♠ [ECRIT] Interview de Alexandre_C ♠

Et non, vous ne rêvez pas, nous clôturons cette série d'interview 2020 avec celle du sieur @Alexandre_C qui avait remporté le Raoul du Meilleur Texte Poétique. Fidèle à son titre, il a eu l'idée de répondre en relevant certains défis poétiques : répondre à chaque question en alexandrins et composer une acrostiche pour la première réponse...

Bonjour Alexandre, je suis très contente de t'avoir (enfin :p) en interview ! Pour cette introduction as-tu un premier mot à dire à ceux qui vont lire cet entretien ?

Réjouissez-vous, lecteurs voraces, auteurs curieux

Alexandre, comme vous, est ami des lettres.

Oiseaux volages, agiles, en quête d'autres cieux

Usez d'une branche, posez-vous sur cet hêtre ;

Le cercle des poètes accueille, bienveillant

Audace, prudence, peines et heureux amants.

Whisky, absinthe, nul besoin de les noyer

Aussi patauds qu'ils soient, les mots peuvent flotter ;

Restent à la surface, plutôt qu'en profondeur,

Des intentions lestes comme autant de douceurs.

Si les courants s'ébrouent, si les vents se font durs

Ne courbez pas le mât, ne forcez pas l'allure ;

Écrivez plutôt, marcheurs, baroudeurs du monde :

Rêveries, vers voyageurs, prose furibonde,

Anthologies, recueils, romans, brouillons, pensées,

Doutes et choix passagers, exprimés, partagés.

Je les lis, écris, et vous, dans le même élan

Attendez avec moi une pause, un instant.

Tu as gagné avec "Anthologie", comment en es-tu venu à écrire de la poésie ?

Qu'elle soit classique, modeste, ou bien curieuse

La poésie est parfois hautaine, radieuse.

Dans le diapason de ses nuances, cloitrés

Nous cache-t-elle ses secrets ? Sa vérité ?

Nous voulons la comprendre, poser moult questions

Nous aimons nous y perdre, y trouver des raisons.

Écrire et se lire c'est prendre part au jeu

C'est voir l'un dans l'autre, se dévoiler un peu ;

Semer des pistes dans la brume ici, et là

S'envoler dans les airs, se terrer ici-bas.

Chacun peut y trouver au gré de son humeur

Une route, un chemin. Allez ! Courez, songeurs !

Parmi les très nombreux courants de poésie, saurais-tu me dire auxquels tu t'identifies ?

Au fil des siècles, au gré de productives années :

Des mouvements successifs ; ce long défilé

Porteur de belles promesses et brillantes idées

Nous voit sceptiques, songeurs. Sur quel pied danser ?

Un cadre esthète, avec la mesure classique

La métrique est-elle une vaine arithmétique ?

Ces vers parqués en rang qui piaffent, qui claudiquent

Qui cherchent impatiemment la sortie, le portique.

Cet ordre tactique, sitôt qu'on le bouscule

Le vers avance – bien ! – mais la rime recule !

Pour peu que l'on s'aventure, que l'on s'entête

Sur ce quadrillage nait l'enfant qu'on projette ;

L'exigence ardue, plutôt que vaine contrainte

Constitue terreau poète et aimante étreinte.

Instruire et plaire, n'est-ce pas, convenons-en

Un noble dessein à mettre plus en avant ?

Penser rationnel, faire preuve de raison

Satisfait bien l'esprit, mais quid de la passion ?

Laisser libre cours dans toutes les directions

Aux sens zélés coureurs ! Aux vents des émotions !

Par ses émois, l'auteur-artiste romantique

Renouvelle les mœurs et trouble la critique.

Quand il livre, exalté, ses sentiments profonds

Sa confession nous garde en grande confusion.

Quand triste et las il vient, être confus, blessé

Partager sa peine, sa douleur sublimée

Avides, nous lisons. En sortons-nous les mêmes ?

Sommes-nous des voyeurs, y trouvons-nous nous-mêmes ?

Décrire, penser, vanter le réel – visible ;

Le poète peut, aussi, cerner l'indicible :

Frôler d'un geste, du doigt, ce monde distant

Du bout des lèvres faire parler l'inconscient ;

Lâcher gracieusement quelques mots en pâture

Aux âmes chagrinées en quête de lecture ;

Sous des formes nouvelles, des dehors obscurs

Donner le gout d'un ailleurs que lui seul procure ;

Satisfaire les sens et semer des symboles

Passer le cours du fleuve muni d'une obole ;

Nouer ferme des liens, savamment suggérer

L'arrière du miroir que l'on pourrait toucher.

L'écriture d'un poème pose des difficultés, te serait-il possible de nous les lister ?

Il y a, bien sûr, cette page intimidante

D'un vide sans mots, d'une blancheur éclatante

Elle nous nargue, rit de nos envies futiles

Plutôt que d'écrire nous voilà immobiles ;

Nous cherchons en vain dans ce silence prégnant

Les germes d'un projet qui deviendra vivant.

Quand le dessein se forme et que nous nous lançons

L'humeur alors revient et heureux nous partons

Vers ces montagnes d'or, vers ces tentants sillons ;

Notre morne plaine devient bel horizon.

Le voyage commence, c'est un premier pas

Mais long reste le chemin du texte adéquat.

Il faut marcher encore, régulier ; la route

Présente des détours et tout autant de doutes :

Concevoir les rimes, les sons, et la métrique

Faire un harmonieux tout de ces problématiques

C'est un jeu de patience, il faut persévérer

Laisser lentement les trouvailles s'immiscer.

Enfin, parmi le bruit et les folles envies

Aller à l'essentiel, garder son énergie

Pour faire des mots rebelles ses camarades

Et de l'ouvrage né une belle charade.

Tout en étant soi-même, au lecteur susurrer

Le chant qui séduira et saura captiver.

Si "Anthologie" pouvait s'offrir le luxe d'une adaptation, quel support te semblerait en adéquation ? (Ecran, écrit, musique...)

Partager un regard à travers l'écriture

Laisser la porte ouverte à toutes conjectures

Imaginer son travail sous une autre forme

Le voir jaillir semblable, transformé, difforme ;

À l'initiative d'autrui ou par soi-même

Peut-on faire autre chose de simples poèmes ?

Le jeu des mots, des sons, des sens, qu'ils cristallisent

Se prête-t-il à des tableaux ? Des vocalises ?

Ouïr leur mélodie d'une belle voix chantée

Mis en scène, théâtraux, qu'ils soient déclamés ;

Subvocalisés vont-ils, sonores, émouvoir ?

Ont-ils les qualités qu'attend un auditoire ?

Exposés dans une galerie de tableaux

Mettre leurs mots à l'exercice du pinceau ;

Conserver leur sens, le perdre, dans les couleurs

De la toile extraire une nouvelle teneur ?

De même qu'une pensée, tailler dans un bloc

Malmener le sale enguenillé qu'on défroque ;

En volume palper la matière intangible

Faire sortir du marbre l'éclipsé possible ?

On peut aussi user d'un peu de tout cela

Projeter, clair-obscur, un film de cinéma ;

Comme une belle étoffe, étendre dans le noir

Sur une toile blanche, ce précieux foutoir ?

Voilà que cet entretien se clôture, parle-moi de tes projets d'écriture ?

Je ne peux pas faire des plans sur la comète

Clamer précocement, ferrer aux oubliettes

Tous ces projets pensés qui ne verront le jour

Que si l'inspiration illumine l'ajour ;

Mes phrases balbutiantes, mes mots dérisoires

Demeurent silencieux dans mon crâne passoire.

Je ne peux annoncer plus qu'un recueil à thème

Des textes longs ou courts, et toujours des poèmes.



Sur ces quelques vers, je clôture définitivement cette première édition des Raoul Awards. Merci à tous ♥

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