Comme un imbécile je fixe Austin Milford qui se tient devant moi. Il semble autant sous le choc que moi. Soit nous sommes victimes tous les deux d'un odieux canular, ce qui ne m'étonnerait même pas.

Soit...

Et l'évidence de la situation me frappe de plein fouet.

Non, non et non ! Je ne veux même pas envisager que j'ai passé quatre mois et demi à discuter avec ce connard ! Que durant tout ce temps, alors que je croyais me confier à Edward, c'était...à lui ? Putain, je lui ai confié des trucs tellement personnels, je me suis livré à lui en toute honnêteté !

Combien de chances y avait-il pour que cela m'arrive ?

Oh seigneur, dites-moi que c'est un cauchemar et que je vais me réveiller ? Ou que quelqu'un nous a piégé pour une caméra cachée ou une stupide émission à la mode !

Ce n'est pas possible, je n'y crois pas. Je suis figé sur place, incapable de bouger, incapable de faire le moindre geste, de prononcer le moindre mot.

Austin et moi, nous nous dévisageons sans pouvoir dissimuler la haine que nous éprouvons l'un pour l'autre. Histoire de vérifier que je ne me suis pas trompé, je jette un dernier regard autour de moi. Il n'y a que ce crétin qui corresponde au signalement qu'Edward m'a donné. Lentement, je prends pleinement conscience de ce qui se passe.

Petit à petit, je réalise que je me suis rapproché, au cours des dernières semaines, de l'homme que je déteste le plus au monde. De celui qui n'a pas hésité à me qualifier de tricheur, de celui qui a profité d'un fait de match pour me faire exclure à tort. De celui qui se moque ouvertement de mes origines modestes. De celui qui ne reprend pas ses coéquipiers lorsqu'ils tiennent des propos racistes à mon égard.

Comment cet homme pourrait-il être celui avec lequel j'ai apprécié de discuter ? Celui à l'esprit ouvert, aux centres d'intérêt si vastes, à la bienveillance incroyable ? Celui avec lequel j'étais prêt à...à me lancer dans une relation amoureuse ? Edward et lui ne peuvent pas être une seule et même personne, je refuse d'y croire.

Et pourtant, Austin Milford porte exactement la tenue que m'avait décrite mon correspondant.

Oh putain, c'est un cauchemar.

L'attaquant de Rochester est le premier à reprendre pied dans la réalité. Il fonce sur moi. Ses yeux semblent lancer des éclairs. Je panique, j'ai un mouvement de recul lorsqu'il tend le bras vers moi, comme s'il voulait me frapper. Dieu merci, il se retient au dernier moment. Puis, il m'apostrophe, tout en veillant à ne pas hausser la voix. Ouais, il ne manquerait pas que des gens nous remarquent et surtout, nous reconnaissent.

— C'est quoi ce délire, Halden ? Tu m'as tendu un piège ?

— Je pourrais te retourner la question, Austin.

— Qu'est-ce que tu fous ici ?

— La même chose que toi. Tu t'attendais à retrouver un certain Tyler, alors que moi je pensais rencontrer Edward. Apparemment, nous avons eu la même mauvaise idée.

— Donc tu t'es foutu de ma gueule pendant quatre mois et demi ? Tu m'as menti pendant tout ce temps !

— Tu as fait exactement la même chose, Austin ! Nous sommes tous les deux en tort à ce sujet. — Quand est-ce que tu as compris que c'était moi ?

— Jamais ! Tu penses bien que si j'avais découvert ton identité réelle, j'aurais tout arrêté. Franchement, tu crois que je t'aurais confié autant de trucs sur moi, autant de choses aussi personnelles, aussi privées si j'avais su que c'était toi ? D'ailleurs, toi non plus tu n'as jamais compris que c'était moi.

— Tu en as parlé à qui ?

— Tu crois que je me suis amusé à confier à quelqu'un que je m'étais inscrit sur un site de rencontres ? Tu sais très bien ce que la presse ferait d'une information comme celle-là ! Sans compter que si les journalistes apprennent que nous sommes gays...

Il m'agrippe le col de mon t-shirt :

— Un conseil, le bouseux. Si tu révèles quoi que ce soit, je t'assure que je ruinerai ta carrière !

— Lâche-moi, Austin ! Sérieusement, tu penses que je suis con à ce point-là ? C'est déjà assez difficile de réaliser ce qu'il se passe alors, en parler ?

Je le repousse et m'écarte de lui en secouant la tête. Puis, je songe à un truc qui me glace le sang :

— Austin...tu...tu n'as quand même pas l'intention de...de contacter un de ces torchons people pour parler de ça ? Hein ?

— Alors que j'ai failli me faire viré de mon club par TA faute ?

— Oh, bien sûr, ma faute. Qui m'a accusé à tort de corruption ? Qui a simulé une faute pour me faire exclure d'un match ? Je n'y peux rien si tu ne fais que merder.

Je tape ma main sur mon front. Putain, j'y croyais tellement. J'étais convaincu que j'avais enfin rencontré la bonne personne. Je suis dévasté.

Et le pire, c'est que, dans cette histoire, je suis celui qui a le plus à perdre. Je suis métis, je fais partie de la communauté afro-américaine. Ce n'est pas Austin qui souffrira le plus si cette histoire de dingue vient à s'ébruiter.

Je jette un regard à mon pire ennemi : il m'a tourné le dos et s'est pris la tête entre les mains.

J'essaie de réfléchir à la situation dans laquelle je me trouve. Je songe à tous ces instants, à ces conversations sans fin que nous avions tous les deux sur BeYourself. Tout était vrai, authentique, à ce moment-là. Nous étions réellement en train de débuter une véritable relation.

Je m'approche, pour tenter de renouer le dialogue. Nous ne pouvons décemment faire comme s'il ne s'était rien passé. Comme si ces quatre derniers mois n'avaient jamais existé. Je réalise que je dois aussi me protéger. Cette histoire de dingue, si elle arrive aux oreilles d'un journaliste ou de n'importe qui d'autre pourrait me causer beaucoup de tort. Surtout si c'est Austin qui se charge de dévoiler l'affaire à des personnes peu recommandables. Je dois m'assurer qu'il ne va pas commettre une énième connerie. Je dois me protéger, à tout prix, je ne peux pas le laisser faire n'importe quoi.

— Austin, nous devrions...nous devrions trouver un coin tranquille et discuter. Tu ne penses pas ?

Son regard meurtrier me cloue sur place.

— Dégage, Halden. Dégage et ne m'adresse plus jamais la parole !

— Austin, moi aussi je suis sous le choc mais...

— Fiche le camp ! Et sort de ma vie. Ce serait la meilleure décision que tu puisses prendre !

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Et bien manifestement Austin n'a pas envie de discuter. Comment voyez vous les choses à présent ?