Se latter la gueule en fantasy : ma méthode pour pas se faire défoncer

Voilà ce qui se passe quand la démocratie a le pouvoir. J'espère que vous êtes fiers de vous, tous autant que vous êtes.

On remercie la charmante LaLeaDesMots qui a suggéré de traiter le sujet d'une "bonne scène de combat qui ne soit pas répétitive", et tous ses petits acolytes qui ont voté sans vergogne pour ce thème que j'avais pas demandé à traiter.

Disons-le clairement : moi les combats, c'est ma bête noire (c'est comme les descriptions, mais en pire). Résultat : j'ai lutté pendant de très, très nombreuses heures pour avoir des choses pertinentes à dire. YOUPI, MERCI LES GARS.

Puisqu'il faut souffrir, inutile de repousser l'inévitable : commençons à nous latter la gueule !


Considérations techniques : le home staging du combat

Quand je parle de considérations techniques, j'évoque ici des questions d'écriture pure : même si j'étais calée sur le sujet (ce qui n'était pas le cas), vous faire un cours complet sur les armes blanches et les armes à feu, ce serait pas forcément la priorité (mais vous inquiétez pas, on aura quand même l'occasion d'en parler).

La première chose, selon moi, pour écrire une bonne scène de combat, c'est savoir écrire tout court. EH OUI JAMY (non, rien à voir avec Jaime Lannister, ici la ref c'est C'est pas sorcier) : le premier moyen d'upgrader votre scène de combat, c'est de vous assurer que c'est une bonne scène.

Comment faire ça ? Suivez la méthode SUPER !


Donnez-moi un S

Vérifiez que vous avez pas écrit ça comme un Sagouin (ouais je place les lettres de cet acronyme sans aucun respect, y'a quoi ?).

Une scène de castagne, sauf exception, c'est un truc plutôt rapide : les actions se succèdent très vite (exemple d'exception : les fights des Amazones dans Wonder Woman, qui sont tous filmés avec un ralenti qui ferait passer l'éjaculation d'une abeille pour un processus lent – je sais pas si une abeille éjacule, quelqu'un sait ?).

Exit les adverbes en -ment : "il dégaina RAPIDEMENT son épée" – non déso, c'est pas rapide du coup, rien que le mot est LENT.

Exit aussi, dans la mesure du possible, les participes présent : un "il dégaina son épée, produisant un chuintement métallique", ce sera jamais aussi efficace qu'un "il dégaina son épée dans un chuintement métallique".

Utilisez les termes les plus précis possibles et restez centré sur l'action : les périphrases, les descriptions de paysage lointain, les réflexions métaphysiques, tout ça on tej, parce que se latter la gueule, ça demande généralement trop de concentration pour remarquer que "oh, c'est fou ce que le violet des lilas fait ressortir le bleu intense de ce ciel parcouru de cirrus ouatés !".

On fait des phrases courtes (c'est frustrant parce qu'on a l'impression d'écrire comme un élève en CE1 ou comme l'autrice de Cinquante Nuances de Grey, mais tant pis, pas le choix) : pour une fois, plus c'est court, mieux c'est. Parole de quasi trentenaire : ça vous arrivera pas si souvent de raisonner ainsi, profitez-en.

Enfin, dernier tips : un combat, on l'a dit, ça va vite et comme ça va vite, ça peut vite devenir confus. Optez donc pour une narration strictement chronologique, sur ce coup-là. Exemple à ne pas reproduire chez soi :

Célestin para le coup de justesse. La lame de Pimprenelle se coinça dans sa garde. Les dents serrées, il la repoussa et saisit le poignard qu'elle avait laissé tomber cinq minutes plus tôt.

Rupture dans la chronologie, patatras, on sort de la scène. Essayez plutôt :

Pimprenelle se releva, furieuse. Du coin de l'œil, Célestin aperçut l'éclat de son poignard tombé dans le sable.

Pimprenelle attaqua. Il roula sur le côté pour l'éviter et bondit sur ses pieds. Son adversaire se jeta sur lui, l'épée en avant.

Célestin para le coup de justesse. La lame de Pimprenelle se coinça dans sa garde. Les dents serrées, il la repoussa et se baissa pour attraper le poignard.

S'obliger à rester strictement chronologique permet d'obtenir un déroulé plus fluide et haletant. 

L'autre avantage, c'est que cela vous oblige à préparer vos retournements de situation : on n'en a pas encore parlé dans ce bouquin, mais préparer, c'est primordial pour que vos twists n'aient pas l'air de sortir des fesses d'une vache (exemple : Daenerys qui extermine une ville entière après 7 saisons de libération d'esclaves et de protection des veuves et orphelins, ça c'est typiquement sorti de l'arrière-train d'une Charentaise).


Je veux un U !

Assurez-vous que c'est une scène Utile : votre scène de combat, fait-elle avancer l'intrigue ? Si vous aviez 500 pages max pour imprimer votre histoire et beaucoup trop de mots d'écrits (NON C'ÉTAIT PAS DU TOUT MON CAS AVEC MES CARMIDOR JE VOIS PAS CE QUE VOUS VOULEZ DIRE), est-ce que vous la garderiez quand même ? Vraiment, en avez-vous besoin ?

Je dis ça parce que selon l'INSUPP, 69 % des lecteurs interrogés déclarent "M'en balec des combats, c'que j'aime c'est les dialogues" : votre scène mérite-t-elle donc les quelques centimes qu'elle coûte pour chaque impression ? JDCJDR.


En parlant de l'INSUPP, sachez qu'il a désormais un logo officiel dessiné par LucieFirefly (à gauche le dessin original, à droite la version numérisée).

Il me faut un P

Soyez sûr que le combat révèle vos Personnages : je sais pas si vous vous êtes déjà battu (moi si, j'avais 9 ou 10 ans et j'ai flanqué une gifle à une petite conne à lunettes qui avait insulté ma maman)(je vous jure que c'est 100% vrai), mais dans mon souvenir d'enfant de 9 ans qui a aucune idée de comment faire ça, c'est un moment où vous perdez le contrôle.

Avouez qu'on s'en lasse pas

Bon bah typiquement, c'est un mauvais exemple : à 9 ans, je n'étais pas représentative de la typologie de personnes qui se livrent à la violence physique.

Mais où veux-je en venir ?

Globalement, les combats révèlent le pire de nos personnages : c'est donc l'occasion de nuancer un protagoniste trop gentil en le faisant céder à des manœuvres un peu déloyales (genre un croche-patte sournois, du sable dans les yeux ou un tube de JuL, des grands classiques pour terrasser les ennemis jusqu'aux plus coriaces).

Vérifiez au passage que Cindy, la meuf "ordinaire" de votre prologue ne s'est pas transformée sans raison en ninja : les scènes de combat doivent rester crédibles, ça tombe sous le sens.

Un Jean-Kévin de 16 ans ne peut pas empaler 4 ennemis avec une hallebarde alors que sa seule activité physique se limitait à faire le trajet salon-chambre dès lors que ses parents avaient l'audace de lui demander de vider le lave-vaisselle.

Oh et, au cas où : ça vaut aussi pour la magie. Pardon, mais Prune, 15 ans et demi, qui fait exploser ses adversaires de la force de son sphinc... DE SES POUVOIRS, on veut bien, mais uniquement si ça sort pas de nulle part. Sans aucune allusion bizarre, naturellement.


Raboulez le E

Créez de l'Enjeu : je veux dire, écrire une scène de combat, c'est chiant et compliqué. Devez-vous vraiment vous farcir une telle purge juste pour un vulgaire entraînement qui servira qu'à initier un rapprochement physique entre deux personnages ? Leur envie de niquer est-elle supérieure à votre douleur après 15h de boulot sur cette putain de scène dont les lecteurs se fichent, sachant que tout ce qu'ils veulent au fond, c'est que Martine insère son rouleau à pâtisserie dans le relevé bancaire de Joël ? (oui j'essaie de devenir tout public, j'suis pas encore certaine que ce soit réussi – je bosse sur la question).

Concrètement, est-ce que l'issue du combat intéresse les lecteurs ? Si Eude se fait latter la tronche par Clitorine, est-ce que ça importe à quelqu'un, ou n'est-ce qu'une question d'honneur pour Eude ? 

Globalement, si vos lecteurs se fichent du moral de Eude, considérez que ce critère n'est pas rempli et envisagez de remplacer la scène de combat par un dialogue sur le cours de la moule en Bretagne, ce sera pas moins pertinent – et ça, au moins, je suis sûre qu'on me demandera pas de l'aborder dans ce bouquin.


Et on termine par le R

L'une des difficultés d'une scène de combat, c'est de pouvoir raconter le ping-pong physique entre les adversaires (attaquer, parer, esquiver, contre-attaquer, feinter, etc). Si ça se limite à détailler chaque geste de manière technique, ça va ressembler à un match de tennis sans le son. 

Non mais imaginez 2 minutes un match de tennis sans les "ah !", "oh !" "han !" "oooooh !" et applaudissements : ce serait d'un chiant absolu (bon cela dit, je suis mal placée pour parler de ça, même avec ça je trouve ça chiant à mourir).

Ce qui rend les combats si intéressants, ce sont les Réactions des personnages : okay, Eude feinte, mais qu'est-ce que cela produit sur Mirabelle ? Ce moove ultra stylé de Capucine, ça énerve ou ça impressionne Louis-André ? (ne me demandez pas pourquoi mes exemples semblent tirés d'une école maternelle parisienne, je crois simplement que je ne suis pas encore prête à devenir mère)

La colère, la frustration, la peur, la satisfaction, mais aussi la fatigue et la douleur : vous devez accompagner votre passe d'armes des réactions adéquates, car ce sont elles qui vont indiquer au lecteur ce qui se passe concrètement, qui prend l'avantage, qui commence à faillir, et c'est ce qui va créer tout le drama.

Prenez garde à ce que la description des réactions de vos personnages ne soit pas plus longue que celle des actions pures, en revanche (cf. le premier point), mais n'oubliez pas non plus que leurs sentiments et leurs sensations physiques sont la clef d'un combat réussi : sans ça, c'est aussi efficace qu'une scène de cul où on se contenterait d'expliquer un mouvement de pénétration en long, en large et en travers.


Vous êtes venus à bout de la méthode SUPER ? Super ! (oui elle était facile celle-là, mais elle était préparée, donc j'ai le droit)

Je vous passe les conseils basiques du style...

➡️ "évitez d'entre-couper votre combat de longues tirades improbables" (vous êtes pas neuneus)

➡️ "pour écrire de bonnes scènes de combat, n'hésitez pas à en regarder et en lire krkrkrkr" (sans dec Sherlock)

➡️ "optez pour une playlist qui bouge" (moi mon astuce, c'est d'écouter du Wejdene, c'est nul et ça me donne envie de frapper des gens donc j'suis dans l'ambiance)(c'est faux)

Bref : je passe là-dessus, à ce stade la très sérieuse et recommandée méthode SUPER vous garantira déjà de bons résultats pour vos scènes de combat.

Mais ce n'est pas suffisant. Savoir écrire une scène de combat rythmée et qui prend aux tripes, c'est très bien, mais savoir le faire sans raconter trop d'âneries, c'est encore mieux.

Et c'est précisément ce qu'on va voir dans prochain segment.

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