L'inauguration du Yachting festival (2ème partie)


Il ne la connaissait pas mais il était incapable de détacher son regard d'elle. Elle semblait mal à l'aise et pourtant, sa robe bien que très simple et sans fioritures lui donnait l'allure d'une véritable princesse.

Elle n'était pas de San Gavino, il en était certain. Pourtant, il était persuadé de l'avoir déjà rencontrée.

A Londres ? A Saint-Moritz ?

Elle avait été abordée par de nombreux hommes tandis qu'il peinait à maintenir la conversation au sujet des nouvelles lois qui devaient être approuvées par le parlement prochainement.

Il détestait cette assemblée de faux jetons, de requins prêts à tuer leur mère pour quelques milliers d'euros et chaque jour, il devait faire semblant de faire partie de leur monde alors qu'il les détestait par-dessus tout.

Tout en faisant tourner nonchalamment son champagne dans son verre, il observa le ministre des Affaires extérieurs qui était en grande conversation avec le président de la Chambre.

Ces deux-là...combien de fois n'étaient-ils pas venus le voir pour le supplier d'appuyer leurs propositions alors qu'il n'était qu'une voix parmi la soixantaine de députés que comptait l'assemblée.

Il songea alors à cette commission créée il y a deux mois afin de juger si le fils du frère du ministre de l'Aménagement du territoire n'avait pas utilisé ses liens familiaux pour obtenir un contrat juteux pour son entreprise d'architectes de jardins.

Les discussions étaient passionnées et tellement ridicules...

Il savait qu'aucun politicien de San Gavino n'était honnête. Mais la plupart étaient suffisamment intelligents pour ne pas se faire prendre.

Il regarda une nouvelle fois en direction de l'inconnue : cette réception était d'un ennui mortel et il était dans l'impossibilité d'aller discuter avec cette jeune femme dont il mourrait de faire la connaissance...

Il en avait marre : chaque jour il devait sourire, lancer quelques paroles flatteuses à droite et à gauche en veillant à ne froisser personne. Finalement sa vie se résumait à jouer un rôle, un peu comme les acteurs de cinéma et, à voir comment tous ces politiciens avides de pouvoir venaient lui manger dans la main, il savait qu'il excellait à jouer ce personnage qui ne lui correspondait pas du tout.

Parfois, il exagérait la comédie, comme ce soir, et tous buvaient ses paroles comme s'il était le messie en personne.

Avant, ce petit jeu lui plaisait. A présent,...

Il croqua machinalement dans un toast au foie gras. Il devait trouver un moyen de parler à cette femme, de l'approcher, pour vérifier que ses sens ne lui jouaient pas un mauvais tour.


Sur la terrasse, l'homme ne souriait plus et il pianotait furieusement sur son smartphone en attendant que le patron daigne décrocher.

- Quoi encore ?

- Nous avons un problème avec Zeus. Nous nous sommes peut-être totalement trompés au sujet d'Hera et d'Artemis. Ou alors, ils savent et ils nous mènent en bateau tous les trois.

- Vous oubliez le papillon.

- Non, elle est inoffensive, je peux vous l'assurer.

- Je ne vois qu'une seule personne capable de nous avoir trahis.

- La taupe ?

- Sans doute.

- Je vous avais pourtant fait part de mes craintes à son sujet.

- Vous le surveillez toujours ?

- Bien entendu.

- C'est l'heure. Le roi a-t-il terminé son discours ?

- Oui.

- Je suis impatient de voir votre vidéo.

Amalia avait mis du temps à quitter les toilettes. Elle avait d'abord cru qu'elle s'était trompée d'endroit mais elle s'était rappelé très vite qu'elle se trouvait dans un palace.

Chaque cabine, équipée d'un système « no touch » de la poignée, était nettoyée par une hôtesse et pour cacher les odeurs, un diffuseur de parfum avait été installé dans la pièce. Ainsi, chaque cliente y était accueillie par les accords fruités du 24 Faubourg d'Hermès.

La jeune femme avait contemplé un instant la pièce baignée de faïences, dorures et marbres élégantes au possible puis elle s'était enfermée dans une cabine et elle avait pris le temps de réfléchir.

Le prince Joachim était présent et elle avait pu emmener son smartphone qui disposait d'un appareil photo de très bonne qualité. La réception était une occasion parfaite, elle ne pouvait pas décevoir Estelle Neffrey.

Lorsqu'elle regagna la salle de réception, un homme au fort accent italien, l'aborda avec un immense sourire.

Amalia, bien que déstabilisée par son attitude, finit par être totalement hypnotisée par les anecdotes de l'étranger sur San Gavino. Il semblait tout connaître de l'île : ses curiosités, ses traditions, ses petites plages isolées,...

Puis, sans trop savoir comment, l'homme s'était retrouvé derrière elle tout en ayant posé ses mains sur ses hanches.

- J'aimerai t'emmener ailleurs ma jolie. Dans un endroit plus...calme, plus tranquille, où nous pourrions faire plus ample connaissance. Qu'en penses-tu ?

Trop surprise, Amalia ne réagit pas. Ce n'est que lorsqu'elle entendit la voix ulcérée de Benjamin qu'elle eut le sentiment de redescendre sur terre.

Furieux, le vigile fit déguerpir l'italien en le menaçant des pires représailles.

- Tu vois, qu'est-ce que j'avais dit ? Je suis arrivé à temps on dirait. Viens, ils vont présenter les deux plus grands bateaux du festival.

Amalia suivit Benjamin vers les jardins de l'hôtel qui donnaient sur une plage privée. Comme tous les invités ils se dirigèrent vers le petit port de plaisance, exclusivement réservé aux clients de l'hôtel.

La jeune femme remarqua que la famille royale se tenait à l'écart, sur une terrasse aménagée spécialement pour eux. Si le roi et la reine souriaient, le prince Joachim lui, semblait en colère.

Sa sœur, la princesse Victoria fut appelée afin de baptiser les deux bateaux encore invisibles aux yeux du public et lorsque l'immense bâche qui les entourait fut retirée, Amalia oublia totalement l'héritier de San Gavino.

Elle ne remarqua sa disparition qu'à la fin du petit discours prononcé par l'organisateur du festival.

Prenant l'excuse de se rendre aux toilettes une nouvelle fois, elle laissa Benjamin admirer les deux palaces flottants pour partir à la recherche de Joachim de Bourbon-Conti.

Elle le repéra dans le grand hall de l'hôtel alors qu'il semblait se diriger vers le parking et elle remarqua qu'il était seul.

Bravo les gardes du corps, joli boulot...Michele serait furieux s'il l'apprenait.

Amalia réussit à suivre discrètement le prince Joachim et, en se cachant derrière un muret, elle le prit en photo à plusieurs reprises avec son smartphone.

Il semblait perdu, hagard. La jeune femme remarqua qu'il avait les yeux rougis mais, étrangement, même si l'héritier de San Gavino semblait au plus mal, elle n'éprouvait aucune compassion à son égard car lui, il n'en avait pour personne de toute façon.


En Sicile, Tommaso Denaro Trapani faisait les cent pas dans son bureau.

Il n'avait obtenu que la moitié du résultat escompté mais de nouvelles idées avaient surgies dans son esprit grâce à cet imprévu au cours de la soirée. Il savait que son message avait bien été réceptionné et c'était l'essentiel.

Personne n'avait fait le lien sauf le principal concerné. Du moins, l'un des deux concernés. L'autre... était resté totalement impassible.

Le sicilien regarda à nouveau la vidéo : non, il n'avait pas compris mais ce n'était pas plus mal. Sa cible avait saisi le message, il n'avait pas perdu son temps inutilement.

Maintenant, il était impératif de reconsidérer les choses : l'attitude de Zeus, le mystère autour d'Hera et...cette information si précieuse dont il avait eu connaissance en début de soirée.

Tommaso savait qu'elle pourrait être utilisée en sa faveur, le moment venu. Mais d'ici là, il lui restait encore de nombreuses zones d'ombre à éclaircir. Il attendait depuis si longtemps, il devait continuer à agir comme il l'avait toujours fait, en jouant ses pièces une à une, patiemment, comme aux échecs.

Il était le Roi noir, celui qui avait été forcé de rester dans l'ombre trop longtemps. Ce temps était à présent révolu : à lui d'entrer dans la lumière.

Pauvre petit Roi blanc qui ne se doutait pas que la véritable partie avait déjà commencée et que son issue était déjà toute tracée...

Il avait déjà plusieurs coups d'avance et lui, il savait qui combattre et pourquoi. L'autre allait enfin comprendre que le danger était plus proche que ce qu'il imaginait.

La tentation était grande pour Tommaso de se dévoiler un peu plus mais il devait être patient et ne pas se montrer trop gourmand car il savait que son jeu méthodique et implacable finirait par acculer le Roi blanc, irrémédiablement.

Quel adversaire pitoyable...

Jusqu'à présent il n'avait pas été brillant et ses manœuvres désordonnées avait permis au sicilien d'exploiter ses erreurs, l'une après l'autre.

Le jeu des Blancs était dépourvu d'imagination, le Roi avait éloigné ses pions un à un de tel sorte qu'ils ne puissent plus se porter mutuellement secours sans même en avoir conscience. Aucun d'entre eux ne pourrait faire obstacle à l'avancée, inéluctable, des Noirs.

La percée n'était pas encore réalisée mais elle n'allait plus tarder. Ensuite...l'humiliation serait totale sans même devoir procéder à l'un ou l'autre sacrifice.

Naturellement, il y avait toujours une infime possibilité que l'un des pions bascule chez les blancs mais le sicilien était confiant.

Il ne comprenait d'ailleurs pas l'attitude du Roi blanc : se croyait-il à ce point à l'abri de tout danger ? Non, la réponse était toute simple : il avait un esprit brillant certes, mais il était totalement incapable d'élaborer la moindre stratégie.

Sans le savoir il était déjà encerclé grâce à la méticulosité dont avait fait preuve le sicilien. Bientôt, il se retrouverait totalement asphyxié sans même avoir pu se défendre.

Tommaso consulta un petit carnet dont personne ne soupçonnait l'existence : chaque manœuvre avait soigneusement été étudiée par ses hommes de confiance, il avait méticuleusement avancé chacun de ses pions, il s'était entouré de tours solides, usant parfois de procédés cavaliers mais lorsqu'il attaquerait brutalement par la diagonale du fou, rien, ni personne ne pourrait lui résister.

Echec et mat.


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Alors...mais c'est quoi ce chapitre hein ? 

Je sais, je sais, je voulais vraiment vous embrouiller. 

J'espère que c'est réussi.

Vous maintenez vos hypothèses au sujet de Zeus et d'Hera ? ;-) 

J'espère que la référence aux échecs vous a plus, moi j'ai adoré écrire cet extrait.

Mais, à votre avis, à quoi fait-il référence ? 

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