Lou

Mon regard ne quitte pas la pendule au-dessus de l'entrée, en faisant les cent pas et me rongeant les ongles à sang, me morigénant comme une sale gosse qui a invité son petit copain du moment derrière le dos de ses parents, qui va s'introduire dans la chambre en passant par la fenêtre, qui est à deux mètres du sol. Et lui promettant monts et merveilles, les mains moites. Mais qu'est-ce qui m'a pris ? Bordel ! Mais qu'est-ce qui m'a pris ? Putain ! D'avoir proposé et accepté ce rendez-vous. Je suis folle ou quoi ? Ce mec ne t'a pas assez fait souffrir que t'en redemande ?A croire que t'aimes ça ?Oh, puis ça va, hein ? C'est pour Franck et son père, sa mère, son cousin, le club... Je sais j'en fais trop, mais qui me dit que si je lui offre le bénéfice du doute et qu'on repart de zéro, il ne va pas recommencer en s'imaginant que je le laisserai faire ? Si jamais il fait ça, je vous jure que cette fois je lui coupe la saucisse qui lui sert de queue et que plus jamais il ne pourra s'en servir.

__ Toc, toc ! Tu es prête ? crie Adam, dans une tentative de détendre l'atmosphère en frappant à la porte.

Je grogne en entendant sa voix qui ne fait qu'augmenter mon stress.

J'avance doucement, inspire un bon coup et abaisse la poignée et ouvre la porte, incapable de lui dire d’entrer, de toute manière, on sort, alors ce n'est pas grave. En le voyant devant moi, appuyé au chambranle, je suis toujours incapable de parler, comme si un désert a élu domicile dans ma gorge et je crois qu'il n'est pas prêt à partir, alors j'ouvre un peu plus grand me dévoilant un peu plus. Me retrouvant face à un Adam métamorphosé, il a pris le soin de se préparer, me permettant de le découvrir sous une autre tenue vestimentaire et je dois dire : quel changement bon sang ! Chemise ample, rentrée à l'intérieur de son pantalon, à manches longues rouges, remontées sur ses avant bras, accompagnée d'un pantalon à pinces noir, bien ajusté, avec ses boots. Bon on ne peut pas tout avoir, mais c'est déjà un net progrès. 

Son regard me sonde en silence de bas en haut, ce qui me fait tiquer et à la fois paniquer sur mon propre choix. Je me regarde à mon tour en baissant la tête pour chercher l'erreur sur moi, quand j'entends étonnée. 

__ Tu es sublime comme toujours, mais particulièrement plus ce soir Lou, mais ça, tu le savais déjà.

《 euh non》

Choquée ma tête se relève plus vite que mon cœur, qui se décroche de ma poitrine et qui se dissémine partout à mes pieds.

__ Non, c'est la seule chose qui a réussi à sortir de ma gorge asséchée à cause de l'angoisse.

Mais il ne dit rien de plus et n'essaie même pas de me retourner une repartie... étrange. 

__ Tu n'as pas ton cut ce soir ? En me rendant compte qu'il n'a qu'une simple veste suspendue à son coude gauche.

__ Dans la voiture et d'ailleurs j'ai bien fait, ça aurait été dommage d'abîmer ta jolie robe, de plus les talons en moto c'est pas conseillé. 

__ Ah bon ? demandais-je perplexe.

__ Non ça raye une carrosserie et puis tu n'as pas d'appuis correctes sur les marches pieds, on y va ?

__ Oh oui, pardon.

J'avance il s'écarte pour me laisser fermer la porte et galamment il ouvre ma portière côté passager et se pousse pour que je puisse m'installer dans son pickup au fauteuil bien rembourré.

__ On va où ?

__ Bo ? dis-je hésitante.

__ Bien sûr.

Et démarre en s'engageant en douceur dans la circulation, la tension dans la voiture était élevée et tranchante comme une lame, Adam roulait à la limite de la légalité pour arriver plus vite.

Mais il craque.

__ Dis quelque chose Lou… Pourquoi avoir soudainement accepté ce rencard avec moi ?

__ Pour mettre les choses à plat, pour pouvoir se supporter au quotidien, sans se tirer dans les pattes à chaque fois qu'on se verra et peut-être être amis par la suite.

《 Amis ? sûrement pas》

__ Pourquoi tu veux être mon amie ? demande-t-il perplexe.

__ Bah oui, si on arrive à s'entendre. Pourquoi ? Tu ne veux pas ?

Adam ne répondit pas tout de suite, se gare en restant concentré sur ses manœuvres, éteint le moteur, enlève sa ceinture de sécurité et la mienne, se tourne franchement vers moi.

__ C'est ce que tu souhaites pour nous deux dans l'avenir ?

__ Oui, pourquoi pas toi ? demandais-je inquiète.

__ Oh si, si. Aller, tu viens on va boire un verre, dit-il les mâchoires serrées. 

Il n'attend pas et sort de la voiture pour en faire le tour, alors que j'attendais toujours assise.

Quand nous rentrons dans le bar, je suis happée par l'atmosphère cosy de l'endroit, tout fait de bois avec de magnifiques lustres en fer forgé de l'époque des pirates. Éblouie, je restais sans bouger, au pas de la porte en détaillant un long bar lustré et vernis, où était gravé des volutes en bois brunes. Toute la pièce sentait la fumée, et la transpiration, mais n'empêchait pas de trouver l'endroit accueillant. 

__ Tu viens ? propose Adam.

__ Oui, oui pardon, répondis-je à voix basse.

Je me sentais oppressée par tout un tas de sentiments contradictoires qui se bousculaient, créant dans ma tête des milliers de questions, qui prenaient formes à chaque fois qu'il me regardait. Une expression sur le visage que je n'arrivais pas à comprendre et en même temps dois-je croire à sa sincérité ?

Tout le monde s'accorde à dire qu'il a changé.

《 mais je suis comme Saint Thomas je crois que ce que je vois ». Et je ne vois rien de changer pour le moment. 

Une fois assise à l'écart des autres client, je sonde la pièce du regard, alors qu'il était en face de moi, silencieux, concentré exclusivement sur moi. Je n'aime pas être le centre de l'attention, car à chaque fois ça ne s'est jamais bien fini.

Dans la salle non loin de nous, trône deux billards, accaparés par des jeunes en mal de sensations qui jouaient pariant je ne sais quoi, entourés de nanas courtement vêtues, jouant de leurs charmes, pour s'approprier le vainqueur.

Au bar assis sur un tabouret, habillée de cuir rouge, une vieille pute en bas résille déchiré au-dessus du genoux, l'haleine fétide l'air au bout du rouleau avec sa mine fatiguée et vieillissante, les fringues tachés de liquides non identifiés, soupirait accoudée au zinc, avec sous le nez un verre de martini blanc. Un client à deux tabourets plus loin, la matant ouvertement, pour savoir combien ça lui coûterait de la baiser dans les chiottes.

En face de ce comptoir, il y avait des tables alignées les unes derrière les autres, respectant l'intimité des conversations, fait du même bois que le bar, accompagnées de chaises confortables où des couples insolites étaient en pleine conversation. La première tablée était occupée par un couple de quarantenaires, qui ne s'adressaient pas la parole, décidant de s'ignorer, pris dans une houleuse divergence d'opinion, vu comment ils se regardaient en biais.

__ Lou regarde-moi.

La deuxième table, c'était deux femmes,  une brune et une châtain, dans la trentaine bien avancée et bien imbibées, leurs corps tanguaient comme un bateau en pleine mer, échevelées au possible, portant toutes les deux le costume de businesswomen et apparemment vu leur état d'ébriété, leur journée n'avait pas été fameuse.

__ Comment veux-tu qu'on s'explique, si tu y mets pas un peu du tiens ?

J'ai décidé de ne pas lui faciliter la tâche, je hausse des épaules, les yeux navigant partout sauf sur lui, perdue entre la réalité de mes sentiments et ce que les gens qui le connaissent me disent de lui. Ses yeux par contre ne me quittent pas, même quand la serveuse a roulé des hanches jusqu'à nous, le visage bouffi par l'alcool et la mauvaise dope clignant d'un œil alourdi par le maquillage tel un phare pour attirer son attention. Mais rien de tout ça ne fonctionne, alors dépitée, elle grogne.

__ Qu'est-ce que j'vous sers m'sieur, dame ? demande-t-elle en prenant la pose d'une vieille Pin-up en fin de carrière  mâchouillant son Chewing-gum comme une vache avec l'herbe du pré. 

__ Deux bières ! claque-t-il froidement sans un regard. 

D'un regard dégoûtée, nous dévisage et repart au comptoir. 

La troisième table et non des moindres, c'est un marin désœuvré, l'œil vitreux mais l'air triste se tenant la tête, les poings serrés avec une Guinness fraîche à moitié consommée sous le nez, accompagnée de tellement d'autres vides.

__ Lou bon sang parle ! s'énerve Adam, c'est pas comme ça qu'on va avancer, si tu dis rien je ne peux pas savoir pourquoi tu me repousses alors que je t'ai clairement dit, ce que je voulais de mon côté. 

Je craque à cette phrase qui retourne mon cerveau, remplaçant mon incertitude par de la colère. Et surtout il me fait me ressentir coupable, alors que c'est lui, qui est la mèche qui s'est enflammée, que c'est à cause de lui que tout a commencé.

Je le regarde enfin droit dans les yeux, froidement sans une once d'empathie et son expression se fit crispée. Adam ne comprenant pas, ce qu'il a pu dire pour me rendre comme ça. Si mes yeux étaient des flingues, il serait mort.

__ Tu m'accuses de ne faire aucun effort vis-à-vis de toi, alors que tout ce qui arrive est entièrement de ta faute ? dis-je avec humeur.

__ Bah oui... Putain non c'est pas comme ça que j'aurais dû le formuler, dit-il dérouté, en repensant à ses dernières paroles, en gros même si je connais mes erreurs, je veux que tu formules tes souhaits vis-à-vis de nous, pour le futur. 

Voyant que mon expression changeait, devenant plus orageuse, il changea son fusil d'épaule avant que tout ne parte en cacahuète. 

__ Tu connais notre façon d'agir, non ?

__ Pas vraiment.

__ Franck t'a rien expliqué sur notre mode de fonctionnement ? demande Adam étonné.

Inquiète, je fronce des sourcils.

__ OK, ok, soupire-t-il, nous avons cherché des renseignements sur toi et....

__ Non ! grognais-je en comprenant rapidement ce qu'il voulait dire, vous avez fait ça ? dis-je dévastée et honteuse.

Le corps tremblant de multiples émotions, je tente de me lever pour fuir en manquant de faire du bruit avec ma chaise, qui recula un peu sous le bond que je venais de faire en arrière. Mais Adam fut plus rapide et me retiens par le poignet en serrant un peu pour m'obliger à me rassoir en me lançant un regard noir les mâchoires serrées. Ne voulant alerter les clients dans le bar, je le fis de mauvaise grâce en grimaçant d'inconfort.

__ Ecoute-moi maintenant, que tu le veuilles ou non tu n'as pas plus le choix.

__ Bah justement si ! en tirant sur ma main pour la récupérer.

__ Non ! dit-il en resserrant sa poigne. 

__ Si ! me renfrognais-je.

__ S'il te plaît, après je te fous la paix et de toutes manières, on ne part pas tant qu'on ne se sera pas expliqué, c'est clair ? 

Son air buté commença à m'énerver, mais il me relâcha.

__ Oui, soupirais-je, impatiente d’en finir.

__ Alors tu choisis quoi ? Faire ta tête de cochon ou m'écouter ? surtout que ça t'engage à rien de le faire.

Agacée je dois admettre qu'il a raison.

__ Vas-y, je t'écoute, tout en refusant de le regarder.

__ Non j'admets que c'était pas fair-play, mais ça fait longtemps que tu as désertée l'endroit et tu aurais pu changer, être envoyée par l'ennemi, on était dans les mêmes lieux d'éducation, mais pas amis ou autres, tu aurais pu être différente de ce que tu es aujourd'hui. Nous faisons ça pour nous protéger. Tu comprends ?

Comprenant où il voulais en venir j'acquiesce sans un mot, le poignet toujours entre ses doigts, il reprend. 

__ Quand...Quand, j'ai appris…

Je lève la main pour en balayer l'air pour lui faire comprendre de pas rentrer dans les détails que je tentais d'oublier. 

__ Enfin et surtout je m'en veux beaucoup et ça me bouffe de savoir qu'à cause de moi, tu as souffert. Alors à partir de demain, je vais tout faire pour te créer de bons souvenir et te faire oublier le passé et l'imbécile que j'ai été. J'y mettrai toute ma volonté pour effacer les ombres qui te hantent.

Avec un sourire amer, je lui répondis :

__ Ah ouais ? Tu comptes faire comment superman ? hein ?

Le regard d'Adam s'assombrit sous mon rire sarcastique et il dit :

__ Je te l'ai dit, je mettrai toute ma volonté.

__ C'est pas demain la veille. 

__ On verra ça.

__ Crois-moi, je vais pas te faciliter la tâche.

__ J'assume et je suis prêt à me battre pour te prouver ma bonne foi et te mériter. 

Encore une fois, il vit que Lou ne tenait pas compte de ses paroles et il savait que pour le moment il devait faire avec. Ce qu'il ne lui dit pas par contre, c'est qu'il était à la recherche de toute les personnes qui l'avait humiliée par le passé pour la venger.

Je fronce des sourcils en penchant la tête sur le côté en le regardant. Nous avons dû attendre tous les deux que la serveuse dépose les bières, en jetant un dernier regard coquin à Adam qui l'ignore focalisé sur moi. Je lève les yeux au ciel en voyant la serveuse se dandiner lascivement, puis reporte mon attention sur lui.

__ me mérité dit-elle perplexe

Adam porte sa bière à ses lèvres, je repousse la mienne ne l'ayant pas refusée, mais n'avais pas l'intention de la boire quand même. 

Étonné il la regarde, regarde la bière.

__ Tu n'en veux pas ?

__ Non ! et t'as pas répondu.

Soudain il se rappelle, ce que Franck lui avait dit à ce propos et s'en voulu mais cela signifiait autre chose....la confiance, Lou n'en avait pas à son sujet. Je lui jette un regard noir afin de lui faire comprendre que j'attends comprenant sa question

__ Je l'ai déjà dit, je te veux et ça depuis longtemps, j'étais trop con à l'époque, mais plus maintenant. Alors prépare-toi, je vais pas te lâcher la grappe, tu me verras sous tous les angles. Tu aurais pu choisir une autre boisson.

Jetant un œil à la serviette qui accompagne les verres de bière, je vis en rouge un numéro de téléphone suivit d'un nom " Stacy".

__ Non plus, répondis-je, moqueuse, les lèvres retroussées, dans sourire mauvais.

Les yeux toujours sur ce fichu numéro, je regarde vers le bar et vois la serveuse nous observer en nous adressant un regard mauvais, qui me fit glousser.

《 compte là-dessus, bois de l'eau, je ne te laisserai aucune chance 》

__ Tu n'as vraiment pas confiance, hein ?

__ Bingo ! dis-je hargneuse.

Adam fronce des sourcils, jette un œil au bar, là où Lou avait regardé auparavant et voit la pouffiasse de tout à l'heure puis, regarde la table, près de son verre de bière et compris. Alors énervé, attrape le numéro, il fait venir la serveuse et dit à l'attention de Lou.

__ Regarde 

La serveuse s'approche toute contente et déchante rapidement à l'entente de ses mots. 

__ Madame je vais vous expliquer et j'espère ne jamais le refaire, entendu ? dit-il en la regardant.

Elle acquiesce toujours pas convaincue.

__ Tu vois cette nana ?

__ Stacy, dit la serveuse

__ On s'en fou, la rabroue-t-il.

__ Mais... réplique-t-elle alors que je garde le silence. 

__ Bon bref tu vois cette nana, Lou ? et bah pour moi elle est insignifiante, tu sais pourquoi ? N'ayant pas de réponse, il continue. Elle n'est pas toi, pour moi je la compare à une des brebis du club. 

Lou rit.

__ C'est-à-dire ? demande la serveuse, moins confiante de ses charmes.

__ En gros une pute à bikers !

__ Salaud ! s'offusque la serveuse.

Alors que Adam déchire son numéro devant leurs yeux.

__ Aucun intérêt ! en jetant les bouts de papier par-dessus son épaule.

La serveuse partie presque en courant humiliée.

__ Quoique tu dises, quoique tu fasses, je te veux et je t'aurais en t'apprenant à m'aimer. 

__ T'as le droit de rêver ! riais-je.

Il rit à son tour.

__ Tu veux parier  ?

__ Ok !

Il réfléchi une minute.

__ Le jour où tu m'aimes tu bois avec une tenue sexy.

《 hors de question, jamais personne ne doit voir cette marque 》 

Il n'y a qu'une personne qui l’a vue et c'est déjà bien assez comme ça. Confiante il ne la verra jamais et jamais il gagnera, on ne peut tomber pour un mec comme lui.

__ Ok alors si je gagne..mh voyons voir, oh je sais, dis-je fière, tu te mettras à genoux dans la cour de ton club.

__ A la vue de tous ?

__ A la vue de tous !

__ Ah j'oublis le pari est de 30 jours !

__ 1 mois, c'est pas un peu court ?

__ Non c'est parfait !

__ Vendu !

Il tend sa main pour scellé leur accord, elle hésite en le dévisageant et fini par la serrer. 

__ Que le pari commence...

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Corriger par Sophie erieau

Recorriger par Céline allavena