Chapitre 18
Mélia ne put retenir un sourire. Contrairement à ses premières fois, elle se réjouissait de ne pas avoir à rentrer.
« Ne souris pas comme ça, voyons », s'amusa le jeune homme.
Il secoua la tête.
« Bon, je suppose que les reflets ne veulent pas te voir partir pour l'instant. Et cela reste un bien grand mystère... »
Il se passa la main dans les cheveux et reprit :
« En attendant que je leur parle, va rejoindre les autres. Avec un peu de chance, ils n'ont pas encore quitté la pièce, et tu pourras te joindre à eux. »
La jeune femme s'exécuta, laissant l'aligne-reflets pénétrer à nouveau dans le miroir. La minute d'après, il avait déjà disparu. Mélia se rendit à sa chambre pour y déposer son sac, et repartit vers la salle où les autres devaient se trouver encore.
« Eh bien, voilà de la compagnie », s'étonna un reflet.
Cirus se trouvait à nouveau dans cet espace sombre, où ses pieds ne touchaient pas le sol et où son regard n'arrivait à percevoir l'horizon.
« Je suis Cirus Ombrage. J'ai été engagé par la famille royale de Prael.
– Et que nous vaut cet honneur ? demanda, presque sarcastiquement, une autre voix.
– Sans doute le savez-vous, reprit l'humain, mais Praelni ne répond plus aux sollicitations de son peuple. Les Praeliens aimeraient d'ailleurs en savoir plus sur le futur alignement des reflets, dont leur Dieu en a fait un mauvais présage.
– C'est bien normal si Praelni ne répond plus ! Il a disparu ! se moqua un reflet.
– Comment ça, disparu ? s'inquiéta le jeune homme.
– Il n'est plus sur Edhira.
– Est-ce qu'il reviendra ?
– Telle est la question ! »
Cirus faisait face à un dialogue particulier, mais celui-ci lui offrait bien des réponses. Il se rendait cependant compte que s'il tardait trop, les informations pourraient bien finir par lui échapper.
« Qu'en est-il du présage ? insista-t-il. Praelni a indiqué que quelqu'un pourrait se servir de l'alignement pour mettre le chaos sur Edhira. Que pouvons-nous faire pour prévenir un tel danger ?
– Les reflets s'aligneront, chantonna une voix.
– Tous les reflets, continua une autre.
– Même celui du monde des morts », termina la première.
Cirus eut un sursaut. Il avala difficilement sa salive.
« Que faire pour éviter cela ? demanda-t-il, inquiet.
– Telle est la question, susurra un reflet.
– Et j'ai besoin de réponse, persista-t-il.
– Point de réponses, nous avons... »
Et c'était terminé. Le jeune homme savait inutile de persévérer. Les reflets étaient tous les mêmes. Ils aimaient s'amuser, divaguer. Cirus espérait simplement qu'au vu de la gravité, l'un d'entre eux n'ait pas eu l'envie de mentir effrontément.
***
« Mélia? » s'étonna Brithellia, en voyant la jeune femme entrer dans la pièce.
Elle était accompagnée du prince et de la princesse de Prael, ainsi que de Daery.
« J'espère que je ne vous dérange pas, parla la terrienne.
– Nous allions partir faire un tour dans la capitale, expliqua la dronienne. Veux-tu te joindre à nous ? »
La jeune femme accepta, suivant ses hôtes jusqu'à l'extérieur. Ils avaient descendu les escaliers, et une fois dehors, s'étaient mis en chemin sans but particulier.
« Alors, tu as réussi à traverser de nouveau les miroirs ? questionna curieusement Brithellia.
– Pas vraiment... Il semblerait que ma capacité fait des caprices, affabula Mélia.
– Ce n'est pas commun, quelqu'un qui perd sa capacité ainsi... »
La terrienne déglutit. Avait-elle été trop loin dans son mensonge ?
« M'enfin, lança-t-elle à nouveau, j'imagine que les habitants d'Edhira ne cesseront de me surprendre. C'est incroyable comme nous pouvons encore être étonnés par notre planète ! »
La jeune femme soupira de soulagement. Marchant dans les rues boueuses de la capitale, l'environnement défilait sous leurs yeux. Le frère et la sœur princiers se tenaient devant, comme les guides d'un cortège.
Des Praeliens priaient, enfouis dans la boue, les paupières fermées, leurs lèvres chantonnant pour un Dieu qui les avait abandonnés.
« J'aimerais vous montrer notre jardin », annonça Lynsa, dans un accent prononcé.
Alors que Brithellia et Mélia acquiescèrent pour la suivre, Daery observait le peuple face à elle.
« Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, dit-elle, j'aimerais me balader un peu plus dans la capitale.
– Très bien, accorda la princesse.
– Je t'accompagne », informa Morgareth.
Il voulait garder un œil sur les étrangers. Les trois femmes les laissèrent, pour se rendre aux abords de la capitale.
Alors qu'elles marchèrent, Mélia s'aperçut que les petits ruisseaux qui traversaient de part et d'autre la ville desservaient également en eau les habitations. C'était fascinant qu'une eau si claire puisse se trouver si près d'un sol boueux et salissant.
Il leur fallut plusieurs minutes avant de pouvoir mettre les pieds dans le jardin royal. Et la vision de celui-ci était à couper le souffle. Toute sa surface était dégagée. Les plantes et autres végétations étaient de couleurs diverses, flamboyantes et singulières. Taillées impeccablement, elles étaient mises en valeur par le peu – mais suffisant – de lumière qui traversait le brouillard.
Les ruisseaux parvenaient jusque là, venant nourrir la terre. De petites bêtes volantes piaillaient autour des fleurs aux couleurs vives et aux formes étrangères. L'endroit jurait avec le reste, et curieusement, il était à l'image de la Princesse praelienne.
« C'est magnifique, souffla Mélia.
– N'est-ce pas ? sourit Lynsa. J'adore... venir ici pour passer le temps. »
Son accent était très marqué, contrairement à son frère. Elle mettait plus de temps à parler, mais ses efforts étaient dignes d'une bonne hôtesse. Son visage rayonnait et sa joie était communicative. Elle accosta un homme qui vint à elle, lui parlant dans sa langue.
« Venez », lança-t-elle.
Elle conduisit ses invités près d'un coin dégagé. L'herbe d'un vert sombre était dénuée de boue. Elles vinrent s'asseoir en cercle, comme lors d'un pique-nique. Observant les alentours, le silence était leur principal compagnon. Pour autant, Mélia et Brithellia ne se sentaient pas mal à l'aise. La princesse avait un charme et une prestance naturellement agréable.
L'homme avec qui elle avait parlé quelques minutes auparavant était revenu vers elles. Il avait déposé en son centre un plateau. Sur celui-ci se trouvait un bol rempli d'un liquide visqueux semblable au miel, ainsi que de petites feuilles noires.
Lynsa se servit d'une de ses feuilles et parla :
« Ce sont... des feuilles de Corix. »
Elle noya celle-ci dans le bol. Ses invitées firent de même, suivant à la lettre ce qu'elles avaient vu. Les feuilles s'étaient instantanément ramollies. La mixture s'imprégnant dans celles-ci comme dans une éponge. En bouche, leur côté visqueux était désagréable, mais leur saveur relevée et sucrée en était rapidement addictive.
Pendant qu'elles dégustaient leur confiserie, Daery avait entamé la conversation avec Morgareth, tout en se baladant. L'alosienne, qui avait étudié les coutumes praeliennes, était toujours en proie à certaines méconnaissances. Avide de savoir, elle voulait connaître tout ce qu'il était possible sur ce peuple, et quoi de mieux, que d'être accompagnée du Prince pour nourrir ce besoin.
« Je voulais vous poser quelques questions, demanda-t-elle, si cela ne vous semble pas déplacé. »
Son praelien était presque parfait. Elle avait choisi de s'adresser au Prince sous sa langue natale, maintenant qu'ils étaient seuls. Il acquiesça, et elle continua :
« Je sais que parler de vos malédictions est quelque chose de tabou par chez vous. Mais, je dois dire que c'est ce qui rend votre peuple unique et intrigant.
– Que souhaites-tu savoir ?
– Il y a différentes formes de malédiction, c'est cela ?
– Oui, certaines peuvent se transmettre, d'autres non.
– Et la vôtre ? »
Il s'arrêta, la forçant à faire de même. Son regard inquisiteur, la fit faire un pas en arrière.
« Je suis navrée, se reprit-elle, je ne voulais pas paraître irrespectueuse.
– Tâche de ne pas poser cette question à n'importe qui. »
Elle déglutit, alors qu'il observa le ciel brumeux.
« La mienne est transmissible par le toucher », finit-il par dire.
Reposant à nouveau ses yeux sur elle, il poursuivit :
« Crois-moi, tu ne souhaites pas en savoir plus. »
Elle hocha la tête, une pointe de tristesse dans son mouvement.
Ils avaient continué à marcher jusqu'à s'approcher de quelques travailleurs près des arbres. Ils grattaient les écorces pour en récolter les graines et la sève. Certains recueillaient les feuilles et les nettoyaient de la boue, lorsqu'elles en étaient recouvertes.
Daery leva la tête, intriguée par la grandeur de la forêt. Ses yeux se posèrent sur un étrange animal à plume. Sa tête en forme de chien et son plumage noir lui donnaient un aspect effrayant. La parleuse n'avait jamais vu pareille bête auparavant.
Ses yeux d'un noir profond rivés sur elle la déstabilisèrent rapidement.
« Où est Mélia ? » demanda une voix derrière eux.
Le Prince et Daery se tournèrent pour faire face à Cirus.
« Elle est avec Brithellia et ma sœur, expliqua Morgareth.
– Tu t'inquiètes beaucoup pour elle, parla la jeune femme.
– Oui, elle... hésita-t-il, elle ne sait pas se défendre seule.
– Tu as fini de discuter avec les reflets ? » demanda le praelien.
Le jeune homme acquiesça :
« Oui, et malheureusement, les nouvelles ne sont pas bonnes... »
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