Cameron
Ma carte rouge pour la pseudo agression sur Austin Milford a été annulée. Comme me l'a indiqué le coach, le visionnage des images du match par la commission de l'arbitrage a permis de rétablir la vérité. Je crois que les journalistes auraient hurlé au complot si cela n'avait pas été le cas. Pendant les cinq jours qui ont été nécessaires pour que la décision ne me soit communiquée et rendue publique par la suite, les articles se sont succédés pour demander à ce que je sois innocenté. Certains exigeaient également que je reçoive aucune sanction pour mon geste de violence et de colère à l'encontre de Milford.
Mais, comme je m'y attendais, j'ai récolté un carton rouge pour la gifle administrée à ce connard. Est-ce que je regrette ? Non. Absolument pas. Quelque part, j'avoue, ça me fait peur d'être aussi catégorique. La dernière fois que j'ai ressenti autant de haine pour quelqu'un c'est après l'accident à la ferme. Depuis mon départ du Kansas, je n'avais plus ressenti ce désir aussi profond de faire mal à quelqu'un d'autre. Quand j'ai indiqué à Jonathan que Milford avait eu ce qu'il méritait et que je n'avais aucun regret, mon agent m'a quand même gentiment demandé de ne pas l'avouer à mes coéquipiers. Ni à personne d'autre d'ailleurs.
Je n'ai reçu qu'une journée de suspension, grâce aux négociations que la direction de Charleston a menées tambour battant. Je crois aussi que la fédération ne souhaitait pas provoquer plus encore la colère de l'opinion publique. En effet, alors que ce n'est pas Austin Milford qui s'est rendu coupable d'un geste de violence, c'est lui qui est critiqué de toutes parts. Ses provocations continues commencent à lasser. Certains médias avancent même que ses jours à Rochester seraient comptés.
J'ai envie de dire « il était temps ! ». Il me pourrit la vie depuis les premières minutes que j'ai jouées en MLS. Parfois, je me demande même s'il aime ce qu'il fait, s'il a réellement envie de jouer au soccer. Combien de fois n'ai-je pas lu dans la presse qu'il avait reçu une amende pour être arrivé en retard à l'entraînement ? Combien de fois la presse s'est amusée à publier des clichés pris à la sortie de boites de nuits branchées de Toronto ? Ce mec ne prend pas sa carrière au sérieux.
Mais, de là à avancer qu'il pourrait être viré de son club alors que son père en est l'un des actionnaires principaux, je suis sceptique. Mais je sais que Chester Milford a la réputation d'être impitoyable en affaires. Alors, licencier son propre fils du club ? Certains sont convaincus que c'est possible. Moi, je pense qu'ils exagèrent mais je ne connais pas cet homme. Je n'ose même pas imaginer le cataclysme si cela devait se produire.
Quoi qu'il en soit, ce ne sont pas mes affaires.
Quinze jours après l'incident de Rochester, je me sens enfin assez calme pour renouer le contact avec Edward. Je lui ai menti, prétextant des problèmes personnels, pour couvrir mon absence temporaire. Encore un mensonge, un de plus. Parfois, je me dis que je devrais tout arrêter. Bon sang, je mens à ce mec depuis trois mois ! Comment pourrais-je débuter une relation avec lui en partant sur d'aussi mauvaises bases ?
Je laisse échapper un ricanement. Une relation ? Le jour où Edward apprendra que je lui ai menti, je ne suis pas certain qu'il appréciera.
Devant l'écran de mon ordinateur, j'hésite. Mais, finalement, je me lance. C'est plus fort que moi. Il...il m'a manqué.
C : « Salut Edward. Désolé pour cette longue absence. Je suis content d'être de retour. »
À croire qu'il guettait l'arrivée d'une notification car sa réponse ne se fait pas attendre :
A : « Hey mec ! C'est bon de te retrouver ! »
C : « Je t'ai manqué ? »
Merde, j'ai appuyé trop vite sur la touche « envoi ». Cameron, enfin ! Réfléchis avant de sortir des conneries !
Ha, en fait, Edward pense que j'ai envie de déconner. En tout cas c'est l'impression qu'il me donne. Je lis plusieurs fois sa réplique, songeur :
A : « Je passe pour un psychopathe si je dis que oui ? Ce n'est pas comme si j'avais la possibilité de discuter avec des personnes intelligentes et intéressantes tous les jours. »
Je sens de la tristesse dissimulée derrière ses mots. Inquiet, je tente d'en savoir plus :
C : « Je croyais que tes collègues, mis à part Tu sais qui, étaient sympas ? »
A : « Et bien, certains sont top, oui. D'autres...disons que j'ai découvert leur vrai visage récemment. L'hypocrisie a encore de beaux jours devant elle. »
C : « Oh merde. Je t'envoie un câlin virtuel si tu veux. »
Qu'est-ce qui me prend de faire des phrases pareilles ? Je secoue la tête. Je suis consternant parfois. Et puis merde, Edward pourrait l'interpréter de manière différente. Ou y voir une connotation érotique alors que je pensais simplement à le réconforter. Mais, à nouveau, il me surprend :
A : « Je veux bien ! En attendant de passer au réel un jour ? »
Euh...peut-être que finalement je me suis planté et qu'il imagine que je lui lance une invitation déguisée. Il faut que je rectifie au plus vite, je ne veux pas qu'une incompréhension s'installe entre nous. Si j'ai vraiment envie de le rencontrer, je ne veux pas précipiter les choses.
C : « Hum...je crois que je me suis mal exprimé. Euh...en fait... »
Je me plante à nouveau et envoie mon message avant même de l'avoir terminé. Décidément, ce n'est pas mon jour. Mais Edward semble m'avoir bien cerné car il s'empresse de me rassurer :
A : « T'inquiète, j'avais compris. Et je veux que tu saches que je ne souhaite en aucun cas te forcer la main. Rien ne presse. Si tu estimes qu'il est trop tôt pour passer à l'étape suivante, et bien c'est ok pour moi. Nous avons le temps. »
Non, ce n'est pas trop tôt. Je me sens prêt. J'ai envie de le voir, d'entendre le son de sa voix, de découvrir son regard. Je réfléchis rapidement à mon agenda des prochaines semaines. Entre les matchs et les entraînements, sans compter qu'Edward habite dans le New Hampshire, je me demande comment je vais pouvoir caser une éventuelle rencontre. Et quel endroit choisir ?
Je consulte mon smartphone : mon regard s'arrête sur le mois de juillet. La MLS organise un évènement caritatif auquel tous les joueurs sont conviés. Il a lieu à New York. C'est l'unique weekend où les matchs sont suspendus. Comme je suis l'un des joueurs les mieux payés du championnat, je suis logé gratuitement dans l'un des plus luxueux hôtels de la ville, avec une vue imprenable sur Central Park.
Cela pourrait être la solution. En admettant qu'Edward soit disponible évidemment.
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