Chapitre 9: Ais-je pêché pour croquer dans la pomme?
Franchissant le portrait de la Grosse Dame, Harry se libéra de l'emprise de Ron qui regardait son ami avec désappointement.
- Laisse moi tranquille, lâcha le brun qui commençait à en avoir assez que son ami ne le quitte pas d'une semelle.
- Harry, tu devrais...
- Je t'ai dit de me lâcher ! hurla-t-il.
Regardant le rouquin avec haine, il se dirigea vers les escaliers menant aux dortoirs, grimpant les marches quatre à quatre, la colère continuant de bouillir en lui. Hermione, qui s'était levée à leur arrivée, le regarda passer devant elle sans même qu'il ne la voit. Elle eut tout juste le temps d'apercevoir sa colère et l'état dans lequel il était pour saisir que quelque chose n'allait pas. Se tournant vers Ron, ce dernier resta un moment à regarder l'entrée des escaliers avant de fixer cette dernière. Ce fut au moment où il croisa le regard inquiet d'Hermione qu'il comprit qu'il allait devoir tout lui expliquer et, la connaissant, elle risquait fort de le prendre très mal.
- Comment...
- Malefoy, dit-il en espérant que la simple mention du Serpentard suffirait à Hermione.
Elle laissa sa bouche s'entrouvrir et jura.
- Que s'est-il passé ? demanda-t-elle.
A contre cœur, Ron lui fit signe de s'asseoir tandis qu'il faisait de même.
- Il allait s'en prendre à Ginny lorsqu'Harry est intervenu, expliqua-t-il. Au début, il voulait juste comprendre pourquoi il avait fait ça mais ça n'a fait qu'empirer et ils se sont battus.
- Et tu les as laissés faire ? s'insurgea Hermione. Bon sang, Ron, il ne...
- J'ai essayé ! coupa Ron. Je t'assure que j'ai essayé, je me suis même mis en ménage avec Zabini pour le faire mais on n'a pas réussi !
Hermione le regarda avec tout de même une once de surprise. Si Ron avait décidé d'enterrer ne serait-ce qu'un instant la hache de guerre avec un Serpentard, elle ne doutait plus qu'il avait tout tenté pour stopper leur ami. Le voyant totalement déconfit, la tête entre ses mains, elle lui posa une main sur l'épaule.
- Comment ça c'est fini ? interrogea-t-elle plus doucement cette fois-ci.
- C'est leurs futurs qui les ont arrêtés, raconta-t-il en relevant d'un air absent ses yeux. Ils se sont jetés sur eux et le futur d'Harry à bien failli étrangler Malefoy pour qu'il arrête de jeter des sorts. C'était effrayant, Hermione, je n'ai jamais...
Ron se stoppa. Expliquer ce qu'il ressentait était difficile et il n'avait jamais été doué pour exprimer ses sentiments.
- Harry est mon ami, mon meilleur ami, dit-il à voix basse. Mais franchement, la manière qu'il a eu de se jeter sur Malefoy sans même réfléchir m'a vraiment effrayé. J'avais l'impression de me retrouver face à quelqu'un d'autre et puis, il a eu ensuite son futur. Je...
Il s'arrêta de nouveau, cherchant ses mots alors qu'Hermione l'écoutait silencieusement, sans intervenir, sentant que son ami avait été pas mal bouleversé par ce qui était arrivé.
- Si Harry m'a fait peur, son futur lui, il m'a vraiment foutu les jetons.
Passant maladroitement sa main dans ses cheveux roux, il se tourna vers Hermione qui le regardait sans ciller.
- C'était comme la dernière fois dans le bureau de Dumbledore, dit-il en espérant qu'il parviendrait de cette manière à lui faire comprendre où il voulait en venir. Il se contrôlait mais parlait de la même façon avec exactement la même expression sur le visage. Il n'y avait pas seulement le futur d'Harry mais également celui qu'on connaît.
Hermione acquiesça. Oui, elle comprenait ce qu'il voulait dire par là et comprenait très bien ce qu'il pouvait ressentir.
- Après le bureau, j'ai toujours espéré que le futur d'Harry n'était pas vraiment réel et que ce n'était rien d'autre qu'un personnage monté de toutes pièces mais, maintenant, après avoir vu notre Harry agir de la même façon, je commence à m'inquiéter...
Fixant la jeune fille, cette dernière ne put qu'approuver les inquiétudes de Ron, il y avait d'ailleurs de quoi. Cependant, elle savait une chose que le rouquin ignorait et comprenait donc la source de colère qui nourrissait inlassablement le futur de son ami. Mais elle savait aussi que les futurs faisaient tout pour changer cela et, voyant que le changement de comportement de leur Harry se faisait malgré tout, elle ne pouvait qu'avoir peur pour le devenir de ce dernier.
- Raconte-moi ce qu'il s'est passé après, dit-elle en espérant au moins que la suite des évènements pourrait au moins présager de meilleures choses.
Ron acquiesça et poursuivit son récit sous le regard réfléchi d'Hermione. Au-dessus d'eux, quelques étages plus haut, un brun tentait de calmer sa colère en enfonçant son visage dans son oreiller.
Car Harry n'avait rien perdu de sa fureur qui l'avait poussée à attaquer Malefoy et serrait les bords de son matelas à s'en faire mal. Il jurait, frappait, hurlait mais rien n'arrivait à sortir. Tous ses sentiments de haine et de rage étaient coincés en lui en cognaient furieusement contre sa poitrine. Il n'arrivait pas à mettre en ordre ses pensées et crispait toujours un peu plus fort sa mâchoire. Lâchant brutalement son matelas, il enleva sa tête de son oreiller avant de se lever et se diriger vers la salle de bain. Enlevant sa robe et sa chemise qu'il laissa tomber à terre, il fit voler ses chaussures au travers du dortoir avant d'ouvrir la porte de la salle et d'appuyer violemment sur le bouton de la douche.
L'eau glaciale lui arracha un cri mais il ne bougea pas d'un pouce. Retirant ses lunettes déjà trempées, il se laissa glisser contre le mur avant de s'asseoir à même le sol, l'eau toujours gelée ruisselant sur lui.
Etrangement, cela lui faisait du bien et refroidissait tous ses sentiments qui bouillonnaient en lui. Il haïssait Malefoy, il haïssait son propre futur. Pourquoi ? Il ne cherchait même plus à le comprendre, il n'arrivait pas à saisir exactement la nature de ses propres sentiments qui le poussait à agir ainsi. Plongeant sa tête entre ses mains, il respira profondément durant une dizaine de minutes alors que son cœur cessait de battre de haine et de rage. Il releva ses yeux au plafond et fixa les poutres au-dessus de lui.
Qu'avait-il fait exactement ? Pourquoi ? Il était idiot, idiot de pas avoir réfléchi alors que tout lui en avait montré le contraire. Il n'avait pas un seul instant écouté sa raison et avait blessé bien plus d'une personne en agissant si stupidement. Ses pensées se tournèrent vers Ron et il jura en se revoyant le rabrouer sans aucune retenue. Il avait été stupide, il le voyait à présent.
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- Pardon.
Le murmure d'Hermione s'était levé discrètement et le blond se tourna vers elle, un doigt sur la reliure d'un livre.
- Qu'est-ce que tu racontes ? demanda-t-il.
- Tu le sais.
Hermione n'avait pas pu rester une heure en place, rongée par le remord et la culpabilité. Elle avait quitté la salle commune après avoir vu Harry redescendre en trombe du dortoir, trempé jusqu'au os, torse nu et les lunettes de travers. Il s'était directement adressé à Ron sous les yeux hagards de tous les Gryffondors qui n'avaient pas saisi ce qui avait bien pu lui arriver et s'était excusé du mieux qu'il avait pu avant de se tourner vers elle. A la vu de ses yeux émeraudes, Hermione n'avait pas pu résister et, tout en lui accordant son pardon, elle avait senti poindre en elle ce sentiment si terrible.
Laissant Harry et Ron parler, elle s'était éclipsée avant de se rendre à la bibliothèque. Après une vingtaine de minutes à rechercher dans tous les recoins de l'immense salle, elle avait fini pas trouver celui qu'elle cherchait. Au fond d'une allée, le futur de Malefoy continuait ses recherches et elle s'était avancée vers lui avec appréhension.
A peine le mot sortit de sa bouche, il l'avait regardé avec désappointement.
- Hermione, de quoi parles-tu ? interrogea-t-il en se tournant convenablement vers elle.
- Tu m'avais demandé de contrôler Harry et je n'ai pas réussi, dit-elle en sentant le poids qu'elle avait sur l'estomac depuis plus d'une heure s'enfoncer encore un peu plus dans ses entrailles. Je n'ai pas réussi et...
- Tu n'as pas besoin de culpabiliser, coupa-t-il. Tu n'étais pas avec lui et, même si ça avait été le cas, tu n'aurais rien pu faire.
Elle fit un signe négatif de la tête.
- Je sais que j'aurai pu l'empêcher, assura-t-elle. Je sais que...
- Hermione !
Levant les yeux vers lui, elle le vit se pencher vers elle avant de poser ses mains sur ses épaules.
- Tu n'es pas responsable, c'est clair ? Continue juste de veiller sur eux et Ryry et moi, on se chargera de leur refaire une santé.
Il avait dit cela avec un très grand calme mais Hermione sentait parfaitement le sarcasme dans la fin de sa phrase. Drago, la voyant hésiter, il lui fit un grand sourire et se rapprocha encore un peu plus.
- Rien de ce qu'il s'est passé n'est ta faute, sois en sûre et certaine.
Hermione acquiesça et il lui sourit de nouveau. Sans vraiment comprendre pourquoi, elle ne put s'empêcher de rougir et recula brusquement en continuant d'acquiescer vigoureusement sous le regard surpris de Drago qui renifla légèrement en essayant de comprendre ce qui avait bien pu faire la faire fuir. Haussant les sourcils, il fit une moue dépitée mais regagna tout de même son sourire.
- Que vas-tu faire à Harry pendant ces soirées ? demanda-t-elle en tentant de regagner toute sa contenance.
- Et bien je pensais le torturer un peu et l'obliger à laver le château, dit-il en se passant songeusement la main dans ses cheveux qui étaient lâchés.
Elle se raidit soudain en l'entendant et le dévisagea sans vergogne avant qu'il n'éclate de rire face à son expression.
- Ne t'affoles pas, je plaisantais, ajouta-t-il en voyant que la jeune fille ne saisissait pas. Je ne vais rien faire de plus que Ryry, rassure-toi.
- Autrement dit le tabasser, résuma Hermione.
Drago cessa de sourire et réfléchit un instant.
- Ryry a toujours été quelqu'un de très pratique, fit-il plus pour lui-même que pour Hermione qui le regardait avec recul, appréhendant le sort qu'il réservait à son ami. Mais ne t'inquiète pas, je ne vais pas le tuer à la tâche.
Hermione le dévisagea sans rien dire mais n'en pensant pas moins. Drago était tout de même un ancien Serpentard et Harry... et bien tout simplement la personne qu'il aimait le plus titiller, il ne fallait donc pas s'attendre à des soirées de tout repos. Elle avait beau accorder une certaine confiance à Drago, elle n'arrivait cependant pas à le croire quand il lui affirmait qu'il ne ferait rien à Harry.
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Drago était en colère, très en colère. Il avait passé sa première soirée de retenue à récurer les toilettes du premier étage sous le regard intransigeant de Rusard et ne pouvait s'empêcher de mettre de nouveau le vieux Cracmol dans la liste des personnes qu'il se ferait un plaisir d'éliminer. Alors qu'il récurait la énième cuvette, il se rémora de nouveau les évènements de la journée et frotta encore plus énergiquement imaginant la tête de Potter sous son éponge.
Car son humiliation venait d'atteindre des sommets. Lui, Drago Malefoy, devait nettoyer des toilettes à la manière moldue, sans aucune aide magique. Lorsque le concierge lui avait lancé le seau rempli d'éponges, il n'avait tout d'abord pas compris ce qu'était tout cet attirail mais, en voyant le lieu de sa retenue et l'ordonnance express ne pas utiliser la magie, il avait de nouveau explosé de colère. Jamais personne ne lui avait donné des tâches si ingrates et si dégradantes à son nom. Il était tout d'abord resté la première heure immobile, les bras croisés et fixant avec haine les petites éponges qui avaient semblées se ratatiner au fond du seau. Et puis Rogue était arrivé et il n'avait eu d'autre choix que de se plier à contre cœur aux ordres, tentant de ne pas imaginer ce qu'il lui arriverait si quelqu'un apprenait ce qu'il faisait.
Alors Drago frottait, se servant pour la première fois de sa vie d'une éponge et faisant connaissance avec les recoins les plus intimes d'une cuvette. Sentant le regard vicieux de Rusard dans son dos, il jura toujours un peu plus fort intérieurement, mettant déjà en place sa vengeance.
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- C'est quoi cette odeur ? ! s'insurgea Pansy en attrapant violemment un pan de la robe de Théodore pour le mettre devant son nez.
Drago ne leur accorda aucun regard, ne prenant même pas en considération Pansy qui venait squatter leur dortoir, et claqua le porte de la salle de bain derrière lui avant de retirer ses vêtements et de se mettre sous la douche. Malgré sa colère, il était d'accord sur un point avec elle : il puait comme jamais un Malefoy n'avait senti avant.
- Je pourrai s'avoir ce que tu as fait pour sentir comme ça ?
La voix s'était élevée de la cabine d'à côté et Drago eut aucun mal à la reconnaître comme étant celle de Blaise. Frottant un peu plus énergiquement, il grogna une réponse inaudible et continua à se badigeonner de tout ce qui pouvait faire disparaître cette odeur insupportable.
- Ce qui veut dire ? insista Blaise qui n'avait pas saisi le moindre mot dans ce qu'il avait dit.
- Mêle toi de tes affaires ! répondit sèchement Drago.
De l'autre côté de la fine cloison, Blaise hausa un sourcil et coupa l'eau. Saisissant un pot vert, il s'enroula la taille dans une serviette avant de venir face au blond qui maudissait toujours un peu plus Rusard et Rogue.
- Tiens, dit-il en lui lançant le pot que Drago attrapa maladroitement alors que ses mains étaient recouvertes de savon. Ma mère me l'a envoyé et dit que c'est bon pour supprimer toutes les odeurs indésirables.
Etudiant un instant le pot, il fixa de nouveau Blaise et fit une grimace.
- Je suis à poil, Blaise, dit-il sèchement.
- Et alors ? rétorqua ce dernier dans un haussement d'épaule. On est tous fait pareil à ce que je sache. Fous ta pudibonderie de côté au moins quand tu es sous la douche.
Drago accorda un regard noir à Blaise et se détourna tout en dévissant le pot qui contenait une étrange substance gélatineux.
- J'espère pour toi que ça marche, lâcha-t-il en considérant avec dégoût la chose qui était censée l'aider.
Pour Drago, cette phrase était de même équivalence à un merci et Blaise ne chercha donc pas à en avoir plus. Quittant la pièce, il s'arrêta soudain après avoir fermer la porte, les yeux fixés sur l'un des sièges qui entouraient la petite table ronde.
- Combien de fois il faudra que je te dise que ce n'est pas un squat ici, Pansy ? lança-t-il sèchement.
Cette dernière le regarda quelques secondes avant d'hausser les épaules et de retourner à sa lecture. S'attardant sur Théodore, celui-ci ne semblait pas s'en déranger, comme d'habitude et Blaise maudit ce dernier qui allait bientôt être la cause d'une invasion incontrôlable de toutes les filles de leur maison dans leur dortoir. Quittant le petit salon, il rentra dans sa chambre et s'habilla.
Pendant un instant, il s'arrêta, pensant à Drago. Le blond n'avait pas l'air de se souvenir de comment il l'avait traité quelques heures plutôt et Blaise ne comptait pas sur lui pour se rappeler ou bien encore pour s'excuser. Il avait toujours été comme ça Drago : un bon petit Malefoy toujours condescendant qui n'allait certainement pas se soucier de la manière dont les autres prenaient ses dires et ses gestes. Il lui avait hurlé dessus, l'avait quelque peu offensé en insinuant qu'il voudrait se faire la fille Weasley, mais n'allait sûrement venir le voir pour se faire pardonner. Avec Drago c'était : je t'engueule, je t'insulte mais tout va bien dans le meilleur des mondes et rien ne s'est passé.
Fixant la porte avec tout de même une pointe de déception, Blaise sortit son devoir de sortilèges et s'assit sur son lit, laissant de côté les problèmes de sociabilité du blond.
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Playlist : Hurry up and save me de Tiffany Giardina
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- Il est 8h15, si tu veux manger, tu as intérêt à aller voir l'autre cinglé maintenant avant le début des cours, dit Théodore en embarquant son sac pour aller dans la Grande Salle.
Drago fit un faible grognement. Il savait parfaitement l'heure qu'il était et ne voulait pas y aller. Il avait passé toute la nuit à maudire le monde entier et à appréhender cette matinée où il devait se consacrer quelques minutes au futur du balafré. Il ne voulait pas s'avouer vaincu, il ne voulait pas se rendre là bas et donner satisfaction et cet imbécile.
- Les cours commencent dans quinze minutes, si tu lui dis que tu n'as pas mangé, il te laissera probablement partir et tu pourras avaler quelque chose avant d'aller en Arithmancie, proposa Blaise.
Le blond le dévisagea mais préféra ne rien dire. De tous les Serpentards présents dans le dortoir en ce moment, tous se pliaient aux décisions d'un ancien Gryffondor. Cela le laissait quelque peu pantois mais il préférait ne rien ajouter. Il savait que la maison des verts et argent n'était pas connue pour son courage mais, tout de même, il y avait une limite avant de se soumettre à ces abrutis de rouge et or.
- Drago, sérieusement, il vaut mieux pour tes fesses que tu y ailles au moins une minute, dit Théodore en quittant la pièce. Je ne tiens pas à revenir et voir le dortoir entièrement saccagé.
Blaise lui accorda le même regard en quittant à son tour la pièce et il sentit peser sur lui un sentiment qu'il n'aimait guère. La colère qu'il était parvenu à contrôler depuis la veille semblait de nouveau surgir en lui et il saisit son sac avec hargne avant de sortir définitivement du petit salon et d'emprunter les escaliers pour remonter dans la salle commune. Malgré sa colère, il savait qu'il avait tout de même bien calculé son coup et qu'il ne resterait pas longtemps avec le futur de Potter.
Quittant l'antre des Serpentards, il s'engagea dans les couloirs sombres pour se rendre dans la salle où il avait eu l'habitude de se faire humilier trois fois par semaines depuis la rentrée. Drago se rendait bien là bas, mais il refusait à obéir aux ordres que le brun lui donnerait par la suite. Son honneur avait été bien trop de fois bafoué au cours de ses dernières vingt-quatre heures pour qu'il s'abaisse à ce genre de chose.
Tout en remontant son sac sur son épaule, il ouvrit la porte en bois qui grinça légèrement et en franchit son encadrement. Drago laissa son regard parcourir la salle et il aperçut le futur de Potter assit sur une table, jonglant avec trois oranges. Décidément, ce gars ne savait pas s'asseoir sur une chaise, c'était risible.
- J'ai failli t'attendre, dit-il en reportant son regard sur lui alors qu'il cessait de faire tournoyer les oranges en l'air.
Drago le dévisagea sans rien dire et resta planter près de la porte.
- Qu'est-ce que tu me veux ? lâcha-t-il froidement.
Harry soupira quelque peu face à ce manque de politesse certain que le petit blond partageait avec son futur. Petit ? Bon, c'est vrai il exagérait tout de même un peu, il n'y avait que quelques centimètres qui les séparaient l'un de l'autre mais c'était plus facile de les différencier de cette manière lorsqu'il était seul à seul avec le grand blond. Il s'égarait là. Ramenant son attention sur le jeune Serpentard, il reprit l'ordre de ses priorités.
- Mange, dit-il.
Drago ne saisit pas où il voulait tout à coup en venir. Manger ? Qu'est-ce que cet imbécile voulait qu'il man...Il laissa légèrement la surprise l'envahir lorsque le brun se leva de la table, révélant derrière lui un amoncèlement de plats.
- Mange, répéta Harry en le voyant totalement hagard.
Il se ressaisit soudain et lui fit face.
- Va te faire voir, Potter, cracha-t-il. Je ne viens pas te voir pour prendre le thé avec toi !
- Et moi je te conseille de manger maintenant, dit calmement Harry.
Pour qui se prenait-il ce type ? Croyait-il réellement qu'il allait se laisser faire gentiment ? Drago eut un rire amer : Potter était toujours le même idiot que ce soit avec où sans quelques années en plus.
- Je n'ai pas très faim, dit Drago dans un grand sourire. Dis-moi plutôt ce que tu me veux exactement et après j'envisagerai l'idée de partir d'ici.
Harry le dévisagea avec tout de même un certain ennui. Il avait depuis longtemps espéré ne plus avoir à faire à Malefoy et voilà qu'il devait maintenant gérer le petit monstre qu'était le blond à cet âge. Un monstre bouffi d'orgueil et de suffisance, il fallait tout de même le préciser bien que la version adulte avait tout de même gardé certain de ces traits de caractères.
- Moi, dit-il en pointant son index sur sa poitrine, veux que toi, Drago Malefoy, pose tes petites fesses sur une chaise.
Tout en prononçant ses mots, il mimait l'action sous le regard quelque peu ébahi du blond.
- Quand toi aura fait ça, toi manger avant d'arriver en retard en cours, poursuivit Harry en prenant un toast qu'il fit semblant d'amener jusqu'à sa bouche. Toi m'en ayant compris ?
Il le prenait pour un attardé ou bien il rêvait ? Sentant une colère froide monter en lui, Drago crispa un peu plus sa mains sur la brettelle de son sac.
- Tu te fous de ma gueule, Potter ? lança-t-il sèchement en s'avançant.
- Tu n'as pas l'air de comprendre le mot « mange » alors je t'explique, rétorqua Harry en haussant les épaules.
Lâchant son sac, Drago attrapa sa baguette et la pointa entre les yeux du brun qui ne fit pas un geste à son encontre.
- Tu veux essayer ? demanda Harry en fixant directement les yeux gris du Serpentard.
La poigne de Drago se raffermit un peu plus sur sa baguette. Oui, il voulait essayer et pas qu'un peu. Il voulait supprimer ce visage qui l'exaspérait tant et ne plus jamais le croiser de sa vie. Il avait déjà la formule en tête et ses lèvres tremblaient déjà d'excitation à prononcer ces mots. Harry lui fit un léger sourire et se mit à tapoter ses doigts sur le bord de la table. Il était si confiant, si sûr de lui. Drago sentit brusquement le piège que lui tendait le brun et retira sa baguette d'entre ces deux yeux émeraudes.
Pendant un moment, il n'avait rien vu d'autre que Potter devant lui : cet idiot et royalement sacré imbécile de Gryffondor. Il en avait oublié qu'il s'agissait là du futur de ce dernier, ce futur qui avait fait volé en éclat toutes les vitrines dans le bureau de Dumbledore et qui n'avait même pas besoin de sortir sa baguette pour faire de la magie.
- Bien, dit Harry en le voyant ranger sa baguette. Maintenant que tu as fini de faire joujou, tu vas peut être avalé quelque chose.
Drago le foudroya du regard et ramassa brutalement son sac.
- Va crever, Potter.
Se détournant du brun, Drago retraversa la pièce et ouvrit la porte pour quitter cet endroit de fou lorsque la voix du brun s'éleva derrière lui :
- Je t'attends ici à midi !
Drago jura en entendant ce ton si enjoué et claqua furieusement la porte derrière lui. Il maudissait Potter, toujours un peu plus chaque jour et à chaque instant. Parcourant les couloirs à grandes enjambées, il gravit ensuite les marches le menant dans les niveaux supérieurs du château. Il n'avait même plus le temps de passer par la Grande Salle, tout ça à cause de cet idiot qui devait manigancer quelque chose. Finissant son chemin en courant à moitié, il n'avait sûrement pas envie de rajouter une nouvelle retenue à cause d'un retard.
A bout de souffle, il arriva dans la classe quelques secondes avant la sonnerie et se laissa lourdement tomber à côté de Blaise qui le considérait avec curiosité.
- Alors ? demanda-t-il un fois que le blond eut repris son souffle.
- Tu as un truc à manger sur toi ? rétorqua Drago à voix basse en sentant le regard du professeur sur lui.
- Pas après m'être rempli le bide avec des œufs, des toasts, du bacon et des pommes, répondit-il. Pourquoi ?
- Plus tard, grogna Drago qui avait quelque peu salivé face à la liste qu'il lui avait dressée.
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La matinée fut une étape difficile à franchir pour Drago. Il avait faim et ne put s'empêcher de sentir son ventre grogner de mécontentement devant son chaudron. Entre l'Arithmancie et les Potions, il avait raconté en quelques mots à Blaise ce qui s'était passé. Ce dernier n'avait fait aucun commentaire et avait laissé faire le blond dans sa quête de nourriture devant la classe de Rogue.
Alors que Pansy avait vanté les mérites de son régime, Drago s'était immédiatement tourné vers Millicent qui avait fait un signe négatif de la tête, de même que Daphnée et les autres filles. Il aurait d'ailleurs dû sans douter, ce n'était pas chez elles qui allait trouver de quoi se remplir l'estomac, les filles cherchaient toujours à maigrir, ce n'était pas en lui tendant un chocogrenouille qu'elles allaient le convaincre. Mais, du côté des garçons, c'était exactement la même situation. Théodore ne mangeait presque rien à chaque repas, c'était une de ses personnes qui se satisfaisait d'un grain de riz en guise de contentement pour la journée. Alors, Drago s'était adressé aux deux seuls qu'ils savaient toujours posséder de quoi se nourrir à savoir Vincent et Grégory. Mais ces derniers avaient fait un signe négatif de la tête, fouillant leurs poches pour en ressortir que des emballages vides.
Drago était donc devant son chaudron et avait faim. Il ne s'était pas abaissé à aller quémander aux Gryffondors, il avait tout de même encore une once d'amour propre. Mais il attendait le midi avec une impatience des plus marquées, cachant les grognements de son ventre par le crachotement d'étincelle de son chaudron.
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- Il ne t'a pas demandé d'aller le voir avant chaque repas ? demanda Pansy en voyant Drago aller à grand pas vers la table des Serpentards, négligeant l'escalier à l'extérieur de la Grande Salle qui l'aurait mené jusqu'au brun.
- Il peut crever la bouche ouverte si ça lui plaît mais je ne vais pas lui faire le plaisir d'exécuter ses ordres, rétorqua abruptement le blond en se laissant tomber sur le banc (avec un certaine classe, bien entendu, Malefoy oblige).
Prenant son assiette, il se mit à se servir de grosses louches de légumes avant d'ajouter des portions de pommes de terre sautées, de riz et finalement un steak qu'il plaça consciencieusement au-dessus de la pile. Théodore le regarda quelques peu incrédule, faisant aller et venir son regard entre l'assiette du blond, débordant de nourriture, et la sienne où une poignée de petits pois se serraient vaillamment les uns contre autres au beau milieu de l'assiette.
- Tu comptes faire quoi avec tout ça ? demanda-t-il doutant sérieusement de la solidité de l'estomac de Drago.
- A ton envie, rétorqua sèchement le blond en plantant rageusement sa fourchette dans l'une des patates.
Il reçut le regard quelque peu outré de Pansy qui coupait son poulet, le petit doigt en l'air, et lui répondit dans une moue désobligeante. Laissant un juron s'échapper lorsque sa patate glissa brusquement de sa fourchette alors qu'elle atteignait finalement ses lèvres, il maudit la pauvre racine qui venait de faire défaut à son estomac. Si ce n'était pas par les légumes qu'il fallait débuter, et bien il mangerait d'abord la viande.
Le steak vit son dernier instant lorsque le couteau meurtrier de Drago se planta en son cœur avant de l'éventrer. Quelqu'un d'extérieur aurait vu en Drago un carnassier prêt à tout pour avaler sa proie mais, il en était autrement. Certes, il avait loupé son petit déjeuner, mais il fallait aussi mentionné qu'il n'avait presque rien avalé le soir précédent, bien trop occupé à gérer sa rage et nettoyer les toilettes. Le tout cumulé, il avait terriblement faim et voyait en son steak une source de satisfaction équivalente à l'égorgement de Potter.
Portant un morceau à sa bouche, il jura de nouveau lorsque ce dernier tomba lui aussi de sa fourchette, venant cette fois-ci atterrir sur sa robe. Etait-il maudit ? Il planta furieusement sa fourchette dans une carotte, l'emmenant jusqu'au bout des piques, et l'apporta précautionneusement à sa bouche. Alors que l'aliment orange allait finalement franchir ses lèvres, il rencontra comme une barrière qui l'empêcha d'aller plus loin. Forçant un peu plus sur sa fourchette, la bouche stupidement ouverte, cette dernière dérapa soudainement pour venir tomber au sol.
Drago considéra l'objet avec stupeur, l'estomac grognant encore un peu plus, et se sentit brusquement pris de court. Saisissant son gobelet, il le porta à sa bouche, mais son cœur s'arrêta soudain lorsqu'il sentit l'eau ruisselée sur le bas de sa mâchoire, semblant ignorer sa bouche grande ouverte.
- Eh, Drago, je sais que tu as faim mais tu n'es pas non plus obligé de faire ça, l'interpella Blaise en voyant le blond essayer d'attraper à main nu le contenu de son assiette.
Mais ce dernier ne l'écouta pas. Il n'y arrivait pas, il ne pouvait pas attraper le moindre aliment. Arrachant une fourchette de la main de Millicent, il la planta dans une patate et tenta de se la fourrer dans la bouche. Mais de nouveau, l'aliment sembla rencontrer une résistance et refusa de rentrer là où il le devait.
- Que t'arrive-il ? demanda Théodore qui avait suivi en silence le manège de Drago.
- Je sais pas, marmonna-t-il en regardant ses propres mains avec une certaine crainte.
Qu'est-ce qu'il lui arrivait ? Pourquoi était-il incapable de mettre quoique ce soit dans sa bouche ? Pourquoi n'arrivait-il pas à manger ou bien à boire ? Sentant tous les regards sur lui, Drago dévisagea ceux autour de lui à la recherche de réponses, le cœur battant à rompre contre sa poitrine.
- On va tenter une dernière chose, dit soudainement Pansy en coupant court au silence qui s'était installé.
Piquant un morceau de viande, elle pivota vers Drago.
- Ouvre la bouche, dit-elle.
Il l'affligea d'un regard désabusé. La bectée ? Elle comptait lui donner la bectée ? Elle avait pris quoi, Pansy ?
- Te fous pas de moi, Pansy ! lança-t-il en amorçant un mouvement vers l'arrière.
- Tu as peut être une autre solution ? demanda Blaise qui était tantôt inquiet, tantôt amusé.
Drago fusilla ce dernier du regard alors que Pansy se faisait toujours un peu plus insistante à côté de lui. A contre cœur et surtout au plus grand plaisir de cette dernière qui avait toujours rêvé de le faire, il se tourna vers Pansy et ouvrit la bouche. Mais, à leur plus grand désarroi à tous deux (enfin surtout Pansy car Drago ressenti une pincée de soulagement), la viande ne voulut pas aller plus loin que les lèvres du blond et ce dernier jura encore et toujours.
- Ce n'est pas normal, dit Millicent.
- Non, c'est vrai ? rétorqua Drago avec une pointe de sarcasme résonnant dans la voix.
- Les Gryffondors ont sans doute..., commença Théodore.
- C'est lui ! hurla Drago.
Son cri avait retenti dans toute la salle et les regards s'étaient immédiatement tournés vers lui. Quittant déjà son banc, il attrapa d'une main aveugle son sac et quitta la pièce en courant sous les yeux des Serpentards qui s'interrogeaient sur l'identité du « lui ». Il traversa le hall dans de grandes enjambées, bousculant et renversant élèves et professeurs sur son passage. Drago allait le tuer, il n'allait plus se retenir désormais. Qu'importe les dangers, il accrocherait sa tête au mur avant la tombée de la nuit.
Dévalant les marches, il traversa les couloirs en courant toujours, la baguette déjà sortie. Il s'arrêta brutalement avant de la pointer sur la porte en bois, cette dernière explosant.
- Espèce de salopard ! Tu...
- Ravi de te revoir, Malefoy, coupa le brun qui était de nouveau assis sur la table.
- Qu'est-ce que tu me veux ? ! hurla Drago.
- La même chose que ce matin.
Le futur du Gryffondor était d'un calme olympien alors que Drago fulminait de colère et de rage. Alors comme ça, Potter voulait qu'il mange ? Quelle bonne idée après tout étant donné qu'il était sûr que le brun avait fait en sorte qu'aucun aliment ne puisse se réfugier dans son gosier ! Fixant Potter avec rage, il serra encore un peu plus son emprise sur sa baguette.
- Arrête de te payer ma tête ! lâcha Drago. Tu...
- Mange, dit Harry en lui lançant une pomme.
Instinctivement, Drago l'attrapa et considéra le fruit avec stupéfaction. Il le tenait ? Il fit aller et venir son regard entre Potter et la pomme sans comprendre. Hésitant, il l'approcha de ses lèvres. Sentant le contact entre la peau froide de la pomme et sa peau, il tendit la langue qui toucha également le fruit. Drago retira brusquement la pomme de sa bouche et dévisagea Potter avec rage.
- Qu'est-ce que ça veut dire ? lança-t-il sèchement.
- Mange, répéta Harry.
Mange ? C'était tout ce qu'il trouvait à dire ? S'il pouvait vraiment satisfaire son estomac à présent, croyait-il réellement qu'il allait rester avec lui ? Mais les méninges de Drago se mirent brusquement d'aplomb et il considéra le brun avec méfiance.
- Tu as finalement compris, dit Harry en voyant le regard qu'il lui lançait.
- Et si tu crois que je vais venir manger ici à chaque repas tu peux aller te faire voir ! rétorqua Drago.
- Etant donné que tu ne peux manger qu'ici il vaut mieux pour toi, répondit-il.
- Va crever !
Lançant violemment la pomme qui éclata au sol, il quitta la pièce en claquant brusquement la porte, laissant Harry seul dans la pièce. Ce dernier se leva avant de s'approcher du cadavre de la pauvre petite pomme et s'accroupit pour la regarder de plus près. Il laissa un sourire glisser sur ses lèvres tout en contemplant les morceaux. Il ne lui donnait pas plus de trois jours avant de revenir
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