Prologue - L'Ange tombé

Il tomba, et dans sa chute, sa gloire il précipita.

L'orgueilleux n'obtint nul autre Salut que celui d'une vie qu'il ne méritait plus, d'une existence dont il ne voulait plus. Il étira ses ailes blessées, créature déchue, et couvrit le monde de son fier regard, tandis qu'au-dessus de sa chevelure, brûlait une flamboyante couronne de lumière. Il regagnait, de ses quatre larges appendices, le Ciel jadis perdu.

Ses yeux balayèrent la noble silhouette de l'une de ses camarades, qui l'interrompit dans son Ascension longtemps attendue.

« Pourquoi ? »

Le petit mot quitta sa gorge. Il perça, aiguille aiguisée, le cœur serré de l'Ange aux prunelles couleur nuit. Son visage froid se défit de l'impassibilité, dévêtit le masque de marbre et dévoila les traits tirés, les cernes, les joues creusées. La perfection envolée.

« Je ne sais pas, dit-il, alors qu'un frêle sourire effleurait ses lèvres.

— Tu savais que tu échouerais, dit l'être aux belles boucles d'un blond clair face à lui. N'avais-tu pas peur de t'effondrer ?

— J'avais peur de cesser d'y croire. »

Elle approcha la main des pommettes émaciées, mais avant qu'elle n'ait pu caresser la peau pâle, l'Ange se retira. Il fuyait, et son regard embrumé avec lui. Les sillons dessinés par les larmes, taries après s'être écoulées des heures durant, trahissaient l'émotion qui avait traversé son corps. Pourtant, il agissait l'air de rien, dans la vaine tentative du paraître.

Mais paraître n'était plus son maître mot ; la Chute réduisait à néant ses espoirs de perfection. Et ne restait de lui que le substitut d'un Ange. Archange d'antan.

« Je t'avais prévenu, dit sa semblable avec douceur. Nul n'échappe à son destin. Lui, à l'instar de tous les Hommes, n'a fait qu'emprunter le chemin par notre Seigneur tracé.

— Je sais.

— Pourquoi pleures-tu, si tu le sais si bien ?

— Parce qu'il n'est plus là. »

Une perle brillante se coinça dans ses cils sombres. D'autres l'y bousculèrent, elles se blottirent à la lisières de ses yeux, nuits sans étoile. Il battit des paupières pour les réduire à de simples gouttes égarées dans l'air doux. Trop doux. Autour de lui, la Lune resplendissait avec ardeur, quand la pluie, elle, noyait son cœur.

« Il n'était pas éternel et ne le sera jamais. Cela aussi, tu aurais dû le savoir.

— J'avais le droit d'espérer.

— Et vois où cet espoir t'a mené. Où diable puis-je trouver celui que je connus autrefois ? Est-il mort, lui aussi, avec cet humain condamné par la Main Céleste ?

— Tu ne le trouveras pas, pas plus que je ne me trouve moi-même. »

Les deux Serviteurs de Dieu se contemplèrent en silence. Autour d'eux ne résonnait que le hurlement du vent qui s'engouffrait dans leurs ailes déployées. Il dansait dans l'immensité azur, se jouait d'eux, riait quand l'Ange aux cheveux de jais s'efforçait de refouler au creux de sa poitrine les grondements du désespoir. Impardonnable faute, l'espoir, mort sournoise de l'esprit. Ainsi emporté par le souffle du vent et les vagues de la tristesse, il ne laissait qu'une enveloppe vide d'âme.

L'Ange était mort de l'intérieur, sans désir de retrouver la vie.

« Sais-tu jusqu'où tu tomberas ? dit l'être au visage encadré de mèches blondes.

— Peu m'importe de tomber, aussi profond que cela soit, si je puis le revoir encore une fois. »

Il tomba, dans une Chute précipitée par les fautes accumulées.

Pourtant, l'Ange dédaigneux ne regretta pas. Il méritait la Chute, car il ne serait jamais capable de renoncer au doux souvenir de son ultime erreur, cause de la déchéance intérieure.

Troisième tentative de prologue depuis que cette histoire a vu le jour. N'hésitez pas à me partager votre avis. Je suis à la recherche du prologue qui me fera vibrer – et le lecteur avec.

Prochain chapitre : « Chapitre I - Le Temps d'apprendre à n'être rien »

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