Chapitre 5
La jeune femme sortit de la pièce pour rejoindre la salle principale. Elle ne savait que faire en attendant Cirus. Observant aux alentours, elle se décida d'aller voir les cubes noirs dans le meuble à l'aspect de bibliothèque.
D'un peu plus près, ces cubes portaient des inscriptions que Mélia n'eut pas de mal à lire. Pourtant, elle était sûre de ne pas connaître cette langue. Les inscriptions luisaient sur la surface plate et au noir parfait.
Elle pouvait lire sur certaines : « Comment bien travailler avec les amasfeuilles ? », « La joie des repas royaux », ou même encore « Les lois d'Alos ».
Elle opta plutôt pour « La flore au pays des Magiciens ». Elle, qui était une grande passionnée d'herboristerie, était intriguée par les différences qui pouvaient se trouver sur Edhira.
Elle retira le cube désiré de l'étagère, et commença à le tourner dans tous les sens. Elle ne savait comment s'en servir, et se demandait bien s'il avait une quelconque utilité. Ce n'est qu'une fois en pressant sur son dessus, comme un objet en mousse, que le cube se métamorphosa en tablette. Il s'aplatit de lui-même et s'étira dans un carré parfaitement plat. Du texte défilait sur sa surface lisse, sans s'arrêter. Parfois elle manquait des phrases, d'autres fois des illustrations complexes. Cet objet était difficile à manier et la jeune femme ne savait comment l'utiliser efficacement.
Le texte présentait des plantes, ainsi que leurs propriétés. Leur singularité était étrange et intrigante. Les images qui représentaient les espèces florales étaient très détaillées et colorées. Malheureusement, la vitesse de défilement ne lui permit pas d'en tirer grand-chose. Elle ne savait pas comment stopper le texte, si tant bien qu'il y eût un moyen de le faire.
Mélia soupira, vaincue, et reposa l'objet sur la petite table, incapable de changer à nouveau la tablette en cube. Elle vint ensuite s'asseoir sur l'un des tabourets en lévitation, non sans crainte de prime à bord.
Quelques minutes après, Cirus sortit de la salle d'eau. Son visage livide et angoissé ne laissait présager rien de bon.
Mélia se leva à son arrivée, attendant d'en savoir plus.
« C'est difficile de communiquer avec les reflets, expliqua-t-il. Ils ne sont pas toujours coopératifs. Certains sont des menteurs invétérés et d'autres des cachottiers malveillants. Je pense que l'on devrait attendre quelque temps que la situation se débloque, avant de réessayer.
‒ Pourquoi cela devait-il m'arriver ? s'insurgea-t-elle. Je suis inquiète pour ma famille, il faut à tout prix que je rentre.
‒ Ne vous en faites pas, Mélia, nous trouverons une solution. Tout cela n'est pas fortuit. Je pense que les reflets ont une raison de ne pas vouloir vous laisser rentrer. Je ne sais cependant pas encore pourquoi, mais nous finirons bien par le savoir. »
La jeune femme resta muette, ne sachant quoi dire.
« Avez-vous faim ? demanda-t-il pour changer de sujet.
‒ Pas vraiment, merci », répondit-elle, contrariée.
Le jeune homme se rendit jusqu'au meuble en bois rempli d'objets intrigants.
« Est-ce que le temps s'écoule différemment ici ? interrogea la jeune femme. Je veux dire, est-ce qu'en rentrant sur Terre tout sera comme lorsque nous sommes partis ?
‒ Pas vraiment, dit-il en se tournant vers elle. Le temps ne s'arrête pas, peu importe où vous vous trouvez. Il n'est pas question de voyages temporels ou interdimensionnels. Disons que les déplacements dans les reflets sont simplement des raccourcis entre les différentes planètes, et ce, peu importe leur distance. Cependant, votre cycle jour et nuit est beaucoup plus court que le nôtre. Une année complète chez vous n'en est pas encore une chez nous. Tenez, regardez cela. »
Il vint déposer sur la table un objet. Mélia s'en approcha.
C'était une sorte de boîte en forme de pyramide. Pour l'ouvrir, Cirus écarta ses côtés triangulaires, comme pour dissocier les sépales d'un coquelicot. Ce qui pourrait s'apparenter à un hologramme en sortit. Il représentait une carte en relief d'un monde rond, semblable à la Terre.
« Voici Edhira », dit-il.
Mélia observa l'hologramme avec grande attention. C'était une sphère ronde, où des continents flottaient sur une grande surface d'eau. Ils étaient en nombre de trois. Il y avait également des petites îles, par-ci par-là.
Elle leva son regard vers Cirus. Il l'observait. Non. Il la dévorait des yeux. Son sourire fit battre le cœur de Mélia comme jamais.
« Et ici, c'est Alos, mon pays », expliqua-t-il en pointant du doigt un endroit de la sphère translucide.
Mélia fut incapable de dire quoi que ce soit. La beauté de l'objet et de ce qu'il montrait la laissa bouche bée.
« Maintenant que vous êtes bloquée ici pour un temps indéfini, laissez-moi vous montrer quelques beautés de mon monde. »
À ces mots, il referma la boîte pyramidale. Mélia ne savait quoi répondre, mais le jeune homme avait raison. Elle ne pouvait qu'attendre que la situation s'améliore. Autant profiter du temps ici pour en apprendre un peu plus sur ce monde.
« Venez avec moi », dit-il en appuyant sur un mur pas loin de la table ronde.
Une ouverture apparut au contact des doigts de Cirus sur la surface boisée. Tout comme celle de la salle d'eau, celle-ci fit apparaître la lumière extérieure en se décomposant.
Fascinée, la jeune femme suivit Cirus à l'entrebâillement de l'ouverture. Cependant, il referma celle-ci brutalement en claquant la paume de sa main sur le mur.
« J'ai complètement oublié, mais je dois vous dire certaines choses avant de sortir. »
Mélia frissonna, craintive. Il continua :
« Les étrangers ne sont pas tous appréciés à Alos, encore moins des étrangers variants comme vous. »
La moue perdue de la demoiselle le fit reprendre :
« Nous avons deux types d'étrangers ici, les natifs venant d'un autre pays et les variants, venant d'une autre planète. Les aligne-reflets comme moi, ont le droit de voyager dans d'autres mondes, il est cependant interdit d'apporter des étrangers d'ailleurs, sur les terres edhiriennes. Si la famille royale venait à l'apprendre, ils vous exécuteraient et m'exileraient, s'ils ne me réservent pas le même sort. »
Mélia ravala sa salive difficilement.
« Ne vous en faites pas. Physiquement, nous nous ressemblons et vous avez également la capacité de parler notre langue et de la comprendre.
‒ Comment est-ce possible ? s'interrogea-t-elle.
‒ Les aligne-reflets ont la particularité de parler la langue des planètes qu'ils visitent. Du moins, la langue du territoire sur lequel ils apparaissent pour la première fois. C'est pour cela que je n'ai jamais eu de problème à communiquer avec vous. Cela fonctionne également pour ceux qui traversent avec un aligne-reflets. Vous êtes donc capable de parler l'alosien comme toute personne de ce pays. »
Elle comprenait mieux maintenant pourquoi elle avait réussi à lire les inscriptions sur les cubes noirs.
« Il faudra simplement passer au tutoiement lorsque nous parlerons ensemble, continua-t-il. Ici, nous ne vouvoyons que les membres de la famille royale, ou les personnes dont nous ne sommes pas sûrs du statut. »
Elle opina du chef.
« Il serait préférable également de te trouver des vêtements moins chauds et plus conventionnels, ajouta-t-il. Mon grand frère ne vit pas loin avec sa femme, elle pourrait sûrement nous aider avec ça. »
La pauvre fille était vêtue de sa robe d'hiver et de ses grandes bottes lacées. Cirus rouvrit l'ouverture et laissa la jeune femme le suivre.
Une fois dehors, ils se retrouvèrent dans la ruelle calme qui débouchait vers un boulevard beaucoup plus grand, animé et éclairé par la lumière naturelle provenant de l'étoile la plus proche.
Le ciel était d'un bleu incroyable, orné de quelques nuages presque transparents. Le temps magnifique, faisait penser à une journée d'été fleuri et agréable.
En chemin, Mélia n'était que plus abasourdie à chaque pas. Les maisons, aux étages empaquetés les uns sur les autres comme des cubes, étaient parfois à cheval sur leurs voisines. Certaines plus hautes que d'autres, jardin au rez-de-chaussée, et quelques balcons décorés de rubans colorés et autres extravagances. Les maisons du boulevard n'étaient pas les seules curiosités auxquelles les yeux de la jeune femme devaient s'accoutumer. Une rue animée par d'innombrables silhouettes excentriques, aux accoutrements fabuleux et rocambolesques. Les couleurs vives se mariaient remarquablement bien avec les couleurs les plus pâles.
Elle n'avait jamais vu pareille architecture. Certains objets ou décorations lévitaient avec la même magie que celle des tabourets dans la maison.
Le jeune homme disait travailler depuis peu pour la famille royale. Leur domaine se trouvait de l'autre côté, à l'opposé d'où ils se dirigeaient. Mélia vit d'ailleurs en se retournant, de grandes tours, plus hautes que tout le reste.
Cirus vivait à l'embouchure même du centre – où demeuraient les plus riches ‒ et la partie externe de Jalos, la capitale d'Alos.
Il pouvait donc profiter des animations luxueuses, sans pour autant payer une redevance d'habitation trop importante. Cela lui permettait également de ne pas être trop éloigné de son lieu de travail, qui se trouvait au centre même de Jalos.
Devant eux se tenait une grande maison, mélangeant le bois et la pierre. Elle était sur trois étages, d'aspect cubique et disproportionnés les uns aux autres. Un petit chemin de terre menait jusqu'à l'une des faces de la bâtisse. Sur celle-ci étaient délimités deux carrés de part et d'autre d'un grand rectangle en guise de porte. Les deux carrés ‒ représentant les fenêtres ‒ étaient opaques et ne laissaient rien paraître de l'intérieur. La grande partie rectangulaire était divisée en carreau, dont certains, comme sur un damier, se différenciaient par une surface vitrée qui ne reflétait pas l'intérieur tout comme les fenêtres.
Cirus frappa sur l'un des carreaux, alors que Mélia posa ses yeux sur le petit jardin extérieur. Les fleurs étaient d'un bleu profond, ou pour certaines, d'un noir hypnotisant. Des plantes grimpantes à l'aspect gluant s'agglutinaient autour d'un petit arbuste aux feuilles violettes. D'étranges amas de feuilles gesticulaient dans tous les sens. La jeune femme crut à une curieuse machination du vent, mais il en fut tout autre. En réalité, ces amas étaient bien vivants, et leurs yeux en forme de billes noires effrayèrent la demoiselle lorsqu'ils se posèrent sur elle.
Mélia détourna immédiatement le regard, le teint blafard. Cirus s'en aperçut et empoigna sa main, la rassurant aussitôt.
Les carreaux face à eux se décomposèrent pour laisser place à une ouverture. Un homme aux traits semblable à ceux du jeune alosien se tenait devant eux. Il y avait les mêmes cheveux ébène et le teint à peine bronzé. Pour autant, contrairement à son frère, ses yeux étaient clairs plutôt que noir. Il était également plus petit de taille, bien que son corps fût tout aussi longiligne. Il avait également ces tâches surprenantes sur le visage, qui dans son cas couvrait son nez jusqu'à ses pommettes.
« Cirus ? parla son grand frère.
‒ J'ai besoin de ton aide, est-ce qu'on peut entrer ? » demanda le cadet.
L'homme observa ses invités et accentua son regard sur la jeune femme. Elle était plus petite que Cirus, les cheveux ondoyants au vent. Elle n'avait pas vraiment de formes et sa peau était bien pâle comparé aux alosiens. Sans parler de ses vêtements chauds, curieusement étranges.
« Oui, bien sûr. Entrez... »
Et l'homme ferma la porte derrière eux, perplexe.
© Tous droits réservés
TragicOwl - Wattpad
Voici donc dans ce chapitre la map du monde d'Edhira ! :D
Il faut imaginer que Mélia la voyait en 3D sous sa forme sphérique. Je ne suis pas très douée en graphisme, alors je n'ai pas pu faire mieux pour la carte, mais je reste satisfaite du résultat. Elle est très importante pour se situer dans l'espace, mais pas d'inquiétude, je serais sûrement amenée à l'ajouter par la suite, notamment en zoomant sur certains pays/zone.
Certains d'entre vous y auront d'ailleurs peut-être repéré les lieux cités dans le prologue ;)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top