Austin
Peut-être que j'ai exagéré. Mais, à ma décharge, mes interrogations étaient légitimes. En attendant, me voilà à faire les cent pas devant la porte du bureau du président de Rochester. Enfin, Derek consent à me faire entrer dans la pièce.
Six paires d'yeux sont braqués sur moi : d'accord, là, ça ne rigole plus du tout.
Je m'assieds à côté de mon agent et j'attends que le couperet tombe. Si les quatre membres de la direction, ainsi que les deux avocats du club, sont présents, ce n'est pas pour rien. Aucun joueur n'est appelé devant eux sauf pour se faire virer.
Emerson Durkin, le vice-président, prend la parole, d'un ton grave :
— Austin, nous avons beaucoup discuté à ton sujet ces dix derniers jours. Nous avons toujours choisi de dissocier vie privée et vie professionnelle. Ce que tu fais dans les boites de nuit de Toronto ne nous concerne pas. Cependant, nous ne pouvons tolérer que tu accuses l'ensemble de la profession ainsi que les médias de corruption caractérisée. Nous refusons que ta rivalité avec Cameron Halden mette en danger l'image de notre club. Demain, nous organisons une conférence de presse. Tu y présenteras tes excuses. Nos avocats ont rédigé ton discours afin que tu ne prononces aucune parole malheureuse. Par ailleurs, nous estimons que ton comportement mérite d'être sanctionné. C'est pourquoi, tu es suspendu jusqu'à la fin du mois de mai. Cela te permettra de réfléchir au futur que tu souhaites donner à votre carrière. Oh, et si tu pouvais éviter d'être vu trop souvent dans un bar à moitié saoul, nous apprécierons.
La menace est à peine voilée. Il n'y aura pas de deuxième avertissement. Je rentre chez moi, dépité. Heureusement, je sais que je vais pouvoir discuter avec Tyler. Depuis mon post provocateur sur les réseaux sociaux, j'ai évité de lui parler. Je ne voulais pas prendre le risque de lâcher une information qui lui aurait permis de m'identifier. Mais là, j'ai besoin de me confier et je sais qu'il est exactement la personne dont j'ai besoin pour le moment.
Je découvre un message datant de quatre jours où Tyler s'excuse de ne pas avoir le temps de se connecter car il a beaucoup à faire au boulot. Je vérifie l'heure : habituellement nous nous fixons rendez-vous le soir. Il n'est que quatorze heures mais je tente le coup. Grâce à l'appli qu'il a installé sur son smartphone, je sais qu'il reçoit les notifications en direct.
(A) « Hey mec ! Tu es libre aujourd'hui ? J'ai besoin de...de parler à quelqu'un. J'ai failli me faire virer du taf. »
Au bout de vingt minutes d'attente, je décide d'aller profiter de ma piscine intérieure. Rochester étant situé au Nord des États-Unis, les températures sont rarement clémentes avant la fin du printemps.
Après une heure de nage, je découvre avec bonheur que Tyler est connecté. Je me couche sur un transat et m'empresse de lire sa réponse :
(C) « Comment ça, te faire virer ? C'est toujours ton super collègue qui t'emmerde ? »
(A) « On peut dire ça. J'ai exprimé mes sentiments à son égard. Je n'aurais pas dû. Tu te rends compte, j'ai osé dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas et c'est moi qui morfle »
(C) « C'est toujours ainsi. Qu'on vienne encore me parler de liberté d'expression ! Mais...ça va, tu gardes ton job ? »
(A) « Oui. Sauf que je suis relégué à des tâches moins sympathiques pendant quelques semaines. Il paraît que cela va me permettre de réfléchir à mon comportement. »
(C) « C'est ridicule ! »
Je suis heureux d'avoir le soutien de Tyler. Et ça me fait chier de devoir lui mentir à mon sujet. Nous échangeons encore une bonne dizaine de minutes sur ma mésaventure avant que je ne me décide à poser une question que je gardais pour moi depuis notre première conversation. Tyler m'a révélé que, tout comme moi, personne dans son entourage n'était au courant pour son homosexualité. Et j'aimerais vraiment savoir comment il s'y prend pour que cela reste un secret.
(A) « Hum, Tyler ? J'ai un truc à te demander. Comment tu fais pour que ta famille et tes amis ne se doutent de rien ? »
(C) « Je sors de temps en temps avec des femmes que je connais et qui sont célibataires. Souvent je m'arrange pour que nous soyons avec des amis communs. »
(A) « Et tu...vous avez des gestes d'affection l'un envers l'autre ? »
(C) « Jamais. Mais c'est suffisant pour éviter les questions gênantes. De plus, tout le monde sait que je ne suis pas le genre à afficher ma vie privée en public. »
(A) « Je vois. Je devrais peut-être prendre exemple sur toi. J'ai peut-être adopté la mauvaise stratégie. »
(C) « Tu es le mieux placé pour savoir ce qui est bon pour toi. »
(A) « Disons qu'en plus d'avoir été recadré au bureau, on m'a gentiment fait comprendre que je devais penser à l'image de la boite. Ils n'aiment pas trop les mecs qui collectionnent les conquêtes féminines. »
(C) « Mais donc, tu es bi ? »
(A) « Hahah, non ! Je fais croire que j'ai de nombreux rencards et que je m'envoie en l'air avec un max de filles mais c'est faux. C'est quand même moche de devoir en arriver là. Parce que... »
(C) « Parce que tu n'es pas comme ça en réalité ? »
(A) « Ouais. Je ne couche pas avec un mec différent tous les soirs ou toutes les semaines. J'essaie de faire en sorte que mes relations durent mais quand tu passes ta vie à mentir et à te cacher, au bout d'un moment ça coince. »
(C)« Pourquoi tu n'as jamais fait ton coming-out, Edward ? »
Je regarde mon écran, indécis.
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