Quatrième jour

Thème : pluie nocturne

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Il pleut. Ça le rassure un peu, qu'il pleuve, il ne sait pas trop pourquoi.


Enfin, si on pouvait appeler cette quantité énorme d'eau qui tombe du ciel de la pluie. Non, c'est bien plus que ça, c'est comme un océan entier qui tombe, qui éclabousse le sol, les vitres, les cailloux, les toits, les rues, formant des flaques, énormes, et ce bruit, comme un tambour, comme la colère divine, et ce tonnerre qui gronde, qui gronde, qui gronde.


Paul ne se souvient pas de la dernière fois où il a vu une aussi grande quantité d'eau tomber du ciel. Oh, il a probablement vu ça, une fois où l'autre, mais il a le curieux sentiment que c'est la première fois depuis des années qu'il pleut autant, aussi fort, aussi violemment.


Il n'est pas dans un cyclone, il a déjà vu pire, des images de villes déchirées par la seule force du vent et de l'eau, mais c'est la première fois qu'une pluie comme celle ci se déroule devant ses yeux, sur ses yeux.


Une petite voix lui dit que c'est le destin. Qu'il pleut autant, c'est parce que son mal être est tellement grand, tellement désespéré que même les cieux sont tristes, et que tous pleurent pour lui.


Puis il se dit qu'il se fait des idées égocentriques.

Comme si quelqu'un, qui que ce soit, faisait attention à lui.


Paul est assis par terre.


En fait, dire qu'il voit la pluie serait incorrect, puisque cela fait longtemps - même si il ne serait pas capable de dire si ce temps équivalait à une minute où une heure- qu'il regarde le sol, recroquevillé sur lui même, assis contre un mur quelconque.


Non, il ne voit pas la pluie, il l'entend, la sent, la goûte, la touche.


Les gouttes, l'une après l'autre, s'abattent sur sa tête, ses épaules, son dos, ses jambes, l'entièreté de son corps est trempé, attaqué par cette pluie dévastatrice.

Ses cheveux sont gorgés d'eau, et le surplus coule, coule encore, mais il ne saurait faire la différence entre ça et celle qui tombe du ciel, encore et encore.


Il a mal, au fesses parce qu'il est assis par terre, au dos parce qu'il est courbé de manière à ce que sa tête repose sur ses jambes pliées contre


sa poitrine, au épaules parce que la pluie s'abat sur lui inlassablement.


Et surtout, surtout, il a mal au cœur.  


Sa peine est grande, trop grande pour son corps, alors il craque, il reste là, à ne rien faire, sinon sentir la pluie coller ses vêtements à sa peau et se torturer l'esprit.


Il ne saurait même pas expliquer pourquoi il reste là, à subir cette pluie froide, si froide, s'immiscer partout sur son corps et dans son cœur.


Il ne devrait pas s'apitoyer sur son sort.

Lui, il avait la chance de voir la pluie.

Lui, il avait un toit pour s'abriter.

Lui, il avait de quoi se nourrir.

Lui, il était privilégié.


Et pourtant, pourtant, pourtant, tout ce qu'il veut à cet instant précis, c'est arrêter, arrêter ce chagrin qui vient lui tordre les tripes et lui faire détester sa vie.

Il veut stopper cet amalgame de pensées rageuses ou résignées, ce tourbillon d'idées, de souvenirs, qui auraient pu le soulager s'ils n'étaient pas teintés de gris, grise nostalgie, grise vie.


Paul veut mourir.


Il n'en peut plus, de cette lente et sadique torture qu'il a l'impression de subir depuis sa naissance, de cette peine qui lui arrache le cœur.


Il ne comprend pas pourquoi l'univers entier s'acharne sur lui, pourquoi celui qu'il aime ne veut plus entendre parler de lui, pourquoi il pleut autant, si fort, la nuit où il est sorti -pour se changer les idées, la belle affaire.


Non, en réalité, il ne veut pas mourir. Parce qu'il a tellement de choses à vivre.

Le divorce de ses parents, Philippe qui ne lui parle plus, c'est même pas ce qui le fait souffrir le plus.


Ce qui le fait souffrir le plus, c'est d'exister.


Mais il a trop peur du néant pour changer cette situation.


Alors il reste assis, en espérant que la pluie finira par le faire oublier qui il est, ne serait ce qu'un instant.

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