derrière une haie apparaissent les jardins de Versailles. Je reste coi, émerveillé par ces étendues sans fins, blanches, nappées de parterres fleuris et d'arbres carrés. L'eau jaillit des fontaines qui se noient dans l'horizon, les Nymphes et les Dieux de pierre se camouflent entre les feuillages touffus. Tout est comme mon père me l'a décrit, si ce n'est que la terre même s'imprègne du soleil.
— Pas mal, n'est-ce pas ? me souffle Arthur.
— Je suis époustouflé !
— Eux, ils ont toujours été là, ils ont oublié que c'est beau, dit-il en désignant son frère, qui avance à pas pressés, soucieux de rattraper Pierre et Noé, échoués sur un banc, un peu plus loin.
Je regarde Guillaume se précipiter dans l'allée, puis s'arrêter soudain et revenir sur ses pas, la tête basse, l'air de pester intérieurement.
— J'oubliais le provincial, s'exclame-t-il. Tu veux visiter, toi, c'est ça ?
Il se plante devant moi, les poings sur les hanches, m'étudie d'un air indéchiffrable.
— Oui, mais ne vous... ne te sens pas contraint de m'accompagner.
— Tu parles ! Entre mon frère muet et les deux inséparables, je préfère encore te voir observer le décor, et puis tu as l'air marrant, j'aime bien ton accent. Par quoi veux-tu commencer ? Allons par-là, et quand tu veux t'arrêter, tu me fais signe, d'accord ? Tu te rends compte qu'ils ont décidé de partager leur chambre sans même me concerter ? Enfin, je ne leur en veux pas vraiment, pour être honnête. J'avais surtout peur de dormir dans le dortoir, mais tout ira bien, maintenant que tu es là.
Je l'écoute bavarder, fasciné par les plantes. Elles sont très organisées, taillées de manière à ce que rien ne dépasse. Je m'arrête devant de grosses fleurs rouges qui ne me disent rien, sors mon carnet d'une poche de mon veston, avec un crayon, et entreprends de représenter la fleur le plus fidèlement possible. Guillaume se rue sur moi, piqué par la curiosité.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— J'adore par les plantes depuis toujours, et quand j'en croise une que je ne connaissais pas, j'essaye de la redessiner pour la retrouver dans mon encyclopédie... Mais il est un peu vieux, et je n'y trouve pas toujours tout.
— Voudrais-tu bien me le montrer ?
— Bien-sûr.
Je lui tends mon carnet et constate qu'il ne se contente pas de le feuilleter, comme la plupart des gens, mais en étudie chaque page consciencieusement, lit toutes les légendes, détaille surtout mes dessins. En me le rendant, il dit :
— Toi, tu dois être vraiment spécial, parce qu'il n'y a que mon frère qui ait vu cette chose-là.
Et il me tend à son tour un petit carnet de cuir particulièrement bien entretenu. Il fixe ostensiblement le sol quand je cherche ses yeux, alors je n'ajoute rien, ouvre le carnet à la première page et découvre des dessins autrement plus réussis que les miens, mais qui ne représentent pas de plantes. Guillaume dessine des gens, des visages, s'évertue à recopier chaque statue et fontaine qu'il croise.
— C'est magnifique.
Bien moins loquace, il joue avec ses pieds dans la terre poussiéreuse, finit par m'arracher le carnet des mains quand il en a assez de me voir le contempler.
— C'est mon secret, d'accord ? Ne brise pas ma confiance.
Cette fois, c'est moi qui lui souris. Le soleil dans son dos lui dore les cheveux.
— C'est notre secret, maintenant.
Les souvenirs d'Etienne/Ethan me distraient pendant mes trajets. Ezéquiel n'arrête plus de se frapper sur la poitrine de me voir si subjuguée par sa technologie. Rien ne l'épuise.
Il est vingt-deux heures passées quand j'arrive, éreintée, à l'appartement. Charles et Clarisse regardent une série, serrés l'un contre l'autre sous un plaid. Je m'enferme dans ma chambre, sors de dessous le fond de mon sac mon butin du jour. Sous mes draps, j'ai un vilain protège-matelas, dont la fermeture-éclair est du côté du mur, collée contre le sommier. Il est plein de fleurs jaunes. Je le soulève, tire sur la fermeture, engouffre l'argent récolté au fond de la brèche, remets le lit en place, et quitte la chambre pour rejoindre la cuisine. Si Agnès avait faim, je pourrais préparer à dîner pour nous deux. Je toque à sa porte, entends un « mmh » distrait en guise de réponse.
Une lampe de bureau éclaire partiellement la pièce. Il y a un sac de terreau éventré parterre, des pots disposés sur le bureau, des outils de jardinage, et Agnès, seule au milieu du bordel, courbée en deux. Il lui arrive souvent de planter des trucs. Ce qui m'intrigue, c'est qu'elle fasse ça dans le noir. A vingt-deux-heures.
— Tu plantes des chauves-souris ?
— Ferme la porte.
— Bonsoir à toi aussi, dis-je en m'exécutant. Merci de te soucier de moi. Oui, oui. Je vais bien, ne t'en fais pas. Tu as faim ?
Elle relève sur moi des yeux distraits, échevelée, les joues roses. La pièce sent le renfermé et l'humidité. Je ne sais pas depuis combien de temps Agnès n'a pas aéré.
— Mmh ? Non, ça va. Excuse-moi, je suis tellement concentrée dans mon affaire que j'oublie d'être polie ! T'as passé une bonne journée ? Moi, super. J'ai eu une idée incroyable, tu vas adorer. Attends, assieds-toi là.
Elle me sourit, s'élance jusqu'à moi, m'attrape par le bras et me force à m'asseoir sur son lit, retourne à sa plantation. J'essuie la terre qu'elle m'a laissé sur le poignet, lui demande :
— Tu fais quoi ?
— Je plante le champignon.
— Hein ?
— Je plante le champignon ! Lusen m'a montré comment il faisait dans le rêve. C'est super facile, en fait. Il pousse rapidement une fois qu'il est modifié. Et comme les souches de la chambre sont déjà transformées, ça devrait aller vite !
Satisfaite, elle cale ses mains gantées sur ses hanches, se tourne vers moi, toute joyeuse, le regard nerveux. Je marmonne :
— On a bien conscience qu'on ne connaît toujours pas les effets concrets de cette chose ?
— Si ! Je commence à faire le rapprochement. Dans le rêve, ils ont une espèce de système informatique qui fonctionne grâce à ce champignon. Ils peuvent communiquer par les sensations, s'envoyer des sortes de messages, faire rejouer leurs souvenirs... Comme ce que t'as montré Ezéquiel, la nuit dernière !
— Le Nuage Mémoriel.
— Ouais. Et dans le rêve, ils ont réussi à voir une vie antérieure, grâce à cette plante. Comme te l'a dit Ezéquiel, ce qu'on a inhalé, c'est la version finale du produit qu'ils utilisaient pour faire comme une espèce d'ordinateur dans le cerveau. C'est cool, non ?
Je peine à la suivre.
— Mais comment cette chose est arrivée dans la chambre des mecs ?
— Bah je sais pas... Ils ont dû le choper quelque part, sauf que je me suis renseignée, et il n'y a rien qui fait état de la circulation d'une drogue dans le genre. Tu imagines bien qu'on en aurait entendu parler, sinon... Enfin, Ezéquiel est suffisamment débrouillard pour aller dégoter un machin comme ça.
— Tu crois que quelqu'un d'autre possède cette technologie ? Quelqu'un qu'ils connaissaient ?
— C'est possible..., répond-t-elle en se grattant le menton, songeuse. En tous cas, je ne regrette pas d'avoir sauté le pas, Elisabeth ! Ce monde, Urbelis, il est vraiment fascinant.
— C'est surtout Lusen, qui est fascinant.
Elle s'empourpre, se râcle la gorge et détourne les yeux. Je crois que ce qui excite autant Agnès, chez Lusen, c'est qu'il soit inaccessible. On n'est jamais déçu par un intouchable. Son histoire me navre. Elle s'entiche de ce type comme d'un personnage de série, sans plus percevoir les gens qui sont autour d'elle.
Je me laisse tomber sur les draps, expire ma fatigue et romps finalement le silence gêné :
— Et du coup, pourquoi tu fais pousser ça ?
Elle regarde les plantes, la lèvre entre les dents. Je la sens nerveuse, soudain. Elle a un truc à me dire. Un gros truc. Si ça se trouve, elle a appris quelque chose sur moi. Toutes les conneries que j'ai faites dans ma vie s'abattent une à une sur ma conscience, tandis qu'Agnès retire ses gants et vient me rejoindre sur le lit. J'avais oublié qu'elle pouvait me fouiller dans le crâne.
Ses yeux qui plongent dans les miens me paraissent immenses. Elle attrape de nouveau ma main, referme ses doigts sur les miens, et sans préambule, son calme me pénètre, me berce dans une sérénité qui n'a pas la couleur de mes sentiments. C'est pareil que ce matin, ou avec Ezéquiel. C'est elle qui me rassure.
— Je sais que tu vends de la drogue, Elisabeth.
Elle endigue mon angoisse avant qu'elle ne me monte au cerveau. Une vague de bonheur se libère en moi, réchauffe mon estomac. Je reste étendue. Elle s'allonge à mon côté, m'observe, sourit.
— Je sais que tu vends de la drogue. D'abord, Louis, ton client, il est dans ma classe et il tient plutôt mal sa langue, surtout parce qu'il sait que je suis ton amie. Ensuite, je l'ai vu dans ta tête, mais ça faisait un moment que j'avais des soupçons. Non, ce n'est pas grave. Je ne t'en veux pas de ne m'avoir rien dit.
— Je ne t'en ai pas parlé pour ne pas te mettre en danger. Ce n'était pas contre toi.
— Ce n'est pas grave, je te dis.
Je vois les cernes de Louis, son air nerveux, épuisé, qui me fixe depuis le bout de la chambre. Il remonte la manche de sa chemise, dévoile son bras plein de piqures. De l'autre côté, sur la chaise de bureau, Ezéquiel fume un joint en souriant, le blanc des yeux rouge sang.
— Je veux que tu arrêtes, Elisabeth.
Louis disparaît comme il est apparu, et le joint d'Ezéquiel s'évapore. Mon cri muselé s'échappe en un petit couinement douloureux. Agnès manque de me lâcher, resserre sa prise. Passé le choc, je commence à me débattre, par instinct, par colère, un truc à cheval entre les deux. Je la sens me gratouiller le cerveau pour comprendre ce qui s'y passe, et c'est insupportable. Normalement, un cerveau, c'est inviolable, c'est peut-être ce qui caractérise le mieux un cerveau, d'ailleurs, c'est que ça n'appartient qu'à un individu, et qu'on peut bien l'ouvrir, le déchirer en deux, ou le faire sortir par le nez, personne ne saura jamais ce qui s'est passé dedans. Là, non seulement on me fouille dans ma plus profonde intimité, mais en plus, j'ai des putains d'hallucinations, et pour une fois, je sais que ce n'est pas Ezéquiel qui en est responsable.
— La drogue ruine la santé des gens. Je ne veux pas que tu continues à les empoisonner.
Je n'avais pas remarqué que je transpirais. J'essuie mon front trempé du revers de ma main libre, croasse sans parvenir à croiser son regard :
— Ce n'est pas à toi de décider de cela.
Je veux sortir de la chambre, qu'elle me lâche, être seule dans ma tête, sans elle. Je me dresse, tente de me dégager de la poigne d'Agnès, la tête lourde. Je manque de m'étaler sur le sol.
— Calme-toi. J'ai autre chose à te proposer.
— Quoi ?
Sa main émane une chaleur infernale, d'une douceur insupportable. Agnès s'ouvre pour que je la sonde, remonte ses doigts vers mon poignet. Je vois de nouveau Urbelis, Lusen, les deux autres. Ils sont sur une plage, à regarder un lever de soleil. Elle ne me cache plus rien. Elle me montre le plaisir qu'elle prend à rêver, elle me remplit du désir d'aller vivre là-bas, et je me remplis d'elle comme elle se remplit de moi. Elle regarde en face les souvenirs de ma vie et ceux de Dilenba, mon oncle, Francine, le laboratoire secret, Marguerite, me fait sentir l'odeur de la viande caramélisée des soirs d'exultornus, et celle du pop-corn chaud, quand elle et Ethan s'absorbaient jusqu'à deux heures du matin dans le visionnage de leur série préférée, et toutes les fois où elle s'était endormie dans ses bras, et toutes les fois où ils avaient pleuré comme deux cons, et toutes les fois où ils se sont refait le scénario de leur futur idéal, puis elle dit enfin :
— Le champignon, je crois qu'on pourrait le vendre.
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