Cap Vert, 28 mai 2016 (1ère partie)
Après un déjeuner avec Terrence dix jours plus tard, et plusieurs relectures attentives, j'ai accepté de signer le contrat.
Aujourd'hui, je m'envole pour le Cap Vert et, pour la première fois de ma vie, je vais découvrir la classe affaires d'une célèbre compagnie aérienne américaine.
Je suis arrivé à l'aéroport quatre heures avant le décollage car je bénéficie d'un accès VIP au lounge réservé aux passagers les plus privilégiés.
Après un bon repas et un massage relaxant, je découvre ma suite personnelle que je m'empresse de mitrailler sous toutes les coutures. Puis, je réalise une courte story que je publie directement sur mon compte Instagram.
Un verre de champagne à la main, je me remémore ces dernières semaines de folie. Je bénéficie à présent des services d'une coiffeuse, d'une maquilleuse, d'une styliste, je ne paie rien du tout, je dois juste « obéir » aux ordres de Terrence et écouter les conseils de Shana, mon assistante personnelle.
Mon compte Instagram est à présent suivi par six mille abonnés. Enfin, ça c'est le nombre qui est affiché. Dans la réalité, ce n'est pas exactement pareil. Je sais que l'agence qui m'emploie a fait gonfler le nombre dans les deux semaines qui ont suivi la signature de mon contrat. De cinq cent followers, je suis passé, comme par miracle, à deux mille cinq cent en huit jours à peine grâce à leur carnet d'adresses et des gens grassement payés pour me suivre. Je l'ai appris de manière détournée. J'avoue, cela m'a un peu choqué mais je présume que c'est ainsi que cela se passe dans le milieu.
Mon voyage au Cap Vert sera l'occasion, si tout se passe bien, de signer un juteux contrat avec une marque de montres réputée. Terrence espère ainsi que je franchirai le cap des dix mille abonnés dès que cette collaboration aura été rendue publique.
Avant le décollage, je prends un selfie tout en levant mon verre et sans oublier les consignes de mon agent bien entendu. Depuis la signature de mon contrat, Terrence m'a, comme promis, soumis à un entraînement de fou qui consistait à apprendre par cœur comment truquer une photo sans devoir recourir à un logiciel de retouche. Cela peut paraître stupide au premier abord mais il existe une multitude de petits trucs et astuces qui transforment la réalité. Encore un point dont je ne soupçonnais pas l'existence. J'étais naïf il y a encore quelques semaines, je le reconnais.
En tout cas, je suis devenu un pro sur le sujet. Je sais comment rentrer le ventre correctement, comment contracter mes abdos, comment écarter les jambes pour prendre la meilleure pose possible, comment jouer avec la lumière du soleil. C'est tellement facile de tromper les internautes. C'est d'ailleurs fou de constater à quel point, avec un angle et des vêtements différents, il est possible de rendre mon corps plus « acceptable » et qui rentre parfaitement dans le moule voulu par la société.
De plus, je maîtrise mieux, à présent, l'usage des filtres et des manipulations de photos pour rendre les clichés les plus « instragrammables » possibles.
Je me repasse dans ma tête le programme des prochains jours. C'est mon premier test grandeur nature. Jusqu'à présent, je devais alimenter mon feed avec des scènes du quotidien sans oublier de tout mettre en scène. Petit déjeuner, déjeuner, dîner, pause détente devant la télé, petite balade sur la plage, depuis que je travaille pour Terrence, je prends plus de trois cent photos par jour. Ouais, vous l'avez compris, chaque moment de la journée est photographié sous toutes les coutures. Et ceux qui ont le plus de succès pour le moment ce sont ceux que je capture pendant ma séance de fitness quotidienne. Une petite story en direct de vestiaires et les commentaires pleuvent !
Maintenant que je connais l'envers du décor, je commence à comprendre pourquoi être influenceur est un vrai métier. Parfois, seuls quatre ou cinq clichés par jour remplissent les critères bien établis par Terrence. Mais je ne peux que constater que sa technique fonctionne. En suivant méticuleusement mon planning de publication, j'arrive à susciter une certaine impatience chez mes « fans » qui sont de plus en plus nombreux à me réclamer des photos.
Et je prends un plaisir fou à lire leurs commentaires.
Je me rends compte à présent que je guette avec une certaine appréhension les premiers likes après avoir posté une photo. Parfois cela s'emballe très vite et parfois c'est plus calme. Je m'étonne alors de la déception que je ressens alors que j'ai suivi scrupuleusement les consignes.
Une heure après le décollage, une hôtesse m'apporte une petite collation et je la remercie avec un grand sourire. Elle accepte ensuite de poser à mes côtés. Ce sera un chouette cliché à partager avec mes abonnés.
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Voilà, Lucas est à présent plongé dans son nouveau "job". Et il découvre avec un certain étonnement l'envers du décor.
Pour info, j'ai piocher, pour ce roman, des renseignements dans des interviews d'anciens influenceurs qui décrivaient l'envers du métier d'influenceur (pas tjs reluisant...)
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