𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 ₅₀

➠ ❛J'ai trouvé en toi ce que je préfère dans ce monde

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Hizashi venait à peine de rentrer de chez ses grands-parents que le voilà déjà devant la gare de Tokyo où Tōya et Chōko Yamada l'avaient abandonné lors du trajet du retour. Sa petite valise lui servant l'appuie bancal, le jeune blond de dix-sept ans et demi ne pouvait détourner son regard de l'immense infrastructure qu'était la gare. Il s'était abrité sous le préau, contre les briques rouges de la station de train, afin de se protéger du soleil qui n'arrivait pourtant pas à faire fondre toute cette neige. Le ciel était d'un grand bleu, si bien qu'il avait la sensation d'étouffer dans son manteau d'hiver. Ce trente décembre s'était annoncé magnifique, il était presque dommage de quitter la capitale pour Narusawa, à un peu moins de cinq heures en train de sa position actuelle.

« Salut. »

Le bilingue ne portait qu'un seul écouteur, ainsi, la voix du fils Aizawa lui parvint parfaitement. Ravi de le revoir après cette longue semaine où ils avaient passé Noël chez leurs familles respectives, Hizashi abandonna ses affaires pour prendre Shōta dans ses bras. Sauf que, prenant légèrement le noiraud au dépourvu, le plus grand l'attrapa fermement par les hanches et le fit tourner deux fois avant de le serrer fort contre lui.

« YOOO !! Damn, I missed you sO mUch !! »

Il s'écarta brusquement et le retint par les épaules pour mieux l'observer. Bien évidemment, son meilleur ami avait rougi et s'était raidi. Il ne s'attendait visiblement pas à être accueilli aussi chaleureusement. Peut-être aurait-il dû, Yamada n'a jamais été dans la retenu, après tout.

« Bonjour l'ami de l'enfant, salua en tous points candidement la silhouette près d'eux.

- Oh, hey Aizawa-san ! s'exclama en retour le blond en lâchant presque aussitôt le fils de celui-ci afin de se pencher en avant.

- Combien de fois dois-je te le dire ? Tu peux m'appeler Kiyo. »

Kiyo Aizawa venait d'atteindre leur niveau. C'était la première fois depuis son divorce qu'Hizashi le voyait, il s'était coupé les cheveux ; un peu plus courts sur les côtés, et sur le haut de la tête suffisamment pour que plus aucune mèche ne vienne le gêner, mettant davantage en valeur ses yeux verrons. Sa barbe mal rasée expliquerait presque toutes les coupures sur le menton de son fils. Ils étaient identiques en tous points, mais après tout, ne disait-on pas qu'un enfant ressemblait à son parent ?

« Tu n'as pris que ça comme affaires ? »

Hizashi afficha une mine surprise.

« Well, yes ?

- Et tes skis ? demanda Shōta.

- Mes skis ? On va skier ??

- Tu crois que ça veut dire quoi 'passer quelques jours dans une station de ski' ?

- ...

- Ce n'est rien, on t'en louera sur place, rassura doucement Kiyo avec son petit sourire. Venez les enfants, on ferait mieux de se dépêcher si on ne veut pas louper notre train. »

Disant cela, l'adulte s'éloigna pour récupérer leurs affaires et sans même hésiter une seule seconde, son fils lui emboîta le pas. Il cala ses skis sur l'épaule et sa petite valise se laissa tirer à bout de bras, légèrement retenue par la neige qui s'entassait difficilement sous les roues. Le cœur d'Hizashi battait à tout allure.

M-mais-mais j'ai jamais skié de ma vie, moi !!...

.

.

Kiyo lisait un roman, la tête appuyée sur son poing, accoudé sur sa cuisse. Shōta et Hizashi, quant à eux, bavardaient sur les sièges d'en face. Si le premier avait opté pour une position en tailleur, le second avait préféré se mettre à genoux, le corps tourné vers son voisin d'assise. Il faisait défiler ses photos de vacances à la préfecture de Chiba. Sa grand-mère avait accueilli des chats errants pour les tenir au chaud durant cette période, et il savait à quel point cela ferait plaisir à son dissemblable de lui faire partager ces clichés. Dans ces mouvements de doigts, un bracelet ne faisait que bouger au rythme du défilement d'images ; une petite chaînette en acier que Shōta ne se souvenait pas avoir déjà vu. Ainsi, lorsque son ami eut terminé de passer en revu son album, le noiraud ne se priva par pour attraper le bijou de son index, lui immobilisant ainsi le bras.

« D'où vient ce bracelet ?

- This ? C'est un cadeau de Noël ! Tu le trouves comment sur moi ?~ »

Hizashi ne se faisait aucune illusion, il savait qu'Aizawa ne lui répondra pas. Ce dernier le lâcha et posa sa main sur les cuisses, le dos courbé en avant.

« Bon, et toi alors ? T'as reçu quoi ?

- Un livre sur la manipulation de la part de ma mère, et un nouveau sac de couchage de la part de mon père.

- Oh, ça a l'air cool !... ricana-t-il sans être convaincu. Il est bien le livre ?

- Très. »

Kiyo fit un peu de bruit en tournant la page de son roman. Shōta profita de la transition pour changer de sujet.

« Tu as rajouté des chansons dans ta playlist ?

- Yup ! Tiens, je vais te faire écouter la plus récente de mes téléchargements ! »

Il lui tendit un écouteur et sélectionna le titre que son cœur convoitait.

'Can you hear the silence ?

Can you see the dark ?

Can you fix the broken ?

Can you feel, can you feel my heart ?'

Il jeta un vague coup d'œil devant lui, tâchant d'être discret, pour ne serait-ce que comprendre l'expression facial de son meilleur ami. Le noiraud avait fermé les yeux pour se concentrer sur les paroles, mais Hizashi savait qu'il n'y parviendrait pas. Shōta était doué dans mainte matières, adroit dans chaque chose qu'il faisait, bon au combat, un petit prodige en mathématique, mais s'il avait bien un point faible, c'était l'anglais.

'I'm scared to get close, and I hate being alone

I long for that feeling to not feel at all

The higher I get, the lower I'll sink

I can't drown my demons, they know how to swim'

Hizashi aimait beaucoup cette chanson. Il souriait en fixant son camarade. Ce dernier se sentait pris dans le tempo fracassant. L'aîné ferma les yeux à son tour.

'Peux-tu entendre le silence ?

Peux-tu voir l'obscurité ?

Peux-tu réparer ce qui est brisé ?

Peux-tu sentir, peux-tu sentir mon cœur ?'

Il faisait noir autour d'eux. Il faisait si calme, quelques taches lumineuses avaient l'air d'étoiles dans l'obscurité de son esprit.

'J'ai peur de me rapprocher et je hais être seul.

J'aspire à ce sentiment de ne pas le ressentir du tout.

Le plus haut atteint, au plus bas je coulerai.

Je ne peux noyer mes démons, ils savent comment nager.'

« Je crois que c'est la première fois que je te vois écouter ce genre de chose. »

La lumière lui revint et le bruit du wagon qui ricochait sur les rails se fit plus net. Ils ouvrirent les yeux de concert.

« Really ?

- Je ne suis pas sûr de comprendre les paroles, mais vu le rythme et les nuances dans la voix, je crois comprendre le fond de cette chanson.

- Tu veux écouter la musique suivante ? »

Shōta hocha la tête et se cala un peu mieux dans son siège, toujours en tailleur. Son meilleur ami zieuta les titres suivants pour savoir ce qu'allait écouter son dissemblable par la suite. Non pas qu'il n'avait pas honte de ce qu'il écoutait, il était simplement fier qu'il ne s'y désintéresse pas totalement.

Nouvel élément à intégrer dans la liste des choses que Shōta aime : la musique.

.

.

.

Un peu plus de quatre heures s'étaient écoulées depuis le début du voyage, et à présent, les touristes se hâtaient de ranger leurs affaires et quitter leurs sièges. Les deux Aizawa avait rejoint leurs skis dans le wagon, tandis qu'Hizashi peinait à faire sortir sa petite valise bleu nuit de sous son siège. Il tira sur le manche fort, très fort, mais impossible de la libérer. Il aurait beau s'appuyer contre la housse de l'assise avec le pied, quelque chose bloquait. Kiyo revint sur ses pas et prit le relaie. Tournant le manche de l'autre côté du siège, il fit glisser la valise dans l'autre sens et le présenta à l'ami de son fils unique avec un petit sourire timide. Le jeune Yamada afficha une mine stupéfaite digne d'un grand cartoon.

« L e  t r a i n  e n  d i r e c t i o n  d e N a r u s a w a  a r r i v e  à  d e s t i n a t i o n. . . »

L'annonce dans le haut-parleur libéra le jeune adolescent de son hébétement et rapidement, il rejoignit son meilleur ami à marche rapide, sa valise traînée à bout de bras.

Lorsqu'ils posèrent le pied hors de la gare, la borée les transit, mais pas plus que la beauté des lieux. Narusawa était jadis une ville montagnarde avec une station de ski à son nom, mais depuis l'apparition des alters – notamment de vitesse ou de métamorphose – la communauté a jugé bon réaménagé la place. Ainsi, plusieurs infrastructures absolument titanesques servaient de base, et la neige s'était occupée de tout le reste. Il y avait d'avantages de pistes et de télésièges, au plus grand bonheur des touristes. La côte de la Station de ski de Narusawa était à son apogée.

« On y va ? demanda Shōta qui ne semblait pas aussi émerveillé que le blond face au spectacle hivernal.

- Oui, oui, on y va. Vous voyez cet hôtel ? »

Les deux adolescents suivirent le regard du père. Il s'agissait là d'un très grand bâtiment en demi-cercle, haut d'une dizaine d'étages et tellement long qu'on pourrait prendre cinq bonnes minutes à la longer. Sur le flan, Hizashi pu y lire 'White Hotel' en immense fils doré, et lorsqu'ils descendirent les nombreuses marches d'escaliers qui longeaient l'hôtel le long de la montagne, la musique d'un cloché d'église éclata dans le village, de l'autre côté du bâtiment, pour annoncer le passage de Narusawa à dix-sept heures.

« C'est la première fois que tu viens ici ? demanda Kiyo en tenant la porte avec le pied afin de laisser passer les deux adolescents.

- Yup ! J'allais souvent voir ma famille en Grande-Bretagne pendant les vacances, mes parents ne sont pas trop friands des sports d'hiver I guess.

- On venait ici chaque année avec sa mère, avoua celui aux yeux verrons alors qu'il aidait son fils à faire rentrer sa valisette jaune délavée. »

Le blond réajusta la hauteur du manche de la sienne, ne sachant trop quoi répondre à l'adulte. Il jeta un regard à son meilleur ami mais celui-ci se contenta de les ignorer pour appeler l'ascenseur.

Les minutes qui suivirent se tapirent dans un silence pesant, mais bientôt, lorsqu'ils atteignirent le troisième étage, le mutisme général devint presque agréable et la chambre leur fut révélée. C'était une petite pièce avec une salle de bain près de l'entrée, une machine à laver en face, et la cuisine n'était séparée que par un demi-mur avec une ouverture qui servaient de table. Au fond de la pièce se tenait un canapé-lit à deux places, visiblement déjà prêt pour la nuit, et une large fenêtre offrait une vue époustouflante sur la vallée. Malheureusement, le trop de brume camouflait le bas de la montagne en donnant l'allure de la mer que connaissait tant Hizashi. Et à droite, il y avait deux pièces supplémentaires avec un lit simple dans l'une, et un lit double dans l'autre. Cette chambre d'hôtel – qui avait tout l'allure d'un studio de montagne – était idéale pour une famille de quatre à cinq personnes, bien que la taille générale laissait persuader moins.

« Mon père prend le lit double, on doit donc se départager le canapé ou l'autre lit, expliqua Shōta en refermant la porte derrière eux. »

Hizashi le dévisagea alors avant de laisser échapper un rictus provocateur.

« Alors comme ça, ton père ne veut pas qu'on dorme ensemble ? »

Le noiraud écarquilla les yeux et jeta un regard inquiet vers la chambre où son père était parti pour ranger ses affaires. Il tourna la tête une nouvelle fois vers son invité, les sourcils froncés.

« Hizashi, tais-toi !

- What ? reprit innocemment le bilingue. Tu en as honte maintenant ?

- Qu'est-ce que vous commencez à chahuter si tôt ? demanda avec amusement le père Aizawa depuis sa chambre, dont l'intervention aurait presque fait blêmir celui aux iris couleur nuit. »

Yamada aurait pu exploser de rire devant la gêne de l'ébène, mais décida de ne pas le taquiner plus que cela, au risque de faire tourner ce séjour en un véritable enfer pour leur amitié. Déjà qu'ils devaient se tolérer sous deux personnalités diamétralement opposées, il devrait peut-être éviter de s'attirer les foudres aussi tôt. Il aura cinq jours pour l'embêter, après tout !

« Je prends le canapé-lit, comme ça Hizashi aura une chambre normale.

- Aaaw, tu t'inquiètes pour mon confort ?~

- ... On peut tourner les choses ainsi. »

Le blond éclata de rire et poussa sa valisette dans la pièce qui lui a été assignée. Son enthousiasme dégringola lorsqu'il découvrit l'absence de fenêtre qui était un des facteurs de l'importante chaleur de la pièce.

« ShōTAAA!!!

- C'est toujours la chambre du côté opposée de la vallée qui est la plus invivable, ricana le noiraud juste derrière lui.

- Tu m'as piégé !

- Tu pourras toujours éteindre le radiateur si tu as trop chaud. »

Le bilingue se pinça l'arrêt du nez et traversa la pièce pour rejoindre l'armoire qu'il ouvrit grand. Aucun ceintre. Il plia alors ses vêtements un par un afin de les agencer sur les rayons.

Lorsque toutes les affaires furent installées, le duo se retrouva attablé dans la pièce principale, n'attendant que le repas préparé aux petits soins de Kiyo. La nuit avait eu le temps de plonger l'hôtel dans la pénombre, mais heureusement, les quelques ampoules étaient fonctionnelles et se refusaient de laisser les hôtes dans la nébulosité de l'hiver. Le père Aizawa fit égoutter les raviolis pendant qu'Hizashi monologuait sous l'oreille inattentive d'un noiraud presque hypnotisé par son téléphone, et comme d'habitude, il savait qu'il n'était pas écouté. Mais Hizashi avait l'habitude ; il pourrait parler au squelette du cours de science que cela ne le génerait pas.

« L'enfant, range ton téléphone, on va dîner, prévint doucement l'adulte en posant le plateau sur la table, sous le regard attentif du blond dont le sourire s'était fait aussi grand que sa faim.

- Holy cake j'aDORE les raviolis ! »

Il passa subitement son bras sous le nez de Shōta qui s'était vivement reculé pour ne pas se faire assommer, le téléphone contre son torse, pour attraper la louche afin de se servir. Le plus jeune soupira d'agacement et éteignit son cellulaire avant de, par la suite, se servir à son tour. Le jeune Yamada en profita pour verser du fromage râpé dans son assiette, tellement qu'on ne voyait plus la crème sous l'amas blanc. Il engloutit une première fourchette en émettant un 'hmmm' de satisfaction. Celui à l'alter d'effacement de sens prit enfin place et récupéra la louche que lui tendait son fils.

« Il va y avoir une soirée dans la salle de fête de l'hôtel, demain, expliqua-t-il alors. Tous les clients sont invités.

- WaaAAH ! So cool ! C'est pour ça que je devais prendre de quoi m'habiller pour une soirée !

- Quoi, sérieux ? Mais papa, on va jamais à cette soirée, bougonna Shōta en relevant légèrement la tête, les sourcils froncés.

- Ta mère n'est pas là, et puis ça a l'air de faire plaisir à ton ami, alors... »

Son meilleur ami sentit que le plus jeune des Aizawa le dévisageait avec hésitation. Il se doutait bien que Shōta n'était pas friand des soirées, ni des fêtes en général, il n'avait qu'à se souvenir de ses seize ans ! Mais l'énergique avait tellement envie d'y participer... Il fit les grands yeux à son camarade.

« Come on, pleaaaaaase ! »

L'introverti détourna le regard.

« Je n'ai rien pris avec moi.

- Ce n'est pas grave fiston, habille-toi décontracté si tu en envie. La seule règle durant la soirée sera de porter un masque de ski.

- Oh, c'est marrant comme obligation ! C'est pour rappeler les bals masqués ?! I love it ! Allez Shō-chan, ça va être drôle ! Et pis, c'est notre premier véritable Nouvel An ensemble, faut marquer le coup !!

- Ça a surtout l'air risiblement ridicule. (Il prit une bouchée de son plat.) Il va y avoir beaucoup de monde, et trop de bruit.

- Tu pourras toujours rester ici pendant que j'emmène ton ami à cette soirée alors, proposa Kiyo avec un sourire en coin.

- Wha' ?? Mais, et Shō alors ?! s'enquit Hizashi, la bouche grande ouverte. »

Disant cela, il s'était bien gardé de frapper la table de manière dramatique, se contentant simplement de regarder le père avec outrage. Pourtant, l'adulte lui lança un clin d'œil, mais ce qui le rassura vraiment fut le soupir vaincu du plus jeune.

« Très bien, mais je ne reste pas toute la soirée. »

Hizashi sourit et prit une nouvelle bouchée de raviolis.

« Demain matin on ira louer des skis pour ton ami, et si vous voulez on pourra faire quelques pistes avant de se préparer pour le Nouvel An. À moins que vous ne vouliez vous balader dans le village ?

- O-on peut se balader dans le village ?! quémanda ledit ami en agitant sa main en l'air. Vous comprenez, pour euh, saisir la beauté de la montagne ? Profiter du beau temps ? Se géolocaliser ?? This kind of stuff !

- Je ne te pensais pas aussi soucieux à ce propos, avoua l'ébène qui ne comprenait pas vraiment la soudaine agitation de celui aux yeux trop verts.

- Well, je, eh bien, yes ?

- ... Comme tu veux.

- Parfait alors. Demain debout à neuf au plus tard, ça vous va les enfants ? conclut le père en joignant ses mains avec un petit cœur sur la tête. »

Les deux jeunes adolescents acquiescèrent. Hizashi se retint bien de soupirer de soulagement, mais combien de temps encore pouvait-il fuir le moment fatidique de se retrouver en haut d'une piste de ski ?

[...]

Il rejeta son duvet avec le pied en rouspétant dans son demi-sommeil. Trop chaud. Il faisait définitivement beaucoup trop chaud dans cette pièce. Un peu hasardeux, il se hissa hors de son lit attribué et se laissa tomber à genoux sur le parquet, le bras tendu derrière le radiateur qui voisinait son apotropaïque table de nuit. Toutefois, impossible de comprendre où se trouvait le bouton pour baisser les degrés en trop, sa disquisition ne le mena à rien. Il jura silencieusement et quitta la pièce sur la pointe des pieds. Sa porte grinça brièvement, et un vague balayement de regard confirma que Shōta était bel et bien là, sur le canapé-lit près de la grande fenêtre. L'air bénéolent de bois et de la cannelle qui composait le dessert d'il y a plusieurs heures à peine l'apaisait, rien à voir avec le remugle de sa chambre assignée, et la fraîcheur nouvelle lui proposa de passer la fin de la nuit dans le salon qui lui parut soudainement beaucoup plus accueillant. Il zieuta rapidement derrière lui, là où la porte de la chambre du père avait été verrouillée au préalable, et se dit qu'il n'en saura rien. Et puis, s'il les voyait ensemble dans le même lit, que dirait-il ? Était-ce mal ? Non, bien évidemment que non, deux amis qui dormaient sous la même couette n'avait rien de moins innocent. Pourtant, d'une certaine manière, un genre de hantise inextinguible lui murmurait à l'oreille que ce serait gênant si jamais Kiyo les retrouvait ensemble au petit matin. Shōta était gay, ses parents le savaient probablement, il avait surtout peur que l'adulte se fasse de fausses idées sur eux deux.

Le noiraud toussota dans son sommeil, ce qui fit sursauter le plus âgé des deux qui ne s'était pas rendu compte qu'il le fixait depuis un certain temps. Il décida de faire taire ses doutes, et discrètement, il grimpa sur le canapé-lit. Il glissa une jambe et un bout de sa hanche sous le duvet – c'était qu'il avait encore un peu chaud – et s'allongea sur le flan, juste derrière son dissemblable. Ses épaules suivaient presque imperceptiblement le rythme de son souffle, Hizashi pourrait passer la nuit à l'observer respirer tant cela lui semblait hypnotisant. Il ferma les yeux, colla son front au milieu du dos de Shōta, et profita de son nouvel environnement pour reprendre le fil de son sommeil.

Le noiraud toussota une nouvelle fois, cette fois-ci, il renifla également. Hizashi le sentait trembler. Il l'interpela tout doucement, mais le plus petit ne réagissait pas.

Il continuait de sangloter doucement.

L'aîné sentit son cœur se serrer douloureusement dans sa poitrine, et il enroula ses bras autour de son meilleur ami pour le rassurer.

« O-Oboro... »

Le murmure de Shōta semblait incertain. Hizashi l'embrassa délicatement sur la nuque et le serra tout contre lui.

Il s'endormit enfin lorsqu'il s'assura que le plus jeune ne sanglotait plus.

.

.

Hizashi se réveilla petit à petit, happé par la fraîcheur nocturne sur la seule jambe qui n'était pas sous la couverture. Lorsque son esprit le voulut bien, il chercha à se reconditionner et comprendre où il se trouvait. Il se rappela alors du voyage de la veille, de l'hôtel, du froid, du chaud, de sa chambre... Il dégagea péniblement son bras pour se frotter les yeux, puis s'arrêta dans le mouvement alors qu'il touchait quelque chose qui était tout contre son visage. Il ouvrit les paupières, tout était un peu flou encore avant qu'il ne distingue plus ou moins bien un tee-shirt bleu-gris qu'il avait sous le nez. Il posa sa main dessus, la surface était chaude et la silhouette frissonna sous le touché. Un peu assommé par le trop proche réveil, le jeune adolescent bailla et se frotta la joue contre le tee-shirt. Il faisait encore nuit noire, et la fraîcheur de la pièce ne gênait pour rien au monde la chaleur sous leur duvet commun. Il fit rentrer sa jambe bien au chaud, et émit un couinement de surprise lorsqu'il toucha par erreur le pied glacé de son dissemblable. Dans le sursaut, il l'avait légèrement poussé, entraînant ainsi son réveil précoce. Dans un râle désagréable, perdu, Shōta se dégagea de l'étreinte du blond et changea de flan d'appui pour lui faire face. Se frottant la paupière avec le dos de sa main, il mit un certain temps avant de réaliser qu'il partageait le canapé-lit avec un parasite aux yeux trop verts. Il risqua une question qui lui parut bien idiote seulement après l'avoir prononcée.

« T'es ve'u do'mi' a'ec moi... ? »

Sa voix morte dans le sommeil sonna suffisamment bas pour ne pas réveiller l'homme de la pièce d'à côté.

« Yeah... fut tout ce que chuchota le métissé avant d'enrouler une seconde fois ses bras autour du noiraud. »

Noiraud qui, à la seconde tentative de contact, se laissa faire sans résister. Il n'était psychologiquement pas disposé à réagir aux caprices affectifs de son aîné. Toutefois, il se permit de poser sa main entre eux pour espérer maintenir une espèce d'écart, une distance de sécurité malhabile plus présent pour se donner bonne conscience que par réel désir de repoussement. Hizashi eut un frisson désagréable et cacha son visage dans le creux du cou de son meilleur ami.

« Damn you- you are... an ice cube ! Remove your cold hands ! »

Perplexe, Shōta ramena ses mains contre lui. Son invité émit un 'brrr' légèrement forcé pour bien souligner son inconfort, l'intérieur des joues mordu pour ne pas éclater de rire, et dégagea une main afin de lui toucher les pommettes. Bien que ses membres soient froids, sa joue était brûlante. Hizashi approcha son visage du sien pour s'y coller, les yeux fermés.

« I love you so... so much...

- Zashi...

- Kiss me. »

Le cœur de l'énergique se mit à brûler d'un amour ardent et sa chaleur se répandait sur la surface de ses pommettes, laissant ses petites traînées rouge pivoine aux degrés inquiétantes. Une fraction de seconde avant d'entrouvrir les paupières jusque lors closes, il sentit une main, la main terriblement froide de son ami, se poser juste sur ses lèvres légèrement tirées en avant. Ce n'était ni agréable, ni désagréable. Il aurait pu croiser le regard couleur nuit de son dissemblable si celui-ci n'avait pas fermé les yeux en retour avant de poser ses lèvres sur le dos de cette main froide qui faisait barrière entre eux. C'était leur premier baiser depuis si longtemps, mais pas un vrai baiser à proprement parler. Juste un avant-goût de ce qu'il n'aura probablement jamais amoureusement.

Lorsque Shōta s'écarta lentement, baiser invisible rompu, il rouvrit les yeux et croisa ceux brillants de tristesse de son meilleur ami. Pourtant, malgré ce désespoir dans son regard émeraude, il souriait maladroitement et murmura :

« That's crazy. Je vois plus d'étoiles juste en te regardant que dans un ciel cosmique entier. »

Et à ces mots, le plus jeune perdit son expression blasée pour un air plus las. Il balaya l'air avec la main.

« On ferait mieux de nous rendormir. On va être épuisés.

- Mais pourquoi tu fuies à chaque fois que je flirte ??

- Parce que tu racontes n'importe quoi et je n'ai rien à te répondre... grommela-t-il.

- Je n'ai pas besoin de réponse !

- À prétendre continuellement ne rien vouloir de ma part, tu vas finir détruit émotionnellement... (Il lorgna Hizashi avec un visage neutre, puis bailla.) ... Si ce n'est pas déjà le cas...

- Oi, come on Shō-chan, I'm fiiine !

- Vraiment ? J'en doute. Je sais à quel point tu peux être fragile.

- Qu- moiii ??! Je ne suis pas fragile ! J'ai pas l'air fragile, si ??! »

Shōta haussa des épaules et serra son ami contre lui, sous la surprise de celui-ci qui n'en trouva rien à redire. Aizawa poursuivit encore plus doucement, comme s'il se faisait rattraper par l'inconscience onirique.

- Bien sûr que t'es fragile, idiot... Ton grand cœur a été brisé bien trop de fois pour prétendre être aussi solide qu'avant. Un jour, ta bienveillance et ta bonté te perdra, et ne viens pas me dire que je ne t'aurais pas mis en garde... »

Un certain silence perdura de nombreuses minutes, durant lequel seuls leurs souffles se dessinaient dans l'invisible de la pièce obscure.

« Tu dors ? risqua le blond en leva légèrement, très légèrement, la tête, quelque peu perturbé par le mutisme nouveau.

- Hm. Oui. Maintenant chut.

- But-...

- Shht... Dors. Il est tôt encore.

- But I want to ask you something.

- ...

- Pourquoi est-ce que tu ne m'aimes pas ? »

Shōta crut que son cœur avait loupé un battement à la question. Les yeux fermés, son cœur en fit autant et aucune réponse ne lui échappa.

« Je sais que t'aimes plein de choses ; les chats... la compote... la musique... Mais, et moi alors ? Est-ce que je fais partie de ta liste des choses que t'aimes ? »

Il ne savait pas s'il était question de timidité ou de fierté, mais il ne put se résoudre à lui répondre. Et son cœur lui faisait mal. Il était perdu dans ses émotions. Il n'était pas amoureux d'Hizashi, c'était un fait indéniable, mais il était comme... Incapable de pouvoir s'en débarrasser ? Merde, il ne voulait plus s'attacher, mais cet idiot ne l'écoutait pas, borné qu'il était. Oui il aimait les chats. La compote. La musique. Et quelques autres choses sans importance. Tous ces petits détails qui formaient un vitrail global dont chaque éclat lui paraissait rationnellement infime. Des presque Rien. Des morceaux d'autres choses qui formaient sa personnalité et son individualité. Oui, il y avait toutes ces choses qui mettaient un peu de couleurs à sa vie morose, trop bruyante et trop agitée, mais aucune n'avait d'importance fondamentale. Le seul qui en avait réellement eu fut Oboro durant l'espace d'un court instant, juste le temps d'une grande bouffée d'air dans cet espace confinée stellée de poussière et de vide. Maintenant qu'il était perdu dans son bordel intérieur, il réalisa qu'il avait autre chose qu'il avait négligé par peur de perdre. Quelqu'un auquel il tenait depuis deux ans, mais qu'on aurait dit une vie entière. Une âme qui, tout comme lui, avait déchu dans ce vide universel...

« Hé... Tu dors ? »

Il décida de continuer de faire sembler de dormir, trop honteux de devoir l'admettre. Admettre qu'il y avait définitivement bien une place pour Hizashi dans sa petite cage thoracique aux multiples serrures, mais il ne savait combien de place il lui prenait. Et ne pas le savoir le frustrait tellement.

« ... Non. »

Silence.

« ... Zashi ? »

Nouveau silence. Il baissa la tête pour regarder son meilleur ami, et constata qu'il s'était finalement assoupi par absence de réaction de sa part. Il soupira doucement et se repositionna, les yeux tournés vers le plafond où les trainées de lumière éclaboussées aux pochoirs qu'étaient les stores dessinaient les barreaux de sa prison.

« Peut-être que tu fais partie des choses que j'aime... »

Son murmure était si doux que personne n'aurait pu l'entendre, pas même lui. Seulement son cœur.

« J'ai trouvé en toi ce que je préfère dans ce monde. Je n'ai juste pas de mot pour le décrire... »

Shōta ferma les yeux, bercé par la respiration languissante de son meilleur ami contre sa poitrine.

« Heureusement que tu dors... Stupide Hizashi. »

Il prit une profonde inspiration, compta jusqu'à cinq, et expira tout ce qui parasitait son crâne. Et il s'endormit à son tour, un peu plus difficilement ceci-dit. Il fallait croire que ce n'étaient pas les heures de sommeil qui lui manquaient.

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Holà ! J'espère que vous ça va, moi ça va bien !
J'ai juste hum... Pas vraiment terminé les chapitres qui suivent et avec mes examens qui approchent je suis un peu au pied du mur, du coup je vais mettre la fic en pause le temps de libérer mon planning ! Je vous tiens au courant 🙃

À la prochaine !

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