Avril se termine et je peux, enfin, souffler. L'enquête interne menée par la fédération de soccer m'a lavé de tout soupçon de corruption. Bien entendu, j'ai annoncé la bonne nouvelle sur mes réseaux sociaux. Cette histoire a eu une incidence négative sur mon jeu. Je dois bien le reconnaitre, mes trois derniers matchs n'ont pas été bons. Heureusement, le coach s'est montré compréhensif.

Deux jours après le gala de Chicago, j'ai eu besoin d'évacuer ma frustration en discutant avec Edward. Naturellement, j'ai menti. Au lieu de parler d'une réception luxueuse, j'ai évoqué un pseudo repas entre collègues. Ensuite, nous avons débattu pendant deux heures des prétendus bénéfices des teambuildings et autre joyeusetés permettant soi-disant de renforcer la cohésion d'équipe. Nos conversations depuis quinze jours environ sont légères. 

Lui comme moi avons besoin de penser à des trucs joyeux et non aux emmerdes de notre vie professionnelle. J'ai vraiment eu un coup de chance incroyable de tomber sur quelqu'un qui peut réellement comprendre ce que je vis.

Et, en tant qu'homosexuel, il a des idées bien arrêtées sur certaines « mesures » censées rendre notre société plus tolérante. C'est pourquoi j'ai envie de lui demander ce qu'il pense de ces pseudos journées de sensibilisation qui fleurissent un partout. La semaine dernière, tous les capitaines des équipes de MLS arboraient un brassard arc en ciel. De même, les drapeaux, habituellement blancs des points de corner, étaient également aux couleurs de l'arc en ciel. Au nom de la lutte pour la diversité ! Quel hypocrisie ! Je vais pouvoir en parler à mon correspondant, l'heure de notre « rendez-vous » virtuel est arrivé.

Edward, comme souvent, est le premier à se manifester :

(A) « Salut Tyler ! La forme ? »

(C) « Crevé ! Je viens d'aller faire un footing d'une heure. Je ne bouge plus de mn lit avant demain matin ! »

(A) « Fainéant ! »

(C) « En plus, demain au bureau, ils ont prévu la super journée de lutte contre l'homophobie »

(A) « Tu as l'air emballé ! »

(C) « Si c'était sincère, je m'investirai dans le truc. Mais bon, ça va changer quoi de mettre des arc en ciel partout sur les réseaux sociaux ? Ou d'inviter les employés à assister toute la journée à des conférences sur le sujet ? »

(A) « Sans doute à pas grand-chose. C'est tellement hypocrite. En façade, ça prétend être réglo mais dans les coulisses bien souvent, ce n'est pas joli joli »

(C) « C'est exactement ça ! Bon, chez nous, j'avoue j'ignore totalement les positions de mes collègues. Tout ce que je sais c'est qu'ils préfèreraient bosser que se faire chier à écouter un psy qui n'y connait rien du tout »

(A) « Rassure-moi, ils n'ont pas prévu un Rainbow Cake au dessert quand même ? »

(C) « Non ! Là je crois que j'aurais pété un câble »

(A) « Chez nous, trois fois par an, on a droit au speech du patron sur le sujet. Quinze minutes de blabla qui doit nous culpabiliser si nous sommes de méchants homophobes. Tu parles, y a jamais personne qui écoute. »

(C) « Il y a encore du chemin pour les mentalités changent ! Bref, j'ai une question très sérieuse pour toi. »

Mes doigts hésitent à taper la suite de mon message sur le clavier. Après deux mois d'intenses échanges, j'ai envie de reprendre une de nos conversations, restées en suspens. Edward avait évoqué des critères sérieux pour déterminer si un mec lui plaisait ou non. J'aimerais savoir quels sont ces fameux critères. 

Parce que j'aime nos discussions, j'aime son ouverture d'esprit. Et je commence à penser que je pourrais avoir trouvé cette fameuse perle rare qui se refuse à moi depuis si longtemps.