Chapitre XXXIII - Quand valsent les couleurs
Parvenu devant la maison de son protégé plongée dans la pénombre nocturne, Eden s'étira. L'éclairage de la ville était depuis longtemps éteint, aussi Elias et lui avaient-ils traversé la longue route à travers champs dans une obscurité opaque. Le blondinet et la torche de son téléphone n'avaient pas suffi à éclairer à plus de trois mètres, si bien que l'ange avait refusé de le laisser partir en avant. Il ne l'aurait reconnu pour rien au monde, mais la vieille inquiétude enfantine de la Nuit s'était cramponnée à ses entrailles, au cours de cette longue marche. Quand Elias avait pris sa main, il n'avait pu empêcher la Peur de le saisir. Son regard avait dévié vers le Ciel et contemplé les étoiles. Et, un bref instant, il s'était vu là-haut, dans l'étendue d'encre. Petit point de lumière qui se débattait pour ne jamais s'éteindre.
Mais toutes les étoiles meurent un jour.
Et à son étoile avait succédé l'image d'Elias. Mort, lui aussi.
Il avait lâché la main dont il ne sentait pas la chaleur, protégé par l'épaisseur du cuir. Pourtant, sa paume brûlait. Elle s'enflammait d'effroi.
Le jeune homme et son Gardien demeuraient immobiles sur le perron. Quand Eden s'était écarté, le silence s'était installé, ils ne l'avaient pas dissipé.
« Tu veux dormir ici ? Mes parents sont tous les deux en déplacement », dit enfin Elias.
L'ange acquiesça. Ils gagnèrent la chambre aux murs gris et nus. Tandis que le jeune homme s'affalait sur le lit encore défait, grisé par l'alcool mêlé à son sang, Eden s'installa sur le rebord en bois de la fenêtre entrouverte et embrassa du regard la nuit qui se déroulait au loin. Préservé par la lumière de la pièce et la paroi vitrée, elle ne l'effrayait plus. La Peur relâchait son estomac noué. Dans les cieux, son étoile et le visage d'Elias s'estompaient pour laisser place aux sublimes constellations. Il inspira. Ses narines s'imprégnèrent d'une odeur humide et fraiche. Il porta la main à sa poche pour prendre une cigarette, croisa les yeux verts à l'autre bout de la pièce. Il cessa son geste. Elias n'appréciait pas l'odeur. Il renonça à l'apaisement du tabac. Il replia une jambe et posa son menton sur son genou, le visage tourné vers son bel humain.
« Eden, je peux te dessiner ? », dit le jeune homme d'une voix grave et douce. Agréable caresse qui provoqua un frisson. Langoureuse, chatoyante. Séduisante.
« Maintenant ? »
Il hocha la tête. L'Envoyé de Dieu sourit.
« Parviendras-tu à reproduire ma splendeur ?
— Tu es trop beau pour être vrai. Sur une feuille, devenu faux, peut-être seras-tu vraisemblable ?
— Je remplacerai les portraits d'avant, sur tes murs ? dit Eden en balayant les murs du regard. Pourquoi les avoir enlevés ? Ils étaient magnifiques... »
Elias survola les cloisons maussades, un brusque éclat nostalgique sur le visage. Ses lèvres s'étirèrent tristement sans qu'il ne prononçât quoi que ce fut. Il traversa la pièce pour déballer une grande toile de son film plastique. Il déplia un chevalet, étala sur une petite table une série de pinceaux, de tubes de peinture, de palettes usagées. Des bouts de cartons tachés de couleurs mêlées et inidentifiables rejoignirent le matériel. Il s'éclipsa un instant, revint avec plusieurs verres d'eau. Les gobelets, comme le reste, portaient les vestiges d'usages répétés. Ses doigts s'activaient, cherchaient crayons, gommes et d'autres pinceaux s'accumulaient. Enfin, il troqua ses vêtements contre d'autres déjà couverts de couleurs.
Eden contempla le corps à la peau halée. Il l'avait admiré maintes fois, mais savoir qu'il était vu dans son admiration lui procurait une sensation jouissive. Il mordilla sa lèvre inférieure. En lui, Luxure clamait son désir de toucher ce corps, d'en explorer les réactions, d'en éprouver et d'en savourer la force. Elle s'agitait encore au fond de son esprit quand le tee-shirt et le jean couvrirent toutes les parcelles dénudées.
« Peu importait l'esthétique de mes dessins, dit Elias après un interminable silence. Ils étaient porteurs d'un souvenir que je voulais oublier. »
Ses poignets commencèrent à danser sur la toile. De sa place, l'ange ne voyait qu'une valse imprécise et saccadée, mais il devinait la précision des gestes. Il savait que chaque mouvement accompagnait une ligne, un trait, un point. Des détails naissaient avec sa chorégraphie. Depuis sa naissance, Elias dessinait, et depuis qu'il dessinait, Eden le regardait. Il assistait avec un respect absolu à l'envoûtant ballet de couleurs. Et, il le savait aussi, chaque pas de cette artistique danse soignait les plaies de l'âme. Le fardeau qui pesait sur les épaules de son protégé, fardeau de la Vie, qui pesait sur les siennes aussi, s'allégeait, et il s'allégeait pour lui aussi.
« Je peux te confier quelque chose, Eden ? dit la voix grave sans s'interrompre. Je n'en ai jamais parlé à personne... Tu le garderas pour toi ? »
L'ange ne bougea pas, figé dans sa pose de modèle. Noble statue, il se laissait coucher sur la toile de lin, hypnotisé par les adages et les arabesques des crayons de bois. Les traits en chassaient d'autres, nouvelles pirouettes, dégagés, échappés, entrechats, les pas se succédaient, ballet mené par l'artiste plongé dans sa tâche. La voix du jeune homme retentissait dans le silence de l'admiration. Mélodieuse, elle accompagnait les enveloppés et les innombrables tours, piqués, fouettés, en dedans et en l'air.
« Je dessinais mon ami imaginaire, dit-il. Tu peux regarder par la fenêtre ? »
Il ne se détourna pas de son œuvre, Eden s'exécuta.
« Je suppose que tu sais que j'ai eu... quelques problèmes. »
Son pouce effleura son poignet aux marques blanches indélébiles. Le crayon resta un instant devant le tableau et lui, songeur, se tut. L'ange observa ses prunelles brillantes, noyées par le flux de souvenirs. Il percevait dans sa propre gorge l'abondance de mots qui se bousculaient dans celle d'Elias.
« Eden, ne me regarde pas. Regarde le ciel, j'ai dit. C'est pour le portrait.
— Je préfère regarder les étoiles dans tes yeux. J'aurai tout le temps d'admirer le ciel plus tard. »
Les mots parurent se débloquer. Les lèvres ceintes d'un sourire, Eden reporta à regret son attention vers l'opacité nocturne, tandis que la danse reprenait. Et la mélodie avec.
« Ces problèmes ont débuté au lycée. J'avais seize ans, à cette époque. Seize ans, et un cercle d'amis que je ne cherchais pas à compter. J'étais populaire, je pense. Grâce à mon ami imaginaire... »
L'amertume, fausse note dans l'orchestre. Un instrument se désaccordait.
« Je sortais avec une fille. Elle avait dix-huit ans. Il me semble qu'elle était à la fac... Elle voulait qu'on couche ensemble. Moi, pas. »
Eden serra le poing pour encaisser les relents de rage qui émanaient du corps du jeune homme. Il frissonna. La mâchoire contractée, il retint les remords qui perçaient, aiguilles effilées dans ses pensées.
« On était à la soirée de fin d'année, chez un pote. Elle m'a emmené dans une chambre. J'entends encore le cliquetis du verrou et la musique au loin, du Queen, je crois. Je n'ai jamais pu écouter ce groupe, depuis. Et elle, elle a vu que je ne voulais pas. J'ai dit non, plusieurs fois. Elle a souri, et ce sourire, je l'ai haï. »
Une fois encore, le spectacle s'interrompit, la pointe du crayon flotta. Sa voix frémissait.
« Elle a retiré son tee-shirt et s'est collée à moi. J'aurais pu la repousser. Elle était mince et je faisais déjà du sport. Puis j'étais musclé, à cette époque.
— Tu l'es encore. »
Il ne parut pas entendre les paroles de son Gardien.
« J'en suis certain, je l'aurais rejetée. Seulement, il y avait ce putain d'ami imaginaire derrière moi. »
L'amertume se mua en ressentiment. Un deuxième instrument dissonait.
« Il avait un regard froid. Glacé. Glaçant. Je ne pouvais jamais y échapper, à ce regard. Je ne m'en étais pas rendu compte avant ce soir-là. Mais dans cette chambre, avec une poitrine collée à mon torse nu, ça m'a sauté aux yeux. Il était fixé sur moi et ne me lâcherait pas. Il m'a dit de lui faire plaisir. Il me l'a imposé. On s'en foutait, de moi, c'est vrai. Le plaisir de cette fille était tellement plus vital. Quelle importance si, moi, je sentais mon cœur bousillé et mon corps profané ? Si je perdais pieds ? Si je m'effondrais ? C'est vrai, quoi ? On s'en tape, non, qu'un pauvre garçon même pas sûr d'aimer les femmes et le sexe se fasse... »
Il n'attendit pas le pas de révérence. Le crayon lui échappa des mains et rebondit sur le parquet. Des soubresauts secouaient son corps et les larmes inondaient ses joues. Il renifla, essaya de les essuyer. Mais elles dégoulinaient sans l'écouter. Elles remplaçaient la mélodie à l'arrêt, méli-mélo trempé pour évacuer le déferlement de souvenirs.
« Je reverrai toute ma vie ce regard. Il brûle encore mon dos, il lacère ma peau. Il me dégoûte et je me dégoûte avec. »
Il tressaillait. Eden n'esquissa pas le moindre geste, paralysé face à la nuit.
« Il m'a détruit, ce soir-là. Ce n'est pas cette fille, c'est cet ami en qui j'avais placé toute ma confiance qui m'a réduit en un ramassis de débris. Sauf que les débris, on ne les recolle pas. Encore aujourd'hui, je vois ses yeux dans mes cauchemars. Ils m'empêchent de me soustraire. Je dois les supporter jusqu'à ce qu'ils daignent se détacher de moi. Et dans ces moments-là, je ne peux m'empêcher de vouloir disparaître. Car s'ils refusent de me laisser en paix, c'est à moi de m'en aller.
— Peut-être que ton ami ne pensait pas à mal, dit l'ange en s'écartant enfin des étoiles.
— Il ne pensait pas. »
La mine dans sa main craqua. Troisième discordance.
« Tu veux savoir l'ironie, dans tout ça ? C'est que malgré tout, cet ami à la con, il me manque. Et le manque, figure-toi que ça fait encore plus mal qu'un regard. »
Les deux êtres se dévisagèrent, immobiles de chaque côté de la chambre. Les derniers violons chantaient, la note finale retentirait bientôt. Seule la danse poursuivrait, baignée de silence. Elias posa la gomme qui effaçait quelques traits manqués. Ses yeux verts ne déversaient plus l'eau salée. Ils soutenaient ceux froids d'Eden. Glacés. Glaçants. Il entrouvrit la bouche mais se trouva incapable de parler. Un sourire éteint passa sur son visage soudain devenu livide. Il ne parvenait à se détacher des disques bleus dans leurs orbites.
« Tu ne réagis pas, dit-il dans un murmure. Tu ne réagis jamais à ce que je te dis. Ça aussi, tu le savais ?
— Je te l'ai déjà dit, dit l'Envoyé de Dieu. Je sais tout de toi, Elias. »
Il se leva et surplomba le garçon installé sur son tabouret, à quelques mètres. Sa présence encombrait la chambre, il envahissait l'espace, ne laissait de place à nul autre que lui.
« Je sais tes battements de cœur, ta respiration saccadée, ton corps quand il a mal. »
Il s'approchait, lent, posé. L'indolence l'habitait.
« Je sais tes yeux quand ils rient, les larmes qui en débordent quand tu observes les étoiles. Je sais ton sourire et ta voix douce. Je sais l'eau le long de tes joues. Je sais tes mains sur ma peau, je sais ta peau sous les miennes. Je sais tes peurs, tes pleurs, ton fardeau. Je sais tes souvenirs et tes espoirs. »
Ses doigts gantés se perdirent dans la chevelure blonde du jeune homme, qui appuya la tête contre son ventre. Le chant de sa voix remplaçait la mélodie. Le ballet s'en imprégnait.
« Je sais ta vie et ta mort, dit-il d'une voix suave. Je sais que je te désire, que je t'adore.
— Tout serait plus simple si tu savais vraiment.
— Rien n'est jamais simple. »
Il se baissa et déposa un baiser sur ses lèvres salées. Puis il reprit sa place à la fenêtre, la tête contre le cadre en bois. De nouveau dirigé vers les lumineuses constellations, il s'évertua à dissiper la sensation de l'eau cristallisée sur ses joues. Mais il savait qu'elle ne disparaitrait que quand Elias aurait recommencé sa valse endiablée. Car cette valse dépensait l'énergie des souvenirs, les brûlait tous un à un pour les coucher dans les traits additionnés sur le support blanc. Il consumait ses démons en les mêlant aux couleurs vives. Il les emprisonnait là, hurlants à travers la toile, où ils demeuraient, vestiges à moitié morts d'un garçon qui peignait pour parvenir à vivre.
« Eden ? dit-il, concentré sur son esquisse. En partant du principe que tu sais tout de moi, tu ne trouves pas injuste que moi, je ne sache rien de toi ?
— Les Hommes par essence sont ignares. »
— Dans ton immense sagesse, voudrais-tu éclairer quelques-unes de mes lacunes ? dit-il dans un rire délicat. Qui es-tu, Eden ? D'où viens-tu ? As-tu une famille ? Et une maison ? Je ne t'ai jamais vu rentrer chez toi. Parle-moi, pour une fois. J'aimerais que tu ne sois pas un inconnu... »
Eden le considéra avec attention. Son regard vola du chevalet au visage empli d'espoir de son protégé. Il sourit pour de vrai. Ses yeux se plissèrent, attendris, et il songea à ce qu'il pouvait dire. Lui-même peinait à se remémorer ce qu'il était avant d'être expulsé sur Terre. Cent dix-huit ans s'étaient déjà écoulés depuis la déchéance de l'Archange numéro 359, alors âgé d'une centaine d'années. Il n'était encore qu'un angelot, en ces temps-là. Un jeune membre de la communauté séraphine perdu dans les afflictions pêcheresses. Il avait cédé à l'insistant appel des fautes capitales et s'était précipité seul dans l'erreur.
« Je vis seul », dit-il.
Il hésita. Elias ne le regardait pas, mais il savait son attention tournée vers sa voix au timbre bas.
« J'ai toujours vécu seul. Ou presque.
— Et tes parents ?
— Ils ne m'ont pas élevé, dit-il, incapable de se rappeler du visage des deux Archanges qui lui avaient donné le jour. Ce sont deux... serviteurs qui se sont chargé de moi, Ladell et Morgan. De véritables tortionnaires, pas même capables de m'apporter une pomme quand je le leur demandais.
— Tu les vois encore ?
— Non. Ils vivent loin. Trop loin. Enfin, je n'ai pas vraiment envie de les voir. On ne peut pas dire que nos relations aient jamais été bonnes. Ladell, surtout, a une fâcheuse tendance à se mêler de ce qui ne la regarde pas. »
Le dossier luisait dans son esprit. Dans la nuit, le visage d'Elias reprenait sa place parmi les étoiles. Son cerveau lui criait la date de sa mort, une série de chiffres odieux dont il ne voulait que se débarrasser. Il relégua la voix loin dans les tiroirs de ses pensées, dans l'un de ceux qu'il n'ouvrait jamais. Pourtant, en ouvrant le tiroir depuis longtemps fermé, un autre souvenir jaillit. Il était enfant, petit ange incapable de voler, aux quatre ailes neuves, douloureuses, effrayé par l'idée du vide sous lui. Gabriel l'encourageait à se défaire de cette peur stupide. Sa voix se durcissait à mesure que l'enfant ignorait ses demandes répétées. Les aimables incitations se faisaient ordres implacables. Le timbre perdait sa bonté, les traits du visage en tous points semblables à celui d'Eden devenaient rudes.
Ce fut la seule fois où il vit l'Archange favori du Souverain du Paradis perdre patience. Ses mains empoignèrent son petit corps, il étendit quatre immenses ailes d'une éclatante blancheur de chaque côté de ses flancs et, sous leurs pieds, le sol s'éloigna. Bientôt, il ne le distingua plus. Une boule se forma dans son estomac et il eut envie de vomir. A cette époque, il ne respirait pas. Pourtant, s'il l'avait fait, il aurait certainement eu le souffle coupé par l'effroi de l'altitude. Et Gabriel s'élevait encore en le soutenant par les aisselles. Puis il s'immobilisa. L'air dansait autour d'eux.
Petit ange, envole-toi.
Il le lâcha.
Le vent fouettait sa carcasse malmenée, dérangeait ses cheveux courts, blessait son auréole. L'impuissance le gagnait. Assis sur le cadre de la fenêtre, Eden tombait avec l'enfant. Il revivait l'interminable chute. Les secondes, inexistantes dans un Paradis où le Temps était chimère, défilaient. Le sol ne s'approchait pas, tant il était lointain. Et ses ailes, quatre appendices autour de son torse, refusaient de battre. Paralysées, comme lui, par la terreur. Eden chancela. Sa main chercha un point d'appui, elle dérapa contre le bois. Son teint livide exprimait le cri qui n'avait jamais franchi ses lèvres. Au moment où il bascula de son siège, la chute s'acheva. Mémoire et réalité se mêlèrent, il sentit la rudesse du parquet, la froideur du marbre.
Ses os volaient en éclats, son crâne heurtait le sol dans un bruit sourd, sans cri ni appel à l'aide. Muet, fier et désorienté, la douleur se diffusait. Disloqué, démembré, le squelette anéanti. Et le regard déçu de Gabriel au-dessus de lui. Il secouait la tête, navré du ridicule de son descendant. Un Ange incapable de voler.
« Eden ! Tout va bien ? »
La phrase que Gabriel, son ancêtre bien-aimé, n'avait pas prononcée, quand le petit enfant d'alors ne cherchait que l'affection de ses pairs. Il n'avait pas compris, alors, que les Anges n'aimaient pas.
Elias effleura son bras. L'Archange déchu se redressa en grimaçant. Il retrouvait la conscience de son corps et s'extirpait tant bien que mal du souvenir. Il lui avait fallu l'équivalent de dix années humaines pour retrouver l'usage de tout son corps. Ses os brisés avaient repoussé sous la surveillance de Ladell et Morgan. Gabriel, lui, n'avait plus daigné lui accorder son attention. C'était là qu'on l'avait relégué dans son domaine, loin de ses semblables. Et, même quand il était parvenu à s'élever dans les cieux, il était resté chez lui. Seul. Noble, fier, beau. Parfait. Archange rejeté, rechignant à voler. Sa première chute, qui ne serait jamais la dernière.
Car Eden, à peine né, était destiné à s'effondrer.
« Je vais bien, dit-il.
— Tu m'as fait peur... »
Les mots d'Elias le désorientèrent. Brusquement, les remparts érigés autour de lui par ses os lentement réparés s'effondrèrent. Il se réfugia dans les bras fermes et rassurants du jeune homme. Là, muet, écorché par les ramifications déchirées d'une fierté égarée, il pleura. Car il était fatigué, l'ange, de devoir être fort en permanence. Lui n'avait jamais rien demandé d'autre qu'un peu d'amour.
« Je suis là, Eden..., dit son protégé en caressant avec maladresse sa chevelure sombre. Je suis là, ne t'en fais pas... »
Bon. Eden a bel et bien un trauma (non, je ne le savais pas avant la rédaction de ce chapitre). J'avoue que jusque là, j'étais persuadée qu'il avait une relation saine avec Gabriel, mais enfin. Peu importe. Qu'en avez-vous pensé ?
Et le récit d'Elias ? Je reconnais que je n'étais pas bien en l'écrivant.
Mais Eden et Elias se sont bien trouvé. Deux êtres abimés. L'un le reconnait mieux que l'autre, mais bon... Eden non plus n'est pas en pleine forme, il faut bien le constater. Quels sont vos avis, quant à cette relation (c'est fou comme je répète cette question) ?
Prochain chapitre : « Chapitre XXXIV — Petite mort pour un garçon-fillette »
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