𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 ₃₀
➠ ❛Une pluie de météores dans son cœur❜
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Les civils étaient en furie.
« Encore lui ?!
- Au voleur ! »
Le vilain d'il y a quelques jours venait d'escamoter une nouvelle poignée de richesse sans aucun scrupule. Son alter en action, il fuyait à travers les rues de la ville dans sa bulle de fumée. Telle fut sa surprise lorsqu'il remarqua la petite silhouette de Shōta courir dans sa direction avec résolution.
« Je te reconnais, morveux ! Tu n'as pas encore retenu la leçon ?! aboya-t-il en lui envoyant un jet de fumée. »
Quelques secondes s'écoulèrent où seul le nuage grisâtre masquait la vision de tous... Jusqu'à ce que le noiraud apparaisse juste sous le nez du vilain, arborant une paire de lunettes de protection jaune soleil qui lui protégeait les yeux. Pris au dépourvu, le voleur eut un moment d'indignation qu'il utilisa pour le lorgner férocement. Il fut d'avantage surpris de se rendre compte qu'il ne dégageait plus son bouclier gazeux.
« Hein ?! Ma fumée ne fait plus effet ?! »
Le jeune Eraser Head serrait les dents pour se forcer à ne pas cligner des yeux. Le vilain ne réfléchit pas longtemps avant de conclure :
« Ce regard... C'est toi qui fais ça ?! (Sa colère redoubla d'intensité.) Je ne sais pas ce que t'as trafiqué avec mon alter, mais sache que je n'ai pas besoin de lui pour être capable de cogner un minable de ton espèce ! »
Il leva le bras avec fougue, tenant son lourd sac de billets de banque, prêt à écraser l'étudiant comme un vulgaire moustique. Ledit moustique, réactif, esquiva l'attaque d'un bond.
« Loud Cloud, à toi !
- Yep ! »
Une ombre rapide sauta de son perchoir, brandissant son long bâton de combat. Il prit appui sur un nuage, et avec la force d'un aspirant-héros, assomma brutalement leur adversaire.
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.
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C'était une belle journée, en somme. Le ciel était certes couvert, mais une chaleur estivale s'entêtait de mener son règne au-dessus de la ville. Shōta aurait pu profiter de cet après-midi pour se cacher dans son jardin et lire un bon bouquin, ou passer chez Nemuri pour passer du temps avec Sushi, peut-être rattraper des heures de sommeil perdues, pourquoi pas. Mais non. En cette belle journée de juin, le dernier jour de stage avant les vacances d'été, Aizawa le passait à une dernière mission. Et celle-ci venait de s'achever.
Le garçon à l'alter effaceur était déjà en train d'attacher le vilain dans son ruban d'alliage. Oboro, fidèle à lui-même, s'extasiait à chaque détail qu'il se remémorait fièrement à haute voix. Son sourire ne fit que croître lorsque Sa Majesté Purple les rattrapa, épaulé de Midnight, toujours bizarrement peu vêtue, avec un air jovial à sa manière.
« Fabuleux, vous aviez été fantastiques ! Joli travail d'équipe, vous vous êtes beaucoup améliorés depuis le début du stage. Loud Cloud et Eraser Head, vous êtes à deux ce que serait un seul bon super-héros !
- Heh heh, merci ! répondit Shirakumo en posant son bâton sur son épaule, tandis que son meilleur ami, sans réaction, finissait de serrer son nœud pour que le vilain ne s'échappe pas. »
La seule chose qui le fit relever la tête furent les exclamations réjouies des passants, agréablement surpris de percevoir deux jeunes apprentis héros faire du si bon travail. Leur maître de stage, les remarquant à son tour, interpela plus sérieusement ses poussins.
« C'est maintenant qu'il faut sourire ! »
Sans trop modifier son expression faciale, le nuage brandit un pouce en l'air. Il souriait suffisament comme ça. Son cadet, quant à lui, hésita un peu plus longtemps avant de forcer un rictus déformé par la gêne.
« SAPRISTI MAIS QUELLE EST CETTE GRIMACE ?! Tu aurais pu progresser là-dessus ! »
Sous l'air blasé et un tantinet vexé du noiraud, la foule ricana d'amusement et la seule chose que voulait Shōta, c'était s'enterrer six pieds sous terre.
[...]
À l'instar de l'aller, Hizashi avait pris le train pour retrouver les terres de Musutafu. Le trajet aura été long, certes, mais la musique a toujours été d'une compagnie formidable pour le jeune adolescent qui ne rêvait que d'un bon bain frais dès sa rentrée chez lui pour briser la canicule. Il regarda son téléphone et répondit hâtivement à son paternel qui s'inquiétait sur son heure d'arrivée, au même titre que sa femme. Il reposa une nouvelle fois ses yeux trop verts sur la vitre, et rêvassa en imaginant le paysage se mouvoir au même rythme que son wagon. Il était ravi d'être enfin en vacances, mais déçu de ne pas pouvoir partir chez ses grands-parents cet été, à cause du camp de Yuei qui commençait plus tôt pour les deuxièmes années que les quinze-seize ans, dans le simple but de laisser le reste du mois libre pour un voyage scolaire par classe, une semaine après la fin du camp... Yuei abusait vraiment, mais bon, que pouvait-il y faire ?
La voix dans le haut-parleur annonça la fin du trajet pour le jeune blond qui s'empressa vivement de ranger ses écouteurs et tout ce qu'il avait laissé traîner sur le siège voisin. À peine furent-ils à l'arrêt qu'il se précipita hors du wagon et chercha activement des visages familiers dans le paysage. Ses yeux trop verts croisèrent enfin les orbes ténébreuses d'une silhouette plus petite que lui, et oubliant très certainement sa valise sur le quai, le métissé se rua jusque dans ses bras. Déstabilisé, Shōta se permit tout de même de ne pas le repousser. Au contraire, bien que très peu à l'aise encore avec les contacts physiques, il rendit toutefois l'étreinte avec un plaisir dissimulé. Il ne pourra jamais l'avouer de vive-voix mais le luron aux cheveux blonds l'avait plus que manqué.
Lorsqu'ils se détachèrent, telle fut la surprise du plus grand quand il remarqua qu'Oboro ne s'était pas annoncé. Aizawa était venu seul.
« Il est parti en weekend avec ses parents, histoire de profiter un minimum des vacances avant les longs séjours scolaires qui nous attendent... »
Hizashi eut un sourit franc. Son meilleur ami avait deviné le fil de ses pensées sans même qu'ils ne se soient encore adressés la parole. Hizashi le fixa encore un petit moment, détailla chaque parcelle de son visage aux traits fins, avant de se pencher un peu en avant. Il faussa une pause, juste le temps de dégager la frange obsidienne des deux mains, comme s'il écartait là un rideau de perles, et délicatement, il posa ses lèvres sur le front du plus jeune, faisant par cet acte innocent froncer le nez de celui-ci plus par surprise que par aversion. Yamada ignorait comment il avait réussi à se passer de son mouton à cinq pattes préférées, et n'avait pu s'empêcher de le montrer ainsi, à travers ce geste qui frôlait l'interdit. Un baiser si doux, si furtif, si innocent, sur le front du plus jeune, pourquoi est-ce que le noiraud n'aimerait pas ? Pourquoi s'en vouloir ou en avoir honte ? De toute manière, les passants n'y prenaient pas garde, à ces deux adolescents qui rendaient la circulation un peu plus fluide tout en faisant barrière entre les arrivants et les repartants. Shōta et Hizashi étaient en tout point deux taches d'encre intégrées à la foule, les aller-venues qui courbaient leurs trajectoires étaient oubliées par les civils aussi vite qu'ils montèrent dans le train toujours à l'arrêt. Entre deux rappels de haut-parleur, le blond prit la parole d'une voix étonnamment calme :
« Je suis vraiment content de te revoir, Shō-chan.
- Ouais... Je sais... N'oublie pas ta valise, marmonna le plus jeune en recouvrant son air blasé pour masquer sa timidité, les yeux rivés sur une valise familière.
- Je vois que c'est réciproque ! plaisanta le plus âgé avec malice.
- Ma mère nous attend, dépêche-toi, le hâta-t-il pour définitivement changer de sujet. »
Néanmoins, ils eurent la décence d'attendre que l'amas de moutons blancs se dispersent suffisamment pour pouvoir récupérer les bagages du plus âgé, et laborieusement, les deux jeunes gens se frayèrent un passage jusqu'à la sortie de la gare, sans jamais se lâcher la main, de peur de se faire emporter par l'affluence aux pas pressés.
De l'autre côté de la route, une voiture les attendait. Hizashi reconnut immédiatement le profil de Makura Aizawa qui peinait à garder les yeux ouverts. Avant même qu'elle ne se rende compte que son fils était revenu, elle laissa tomber la tête en avant, presque endormie, mais se redressa en sursaut lorsqu'elle activa le klaxon une demi-seconde. Elle regarda furtivement à gauche, puis à droite, chamboulée, avant de sursauter une seconde fois lorsque le coffre s'ouvrit.
« Je suis de retour, prévint Shōta pendant que son meilleur ami rangeait ses affaires à l'arrière du véhicule. Tu t'es endormie ?
- Je n'étais pas loin... »
Les deux garçons glissèrent sur la banquète arrière et attachèrent leurs ceintures. Hizashi se permit de demander :
« Est-ce que vous n'avez pas peur de vous endormir au volant, Aizawa-san ?
- Je conduis lentement, ça devrait aller. »
Ses cernes étaient plus prononcées que d'habitude. Hizashi voyait que quelque chose n'allait pas avec la mère du noiraud, mais ne voulut pas la mettre en position inconfortable en insistant dans une affaire peut-être trop personnelle pour lui. Shōta comprit qu'Hizashi se posait des questions, et lui chuchota discrètement à l'oreille :
« Je t'expliquerai... »
Affichant une mine troublée, le blond opina du chef et la voiture démarra enfin, avec son allure plus ou moins douteuse, frôlant le minimum autorisé.
[...]
Lorsqu'il fut déposé devant chez lui, pendant qu'il sortait sa petite valise du coffre, il surprit son meilleur ami échanger des messes basses à son parent. Curieux, il referma la grande porte verticale et s'approcha d'eux. Étonnamment, ils arrêtèrent de parler dès qu'il parvint à leur hauteur, et la mère soupira avant de se lancer :
« Est-ce que je peux parler avec ta maman une minute ?
- Oh, yeah, sure ! »
Il chercha un court instant dans le regard de Shōta une réponse, n'importe quoi qui pourrait expliquer ce qu'il se tramait, mais comme n'y trouvant rien à part des cernes et une touche d'impatience, Hizashi abandonna pour le moment et recula jusqu'à son jardin.
« J'en ai pour cinq minutes ! »
Il traversa la petite cour devant sa maison, et ouvrit sa porte à la vollée.
« MUM ! I'M HOME ! »
Un bruit de livre qui se ferme alerta ses sens du côté de la chambre parentale. Une grande femme aux cheveux dorés apparut alors, prenant son fils dans ses bras à la simple vue de celui-ci.
« Oh Hiza, mon chéri, je suis si contente que tu sois revenu ! Comment était ton stage ? Tu as bien été nourri et logé, n'est-ce pas ?
- C'était super ! Ne t'inquiète pas, je t'expliquerai au dîner. Madame Aizawa veut te parler, do you have a moment ?
- Makura-san ? elle demanda en souriant. Bien sûr, elle est ici ? »
Il pointa la porte d'entrée, et Chōko suivit la direction, faisant flotter sa robe estivale qui lui allait si bien au gré de ses pas. Lorsque les deux femmes se reconnurent, s'étant facétieusement liées d'amitié depuis le festival de Yuei, elles se rencontrèrent près de la voiture de la narcoleptique pour discuter. Shōta prit son meilleur ami à part, toutefois sans un mot, quand bien même Hizashi méritait d'être mis au courant des derniers événements dans la vie des Aizawa. Ce dernier était perdu par l'absence d'explication tant promis, et insista :
« Shō, qu'est-ce qu'il se passe ?
- Je t'expliquerai plus tard, il grogna, déconcerté par tant d'impatience alors que lui-même n'en était pas le meilleur exemple. »
Celui aux yeux trop verts, sans se décourager, appuya son regard sur son meilleur ami avant de reposer son attention sur leurs mères. La sienne avait perdu son sourire et opté une position plus ouverte à l'écoute. Finalement, elle leur fit signe de s'approcher, ce qu'ils firent sans vraiment de bruit. Hizashi trépignait de comprendre ce qu'il se passait.
« Shōta va dormir avec nous durant ce weekend, c'est moi qui me chargerai de vous amener, lundi. Est-ce que ça vous convient, les garçons ? »
Le blond, visiblement très heureux par la nouvelle, certainement pas celle qu'il attendait à l'origine, affichait un très large sourire. Son dissemblable se contenta d'un hochement de tête.
« Merci pour ce geste, Chōko-san, je te revaudrai ça.
- Il n'y a pas de problème, c'est avec plaisir.
- Je reviens demain avec les affaires du petit... Bonne nuit, chaton.
- Ghm... 'nuit m'man... »
Makura ne tint pas rigueur de la mauvaise foi de son fils vis-à-vis le surnom, se réinstalla à sa voiture, et démarra sans plus d'expression sur le visage. La mère Yamada invita les deux jeunes à entrer, non sans rappeler à son fils de récupérer sa valise. En deux temps trois mouvements, ils se retrouvèrent dans la chambre du plus âgé après avoir laborieusement monté ses affaires à l'étage. Tandis qu'Hizashi s'occupait de ranger ses vêtements, celui à l'alter déstabilisant prit le lit pour assise, lisant le résumé d'un manga qu'il avait vu sur la table de chevet. Une histoire étrange qui parlait de collégiens apprentis assassins... Il imagina ensuite une adaptation réelle, celle dans laquelle Shōta devrait essayer de tuer son professeur principal. Quelle pensée irrationnelle. Il déposa l'ouvrage à la page colorée, et reposa son regard terne sur Yamada. Celui-ci avait profité de son inattention pour se changer, optant pour des vêtements plus légers afin de contrer la désagréable chaleur qui les étouffait. Aizawa sentit alors qu'il commençait à avoir un peu chaud avec son pull fin et son jogging. Il étira légèrement le col pour faire passer un peu d'air, ce qu'Hizashi remarqua bien évidemment.
« Tu n'peux pas dormir comme ça, je vais voir ce que je peux te prêter ! »
Shōta, rapidement convaincu, hocha la tête sans résister. Le blond trifouilla alors dans son tiroir et en extirpa un tee-shirt jaune avec un short parfaitement accordé à ses yeux couleur nuit, tout ce qu'il y avait de plus classique, en somme. Dos à son meilleur ami par pudeur et embarras, l'invité troqua ses torchons sombres pour ceux proposés et n'hésita pas pour serrer au maximum les petits lacets du bas. Il se retourna, son air atone ne le quittant pas.
« C'est un peu grand, mais ça devrait aller pour cette nuit ! rassura Hizashi en le regardant de la tête au pied, un léger sourire s'installant au coin des lèvres. Tu es vraiment mince, c'est ouf !
- Ce n'est pas un compliment, c'est un fait, inutile de me le faire remarquer puisque je le sais déjà.
- J'ai pas trop l'impression que tu t'es musclé depuis l'année passée.
- ... Tu trouves ?
- Sans vouloir te vexer ! I'm just really surprised.
- Je dois avoir un métabolisme différent du tiens, voilà tout, expliqua-t-il calmement, lorgnant ses bras.
- Tu t'es mesuré récemment ?
- J'ai rien pris, et j'imagine que tu vas prendre la grosse tête parce que tu as pris deux centimètres... ?
- En fait, j'en ai pris quatre au cours de l'année ! »
Le noiraud cala nerveusement une mèche de cheveux noirs derrière son oreille. Son meilleur ami, constatant l'embarras de son ami, passa son bras par-dessus ses épaules avec un certains réconfort.
« Ne t'inquiète pas !! Je suis sûr que tu vas bientôt avoir ta poussée de croissance ! And y'know, c'est pas graaaaave si tu mesures cette taille toute ta vie !
- Tu rigoles ? On ne dirait pas que j'ai seize ans.
- We don't care ! Tu es très bien comme tu es !
- ... »
Hizashi changea de position, et posa ses deux mains sur les épaules de son dissemblable. Il le regarda droit dans les yeux.
« Tu es très bien, peu importe la taille que tu fais. »
Shōta, de ses yeux las, dévisagea chaque trait de son visage avec crainte et interrogation. Comment pouvait-on dire des choses aussi gentilles à un type comme lui ? Hizashi était beaucoup trop bon avec les autres, sa nature le perdra bien un jour ou l'autre... Étonnamment, il était calme, sa voix était posée, pas criarde comme à longueur de journée. Quelques blessures faisaient surface sur sa peau, certainement en souvenir de son stage à Chiba avec Muscle Man, et ses cheveux bloqués dans le gel ne cessaient d'attirer son attention. La blondeur éclatante rivalisait avec tous les soleils du monde. Le jaune était une couleur vraiment rassurante. Et ses yeux verts, faussés par l'orange de ses lunettes, dévoilaient l'asymétrie qui les départageait de la gauche à la droite, une légère malformation qu'il avait héritée de son grand-père maternel qu'avait rencontré le noiraud l'an passé. Le jeune adolescent était imberbe mais plus aussi chétif, ses oreilles n'étaient plus constamment rouges à cause de son walkman, mais surtout, Hizashi ne souriait pas à cet instant précis. Sa respiration était régulière, et sa prise sur les épaules d'Aizawa s'était détendue. Ils s'étaient perdus dans le regard de l'autre. Tout simplement. Lui, revoyait une silhouette avancer nonchalamment, les mains enfouies dans ses poches, le temps s'était arrêté, il n'avait été qu'une ombre... Hizashi l'avait observée, l'avait examinée, avait appris chaque élément visuel qu'arborait le jeune garçon la première fois qu'ils s'étaient vus, dans cette salle de classe en première année de lycée. Il avait remarqué dès les dix premières secondes sa démarche blasée, sa petite taille chétive, son regard vide, sa cravate mal faite, et pourtant, l'attraction s'était formée, il n'avait pas pu s'empêcher de se présenter à lui. Et voilà qu'il perdait ses moyens face à ce même garçon, un an plus tard, qu'il retenait à bout de bras.
L'autre, chamboulé par le silence improbable de l'énergique d'habitude, maintenait les lèvres scellées jusqu'à ce qu'une modification dans le court de l'espace-temps ne donne l'autorisation de quitter le bug. Car oui, inconscients de ce qu'ils faisaient, ils n'avaient pas arrêté de se regarder dans le blanc de l'œil, sans un mot, comme un défi dont aucun ne voulait faillir. Shōta n'était pas le plus vulnérable, mais il était certainement celui qui avait le plus lourd à porter dans son cœur. Sa lèvre inférieur se mit à trembler. Sa vue se brouilla le temps d'un instant, avant que la première larme de trace sa route sur sa joue. Sa gorge était nouée. Il articula péniblement ses quelques mots, qui pourtant lui faisaient si mal :
« Mes parents sont en train de divorcer. »
Ce n'était plus Shōta le garçon froid et silencieux qui suivait ses deux meilleurs amis sans trop réagir. Il était un adolescent aux émotions bancales, sensible à son environnement, interrogateur sur son identité et triste de voir sa famille se déchirer sous ses yeux.
Hizashi cligna plusieurs fois des siens, ouvrit la bouche sans rien dire, ayant peur de sortir une bêtise. Finalement, après une petite minute à se regarder bêtement, il craqua.
« Bah merde, alors... »
Le plus jeune ne réagissait plus. Il se contenta de le fixer, laissant ses rares larmes tracer leur chemin avant de venir s'écraser sur le parquet. Il renifla, la tête haute. Il remit son masque impénétrable.
« Ça va. Je me sens juste un peu secoué ces derniers jours... On m'a demandé de choisir avec qui je voulais vivre.
- And so... ?
- Je ne sais pas. J'ai besoin de temps pour y réfléchir. »
Il n'avait que ça à faire. Réfléchir. Réfléchir à en crever.
Il se laissa tomber sur le lit, le regard dans le vide. Hizashi le suivit, les deux mains sur les cuisses, hésitant à le prendre dans les bras. Pourquoi hésitait-il ? Il était étonné que son ami ne pleure pas plus que cela. Peut-être qu'il n'en avait pas besoin ? Peut-être qu'il le prenait assez bien ? Ou n'en avait-il plus la force... ?
« C'est pour ça que tu restes dormir ici ? »
Shōta hocha la tête et ferma un instant les yeux pour réfléchir. Il sentit alors un bras l'enlacer par le côté. Il se laissa faire, un tantinet vulnérable, et posa sa tête sur l'épaule de Yamada. Sa respiration était lente. Mais il se sentait mieux ainsi. Il avait l'impression qu'Hizashi le protégeait du monde. Il ne pensait pas en avoir besoin, mais il ne le refusa pas. Alors il ne se décala pas, profitant même de l'étreinte malgré la chaleur. Dire qu'il s'en fichait serait un euphémisme...
[...]
Lorsqu'il ouvrit les yeux, c'était pour se rendre compte qu'il s'était endormi. Il était allongé de travers dans le lit double d'Hizashi, par-dessus la couverture, et le propriétaire n'était même pas là. Un peu assommé par la fatigue encore, le noiraud se redressa en se frottant les yeux, et remarqua que le réveil-matin affichait deux heures du matin. Son ventre criait famine, et il en voulait un peu à son meilleur ami pour ne pas l'avoir réveillé pour dîner. D'ailleurs, où était-il ? Il se leva avec peine, et tituba jusque dans le couloir. Aucune lumière de visible sous la porte de la salle de bain. Pris au dépourvu, il dévala lentement les escaliers et jeta un vague coup d'œil dans la cuisine, où il ne vit personne, là encore. Il bailla, se frotta les paupières, et ses pieds nus le guidèrent jusqu'aux marches pour remonter dans la chambre, avant de s'arrêter net, l'oreille tendue. Il hésita un court instant avant de prendre la direction d'une porte, un peu en retrait des autres, et colla sa tête contre, attentif. Il entendait des bruits de câbles et quelques autres choses d'indéterminables. Il décida alors d'ouvrir la paroi de bois, et découvrit qu'il s'agissait d'un garage. Une petite lumière de bureau éclairait une table avec un ordinateur et une drôle d'installation. Et le plus surprenant était qu'Hizashi se trouvait là, enroulant autour de son poignet les fils noirs qui reliaient un micro et certainement d'autres choses à une prise à l'autre bout de la pièce. Le blond avait l'air appliqué dans sa tâche, et ne semblait pas avoir entendu le noiraud. Il chercha à attirer son attention d'une voix faible, affaiblit par le sommeil.
« Hiza'i... ? »
L'interpelé ne l'avait pas entendu. Il passa devant lui sans le voir, les yeux suivant le sol et les câbles. Lorsqu'il rangea le tout dans une boîte en carton, il se tourna finalement vers la porte et manqua de sursauter en voyant Shōta debout sur le seuil, les bras croisés et les yeux mi-clos.
« Shōta ! J'ai cru faire une crise cardiaque ! chuchota fermement le blond en passant une main dans ses cheveux lisses.
- Do'age, t'es tou'ours en vie... se moqua malicieusement le noiraud en fermant les paupières, Morphée le rattrapant. »
Enfin non, celui qui le rattrapa fut Hizashi, et personne d'autre. Aizawa enroula ses bras par-dessus les épaules du blond en baillant.
« Tu f'sais quoi ici... ? tenta-t-il tout de même de demander.
- Je viens de terminer ma session de webradio, fallait bien que je prévienne que je ne serai pas là à cause du camp. Pourquoi t'es debout ?
- J'sais pas... la chaleur... ou la faim...
- Viens, on t'a laissé une assiette, je vais te la réchauffer.
- 'peux manger froid aussi... fait un peu chaud...
- Hm, m'oui, c'est pas bad comme idée ! »
Hizashi cala ses mains sous les bras du noiraud et le souleva plutôt aisément, le lâchant peut-être un peu trop brusquement pour les faire glisser sous les fesses afin de le soutenir. Trop épuisé pour lutter, le noiraud enroula ses bras autour de la nuque de son meilleur ami et se laissa porter jusqu'à la cuisine, où il fut redéposé sans accro. Prenant à tâtons une chaise, il la tira et réussit à s'assoir, tandis que le luron préparait son assiette qu'il déposa sous son nez.
« Ça fait une salade de pâtes, du coup. Tu veux quelque chose par-dessus ?
- Hm hm...
- Tu veux un verre d'eau alors ?
- Hm... »
Hizashi se tourna quelques secondes pour remplir un gobelet d'eau fraîche qu'il présenta à son meilleur ami. Il se laissa ensuite tomber juste en face de lui, et s'accouda à la table pour le regarder manger. Shōta menaçait de s'endormir dans son assiette à tout moment, mais ne le fit pas, trop affamé pour pouvoir se le permettre. Il acheva son court repas par quelques gorgées de sa boisson, et avant même qu'il n'ait le temps de comprendre, son assiette était déjà posée dans l'évier et on l'aidait à se remettre debout.
« On retourne au dodo, chuchota celui aux yeux trop verts en lui prenant la main pour le guider jusqu'à l'étage.
- Hm... »
Le noiraud se laissa tomber contre le torse de son aîné.
« Shō-chan, un petit effort, je ne peux pas te porter dans les escaliers. »
Il releva doucement la tête de son invité en faisant glisser sa main sur sa joue. Peinant à maintenir les yeux ouverts, le plus jeune hocha fébrilement la tête et se força de marcher jusqu'aux escaliers. Prenant plus de temps que pour descendre, ils arrivèrent enfin dans la chambre où le lit les attendait avec impatience. Hizashi voulut aider Shōta à s'allonger mais ce dernier se contenta de se laisser tomber sur le matelas sans aucun effort. Le blond souffla alors du nez, amusé, et le fit rouler sur le dos, côté mur, et s'installa à son tour. Une fois couché, il remarqua que son meilleur ami s'était déjà rendormi, à la vue de sa respiration posée et rassurante. Le blond eut un tendre sourire et approcha légèrement son visage de celui de son cadet, venant même écarter une mèche de cheveux onyx avec la finesse d'un toucher de lépidoptère.
« Shō... Tu dors... ? »
Aucune réaction. Yamada ne put s'empêcher de l'observer un instant encore, avant de, lentement, sûrement, se pencher en avant. Leurs corps étaient intimement proches, si proches que leurs chaleurs n'en étaient que partagées, et doucement, comme s'il pouvait alléger son acte par cette douceur, Hizashi posa ses lèvres au coin de ceux de son meilleur ami. Juste au coin, de sorte à sentir leur tiédeur sans l'embrasser directement. Et il pressa ses lèvres, les yeux fermés.
C'était comme si une étoile venait d'éclater dans son ventre en supernova, un feu d'artifice qui se propageait dans ses veines, ou une pluie de météores dans son cœur qui le faisait surchauffer, dégringoler dans des rythmes irrationnels, frapper ses côtes si fort qu'on y laisserait des cratères comme joyeuses cicatrices d'un amour à sens unique. C'était agréable et intense à la fois.
C'était magique.
C'était doux.
C'était douloureux.
Il se recula enfin, peut-être un peu honteux d'avoir agi ainsi, toujours avec cette même lenteur soucieuse, les joues rosies et le cœur battant continuellement la chamade dans sa cage thoracique. Shōta n'avait pas réagi, gardant même son air serein et impassible d'endormi.
Il ne le saura jamais. Tant pis.
L'adolescent se réallongea alors normalement sur le dos et ferma les yeux avec le bras, l'autre main sur sa poitrine pour sentir son cœur tambouriner à vive-allure. Son cœur qui le rendait si vivant. Son cœur qui cognait si fort qu'il en souffrait.
Il repensa au baiser qu'il lui avait volé, se forçant pour ne pas recommencer. Après tout, il n'en avait pas le droit, cela lui était défendu... Mais quand bien même, le souvenir de la douceur des lèvres de son meilleur ami persista contre les siennes. Et ce souvenir, il le chérira toute sa vie. La première fois qu'il l'avait embrassé...
Hizashi souriait bêtement.
Mais son cœur pleurait.
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Il y a de la neige chez moi ce matin, mon cœur est en guimauve ❤ Ainsi se conclue certainement l'un de mes chapitres préférés, en espérant qu'il vous ait plu ! 🥺💕
Demain je compte publier une partie bonus ; des memes en rapport avec la fanfiction, alors restez à la page !
Et à dans deux jours pour la suite 🎶
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