J'ai un mauvais pressentiment depuis que j'ai quitté Rochester. Comme si ce séjour à New York n'était définitivement pas la meilleure décision de toute ma vie.

Pourtant, j'attends ce voyage depuis des semaines. Dès que Tyler m'a confirmé la date de notre future rencontre, je me suis empressé d'effectuer la réservation de mon vol. Sous l'œil attentif de mon comptable, naturellement. Même si je ne devais rien payer, il devait s'assurer que je n'en profite pas pour me barrer à l'autre bout du monde.

Depuis, je trépigne d'impatience. J'ai préparé de nombreux discours dans ma tête. Du plus enthousiaste au plus réservé. Oui, je me suis dis qu'il me fallait un plan B si, par malheur, Tyler ne correspond pas à ce que j'imagine. Ou si physiquement il ne me plait pas.

J'espère que ce ne sera pas le cas. J'en ai ma claque d'être seul. Si cela foire avec Tyler, je ne sais vraiment pas ce que je vais faire. Non, je refuse de croire que je suis à ce point malchanceux.

Alors pourquoi depuis mon réveil, tout est allé de travers ? Entre la coupure d'eau et d'électricité, ma femme de ménage qui avait oublié de remplir mon frigo et le taxi qui n'est jamais venu me chercher pour l'aéroport, je ne pouvais vraiment pas mieux débuter la journée. Heureusement, j'ai pu compter sur Derek pour jouer les chauffeurs d'un jour. Mon agent sera présent durant toute mon escapade new-yorkaise. À la demande de mon père, bien entendu.

Derek a pour mission de me coller aux baskets et de m'empêcher d'accorder des interviews sans l'autorisation de la direction du club. Ce qui signifie que je vais devoir trouver une excuse crédible pour l'éloigner de moi durant une bonne partie de la journée de demain.

Et je n'ai toujours pas trouvé. Le shopping ? Impossible. J'achète tout en ligne pour être livré directement chez moi. Puisque je n'ai pas le droit de me rendre dans la moindre boutique en ville.

Si j'indique que j'ai envie d'une séance de running dans Central Park, ce qui serait tout à fait plausible, il m'accompagnera d'office. Question de sécurité.

Le restaurant, ça ne marche pas non plus. Sans argent de poche c'est compliqué.

J'avais songé aussi à la méditation mais, clairement, Derek comprendra que je me fiche de sa gueule.

Reste une option, et pas des moindres : la vérité. Enfin, une partie de la vérité. Simplement lui indiquer que j'ai rendez-vous avec quelqu'un. Que c'est un truc sérieux et que j'aimerais avoir la paix. Évidemment, Derek va halluciner puisque je le berne au même titre que les autres depuis des années. Il me croit incapable d'avoir une relation sérieuse et il s'imagine qu'un jour, j'épouserai une star du cinéma ou une mannequin. Juste pour avoir une potiche à mon bras et ne pas me présenter seul dans les évènements mondains. Il connait mon allergie pour le mariage. Enfin, pour les mariages arrangés.

Ok, je crois que c'est ce que je vais faire. Et pour éviter toute discussion gênante, je le lui balancerai ce soir, après le dîner, juste avant de regagner ma suite.

Une hôtesse vient interrompre le court de mes pensées :

— Excusez-moi, monsieur. Je dois vous informer que le vol à destination de New York est à nouveau retardé.

— Et de combien temps cette fois ?

— Nous pensons pouvoir décoller dans deux heures.

— Sérieusement ? C'est une mauvaise blague !

— Je suis sincèrement navrée monsieur. Je vous assure que nous faisons tout notre possible pour...

— Ouais ouais ça va. C'est la deuxième fois que vous me servez le même baratin.

Je la congédie du regard. J'en ai marre. Pourquoi ai-je le sentiment que le monde entier s'est ligué contre moi ? Justement aujourd'hui en plus.

Je fais signe à Derek, qui discute au téléphone depuis une bonne demi-heure. Mon agent clôture sa conversation et vient s'assoir à mes côtés. Je suis heureux de pouvoir me trouver dans un salon business bien tranquille au lieu de devoir supporter le boucan d'un hall de départ bondé.

— Va falloir encore attendre. Notre vol est à nouveau retardé. De deux heures cette fois.

— C'est toujours comme ça. Tu crois être à la bourre et finalement...enfin bref. Au fait, l'hôtel m'a confirmé notre réservation. Il était temps. Je dormirai l'esprit tranquille en sachant que tu ne risques pas de croiser Cameron Halden au petit déjeuner.

— Je ne suis pas fou, Derek. J'aurais bouffé dans ma chambre. Fallait pas te casser la tête comme ça.

— Je préfère anticiper et éviter tout problème. Demain matin, j'aimerais que nous nous rendions chez cet éditeur qui...

— Derek, combien de fois t'ai-je demandé de me consulter avant de prendre des engagements pour moi ? je souffle, exaspéré.

— Ils ont modifié leur contrat. Tu ne peux pas refuser.

— J'ai pas envie qu'on écrive un bouquin sur moi. Et, de toute façon, j'ai prévu de voir quelqu'un demain.

Meeeeeeeeeerde.

Je me mordille les lèvres, tout en pestant contre ma franchise naturelle. Mais bordel, je ne pouvais pas la fermer ?

Derek me dévisage, étonné :

— Comment ça, tu dois voir quelqu'un ? Austin, je t'ai déjà demandé de ne rien organiser dans mon dos !

— C'est privé. Ça n'a rien à voir avec le soccer.

— Privé ?

— Ouais, privé. J'ai un rencard, ok ?

— Un rencard ?

— Tu as fini de répéter bêtement tout ce que je dis ?

— Et comment ? Mais avec qui ?

— Derek, ça ne te concerne pas. C'est ma vie privée.

— Nous avons un accord, Austin. Il n'est plus question de te taper n'importe qui.

— Qui t'a dit que j'allais m'envoyer en l'air ? C'est juste un rencard. Et ce n'est pas n'importe qui. Maintenant, ferme-là, tu veux ?

Vu la tête que tire mon agent, je sais qu'il ne va pas me lâcher. Il n'a pas l'habitude que je me contente d'un simple rendez-vous. Moi non plus d'ailleurs. Fait chier, pourquoi je n'ai pas réussi à me taire bon sang ? Et pourquoi il a fallu que je précise que ce n'était pas n'importe qui ?

Cette réflexion m'occupe l'esprit jusqu'à notre arrivée à l'hôtel.

Je renonce à me rendre au restaurant. Je ferai appel au room service. Il est vingt-et-une heure, je suis crevé. J'ai passé la moitié de ma journée dans le lounge d'un aéroport, une hôtesse a renversé du café sur mes chaussures pendant le vol et nos bagages sont restés coincés dans la soute une heure et demie.

Je crois que mon karma veut m'envoyer un message.

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La première rencontre approche !

Pour ceux et celles qui n'ont pas lu sur fyctia, vos idées à ce sujet ???