𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 ₁₂

➠ ❛Sept minutes pour rétablir la vérité

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Hizashi déposa son peigne sur le lit après l'avoir consciencieusement essuyé de toute trace de gel, et posa sa paire de lunettes sur le nez. Ce qui le poussa à sortir plus rapidement de la chambre fut la soudaine odeur nauséabonde du déodorant d'un certain Tsubasa de la seconde B, qui avait une manière bien étrange de nettoyer les plumes des ailes qui lui servaient littéralement de bras, qui avait l'habitude d'utiliser ses affaires grâce à la souplesse de ses jambes. L'adolescent à l'alter vocal longea le couloir en sifflotant, les mains dans les poches, et frappa deux coups à la chambre numéro six lorsqu'il y parvint. Ce fut Tomoaki Huran, le garçon qui pouvait modifier la structure moléculaire de tout ce qu'il touchait en flan, qui lui ouvrit.

« Salut Yamada-san, tu cherches Aizawa ?

- Yes ! Il est là ? »

Il acquiesça et lui permit d'entrer. Et immédiatement, son regard tomba sur une masse informe sur le seul matelas encore occupé de la petite chambre. Il s'approcha de celle-ci, se pencha pour passer la tête en-dessous du lit supérieur, et chercha son visage, étant dos à lui. Mais les cheveux noirs masquaient à merveille son expression endormie, et sa couverture, remontée jusqu'au nez, était enroulée autour de ses jambes comme une chrysalide. La nymphe des lépidoptères ne remua pas d'un iota lorsque le pied d'Hizashi vint le pousser, les mains toujours dans les poches.

« Shōta, réveille-toi ! Shōtaaaaa ! COME ON WAKE UP IT'S NINE O'CLOCK ! »

Aizawa émit un cri peu viril lorsqu'il ouvrit les yeux, les deux mains sur le mur contre lequel le blond le poussait avec le pied. Huran étouffa un rire en refermant la porte derrière lui, laissant seuls les deux amis. Le plus jeune des deux se redressa en se pinçant l'arête du nez.

« Je te déteste, Hizashi.

- Moi aussi je t'aime ! Now lève-toi, on va manger ! »

Il s'agenouilla près de sa petite valise et en sortit la tenue d'entrainement de Yuei, identique à la sienne - ils n'avaient pas besoin de leur tenue super héroïques, d'autant plus qu'aucune modification n'a pu y être menée jusque-là à cause des vacances - qu'il jeta sur le lit du noiraud, pendant que celui-ci se levait en grommelant.

« Aller aller, on n'a pas toute la matinée !

- Théoriquement, si... On commence l'entraînement cette après midi...

- Sauf que moi, j'ai envie qu'on rejoigne les autres pour visiter les environs !

- Cette propriété doit faire deux milles mètres carrés avec plus de pelouse que tu ne possèdes de neurones. Y'a rien à voir.

- DrEss Up ! »

Réprimant un sourire narquois, le noiraud se changea, notant que son meilleur ami avait pris la peine de se retourner pour lui laisser l'intimité nécessaire pour troquer ses vêtements. Ils le faisaient déjà mutuellement durant leurs vacances chez les grands-parents de celui-ci, et remerciait silencieusement cette petite pensée.

Lorsqu'il se sentit à l'aise dans le vêtement, il passa devant Yamada et, le bousculant amicalement avec le coude, se dirigea vers la porte. Le plus grand garda sa remarque pour lui-même et lui emboîta le pas jusqu'à la salle à manger commune. Il y aperçut immédiatement Nao Ekoshi et les autres de la seconde A, et y emmena de force le noiraud. Ce dernier, blasé, n'émit qu'un petit « 'lut » en signe de salutation, prenant place au bout du banc, à côté du blond qui lui-même voisinait Tomoaki.

Hizashi échangeait avec ses amis, tartinant distraitement une tranche de pain et riant à gorge déployée devant une remarque de l'un. La personne assise en face de lui, silencieuse, suivait la conversation tout en buvant un jus de pomme. Nao ne pouvait s'empêcher de jeter plusieurs regard vers Shōta, si bien que celui-ci en eut un peu marre de tout simplement ignorer. Il l'interrogea d'un sourcil levé, et elle verbalement :

« Tout va bien, Aizawa-kun ? »

L'interpelé se contenta de serrer les dents et baisser le regard sur son bol de céréale, laissant perplexe la fille aux yeux roses. Au même moment, Ikuto posa les deux mains sur la table et se redressa un peu, les yeux illuminés.

« Hé, vous avez vu qu'il y a un babyfoot sous les escaliers qui mènent aux dortoirs ??

- Qu'est-ce que tu foutais sous les escaliers, toi ? railla Tora tout en mastiquant sa bouchée de pain.

- Je matais les filles qui revenaient des douches ! »

Le coureur de jupon, si propre à lui-même... Il s'attira les grimaces des quelques personnes de la gente sujette à ses fantasmes.

« Vous pensez qu'on a le droit de l'utiliser ?

- On peut toujours essayer de demander, proposa Tomoaki. Mais il y a de la place là-bas ?

- C'est un genre de cave ou de minuscule hangar, ou un locale plutôt, je dirais neuf mètres carrés à tout casser, avec des cartons et une vieille ampoule au plafond. Si on empile les boîtes on devrait avoir assez de place pour tous passer ! »

Les quelques élèves de la classe s'échangèrent un regard entendu.

« On n'a qu'à demander après avoir exploré les environs, s'enthousiasma Taikon Sakudo. »

Et ils se mirent tous d'accord là-dessus.

Lorsque le petit-déjeuner s'acheva, Hizashi ne put s'empêcher de constater que son meilleur ami n'avait pas mangé grand-chose, hormis un bol de céréale.

« Tu vas réussir à tenir ? On a l'entraînement je te rappelle, s'enquit-il alors que le noiraud se levait de la table.

- Ouais, j'ai assez mangé. Et puis il y a le déjeuner.

- Rassure-moi, tu comptes rester en notre compagnie, right ?

- T'en penses quoi ?

- J'en pense que tu t'ennuies avec nous. »

Shōta haussa des épaules. Ils se retrouvèrent seuls à leur table, l'un debout, l'autre toujours assis. Ce dernier réajusta ses lunettes de vue, notant que son cadet ne lui avait pas répondu.

« Je sais que tu préfères rester seul, mais je ne veux pas te laisser dans ton coin.

- C'est que tu as fait durant tout le repas, nota Aizawa.

- Je discutais avec nos amis !

- Tes amis.

- Shōta...

- Quoi. Qu'est-ce qu'il y a. »

Sa question sembla trop sèche pour être considérée comme telle.

« Ne le prends pas mal si j'ai d'autres copains que toi, please...

- Je ne le prends pas mal, tu fais ce que tu veux.

- Alors si, complétement. Tu le prends mal et tu me le reproches totalement. »

La salle commune commençait à se vider. Ekoshi les interpela depuis l'entrée.

« Les garçons, vous venez avec nous ?

- On vous rejoint ! répondit le blond sans se lever. »

Il reposa ses yeux trop verts sur le noiraud.

« J'apprécierais que tu fasses un effort et que tu acceptes que je parle avec d'autres que toi.

- Commence déjà par arrêter de me dire des mensonges, et on en reparlera.

- Quels mensonges ? »

Il ne resta plus qu'un autre groupe d'élèves qui continuer de discuter vers la porte.

« Le fils du voisin de tes grands-parents. La raison pour laquelle tu sautes une chanson, ce n'est pas dans tes habitudes. Pourquoi m'avez-vous caché qu'Ekoshi avait un copain et qu'elle était sourde.

- Are you serious ?! Tu as fouillé dans mon téléphone !!

- Réponds.

- Tu m'avais promis !

- Hizashi, réponds-moi. »

Ils étaient tout seuls dans la pièce. Yamada bouillonnait de rage, mais décida de déserrer les dents et lui répondre.

« Je ne veux pas qu'on parle de Kane Ajairu. J'ai sauté la chanson 'She don't know' parce que je la déteste. Nao m'a demandé de ne pas parler de sa vie aux autres. Tu veux savoir quoi d'autres ?!

- Pourquoi elle partage des secrets avec toi ?

- Parce que c'est mon amie ! Qu'est-ce que tu as contre elle ?

- On ne peut pas lui faire confiance. Elle agit sur des coups de tête, envoie des promesses comme elle respire et t'abandonne dès qu'elle n'a plus besoin de toi. Elle se sert de toi comme un pantin.

- What ?! Mais ça va pas ! Elle est adorable, tu es jaloux d'elle ?! »

À l'entente de ses mots, les poings du cadet se resserrèrent.

« Je ne suis pas jaloux. Pas d'une manipulatrice comme elle.

- Qu'est-ce que tu en sais, Shōta ? Tu ne lui as jamais parlé avant cette année !

- Toi qu'est-ce que tu en sais ?!! »

Hizashi recula son corps à la brusque hausse de sa voix du jeune garçon d'habitude si calme. Ce dernier respirait rageusement.

« On a traîné ensemble à la maternelle, elle ne m'a jamais demandé mon prénom, parlait de moi comme étant 'le garçon avec le sac à dos chat' et n'est même pas fichue de se rappeler de ma tête au Lycée ! On est voisins depuis presque toujours ! Et elle a été la seule personne à m'avoir adressé la parole lorsqu'elle venait d'emménager, et dès qu'elle s'est faite de meilleures amies que moi, elle m'a tout simplement rayé de sa vie. Je n'ai été là qu'un bouche-trou le temps qu'elle s'habitue au quartier. »

Il avait la tête levée et les yeux profondément carmin.

« Alors si, je peux la traiter de manipulatrice. Et d'égoïste. Elle savait que je n'avais personne, mais elle m'a quand même laissé seul. C'est pour ça qu'on ne peut faire confiance à personne.

- Mais, à moi, tu me fais confiance, non... ? »

Hizashi se leva du banc pour s'approcher de Shōta, mais celui-ci le repoussa vivement.

« J'ai peut-être eu tort à ton sujet. Laisse-moi tranquille. Amuse-toi bien avec tes amis, mais te savoir en aussi mauvaise compagnie, ça ne m'intéresse pas.

- Shōta, déconne pas, je n'irais nulle part sans toi.

- Je ne suis pas comme toi, je n'essaye pas de me rapprocher de tout le monde pour le simple plaisir de ne pas être seul. Je tiens à préserver ma santé mentale. »

Les quelques élèves restés pour nettoyer la salle s'arrêtèrent sur le seuil en constatant qu'ils étaient toujours là.

« Hum, navrés de vous déranger, mais on doit nettoyer les tables donc si vous pouvez sortir...

- Ouais, faites-vous plaisir, on en a terminé.

- Non Shōta, je n'en ai pas fini !

- Moi, si. »

Le noiraud quitta la pièce, les mains dans les poches, le regard sombre. Hizashi enjamba maladroitement un banc pour le rejoindre en courant.

« Oi, les mecs, on a eu l'autorisation du prof, venez on s'fait un babyfoot ! lança Tomoaki, suivi de Tendo, Sakudo, Futo, Ekoshi, Niragi et Fujimi.

- On...

- Aller ! Yamada ! Aizawa ! insista Ikuto Futo en tirant les deux par les avant-bras. »

Le blond les suivit à contre-cœur.

« Tu ne viens pas ? demanda une des filles au noiraud qui s'était reculé.

- Non. Je monte dans ma chambre. »

Celui à l'alter effaceur s'éloigna sous l'indifférence la plus totale, s'attirant les regards surpris des sept autres. Hizashi tâchait de contenir sa frustration, et mentit :

« Il est fatigué. On va jouer ? »

[...]

L'équipe de Sakudo cria victoire pour la troisième fois sous les plaintes des autres.

« Vous trichez !

- Même pas !

- I want my revenge !!

- Gueule pas Yamada ! A'zy, on s'fait un Un contre Un !

- Challeng accepted ! »

Hizashi se positionna sur le flan gauche du babyfoot, et le coureur de jupon en face de lui, le narguant d'un sourire osé. Le blond grimaça et lui tira la langue.

« Bon les gars, on dit le premier à cinq, imposa Fujimi en croisant les bras sous sa poitrine. On va dire que le gagnant aura le droit de rouler une pelle à Niragi-chan.

- Heiiin ?? Mais pourquoi moi ?!

- Parce que tu es la plus belle fille du groupe par défaut, lui expliqua calmement Ekoshi. »

Il était vrai qu'Ine Niragi était la plus séduisante du trio féminin, sous les votes des garçons. Elle eut reçu la grâce des dieux pour ses formes généreuses à sa naissance, et en plus d'être belle, elle s'intimidait vite et avait plutôt bon caractère quand on ne la cherchait pas. Mirai Fujimi, quant à elle, avait de la peine avec sa peau d'elfe noir, ses cheveux blancs comme la neige et ses petites oreilles pointues. Certains faisaient la remarque blessante que l'on aurait dit un lutin. Nao Ekoshi, contrairement au magnifique corps courbé d'Ine, se trouvait trop plate et ses joues trop rondes. Souvent contrariée par ses cernes, insomniaque qu'elle était, elle pouvait néanmoins se reposer sur le même problème qu'Aizawa pour se sentir moins seule. Et pour couronner le tout, elle avait un sourire en coin plutôt maladroit. De toute manière, elle avait déjà un copain, elle ne cherchait pas à séduire les autres garçons.

« J'ai le droit de donner mon avis ? Je ne veux pas que Futo m'embrasse, ce gros pervers dégueulasse.

- Alors on compte sur Yamada pour qu'il gagne ! »

Ce dernier se contenta de rire nerveusement.

« Je vais t'exterminer et rouler la plus grosse des pelles à Niragi-chan...~

- Yamada-kun, si tu ne gagnes pas ce match, je te tue, le menaça le fruit des désires du coureur de jupon. »

[...]

Yamada était un homme mort.

Fuyant Ikuto, Niragi ne put se résoudre à l'embrasser et avait passé tout le repas de midi à une autre table. Si les autres élèves de la seconde A s'en retrouvaient amusés, Hizashi, lui, le passa à chercher Shōta du regard, agité sur son banc. Il ne l'aperçut qu'au milieu du déjeuner à côté d'un autre timide de la seconde B. Ils ne discutaient pas, se contentant de partager une assise collée au mur, loin du monde, leurs assiettes sur les genoux. Le blond soupira pour lui-même en pensant être discret, alors qu'il ne l'était pas du tout.

« Aizawa ne mange pas avec toi ? interrogea Nao avec inquiétude.

- Nah, on joue. On cherche à voir qui tient le plus longtemps sans s'approcher de l'autre.

- Vous mettez au défi votre amitié ?

- ... Yeah, something like that.

- Amusant. »

Elle l'avait dit sur un ton plutôt monotone, mais Hizashi ne le releva pas. Après tout, lui aussi mentait sur son enthousiasme. Elle a dû deviner qu'il lui cachait la vérité. Il n'a jamais été très bon menteur. Et sa poitrine lui faisait mal, mais il se força de garder le sourire et finir son assiette, quand bien même il n'avait pas faim. Il devait être en forme pour le premier entraînement.

[...]

Il remonta la tête à la surface de l'eau, à bout de souffle, et se laissa tomber dans l'herbe, le bras tendu pour éteindre le chronomètre posé à proximité. Tourné sur le dos, les cheveux dégoulinants et son corps froid qui tremblait à l'air frais, il dut prendre plusieurs longues secondes pour la grâce de ses poumons en feu avant de pouvoir rouler sur le flan et attraper l'objet du temps qui indiqua un minable cinquante-huit secondes. Son record journalier, pourtant. Hizashi devait s'entraîner à l'apnée pour pouvoir utiliser son alter le plus longtemps possible. Sauf qu'entre garder son souffle, et s'épuiser à expirer, il y avait une nette différence qu'il nota avec amertume. Son père n'a jamais été très bon en apnée. Pourquoi lui le serait ?

Il se donna quelques tapes sur les joues avant de réinitialiser le chronomètre et replonger la tête sous l'eau. Le lac n'avait aucune clarté, si ce n'était le rayon lumineux qui filtrait à travers les résidus de terre et de planctons en cavale. Ses yeux, trop grands et trop verts, avaient eu le temps de rougir à force de les maintenir ouverts sous l'étendue trop calme et trop vide. Ses orteils glacés remuaient pour ne pas se laisser figer, et ses bras, tendus aux deux extrémités, effectuaient des mouvements de rotation pour maintenir la tête sous l'eau. Quelques fois, durant une dizaine de secondes, le jeune Yamada fermait les paupières pour soulager ses yeux, mais l'atmosphère trop angoissante le poussait inlassablement à les rouvrir. Il avait cette crainte qui lui hurlait qu'en les fermant, il se rapprocherait de la noyade. Il préférait rester sur ses gardes, et lorsque le souffle lui manqua brusquement, il remonta à la surface et se hissa une nouvelle fois dans l'herbe mouillée pour arrêter les secondes qui défilaient. Quarante-deux, bien moins que la dernière fois. Il devait faire mieux, au contraire ! Hizashi prit plusieurs profondes inspirations avant de remettre le compteur à zéro, et répéter l'opération. Combien de fois avait-il déjà effectué cette exercice, cet après-midi ? Six. Seulement six fois, avec des pauses de plus en plus courtes. Il devait battre ce record minable. Il devait sentir une amélioration. Il devait se convaincre que ses efforts n'ont pas été vains, qu'aujourd'hui, il a fait un pas en avant.

Il commençait à manquer d'air, mais il n'avait compté mentalement que jusqu'à trente secondes. Il devait prendre sur lui. Il devait au moins tenir jusqu'à une minute. C'était son objectif, mais il sentait que physiquement, il en serait incapable. Il se demandait ce que faisait Shōta. Il avait cru l'apercevoir en train de faire un jeu de regard avec un volontaire. Il aurait voulu être ce volontaire, mais il n'avait pu se résoudre à se manifester. Non, à la place, il était en caleçon de bain en train de se geler le derrière dans un lac ! Il aurait certainement été plus productif si on lui avait demandé d'utiliser son alter au-delà de cent décibels. Il ne savait pas s'il pouvait atteindre les cent-trente, quand bien même il aurait voulu. Mais non. Son Sensei lui avait proposé 'd'entraîner son souffle'. Super. Et pourquoi est-ce que le lac semblait plus clair, soudainement ? Tout était flou devant lui mais l'eau semblait différente. Et puis il comprit. Il venait de se faire attraper brusquement sous les aisselles pour l'extirper de force du lac. Il voyait flou, sa tête était lourde. Se faisant hisser sur la terre ferme, son premier réflexe fut de prendre une grande bouffée d'air frais, puis suffoquer, de reprendre plusieurs inspirations, se redressant légèrement, aidé de la personne qui venait de le sortir. Il aperçut une minute trente-huit sur le chronomètre, et sourit de fierté.

« Tch. Idiot. »

Et là, seulement là, il s'autorisa de regarder plus haut, mais celui qui venait peut-être de le sauver d'une noyade certaine le relâcha brusquement, et ne vit donc plus que la silhouette de Shōta s'éloigner de lui.

[...]

« Qui commence ?

- Vas-y toi !

- Ok, d'accord. Bon. Yamada-kun ! s'exclama Nao en tapant des mains. Action ou vérité ?

- Vérité !

- Si tu te retrouvais bloqué dans un ascenseur, ce serait avec lequel d'entre nous ? »

La tête blonde se mit à réfléchir sérieusement.

« Tu hésites ? Je pensais que tu allais choisir Aizawa-san, fit remarquer l'un des garçons.

- Nah, je vais mourir si je reste coincé avec lui dans un espace clos. »

Le noiraud le fusilla du regard avec mépris. Hizashi se contenta de détourner le regard. Il n'aurait peut-être pas dû de laisser les autres les forcer à venir tous les deux dans le locale à babyfoot pour une action ou vérité... La journée avait assez été mouvementée comme ça.

« Huran-san. Comme ça, tu peux changer l'ascenseur en flan et on se libère.

- Si tu veux, mais tout se passe bien entre vous d-...

- Ikuto-san, action ou vérité ? enchaîna-t-il d'une voix un peu plus forte.

- Je prends vérité.

- Toi qui t'y connais en fille, c'est qui la plus attirante de tout le lycée, selon toi ?

- Yamada-san ! C'est quoi cette question ! ricana un de ses voisins.

- Tu me le demandes vraiment ?!! s'outra le coureur de jupon. Nemuri Kayama de première année !! chanta-t-il en s'essuyant le sang sous son nez.

- Et voilà, on l'a perdu...

- Merci mec...

- Aller, hm. Niragi-chan ! Action ou vérité ?

- Action, répondit la jeune fille au tac-au-tac.

- Appelle-moi Dieu et vouvoies-moi jusqu'à la fin de la semaine... ~

- Affreux. Tu n'es pas un peu maso, toi ? Je suis obligée ?

- Si tu refuses une action, tu devras passer sept minutes dans le cajibi avec lui, lui expliqua pédagogiquement Huran.

- Va pour le surnom !! Aizawa-san ! Action ou vérité ? »

Tous les regards se posèrent sur le noiraud, n'étant que très faiblement éclairé par la vieille ampoule du locale. On aurait dit qu'il voulait faire union avec la porte, son dossier de fortune. Il ne voulait pas du tout être ici.

« Aller, plus vite tu réponds, plus vite on passe à quelqu'un d'autre !

- ... Vérité.

- Hm. Qu'est-ce que je pourrais bien te demander... Si tu devais complimenter l'un de nous, ce serait quoi et à qui ?

- Rien.

- Mais Aizawa ! Tu n'es pas drôle ! Elle est vraiment simple, en plus ! Yamada-kun, aide-nous !

- ... »

Les adolescents se tournèrent vers le blond qui gardait le silence, quelque peu mal à l'aise. Ils ne s'attendaient pas à aussi grand manque de réaction de la part de l'hyperactif.

« Vous n'avez pas fini votre défi ? interrogea Nao, surprise.

- Quel défi ? enchaîna celui à l'alter effaceur, perplexe.

- Hein ? Mais... Yamada-kun, tu m'expliques ?

- Expliquer quoi ? J'ai loupé un épisode !

- Moi aussi, mec ! Y'a une embrouille entre vous ? »

Le cadet se pinça les lèvres.

« Ok nouvelle vérité. Aizawa-san, dis-nous ce qu'il ne va pas avec Yamada ?

- Il ne se passe rien.

- Niragi n'a pas tort, vous avez passé la journée à vous fuir.

- Ouais, on croyait que vous étiez les meilleurs amis !

- Il n'y a rien, j'vous dit, grogna-t-il en baissant la tête, notant qu'Hizashi évitait tout contact visuel avec les autres, lui aussi.

- Si tu ne nous dis pas, c'est sept minutes au paradis dans le cajibi.

- Je refuse.

- Alors réponds.

- ...

- Les sept minutes se feront avec Yamada.

- Why me ?!

- Parce que tu es concerné. »

Les deux adolescents s'échangèrent un regard perplexe et peu emballé. Embarrassé, le bilingue croisa les bras et le défia du regard. Shōta haussa un sourcil. Visiblement, il fut le seul à interpréter ce geste. Le blond lui tira la langue.

« Pas de réponse ? Non ? Alors vous deux, vous savez ce qu'il vous reste à faire. »

Elle pointa la porte derrière le noiraud. Il ne voulait pas parler, ce n'étaient pas leurs affaires. Alors, celui-ci grimaça et se leva lentement, suivi d'Hizashi, for peu enthousiaste. Ce dernier avait un visage fermé par la colère, mais il fut le premier à s'exécuter. Il entra dans le cajibi et prit pour assise un coffre poussiéreux. La pièce était minuscule. Shōta s'introduit tant bien que mal dans l'ouverture, posé sur une boîte en carton un peu moins haute, les jambes pliées, coincées entre lui et ledit coffre. Son dissemblable colla ses semelles contre le murs derrière Aizawa pour plus d'aisance, étant un peu plus grand que ce dernier. Niragi leur montra l'écran de son téléphone.

« Sept minutes. Tout ce qui se passera sans ce cajibi n'en sortira pas. À plus les garçons. »

Elle referma la porte dans un couinement insatisfaisant, les plongeant tous deux dans une obscurité angoissante, comme s'ils venaient de basculer dans un autre univers. Dans un premier temps, l'unique chose qu'ils pouvaient percevoir de l'autre fut le souffle régulier de son vis-à-vis respectif. Hizashi avait laissé sa tête collée contre le mur derrière lui, veillant à garder un bon rythme de battement de cœur. Il n'était pas du tout à l'aise dans un espace aussi fermé, aussi étroit, aussi sombre, avec une personne qui transpirait tant d'animosité envers lui. C'était comme se retrouver à manquer d'air sous un lac. Sauf que l'agonie n'était que plus longue avec le noiraud.

« C'est serré ici, fit-il remarquer dans un petit ricanement pour détendre l'ambiance.

- ...

- Tu es bien installé ?

- Tu en as encore beaucoup des questions idiotes ? »

Hizashi n'y percevra aucune colère dans sa voix. Juste de l'irritation ou de la lassitude. Il essaya de se redresser, sentant son dos lui faire un peu mal.

« Tu sais... Je n'aime pas quand on est en froid, toi et moi. Je préfère quand on est en bon terme.

- ...

- Merci pour m'avoir forcé de sortir de l'eau, au fait. J'ai oublié de te remercier.

- ... De rien.

- ... So...

- ...

- ...Quoi, tu veux que je te dévoile mes secrets aussi ?

- Non, ne le fais pas si tu n'en as pas envie. Je voulais juste que tu admettes que tu en aies.

- Parce que je ne l'ai pas fait ?

- Tu as nié. Que tu aies tes secrets est une chose. Mais que tu me mentes en est une autre.

- ... Kane Ajairu, le fils du voisin de mes grands-parents. Il voulait qu'on sorte ensemble, j'ai refusé, et depuis je n'arrive pas à l'accepter comme un simple ami.

- Et pourquoi ne pas me l'avoir simplement dit dès le début ?

- C'est pas dingue comme histoire, et un peu déroutante aussi.

- Bon, je veux bien l'admettre.

- Pour ce qui est de la chanson, elle me fait juste penser à mon ex-copine. C'est tout. J'ai pas eu l'occasion de la supprimer de ma playlist, je crois que je n'en ai pas envie. C'était ma relation la plus longue, on avait onze ans et elle m'a largué plusieurs mois avant l'examen d'entrée à Yuei.

- ...

- Nao n'est qu'une amie, mais elle est vraiment gentille. Elle a un copain plus âgée qu'elle, elle a de la peine à assumer ce fait et son handicape n'a pas besoin d'être crié sur tous les toits.

- C'est ta spécialité pourtant.

- Je ne brise pas les promesses. En théorie...

-... Merci de m'en avoir parlé. Et c'est quoi cette histoire de défi ?

- Une excuse qui explique pourquoi on ne se parle pas.

- Hm.

- Désolé de t'avoir menti. Je veux vraiment qu'on reste meilleurs amis. Même si tu me trouves trop bruyants et très parole en l'air.

- Il faut bien que quelqu'un te supporte dans cette école, je ne souhaite à personne d'être à ma place.

- Hé ! »

Shōta ricana et Hizashi se sentit tout à coup plus serein, comme si un énorme poids venait de lui être retiré.

« Check de l'amitié ?

- Je ne vois rien, ça risque d'être compliqué... »

Le blond se pencha en avant et chercha la main du noiraud, jusque lors posée sur ses genoux. Il la captura délicatement et de l'autre main, la heurta en poing fermé.

« Boom. Check à l'aveugle.

- Original. »

Hizashi ne lâcha pas la main qu'il entrelaça de la sienne. Leurs paumes se touchèrent, et ses doigts à lui se resserrent doucement mais solidement. Un instant passa où seul son souffle chaud pouvait s'entremêler à celui de Shōta.

« Tu peux me lâcher maintenant, tu sais ? chuchota le plus jeune à l'intention de son dissemblable.

- Je préfère garder ce contact jusqu'à la fin des sept minutes. »

La main d'Aizawa était une rassurance incroyablement chaude. Ses doigts se resserrèrent à leur tour.

« Très bien, murmura-t-il si doucement que le blond ne fut pas certain de l'avoir entendu. »

L'odeur de renfermé, de poussière et de bois semblèrent flotter comme une bulle de réconfort pour nos deux adolescents. Un ange passa. Hizashi compta mentalement jusqu'à quarante, avant de chuchoter dans un unique souffle :

« C'est la première fois que sept minutes me semblent aussi longues... »

N'obtenant aucune réponse verbale de son confident, il se contenta d'un soupire de la part du noiraud, tandis que celui-ci se pencha un peu en avant, posant sa main de libre sur le coffre en-dessous d'Hizashi, la paume juste à côté de sa cuisse. Il grommela :

« Je commence surtout à avoir mal au coccyxe. »

Celui aux yeux trop verts ricana d'amusement, ravi que l'obscurité puisse masquer son sourire nerveux.

« Je croyais que tu allais m'embrasser.

- Sors-toi cette idée de la tête, Yamada.

- Sympa. Oi, vue qu'on en parle, tu as reparlé à Mana Komugi ?

- Pourquoi je lui reparlerai ?

- Elle t'a donné son numéro, je te rappelle.

- Oh. Ouais. Nan, je ne l'ai pas recontactée, je ne veux pas lui faire de faux espoirs.

- Pourquoi ? Elle est trop jeune pour toi ?

- ...

- Elle n'est reeeeeally, really pas ton genre ?

- Je...

- Tu... ?

- 'suis gay... marmonna Shōta en noyant ses mots dans le col de son sweat-shirt.

- ... Holy cakes ! J'ai eu peur que tu m'avoues un truc grave !

- J'ai déjà ressenti l'amour pour quelqu'un, et ça a été la pire erreur de ma vie. »

Un moment de silence flotta entre eux. Le noiraud regretta sa confidence et pria pour être tué, enterré six pieds sous terre, un septième s'il le fallait, ou qu'Hizashi ne l'ait pas entendu. N'importe quoi. Et pourtant... Pourtant, ce fut d'une voix mal assurée que son meilleur ami lui répondit.

« ... Hi gay, I'm bi. »

Et la porte s'ouvrit au même moment, éblouissant les deux garçons, l'un aussi rouge que l'autre.

« Les sept minutes se sont écoulées ! Alors ? Oh oh oh, à en croire vos têtes, il s'en est passé, des choses ! s'extasia Fujimi en découvrant le malaise qu'elle venait de créer. »

Ils s'échangèrent un regard perdu et remercièrent intérieurement le réflexe d'avoir lâché leurs mains. Ils avaient complétement oublié les autres participants de l'action ou vérité.

« Il fait surtout beaucoup trop chaud dans ce cajibi ! mentit Yamada sur la défensive, peut-être un peu trop bruyamment.

- Hm, argumenta son meilleur ami. »

Décevant un tantinet les autres, ces derniers décidèrent toutefois de les aider à s'extirper de la petite pièce.

« Alors ? Alors ? insista Ikuto en fanboyant.

- Alors quoi ? C'est sept minutes au paradis, rien n'est sensé en sortir, cracha amèrement Tora. Je ne veux pas savoir ce qu'ils y ont fait.

- On s'est réconciliés, lui répondit tout de même Yamada.

- Je suis ravie que vous ne soyez plus en froid ! affirma Nao.

- Ouais, vous deveniez lourds. C'est mieux quand vous êtes collés ensemble, y'a moins d'espace à gérer. »

La porte s'ouvrit grand sur un noiraud inquiet, coupant court à tous débats.

« Ah ! Vous êtes là, votre professeur se demandait pourquoi vous n'étiez pas dans vos dortoirs, c'est bientôt le couvre-feu !

- Oi, t'es qui pour nous dicter ce que nous devons faire ?! s'énerva Tora en se levant promptement.

- Tensei Iida, délégué de la seconde B. C'est un malentendu, je ne vous dicte rien, c'est un conseil !... »

Il remua les mains devant lui en souriant nerveusement.

« Merci Iida-san, on s'y rend sur le champ ! lança Fujimi avec reconnaissance.

- Pas de souci ! On se voit demain pour la première activité, reposez-vous bien !

- Bonne nuit ! »

Les deux délégués, ainsi que les autres adolescents, quittèrent le locale à babyfoot en silence, peu d'avis à attirer un enseignant qui n'allait pas tarder à contrôler les chambres. Et cette fois, notre duo ne s'éloigna aucunement l'un de l'autre.

Une fois devant la numéro six, Hizashi s'arrêta.

« Mince, avec cette histoire j'ai complétement zappé de demander à quelqu'un pour changer de chambre.

- Ce n'est rien, on s'en occupera demain.

- But it's so saaaaad !

- Laisse-moi profiter du seul moment d'une journée où je n'ai pas à te supporter.

- Gnagnagna. Good night !

- Bonne nuit Hizashi.

- Au fait, est-ce que je peux t'appeler Shōta-chan ?

- Non.

- Shō-chan alors ?

- Non.

- Juste Shō ?

- Casse-toi. »

Il ouvrit la porte mais le pied du blond l'empêcha de la refermer derrière lui.

« Laisse-moi te donner un surnom !

- Si je dis oui, tu me laisseras dormir ?

- Yes !

- Alors appelle-moi Shōta.

- C'est littéralement ton prénom !

- Maintenant c'est mon surnom, ricana Aizawa en poussant le pied de son cadet du sien. »

Et à quelques centimètres de la refermer, il sembla pensif. Hizashi pencha doucement la tête sur le côté, interrogatif.

« Comment tu dis 'rencontrer' en anglais, déjà ?

- To met. Pourquoi ?

- Parce que... ... Nice to meet you, bi. »

Et la porte se referma sous le nez d'un Hizashi vraiment très surpris, mais pas moins touché.

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Pour ceux qui s'en rappellent, vous avez dû saisir la référence que j'ai faite avec l'ancien titre de cette fantiction x) J'adore mettre des références 🥰👀

Bonne rentrée à vous, et à jeudi prochain !

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