Chapitre XVIII - L'espoir est la deuxième mort de l'Homme
Le jour suivant, le jeune homme assista à contrecœur aux cours. Histoire des arts, anglais, arts appliqués, amphithéâtre et cours magistraux, salle de classe et travaux dirigés. Eden manquait à l'appel. Il se rendit d'un pas trainant au gymnase, où il fut accueilli par le sourire de Liam et l'ordre de Jay d'effectuer un tour de terrain par minute de retard. Il acheva les sept tours et le dictateur qui endossait le rôle de capitaine définit deux équipes et ordonna un match. Faites comme si vous étiez en compétition, dit-il avec mépris. Et Elias eut l'impression qu'il manquait à sa phrase une petite insulte.
Assigné à l'équipe adverse de Yan, il adopta une position défensive pour contrer les fulgurantes attaques du sportif aux capacités bien trop sous-estimées à cause de sa taille réduite et de sa gentillesse à toutes épreuves. Sur le terrain, il devenait une machine bondissante aux reflexes hors du commun, le visage fermé et les traits tirés par la concentration, et accumulait au prix d'efforts acharnés les paniers à trois points. Il se plaça légèrement en retrait, en appui sur ses jambes fléchies. Il vit chaque joueur prendre place, Yan effacer son sourire. La respiration de Liam parvenait jusqu'à son dos. Coup de sifflet, le ballon entra en mouvement, le crissement des chaussures se joignit au souffle des joueurs, à gauche, à droite, fais la passe, défends, attaque, tire, les injonctions fusaient, traversaient son esprit.
« Dearlove, défends, bordel ! »
Il sortit de sa torpeur, tourna la tête, amorça un déplacement, le ballon orange s'écrasa sur son visage. Il partit en arrière, un liquide s'écoula de ses narines, couvrit ses lèvres, ses dents, sa bouche, gouttelettes rougeâtres sur le sol. Il ne réagit pas.
« Bon sang, Dearlove, tu joues à quoi ? Noa, accompagne-le pour qu'il se rince. Walter, tu prends sa place ! »
Le jeu reprit. Victor le remplaçait. Dans les vestiaires, la jeune femme essuya le sang sur le visage, les mains, les avant-bras. Elle s'agenouilla et frotta les traces sur les tibias.
« Il se passe quoi, blondinet ?
— Rien.
— Rien dont tu ne veuilles me parler, tu veux dire.
— Non, il ne se passe juste rien.
— C'est ça, à d'autres, dit la rouquine en ajustant le bandage qui entourait son annulaire et son majeur. Ecoute, je veux bien que tu ne sois pas dans ton assiette, mais là ce n'est pas dans l'assiette que tu n'es pas, c'est carrément dans le plat. »
Elle regarda le garçon se rincer la bouche.
« Jay a raison quand il dit que dans cette équipe, Yan et toi êtes les seuls qui vous démerdiez vraiment.
— Le jour où tu ne seras pas d'accord avec Jay...
— Si tu avais été dans ton état normal, ce ballon ne t'aurait pas atteint.
— Si je te dis que je pense qu'à mon ami à l'hôpital depuis hier, tu feras quoi ? dit Elias en fixant le miroir. Le saignement s'est arrêté, j'y retourne. »
*
Il quitta le gymnase après l'entrainement. Son nez le lançait et les poils de sa nuque se hérissaient au moindre contact. Il s'apprêtait à allumer son casque pour s'évader dans un monde solitaire quand deux bras s'écrasèrent sur ses épaules. Il ploya et protesta de vive voix, mais le rire léger de Liam effaça son agacement. À regret, il remit le casque dans son sac et dessina un sourire sur son visage aux traits tirés par la fatigue.
« Ça va, ton nez ? dit Yan.
— Ça va tout court ? dit Victor, qui nettoyait ses lunettes à monture dorée.
— Evidemment qu'il va bien, notre beau gosse ! dit Liam en le secouant.
— C'était quoi ce jeu de merde, Dearlove ? dit Jay en s'immisçant dans le petit groupe. Tu as intérêt à te ressaisir, j'ai déjà assez d'incapables dans cette équipe. »
Le blond hocha la tête, s'excusa, affirma qu'il ferait mieux la prochaine fois. Le cœur n'y était pas. Ils furent rejoints par une demoiselle aux cheveux teints et à la peau mate. Elle s'approcha avec le martèlement de ses talons aiguilles sur le pavé. Elle leva des yeux maquillés à outrance sur Jay qui glissa une main dans le bas de son dos — main qui acheva son trajet sur ses fesses — pour la rapprocher de lui.
« Quelqu'un a vu Eden ? » dit-il sans un regard de plus pour la fille.
Un non général lui répondit.
« Dearlove ?
— Pourquoi je saurais où il est ?
— Vous êtes toujours fourrés ensemble.
— Je suis sûr que l'humeur d'Elias a un lien avec l'absence de Joli-cœur, dit Liam.
— Si ça vous intéresse tant que ça, il est à l'hôpital depuis hier soir. »
Yan se décomposa, il se tourna vers Jay. Celui-ci abandonna la fille qui se cramponnait à lui et dévisagea Elias.
« C'est à cause de ce qu'il a pris ? dit-il en fronçant les sourcils.
— Qu'est-ce qu'il a pris ?
— De la drogue. »
Tous reportèrent leur attention sur le capitaine de l'équipe. Il avait craché les mots, trois petits mots brûlants qui lui arrachèrent une moue crispée. Un murmure s'éleva, voix choquées, étonnées, juges et moralisatrices.
« Ne raconte pas de conneries, Hargrove.
— Parle-moi sur un autre ton, Dearlove.
— Eden ne peut pas s'être drogué, il n'avait jamais bu ou fumé avant de te connaître.
— Je me répète, baisse d'un ton quand tu t'adresses à moi.
— Et toi, ne dis pas de la merde sur mon ami !
— Je constate des faits, il a consommé un truc hier. Tu crois que ça me fait sauter de joie, la drogue ? Tu devrais revoir ton opinion de moi, dans ce cas. »
Elias ouvrit la bouche pour répondre.
— Avant d'ajouter autre chose, écoute-moi, tu commences à me taper sur les nerfs. Eden a fait un malaise hier dans l'après-midi, je l'ai emmené à l'infirmerie, il m'a dit qu'il avait pris un truc pas net. Point.
— C'est un malentendu, j'en suis sûr. Quand il se réveillera, il me dira que tu as tort », dit Elias en rejoignant le parking où l'attendait sa mère.
*
« Nous avons reçu les analyses sanguines d'Eden Juste, dit le docteur Flandres aux Dearlove. Je suis cependant mitigée quant aux résultats. »
Elle sortit un dossier peu épais d'un tiroir et en tira quelques feuilles qu'elle posa devant elle. Elle croisa les mains sur le bureau et prit une inspiration avant de poursuivre.
« Nous avons découvert la présence d'une substance inconnue et étrangère à l'organisme, que nous soupçonnons être une substance psychoactive. Cela signifie que le patient en a consommé dans les huit heures précédant l'analyse, soit hier après seize heures.
— C'est une blague ? dit Elias dans un murmure.
— Intervient un problème : si nous avons reconnu certains éléments communs avec l'ecstasy, d'autres demeurent non identifiées, et inconnus de la base de données.
— Vous voulez dire que...
— Eden Juste aurait consommé quelque chose que la science n'a pas encore découvert. »
La femme pinça l'arête de son nez en posant le document. Elias observa la jambe secouée de soubresauts de sa mère, qui tournait et retournait son alliance. Il percevait presque les vagues d'angoisse qui émanaient de son corps. La même angoisse régnait au creux de son estomac.
« Plus étonnant encore, dit le médecin, son sang lui-même contient un élément chimique non répertorié, que nous avons trouvé en circulation dans tout son corps. Les seuls échantillons qui n'en contenaient pas étaient ceux mêlés à la substance. »
Elle s'arrêta, jeta un œil à l'une des feuilles.
« Je vais être franche, je ne sais pas quoi penser de son cas.
— Pouvez-vous le soigner ? »
Katherine contrôlait au mieux sa voix au débit accéléré. Le docteur Flandres secoua la tête en silence. La mère regarda son fils. Il repoussa sa chaise.
« Je vais le voir. »
Il laissa les deux femmes face à face. Katherine sortit un carnet de chèques de son sac, demanda à régler les frais médicaux de la première nuit. Alors qu'elle rebouchait son stylo, un cri retentit, suivi d'un bruit de chute. De concert, elles se levèrent et accoururent dans le couloir. Au bout, Elias tombé en arrière, les yeux écarquillés de surprise. Les talons de la mère tapèrent contre le sol du couloir blanc. Elle regarda le cadre de la porte dont ne se détachait pas le garçon. Sa bouche s'ouvrit, aucun son ne sortit.
Devant ses yeux ébahis se dressait la silhouette digne quoiqu'amaigrie d'un homme à la chevelure corbeau. Sa tête penchée et ses yeux bleu nuit soulignés de cernes profonds l'observaient dans un silence de mort. Il flottait dans une blouse d'hôpital qui dévoilait des jambes lisses, blanches et minces. Sa peau semblait luire dans l'obscurité de la chambre aux rideaux fermés, peau immaculée qui réfléchissait la lumière du soleil et l'entourait d'un délicat halot. De ses lèvres gercées ne provenait aucun mot.
Le docteur Flandres ne tarda pas à intervenir. Elle s'approcha d'Eden, immobile dans l'embouchure de la porte, lui indiqua de se recoucher, qu'il était encore trop faible, qu'il fallait procéder à des analyses afin de comprendre les raisons de ce réveil inattendu.
« Non », dit l'ange d'une voix rauque.
Il recula d'un pas. Il tenait avec difficulté sur ses jambes, son corps demeurait engourdi et le souvenir de Lärm et de la berceuse de Gabriel lui laissait un arrière-goût amer. Mais quand il passa la main dans sa nuque, il sentit sa température habituelle. Il baignait dans le froid familier, trente-deux degrés virgule un, ni plus ni moins.
« Où sont mes gants ? »
Son regard se posa sur Elias, toujours au sol. Il s'approcha, un sourire donna vie à ses traits tirés.
« Je ne pense pas que le sol soit d'un grand confort. Lève-toi, gamin. »
Il garda la main collée à son flanc. Le comprimé de Ladell lui revint en mémoire. Et ses mots, tu veux les toucher, ces humains que tu aimes tant ? Ainsi son contact glacé cessait d'être mortel lorsqu'il en consommait. Il étouffa un ricanement. Quel prix était-il prêt à verser pour ça ?
Une fois encore, il réclama ses affaires. Malgré sa réticence, le docteur Flandres finit par céder, transcendée par les iris sans fond d'Eden. Elle sonna, une infirmière pénétra la pièce et tendit une pile de vêtements et une paire de gants. Un merci presque indiscernable traversa ses lèvres et il se changea sans se soucier des Dearlove médusés sur le pas de porte. Il se tourna, enfila le pantalon, ôta la blouse informe, dévoila son dos pâle. L'encre noire du tatouage ressortait, les ailes semblaient se mouvoir à chacun de ses gestes. Il tentait de s'envoler, se heurtait à une résistance, retombait lourdement sur le sol, piégé. Oiseau aux ailes brisées. Sur son épaule droite, les plumes du tatouage étaient arrachées. Une minuscule tache d'encre rouge remplaçait la jointure entre une poignée de plumes. Oiseau aux ailes coupées.
« Vous n'auriez pas une cigarette, par hasard, madame ? » dit-il avec nonchalance.
Katherine écarquilla les yeux, répondit que non, contint son envie de passer un savon à ce fumeur impertinent en convalescence dont son fils s'était entiché.
« Eden, je suis Katherine Dearlove, la maman d'Elias, dit-elle à la place. Veux-tu rester diner à la maison, ce soir ? Je n'ai pas envie de te laisser seul. »
Le Gardien acquiesça, puis il emboîta le pas à la mère et au fils. Ils rejoignirent rapidement la voiture, un coûteux engin d'un gris propre. Elias s'installa sur le siège passager, Eden, à l'arrière.
« Je peux te poser une question, Eden ? » dit Katherine, les yeux rivés sur la route.
Dans le rétroviseur, il hocha la tête.
« Tu as pris de la drogue ? »
Silence. Son fils protesta, ce n'est pas une question à poser, maman. L'ange se tut, quelques secondes passèrent.
« Oui. »
Parce qu'après tout, c'était vrai. On pouvait dire ce qu'on voulait, cette petite pilule ronde et blanche, il s'agissait bien de la drogue du Ciel. Le baiser de la mort, l'appelait-on Là-haut. L'annonce d'une mort à venir, précédée d'une vie de plaisir. Le paradis artificiel des Anges. Soudain, les mots de Ladell firent sens, tu connais les effets secondaires. Evidemment qu'il les connaissait, ils étaient gravés dans ses veines. Si sa mère descendait de Gabriel, son père, lui, naquit des millénaires auparavant du sang de Samaël, fier Archange déchu. Son ancêtre fut jadis consumé par ce baiser mortel. Et Eden comprit qu'il s'engouffrait dans ses pas.
« Merci d'être honnête.
— Je n'ai pas vraiment le choix. Dans cette vie, l'honnêteté, c'est tout ce qu'il me reste. »
Mais il ne restait rien, en réalité. Eden vivait dans un perpétuel mensonge. Il dissimulait son identité, ses pensées, ses sentiments aux autres et à lui-même. Avait-il jamais été vrai ? Après tout, l'existence consiste à jouer un rôle, à se faire acteur pour romancer ce que l'on est, à se modeler pour satisfaire les autres. Pour se satisfaire soi-même. Même pour soi, il est impossible d'être parfaitement transparent. Or, Eden, lui, s'enfonçait toujours davantage dans une vase opaque qui ne laissait plus filtrer la vérité.
La voiture s'immobilisa dans un garage aux murs couverts d'étagères, de grands placards débordants d'ustensiles usagés ou inutilisés qui ne trouvaient pas leur place dans le reste de la maison. L'ange sortit du véhicule. Ses narines s'imprégnèrent d'une odeur de vieux, de poussière, de ménage depuis longtemps oublié. Il toussa. Il glissa la main dans sa poche pour y chercher de quoi couvrir son nez, ses doigts rencontrèrent le paquet.
Malgré la couverture du cuir, il ressentit une décharge, agressé par le souvenir de la sensation qu'il avait éprouvée. La chaleur, la douceur, la faiblesse, les caresses. Lärm et la berceuse. Le salon blanc au tableau rouge. Une sensation tout en contraste. Haine viscérale, envie irrésistible. Il rejetait cet objet autant qu'il le désirait. Au fond de lui, une petite voix lui susurra ce qu'il ne voulait pas accepter. Ce sentiment mitigé se muerait en besoin ardent auquel il ne pourrait échapper.
Mais pas maintenant, s'efforça-t-il de penser. Pas encore, pas tout de suite. Qu'on lui laisse encore quelques semaines, quelques jours, même quelques heures pour accepter l'idée qu'Eden n'était plus. L'Ange Eden n'était plus. Ne restait qu'un semblant d'être, une existence perdue, une étoile sans accroche. Un oiseau sans ailes.
Il obligea ses doigts à relâcher le paquet. Ne cède pas maintenant, se répéta-t-il. Il devait tenir encore pour préserver son honneur et sa fierté. Le peu qu'il en restait. Il retint sa respiration pour ne plus sentir l'abominable odeur du Temps qui avance sans attendre et passa le pas de la porte. Son regard se posa sur l'animal qui le dévisageait de loin. Le berger australien aux yeux vifs semblait résister aux affres de la vieillesse.
« Tu peux la caresser, elle ne mord pas », dit Katherine en rangeant ses talons aiguilles.
Il hocha la tête, ne s'approcha pas. La chienne ne bougea pas davantage. Elle le fixait, immobile.
« Pourquoi l'avoir appelée Nozomi ? dit-il en rompant le contact visuel.
— Ça signifie espoir en japonais. »
Avant de reprendre, elle invita les deux jeunes hommes à se rendre au salon.
« Je peux te raconter une histoire personnelle ?
— Bien sûr.
— Il y a dix-neuf ans, dit-elle, j'ai été diagnostiquée d'une maladie rare, peu connue de la science. Je venais de tomber enceinte pour la deuxième fois et les médecins avaient été clairs. Si je menais la grossesse à terme, l'enfant ou moi allions mourir. »
Elle passa la main sur son ventre.
« Ilan comme moi avions besoin d'espoir, alors il a acheté un chiot pour nous accompagner dans ces neuf mois que la Mort entourerait. Nous l'avons appelée Nozomi et elle est devenue notre porteuse d'espoir. Elle était mon Ange gardien. Et Elias et moi avons survécu.
— Grâce à votre espoir ? »
Eden songea au dossier amputé d'Elias.
« Nozomi est mon Ange gardien. Nous avons tous un Ange gardien sur Terre, j'en suis persuadée. Il ne prend pas toujours la forme d'un Ange, mais notre espoir le matérialise. Il suffit de le trouver pour qu'il demeure à nos côtés pour toujours.
— Votre croyance est amusante.
— J'ai trouvé mon espoir, il m'a sauvée. Je suis persuadée que mon fils le trouvera un jour. Et toi aussi, Eden. Peu importe à quel point tu es perdu, tu trouveras un point d'ancrage, cet espoir qui t'accompagnera pour toujours.
— J'ai tendance à penser que l'espoir n'est rien de plus que la deuxième mort de l'Homme.
— Pourquoi ? dit Elias.
— L'Homme est condamné à mourir. L'Homme qui espère, lui, meurt deux fois. La première mort quand il comprend que son espoir est vain. C'est la mort de l'esprit, lente et continue qui rend la vie restante insoutenable. Elle dure jusqu'à la deuxième mort, celle du corps, qui apparaît alors comme une délivrance.
— C'est pessimiste...
— Je ne crois pas en l'espoir. »
Eden se tourna vers son protégé.
« N'espère pas, n'attends rien, laisse-toi porter. Tu ne seras pas déçu et tu ne mourras pas. Pas deux fois. »
Le silence s'abattit sur la pièce. Eden fit courir son regard sur ses deux interlocuteurs, puis sa voix glaciale résonna à nouveau. Elle prenait de la place, sa voix, toute la place. Chaque mot enfonçait le précèdent, martelait son discours, le renforçait. Il n'exprimait rien ; il énonçait des faits, ses faits.
« Je te souhaite de ne pas te perdre dans l'espoir, Elias. Toute ta vie, il sera trop tôt pour mourir de l'intérieur.
— Merci... Je suppose ? »
L'Envoyé de Dieu esquissa un sourire empli d'une douceur mélancolique.
« Trouve ton Ange gardien. Quelqu'un qui saura réduire à néant ton espoir et te fera vivre en prenant soin de toi. Trouve celui qui sera toujours à tes côtés. »
Quelqu'un qui ne sera pas moi, ajouta-t-il en son for intérieur.
Puis, avec un air contrit, il s'excusa : « Je n'ai pas vraiment faim, je ne vais pas rester plus longtemps. Merci de l'invitation.
— Fais attention à toi, Eden. Notre porte t'est ouverte si tu en as besoin, dit Katherine. Tes parents t'attendent ?
— Je ne vis pas avec mes parents.
— Oh, bien sûr, tu es majeur.
— Je n'ai jamais vécu avec eux, à vrai dire. J'ai été élevé par d'autres... personnes. Enfin, ça n'est pas important, je vais me débrouiller. Au revoir. Et essaie de dormir, cette nuit, gamin. »
Il sortit par la porte d'entrée, le pas léger, dans l'illusion de perfection qu'il renvoyait. Nozomi trottina derrière lui. Elle maintenait une distance respectable mais ne le quittait pas des yeux.
« Pourquoi me suis-tu ? Tu as compris ce que je suis, non ? »
L'animal cligna des paupières, les pupilles noires fixées sur lui. Une lueur d'intelligence y brillait, brûlait chaque parcelle du corps de l'ange. Eden se laissa baigner dans la paisibilité familière de sa forme angélique. Il s'estompa du paysage humain, s'abandonna à la solitude d'un être qui ne fait qu'exister sans jamais vivre. Invisible, il se laissa choir sur le sol, les genoux sous le menton. Nozomi s'approcha pour la première fois. Elle s'assit à côté, jappa doucement. Son regard ne cessait de dévisager le corps mince replié sur lui-même.
« Eh, le chien, dit Eden dans un souffle, si tu as compris ce que j'étais, tu ne veux pas me l'expliquer ? Parce que je crois que moi, j'ai oublié. »
Avouez, on s'est déjà tous pris un ballon comme Elias. Moi en tout cas, je ne les compte plus.
Quels sont vos avis sur la théorie d'Eden, également ? « L'espoir fait mourir » ?
Prochain chapitre : « Chapitre XIX — Il existait sans vivre »
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