Chapitre VIII - Le vide engloutit tout

Les semaines passèrent rapidement, weekends et jours de cours furent dévorés par le Temps inéluctable qui avançait sans jamais se retourner. Secoué par le courant, Elias se débattait pour remonter la rivière. Il luttait de toutes ses forces pour retourner en arrière et se remettre sur son embarcation, toute fragile qu'elle fut. Seulement, le Temps passé ne revient plus. L'eau suivait son court irréfléchi, mue par l'obligation d'aller de l'avant. Malgré ses protestations, Elias coulait avec elle, il sombrait dans les abysses d'un océan sans fin, sans terre, un océan de vide et de rien qui le dévorerait jusqu'à ce qu'il ne restât plus de trace de lui.

Il n'y avait plus de lumière, il se noyait dans le noir opaque. Les ténèbres l'engloutissaient. Taches étincelantes, deux yeux perçaient l'obscurité, prunelles immobiles qui ne clignaient ni ne se détournaient.

Il était seul.

Il hurlait, hurlait et hurlait encore, il n'entendait pas le son de sa voix, rien ne bougeait, rien ne changeait. Ses cordes vocales vibraient, elles ne couvraient pas le silence, roi de ce monde perdu. Et un rire sourd dépassait le tumulte muet, ricanement moqueur incessant, mauvais par essence.

Il était seul avec une odeur de menthe.

Sa poitrine se soulevait, s'abaissait. L'eau envahissait les orifices de son corps, il sombrait toujours davantage dans la prison sans mur, lieu de rien. Trou noir. Enfermé dans le creux ouvert dans sa poitrine, on l'avalait dans le vide créé de toutes pièces qu'il ne parvenait plus à démanteler.

« Elias, réveille-toi. »

Une voix claire l'arracha au cauchemar qui ne voulait pas finir. Sauveuse. À son chevet, sa mère. Il contempla ses mains. Il voyait, il entendait, il respirait. Il tremblait de tous ses membres, la sueur dégoulinait le long de son front. Le vide l'effrayait. La peur empoignait son estomac. S'il avait pu, il aurait recraché ses organes pour ne pas être ingurgité.

« Elias, je suis là, dit Katherine en le saisissant par les épaules. Tu es en sécurité, mon cœur. Maman est là. »

Elle passa la main dans les cheveux collés par la sueur.

« Tes cauchemars reviennent ?

— Ce n'est rien. »

Il força ses lèvres à s'étirer et se dirigea vers la porte, les jambes balbutiantes. Avant de sortir, il saisit un tee-shirt oublié sur une chaise. Sa mère l'interrogea du regard.

« Je vais courir », dit-il.

Il noua ses lacets et claqua la porte d'entrée. La douce brise de cette affreuse nuit de fin d'été le caressa. Il s'élança sur la route pour s'abandonner à la course. Son cerveau se déconnecta. Derrière lui, Eden peinait à suivre le rythme. Son cardio proche de celui d'une baleine en plein marathon l'implorait de déployer ses immenses ailes blanches aux délicats reflets de rose et de bleu. Il se fit violence pour s'en empêcher. Hors de question qu'il volât, c'était bien trop fatiguant. Nul ne pouvait imaginer le poids des quatre d'ailes de sa caste. Les non-Archanges étaient bien chanceux de ne posséder qu'une seule paire. Il se résigna donc à user de ses jambes, la respiration sifflante.

Imperturbable, Elias marqua une pause pour boire après une demi-heure, les écouteurs vissés dans les oreilles. Puis il repartit. Il martela le trottoir de ses pieds une bonne heure avant de pousser un portillon de métal et de pénétrer dans un parc. Il s'approcha d'une structure pour exécuter quelques tractions, mais en dépit des trois heures passées, il découvrit que son espace favori était occupé.

Lorsqu'il vit un jeune homme aux cheveux si noirs qu'ils se fondaient dans la nuit, à la peau si claire qu'elle paraissait translucide et aux splendides yeux bleus, il crut le voir. L'inconnu lui lança un regard accompagné d'un grand sourire.

« Salut, l'insomniaque ! »

Sa voix était aimable et tout son être inspirait la confiance. Aussitôt, la ressemblance s'évapora. Il n'avait pas l'air assez arrogant. Ce n'était pas lui. Il ne put retenir un soupir déçu.

« Je ne t'ai jamais vu ici, dit l'autre d'un ton enjoué. C'est la première fois que tu viens ?

— À cette heure, oui. Je dors, d'habitude.

— Tu dors peut-être, qui sait ? Imagine si tu étais somnambule.

— Je ne t'ai jamais vu non plus, dit le blond avec un sourire. Tu dors le jour, c'est ça ?

— Il faut croire que oui. »

Les commissures de ses lèvres s'écartèrent et il dévoila des dents blanches. Il rejeta les cheveux sur son front et retourna à sa barre de métal. A la réflexion, ses cheveux n'étaient pas si noirs. Bruns, tout au plus, rien de comparable avec le charbon ondoyant sur ses épaules. Elias suivit le mouvement envoûtant des muscles du torse nu. Une lueur d'envie brillait dans ses yeux tandis qu'il se rappelait que lui aussi avait eu ce corps, et qu'il avait tout fait foirer.

« J'ai l'impression de me faire dessaper par tes yeux, dit le brun en posant les pieds au sol.

— Pas besoin, tu n'es déjà pas très habillé.

— Donc tu me regardais. »

Le visage du jeune homme s'enflamma.

« Je n'avais pas d'arrière-pensées, je te jure !

— Eh, calme beau gosse. Je m'en tape que tu me reluques, fais-toi plaisir. Pourquoi tu crois que je fais du sport ? »

Il avait le mérite d'être honnête. Eden réprima un bâillement d'ennui. Ce genre d'humain prétentieux qui s'imaginait aimé de tous, il ne pouvait pas les sentir. Ils étaient trop sûrs d'eux, persuadés d'être parfaits quand ils ne l'étaient pas. Et ils avaient ce regard supérieur dans lequel scintillait une lueur qui disait « Je suis mieux que toi et je le sais. »

Assis sur les marches d'un toboggan, l'ange ressentit bien vite l'envie d'étrangler l'inconnu de pacotille qui osait converser avec son protégé. Il s'agissait le seul humain qui ne manifestait pas trop son humanité — quoiqu'il fut capricieux et incompréhensible. Si ce crétin le corrompait, il verrait ses jours s'écourter. Il jeta un regard aux alentours, chercha un éventuel Ange gardien à l'homme. Il ne perçut pas la présence d'un collègue, il ne devait pas avoir reçu la Grâce divine qui lui assurerait de ne pas mourir avant la date prévue.

Un sourire carnassier traversa un bref instant son visage de marbre. S'il le fallait, rien ne l'empêcherait de l'éliminer.

« Bon, moi je me casse, ce fut un plaisir, beau gosse ! » dit la voix nonchalante du brun.

Eden suivit son départ avec satisfaction. Elias, lui, s'aperçut que malgré la fatigue, il n'avait pas envisagé de partir avant ce bel inconnu. Il s'étira. La nuit régnait encore. Il emprunta le chemin du retour, les pensées détournées du cauchemar, orientées vers l'homme plus sympathique que son ancien ami imaginaire, dont il ne connaissait pas le nom.

Il ne connaissait, d'ailleurs, pas davantage son nom.

Il regagna discrètement son lit après une douche rapide. Son téléphone affichait cinq heures. Il se glissa sous ses draps et contempla le plafond parsemé d'étoiles phosphorescentes. Les minutes s'écoulèrent, lentes et distinctes. Le sommeil ne vint pas, il demeura immobile sur le matelas, le ventre contracté par l'angoisse de replonger dans le vide. Il ferma les yeux et attendit en silence que les rêves l'emportassent.

*

Elias ouvrit les yeux peu après midi, éveillé par les cris de sa sœur ainée qui retentissaient depuis le rez-de-chaussée. Le cerveau encore embrumé, il se leva avec une grimace de douleur. Des courbatures le lançaient déjà. Il tâtonna jusqu'aux volets, bailla, les ouvrit en grand et, baigné dans la lumière qui inondait la pièce, il s'écroula sur le sol, épuisé. Il imaginait sans mal son regard las et sa moue agacée. Il claqua ses jambes, mobilisa ses forces et quitta la chambre. Il trébucha dans le couloir, manqua une marche dans les escaliers, parvint en vie dans l'entrée où se tenaient Helia et, pour sa plus grande surprise, Neven. Celui-ci tentait d'accrocher son manteau en esquivant les grands gestes de sa jumelle.

« Tu vas bien ? dit Neven en se tournant vers son cadet.

— Ça peut aller, oui. Maintenant que tu es là, Helia va me laisser en paix. »

Son grand frère rit et s'approcha. Il caressa du pouce la joue du jeune homme.

« Tu dors mal ?

— Ça se voit tant que ça ?

— Oui. Tes insomnies ont repris ?

— J'ai connu pire, dit Elias en haussant les épaules.

— Depuis combien de temps tu ne dors plus ?

— C'est rien, je... »

Il croisa le regard inquiet de Neven et rectifia.

« Ça fait moins d'une semaine. Je fais un cauchemar, je me réveille, je ne me rendors pas. C'est tout.

— Il faut en trouver la cause, dans ce cas. Tu sais bien que tu ne peux pas tenir comme ça.

— Neven, tu n'es pas mon père, je peux me débrouiller seul. Toi, profite de tes potes et des parents pendant que tu es là, mais ne te préoccupe pas de moi.

— C'est justement parce qu'on n'est pas papa et maman qu'on veut t'aider, dit Helia. Tu ne leur parles de rien, alors laisse-nous être là pour toi.

— Je n'ai pas besoin d'aide, je vais très bien. »

Il partit vers la cuisine sous les yeux de ses deux ainés.

« Il ne va pas bien, on est d'accord ? dit Helia à l'oreille de son jumeau.

— Oui. Mais on ne peut rien faire d'autre que d'attendre qu'il accepte de se tourner vers quelqu'un. »

Neven entortilla une mèche de ses longs cheveux autour de son doigt et ôta enfin ses chaussures. Il monta au premier étage, son sac de voyage entre les mains, sa sœur sur les talons.

Eden observa le reste de la journée défiler avec lenteur, semblable à une longue agonie. Depuis plusieurs mois, le Temps était comme ça ; les secondes devenaient minutes, les minutes, heures, les heures, jours. Comme si la Terre avait tourné au ralenti. Eden n'avait personne à qui parler, personne de qui se moquer, personne à qui se montrer, rien d'autre à faire que d'attendre. Désœuvré, il se résignait à réfléchir.

Pourquoi cet humain insomniaque et inutile — attachant quand il le voulait bien — avait-il cessé de le distinguer ? Cette question tournait dans sa tête depuis un moment déjà. Pourquoi, après dix-sept ans, six mois et quelques jours, avait-il arrêté de voir sa magnifique personne ?

Du temps où il était au Paradis, Ladell lui avait expliqué qu'il existait trois cas de figure. L'un, les enfants distinguaient les Anges jusqu'aux alentours de leurs six ans. On les appelait les Éveillés, avait ajouté Ladell. L'autre, moins commun, les enfants ne voyaient rien de surnaturel. Le dernier, enfin, concernait les Élus. Quelques humains hors de l'ordinaire recevaient la chance de voir les êtres divins jusqu'à leur mort. Il en avait rencontré un, une fois, un Élu aux cheveux de feu et aux yeux bleus. Il était mort. Un siècle plus tard, il revoyait encore son visage comme assoupi, le sang sur son front, couché sur le volant de la voiture. Et le rouge, tout ce rouge, partout, du rouge, du rouge et rien d'autre.

Elias n'entrait dans aucune de ces catégories. Ni un Éveillé, ni un Élu, il était entre les deux, un gamin chanceux qui avait renoncé au présent qui lui avait été fait.

Il fallait être idiot pour refuser sa compagnie, décida l'ange en trainant des pieds jusqu'à la cuisine où Elias s'efforçait de terminer son repas.

Mais comme on le dit si bien, l'Homme nage dans l'océan de sa propre stupidité. Au moins pouvait-il être sûr qu'il appartenait bien à la race humaine.

*

Assis dans le canapé, Elias dessinait un portrait au crayon sur une feuille blanche. À chaque geste naissait une portion de visage calme. Il s'arrêta un instant, hésitant devant la forme du nez. Il prit du recul. Sur la surface cartonnée s'étiraient des traits, des formes géométriques, un œil, un rictus moqueur, le début d'une chevelure. Quelques coups de gommes suffirent à effacer des bavures. Il passa le pouce sur la joue de l'homme esquissé, étala le gris, des larmes montèrent. Un nœud dans la gorge, il se pencha sur la feuille et laissa voler sa main. D'un bout à l'autre, d'une pupille à une épaule, puis le cou, tracer les pommettes, souligner les cernes, ne pas omettre l'éclat arrogant du regard. Il ajouta les grains de beauté sous l'œil gauche, à droite de la lèvre, dans le cou, sous la clavicule.

Il abaissa les paupières pour visualiser l'ami qu'il avait rejeté. Dans sa chambre, des dizaines de tableaux et de dessins à l'effigie de cet unique personnage décoraient les murs propres. Une multitude en monochrome de gris. Il ne parvenait jamais à capturer les étranges éclats qui émanaient de l'être splendide qui lui tint compagnie dans son enfance.

Une peau si pâle qu'elle en paraissait translucide, aux nuances multiples à peine discernables. Du rose nude, corail, saumon, pastel, et tant d'autres qu'il ne savait nommer. Les teintes et les reflets lui donnaient un aspect fragile, comme s'il avait pu se briser au moindre geste. Cristallin, une préciosité particulière l'entourait.

Des cheveux si sombres qu'ils se fondaient dans la nuit noire, semblant refléter la lune et ses compagnes nocturnes. Il s'agissait d'une sensible voûte étoilée, si ténue qu'on pouvait passer à côté de toute les spécificités de ses constellations si on n'y prêtait pas attention. Soyeux aussi, on désirait y enfouir le visage, s'abandonner à l'odeur de menthe qui s'en dégageait.

Des yeux d'un bleu pareil à celui des abysses. Il y régnait une étrange magie ; les pupilles vides aspiraient ceux qui les admiraient. Profondeurs maritimes infinies. Les prunelles scrutaient le monde, le jaugeaient, l'évaluaient. Elles revêtaient un regard froid, il se considérait au-dessus du commun des mortels. Et ce bleu indescriptible envoûtait.

Elias avait eu beau mélanger ses couleurs, ajouter bleu, jaune et rouge, orange, violet et vert, apposer du blanc, du noir, rien n'y fit jamais. Cette créature n'obtint jamais de peinture à son image aux milliers de coloris indiscernables. Il baignait dans une aveuglante lumière qu'il lui avait été impossible de retranscrire. À la place, il eut droit à des cadres rectangulaires qui ne rendaient pas totalement justice à sa beauté androgyne presque surnaturelle, qui n'avait de cesse de le démarquer du reste du monde.

Helia s'approcha, une bouteille de bière à la main.

« Tu ne veux pas profiter de l'absence des parents pour boire avec moi, petit frère ?

— Quelle maturité, tu m'impressionnes, dit Elias en levant la tête.

— Être mature, c'est accepter son immaturité.

— Si tu le dis.

— Boire, c'est pas mal pour oublier ce qui te trotte dans la tête. Comme un certain ami imaginaire, par exemple. »

Elias tapota la table du bout de son crayon, songeur. Il jeta un œil à la feuille où le regard glacial le narguait. Il soupira.

« Tu as autre chose que de la bière, j'espère. »

Sa sœur battit des mains. En chantonnant, elle tourna le volume au maximum la chaîne hi-fi. Puis elle s'éclipsa et revint avec des verres, une bouteille de vodka et une brique de jus d'orange.

« Pure ou coupée ?

— Pure. »

Il ne fallut que quelques shots pour que les brumes de l'alcool s'insinuassent dans l'esprit du jeune homme. Sa vision s'assombrit, ses sens s'émoussèrent. Bercé par un paradis artificiel, il cessa enfin de penser.

« Quand on y pense, les parents ne se sont pas foulés pour nos prénoms, dit-il en remuant le contenu de son verre. Je pense qu'ils préfèrent Neven.

— Non, c'est juste que tu n'étais pas désiré et qu'ils étaient en panne d'inspiration. Si tu veux tout savoir, tu te serais appelé Nevy si tu avais été une fille.

— Sérieusement ?

— Non, dit Helia en éclatant de rire. J'en sais rien et je m'en tape. »

Elle vida son verre d'un trait.

« Bon, parlons peu, parlons bien. Il faut te trouver une copine, petit frère, être célibataire à ton âge, ça craint grave.

— Je n'aime pas les filles, dit-il dans un murmure, mais sa voix se perdit dans la musique hurlante.

— Pardon ?

— Non, rien.

— Il a dit qu'il n'aimait pas les filles », dit Neven en arrivant derrière eux.

Son frère lui adressa un regard noir auquel il répondit par une expression d'innocence navrée. Il attrapa un verre et se servit une partie de la vodka restante. Helia, elle, manqua de recracher l'alcool qu'elle avait dans la bouche.

« Petit frère, on va parler.

— Je n'ai rien à dire.

— Ce n'était pas une question, on va parler. Allez, raconte tout à ta grande sœur adorée !

— Qui a dit que je t'aimais ?

— Quel mec a fait battre ton petit cœur tout fragile ? 

— Je n'ai jamais dit que j'aimais les hommes. »

Helia fronça les sourcils.

« Tu aimes quoi alors ? Les chiens ?

— Helia, fiche-moi la paix.

— Le silence est un aveu, dit Neven avec un sourire angélique.

— Mon frère serait donc zoophile ?

— Non ! »

Le jeune homme soupira. Ses aînés ne comprendraient pas que son cœur luttait pour oublier de battre. Les sentiment l'effrayaient autant que le regard de son ami imaginaire.

Parce qu'une goutte d'affection pouvait forcer à céder.

Avant de perdre ses moyens, il rassembla ses affaires de dessin et quitta le salon. Il saisit une bouteille à moitié vide qui traînait dans la cuisine. Un instant, son regard s'attarda sur le panier de pommes sur le comptoir. Il n'aimait pas ça, pourtant il avait toujours mis un point d'honneur à en réclamer à ses parents. Ce caprice devenu tradition donna lieu à un insoluble mystère : dans une famille où nul n'en consommait, chaque semaine, des pommes disparaissaient.

Il monta dans sa chambre sans y toucher.

Roulé en boule sous la couette, il ne souhaita plus qu'une chose. Revoir son ami imaginaire et confier ce qui lui pesait sur le cœur. Il aurait donné n'importe quoi pour avoir une dernière conversation avec lui.

Prochain chapitre : « Chapitre IX - L'ange devenu Homme »

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