A son arrivée à Singapour, le prince héritier de San Gavino avait été assaillit de questions de la part des journalistes qui faisaient le pied de grue devant l'hôtel où il allait loger. Personne ne lui avait demandé les objectifs de sa mission, ce qui intéressait la presse c'était les rumeurs et les articles de People and more.

Dans l'avion, Joachim avait déjà dû faire face à des remarques déplaisantes de certains ministres qui l'accompagnaient et il ne supportait plus cette remise en question permanente de ses capacités à gouverner. Il ne laissait rien paraître comme à son habitude mais derrière son apparence froide et insensible, il cachait un profond mal-être.

Alors qu'il avait toujours désiré succéder à son père le plus rapidement possible, il comprenait à présent que ce titre de prince héritier était un véritable cadeau empoisonné. Tandis qu'il se préparait pour la soirée de bienvenue organisée par le président Tony Tan Keng Yam, Joachim songea amèrement à son frère qui était libre de faire tout ce qu'il désirait et que la presse semblait totalement ignorer.

Ce soir, il serait entouré par de nombreux patrons de grandes entreprises, par des personnalités influentes en Asie et, comme à chaque fois qu'il participait à un diner officiel, il devrait accorder la même attention à tous les invités pour ne froisser personne et éviter de déclencher une crise diplomatique.

Cette fois, il avait préféré être seul : aucune femme ne serait pendue à son bras. Une première qui, il le savait, ne manquerait pas de faire jaser.

Car de cela aussi, il commençait à se lasser : partager son lit avec de magnifiques créatures, prendre du bon temps à New York, Los Angeles, Sydney ou Madrid, faire la fête à Miami et Ibiza jusqu'aux premières lueurs de l'aube, tout cela c'était sympa mais cela faisait les choux gras de la presse people.

Avant, il s'en fichait mais à présent, que tout le monde remette en cause ses capacités, y compris son père, le mettait hors de lui.

Doué d'une mémoire prodigieuse, il était sorti premier de sa promotion à Princeton, il avait brillamment terminé sa formation à l'Académie royale militaire de Sandhurst, il parlait le français, l'italien, l'anglais, le russe, l'arabe et l'allemand à la perfection, il était un sportif accomplit et avait réussi à conclure d'importants partenariats commerciaux qui permettaient au royaume de San Gavino de demeurer l'un des pays les plus prospères au monde.

Son orgueil durement touché, Joachim décida d'avoir un comportement irréprochable pour les derniers mois de l'année en cours. Il pourrait toujours relâcher la pression un peu plus tard et son carnet d'adresses bien rempli lui permettrait de trouver la fille idéale pour oublier ses tracas liés à son statut d'héritier.

Quatre ans auparavant il avait passé le nouvel an en Australie et cela avait sans doute était l'une des meilleures soirées de sa vie. En souriant, l'héritier de San Gavino songea à Tamsyn, la jolie blonde qui avait pimenté son séjour en Océanie.

Il l'avait choisie pour sa discrétion : jamais personne n'avait soupçonné quoi que soit et à présent, dès qu'il passait par Brisbane, ils se retrouvaient dans l'appartement de la jeune femme pour y passer une nuit ou deux ensemble.

Tamsyn et lui étaient devenus sex friends et cela leur convenait parfaitement. Elle savait qu'elle ne pourrait jamais l'épouser à cause de son statut de roturière et lui préférait assouvir ses pulsions sexuelles avec une femme qu'il connaissait et en qui il avait confiance.

Pas de rendez-vous, pas de projets, pas d'attachement. Juste du plaisir charnel pour tous les deux.

Joachim ne ressentait aucune jalousie envers Tamsyn qui ne se privait pas pour coucher avec d'autres hommes que lui et l'australienne était ravie de pouvoir s'éclater au lit avec un aussi beau spécimen libre de toute attache. Même si Joachim avait eu plusieurs liaisons depuis leur rencontre, les deux amis continuaient de se voir lorsque leur agenda respectif le leur permettait et s'ils étaient en période de célibat.

Dans la limousine qui le menait à Istana, le palais présidentiel, Joachim se rendit compte qu'il ne se sentait pas aussi enthousiaste qu'à son habitude en songeant à son éventuelle prochaine nuit avec Tamsyn.

Pourtant, il n'avait pas couché avec une femme depuis trois mois et son retour de Londres. Sa liaison avec Hailey, la fille d'un politicien britannique, avait été courte, trop courte à son goût mais il ne pouvait pas se permettre qu'elle s'attache à lui, elle n'avait pas de sang royal dans les veines.

Il était clairement en manque de sexe mais Joachim se rendit compte qu'il avait d'autres tourments en tête.

En pestant une nouvelle fois contre les lois de son pays, le prince héritier de San Gavino tenta de se composer un regard neutre lorsqu'il sortit de la limousine. Il devait se focaliser sur sa mission et oublier...

Mais plus il essayait de se concentrer sur le discours de bienvenu prononcé par le président singapourien, plus il pensait....à ELLE.

***

Il avait eu de la chance : le président de la Chambre, cloué au lit en raison d'une grippe sévère, lui avait demandé d'effectuer le voyage et, naturellement, il avait accepté. Il détestait les missions économiques, il détestait la politique mais il savait que ce n'était qu'ainsi qu'il parviendrait à ses fins.

Il savait tenir son rôle, c'est pourquoi personne parmi l'assemblée parlementaire ne pourrait jamais le soupçonner.

La réception pour l'inauguration du Yachting festival lui avait apporté deux informations capitales dont il ne savait que faire. Il était certain d'être le seul à les posséder, deux véritables petites bombes à retardement.

Les confier ? Certainement pas au dragon.

Les partenaires en affaire ne devraient pas avoir de secret l'un pour l'autre mais ce projet était le sien et il en avait marre de n'être plus qu'une marionnette.

Non, le dragon ne saurait rien.

Mais s'il l'apprenait ?

Il n'aurait peut-être pas dû se laisser aller. Il savait qu'il devait éviter de boire plus d'une coupe de champagne mais il n'avait pas pu résister : le Mediterranean Palace était réputé pour ses bouteilles d'exception.

Il avait laissé traîner son regard et, bien entendu, le ministre des Affaires étrangères l'avait remarqué.

Était-il suffisamment intelligent pour ne pas lancer une rumeur aussi stupide ?

Oui, il en était certain. Et puis, le nombre de services qu'il lui avait rendus valait bien un petit effort de sa part. Un échange de bons procédés en somme.

Comme lors de chaque mission, le prince héritier et celui qui le recevait, étaient les derniers à rejoindre la réception. Il observa attentivement Joachim de Bourbon-Conti et il fronça les sourcils : quelque chose clochait. Même si le jeune homme arborait sa mine froide et détachée comme à son habitude, il était persuadé qu'il n'était pas au mieux de sa forme.

C'est alors qu'il remarqua qu'il était seul. Depuis qu'il avait commencé à accompagner le Roi Maximilian dans ses nombreux déplacements à l'étranger, Joachim de Bourbon-Conti avait toujours trouvé le moyen d'être accompagné d'une jolie fille, naturellement issue du gotha européen.

Étrange...

Il observa attentivement le futur souverain de San Gavino : il se tenait bien droit sur sa chaise et donnait l'impression d'être captivé par le discours du président singapourien. Mais il savait que ce n'était qu'une façade, il était bien placé pour le savoir puisqu'il jouait lui aussi la comédie depuis des années.

Il sortit discrètement son smartphone et il écrivait rapidement un message :

Il est seul. Aucune proie à l'horizon.

La réponse ne se fit pas attendre :

Absolument personne ? Je vais recontacter ma source dans ce cas. Nous avons manifestement raté quelque chose et nous ne pouvons pas nous le permettre.

Il sourit en glissant à nouveau son téléphone dans sa poche : si ce qu'il avait appris s'avérait juste, la source ne serait d'aucune utilité.

Il était toujours plongé dans ses pensées lorsque le ministre des Affaires étrangères lui donna un petit coup de coude :

- Alors mon cher, avez-vous repéré une jolie jeune femme en détresse avec laquelle vous terminerez la soirée ?

- Vous êtes ridicule Paul.

- Hum, je vois, vous songez encore à cette ravissante inconnue du Mediterranean Palace ? N'était-elle pas un peu jeune pour vous ?

- Je suis célibataire Paul et je n'ai pas le temps de m'occuper d'une femme. Par ailleurs, que dirait Valérie si elle vous entendait ?

Il vit avec une certaine satisfaction que le visage de son interlocuteur pâlissait. L'infidélité du ministre n'était connue que de deux personnes : le président de la Chambre et lui. Une petite piqûre de rappel de temps en temps et ce cher Paul le laissait tranquille. Contrairement au ministre, lui n'avait fait que regarder lors de l'ouverture du Yachting festival.

Certain que le ministre allait le laisser tranquille désormais, il se reconcentra sur le prince héritier. Huit longues années de recherches lui avait patiemment permis de recouper les informations. Il était un des seuls à ne pas avoir gobé cette ridicule histoire de mononucléose. Il lui manquait encore certains renseignements mais à présent, il commençait à y voir plus clair.

Depuis quelques jours il ne cessait de se demander s'il devait demander l'ouverture d'une commission d'enquête.

Il savait que la manœuvre était risquée et qu'elle pouvait entraîner sa chute car il serait naturellement obligé de s'expliquer, de présenter les preuves qui l'avaient amené à un tel questionnement.

Pouvait-il se le permettre ?

Cela risquait de tout compromette...Il en parlerait au dragon à son retour au pays.

Perdu dans ses réflexions, il prit à peine le temps de savourer l'excellent repas servi en l'honneur du prince héritier et il prétexta ensuite la fatigue pour se retirer dans sa chambre.

-------------------

Comment ça vous êtes paumés ??? MDR

Mais c'est parfait ! lol

Quel petit cachottier ce Joachim... une sex friend australienne... 

On va en reparler de Tamsyn, je vous rassure.

Et comment interprétez-vous les dernières réflexions de Joachim ?

Passons à l'autre personnage mystère...qui est-il ?

Avez-vous remarqué certains détails par rapport aux derniers chapitres ?